Ovalie, une vie de rugby et d'amitié - Patrice Obert - E-Book

Ovalie, une vie de rugby et d'amitié E-Book

Patrice Obert

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Beschreibung

En suivant les quarante-deux petits chapitres de cet ouvrage, vous découvrirez le fil inattendu qui parcourt la vie de Patrice Obert

…de cette journée de collège où il découvrit par hasard le rugby jusqu’à ces rencontres d’aujourd’hui où il retrouve chaque année ses amis français et anglais autour de « l’OxPo Cup ». Un destin individuel, ses joies et ses peines, mais aussi celui d'une équipe. La force insoupçonnée d'un groupe qui sait survivre aux accidents de la vie et à la lassitude des corps. Et cette conviction intime que quiconque a partagé un jour un peu de son histoire ou de ses émotions, y trouvera toujours table ouverte… Au fil des années, des amitiés sont nées, intenses et discrètes. Elles sont aujourd'hui un immense privilège. Il fallait la verve de Christian Charuel, capitaine et Président fondateur de l'équipe « Old Boys », pour inscrire un récit aussi personnel dans la grande perspective historique et socio-culturelle de la planète Rugby.

Hommage enfin à Philippe Sella, l'un des plus flamboyants trois-quarts centre du XV de France et longtemps le plus capé de nos internationaux, pour avoir accepté d’ouvrir cet ouvrage en nous confiant tout ce que le rugby lui avait apporté et en nous associant à l’ambition des « Enfants de l'Ovale ». Cette association, créée il y a plus de dix ans, est présente sur nombre de terrains de banlieue et dans les pays émergents. Elle transmet les valeurs de ce sport et lègue un irremplaçable bagage qui accompagnera ces jeunes tout au long de la vie.

Le très beau témoignage d’une vie et d’un sport intimement liés

EXTRAIT

Le jour du match contre l’équipe des Anglais de Paris, je pris une bonne leçon de vie. Comme on l’imagine facilement, les Anglais de Paris ne sont pas une équipe mineure. Composée d’Anglais en transit plus ou moins prolongé à Paris, elle a belle allure. Notre ami Guy y joue toujours régulièrement et je peux vous assurer que Guy a gardé toutes ses jambes de vingt ans, enfin presque. Quand nous jouions dans notre jeunesse contre le Saint John’s, Guy nous faisait toujours penser au fameux arrière gallois de la grande équipe des Gareth Edwards et Barry John, JPR Williams, avec ses favoris épais et surtout cette furieuse façon de s’engager dans des courses cinglantes à travers le terrain.

A PROPOS DES AUTEURS

Patrice Obert, né en 1957, a commencé à jouer au rugby à dix ans à Paris. Depuis, il a toujours pratiqué ce sport, au lycée, à Sciences-Po, au service militaire, à l’ENA, puis dans l’équipe des Old Boys de Sciences-Po. Haut fonctionnaire, engagé dans l’insertion des jeunes et l’interreligieux, il est auteur d'essais socio-politiques, de pièces de théâtre et de nouvelles.

Christian Charuel, né en 1954, a découvert le rugby à neuf ans sur les pelouses de la Croix de Berny et n'a plus jamais quitté, depuis, la grande famille ovale. Cadre supérieur dans un grand groupe, il aime les voyages, les rencontres, les terroirs. Des engagements associatifs sur les terrains de la solidarité et du développement local. Membre de la « Société des Poètes Français » (Prix Sully Prudhomme 2014 et Grand prix des « Jeux Floraux méditerranéens » 2015).

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Patrice OBERT

OVALIE, une vie de rugby et d’amitié

AVANT PROPOS Philippe SELLA

PréfaceChristian Charuel

Avant-propos

Philippe SELLA, l’un des plus flamboyants trois-quarts centre du XV de France et longtemps le plus capé de nos internationaux, a eu la gentillesse d’accepter d’ouvrir cet ouvrage en nous confiant tout ce que le rugby lui avait apporté et en nous associant à l’ambition des « Enfants de l’Ovale ». Cette association, créée il y a plus de dix ans, est présente sur nombre de terrains de banlieue et dans les pays émergents. Elle transmet les valeurs de ce sport et lègue un irremplaçable bagage qui accompagnera ces jeunes tout au long de la vie.

Raconter la Vie, sa vie, à travers le Rugby ! Voilà un projet qui peut sembler original, bien que somme toute, pour nombre d’entre nous, assez naturel… Celui qui tombe dans cette drôle de potion magique n’en sort jamais vraiment indemne. On en reste imprégné sa vie durant.

J’ai eu la chance de pratiquer ce sport au plus haut niveau international et de vibrer aux émotions des plus grands stades du monde. Mais quand il m’arrive encore aujourd’hui de caresser cet étrange ballon, comme organisateur ou simple remplaçant dans un tournoi de printemps, sur un obscur terrain de banlieue, c’est toujours avec la même passion et le même plaisir.

Je sais ce que le rugby a apporté au jeune homme que j’étais. Fils d’agriculteur, je rêvais de devenir professeur d’éducation physique. Mes parents m’ont encouragé à poursuivre le rugby. Je serai éternellement reconnaissant à notre professeur de maths, qui nous enseigna les rudiments de ce sport. J’y ai appris la volonté, la rigueur, le respect des règles, la capacité de se surpasser, la solidarité, le plaisir du jeu. Sans le rugby, je serais sans doute devenu agriculteur moi-même, suivant le destin paternel. C’est le rugby qui m’a permis de me réaliser, de faire des rencontres qui sont le sel de la vie et de devenir l’homme que je suis aujourd’hui.

Un trésor, ça ne se garde pas jalousement pour soi, ça se partage. C’est la raison pour laquelle j’ai fondé, bien plus tard, l’association des « enfants de l’Ovale ». Nous aidons ainsi les jeunes défavorisés à tracer leur voie, à mieux trouver leur place dans la société. Ils doivent pour cela découvrir l’estime d’eux-mêmes et le goût des autres. Jamais je n’oublierai cette fillette marocaine qui me confiait récemment avoir trouvé dans le rugby « une source d’espérance »…

Aussi, quand Patrice et Christian m’ont fait part de leur projet et m’ont proposé de préfacer leurs textes, j’ai tout de suite accepté. Venant de deux presque « soixantenaires » qui ne peuvent toujours pas se passer des odeurs de la pelouse et du vestiaire, ils traduisent cette envie de faire connaître tout ce que ce sport leur a apporté, tout ce qu’il nous a offert et que nous souhaitons vraiment, tous ensemble, faire partager.

Christian Charuel, né en 1954, a découvert le rugby à neuf ans sur les pelouses de la Croix de Berny et n’a plus jamais quitté, depuis, la grande famille ovale. Cadre supérieur dans un grand Groupe, il aime les voyages, les rencontres, les terroirs. Des engagements associatifs sur les terrains de la solidarité et du développement local. Il est membre de la « Société des Poètes Français » (Prix Sully Prudhomme 2014 et Grand prix des « Jeux Floraux méditerranéens » 2015).

Il fallait son vécu de capitaine et Président fondateur de l’équipe « Old Boys », pour inscrire le récit qui va suivre dans la grande perspective historique et socio-culturelle de la planète Rugby.

Il fallait son amour de la langue française et son éloquence, enrichie par tant d’exhortations d’avant match et de discours de troisième mi-temps, pour donner le cadre qu’elle mérite à cette trajectoire singulière et intimiste.

L’hémisphère ovale de la vie

Étrange ambition que de livrer cinquante ans d’une vie au prisme du ballon ovale !

Patrice Obert est un parfait « honnête homme ». Sa curiosité naturelle et sa boulimie d’écriture offrent en partage ses réflexions sur le monde tel qu’il va ou… ne va pas. Sa rayonnante bonhomie lui permet d’intégrer bien des milieux de la vie publique, de la littérature, du spectacle et de « l’action solidaire ». Il est homme de culture, à l’écoute de l’autre et de la Cité.

Patrice est un touche-à-tout modeste et talentueux. Ses écrits alternent à profusion la nouvelle, le théâtre, le pamphlet ou l’essai sociopolitique… Dans le petit monde du rugby, pourtant si attaché à la spécificité des rôles, il s’est vu occuper, sur le terrain, tous les postes entre le n°6 et le n°15 ; une réelle originalité, aux limites de l’excentrique.

Ceux qui n’avaient pas de bambins entre cinq et dix ans dans les années quatre-vingt-dix, ne peuvent comprendre pourquoi nous l’appelions « Petit Pois ». C’est un surnom empreint de toute l’affection et du respect dus à l’auteur de ce conte pour (grands) enfants qui s’est joué à guichets fermés, pendant des mois, au petit théâtre du jardin d’acclimatation : entre « le Magicien d’Oz » et « le Petit Prince », mise en scène enlevée et musique devenue à la longue exaspérante (tant les gamins en exigeaient en permanence la diffusion…).

Enfant, au sortir du cocon familial, se retrouver pour la première fois sur un terrain de rugby, est un choc dont on se souvient jusqu’au soir de sa vie ; un choc à la fois brutal et libérateur. Dans nos sociétés modernes, industrielles et développées, les approches éducatives sont souvent marquées par bien des inhibitions, une difficulté à valoriser le corps, une approche narcissique du savoir, un sens très individualiste de la compétition… Le rugby est un parfait antidote à toutes ces pesanteurs. Il apprend la mesure de soi et le besoin des autres. Il permet de découvrir un corps maladroit qui n’est pas que fardeau mais aussi facteur d’épanouissement. « L’autre » n’est plus cet étranger hostile ou intimidant mais peut devenir un partenaire auprès duquel on se sent plus fort ; s’il est un adversaire, on le respecte et on l’affronte, droit dans les yeux, selon des règles admises par tous. Dominer sa peur, se faire admettre et reconnaître par le groupe, apprendre le sens du dépassement, découvrir la confiance en soi… On est au cœur de ce qui nourrit la transition difficile de l’adolescence à l’âge adulte. Les tribus primitives mettent en scène des rituels de passage en demandant aux jeunes d’une même génération de survivre seuls, une semaine dans la jungle, ou de rapporter la dépouille d’un grand fauve…

Le rugby permet dans nos sociétés très (trop) policées d’appréhender quelques versants souvent cachés de la vie : la mesure de ses capacités physiques et de sa force morale, la prise de conscience de ce que l’on doit à l’équipe et de ce que l’on est à même de lui apporter… Il apprend à garder le cap et à rester soi-même malgré l’adversité et les aléas du moment, qu’il s’agisse des injustices d’une blessure, des rebonds du ballon, de la violence des intempéries, des erreurs de l’arbitre.

Le rugby a ceci de particulier d’être un « sport collectif de combat » ; il est même le seul à pouvoir répondre à une telle définition. L’enjeu est un gain de terrain. La « terre promise » est ce rectangle d’herbe, en territoire adverse, auquel on accède lorsqu’on franchit la ligne « d’essai ». Quelques formules un peu simplistes permettent d’initier les profanes : « C’est quand la mêlée avance de trois centimètres que le trois-quarts aile peut progresser de trente mètres en bout de ligne… » Il faut en effet sans cesse « gagner du terrain », et c’est pourquoi le « combat collectif » conditionne toutes les autres phases de jeu. Si l’affrontement peut passer par un tête à tête, il prend très vite la forme d’une poussée collective pour mettre l’adversaire en difficulté. Quelques secondes d’hésitation dans un contact peuvent conduire l’ensemble de l’équipe à reculer et chacun sait bien, en se couchant sur le ballon, qu’il se fera labourer par les crampons adverses si ses coéquipiers ne viennent pas très rapidement en soutien.

Ce rapport étroit au « territoire » qu’il faut défendre ou conquérir, peut expliquer le vif attachement des équipes à leur ville, à leur école, à leur terroir ; il se traduit souvent par un style de jeu qui est partie intégrante du patrimoine du club, comme une identité socioculturelle dans laquelle chacun aime à se retrouver. C’est ainsi que les Biterrois se reconnaissent à la cohésion des « légions de Septimanie », les Bayonnais à leurs arabesques imprévisibles, les Toulonnais à leur goût du défi physique, les Montois à la dextérité de leurs transmissions, les vieux clubs parisiens à leur dilettantisme plus ou moins inspiré.

Les « derbys » sont les rencontres de proximité où l’on retrouve un concentré de toutes les rivalités locales. Ils remontent à la « soule » médiévale lorsque la population devait s’emparer d’une baudruche bourrée de paille et la ramener sur la place du village, les adversaires du village voisin mettant tout en œuvre, bien entendu, pour les en empêcher. Le rugby est ainsi longtemps resté dans le Sud-Ouest un sport mettant en scène des rivalités villageoises et leurs querelles de Clochemerle. La codification contemporaine du jeu date de l’Angleterre coloniale, mi-xixe siècle, qui lui attribuait de telles vertus éducatives qu’elle en fit une discipline obligatoire dans la formation de ses élites, au sein des plus prestigieuses Public Schools du royaume. La diffusion de ce sport en France relève aussi de préoccupations éducatives, mais avec un tout autre public. Elle renvoie aux choix qu’ont fait les instituteurs de l’école républicaine, au tout début du xxe siècle, au point que l’implantation du ballon ovale dans notre pays recouvre la carte du « midi rouge » et, plus largement, celle de la « France radicale ». Dès lors la hiérarchie catholique s’est détournée du rugby et les patronages ont créé leurs équipes de… football. Voilà pourquoi, aujourd’hui, une simple consultation de la géographie électorale des iiie et ive Républiques permet de bien distinguer les terres de rugby (de couleurs rose et rouge sur les cartes) des dégradés de bleu où dominent « manchots » et autres « pousse-citrouilles »…

Cette implantation à l’origine méridionale et rurale dans notre pays (aristocratique et universitaire outre-Manche) se retrouve au palmarès du championnat de France qui sacre un « village » tous les vingt ans : Quillan (1929), Carmaux (1951), La Voulte (1970), Castres (1993)… Des « derbys » décident aussi, parfois, du titre en finale : Bayonne/Biarritz (1932), Dax/Mont de Marsan (1963), Béziers/Narbonne (1974)… Souvent harcelé dans la tourmente du derby basque, Patrice Lagisquet, ancien joueur de Bayonne et entraîneur de Biarritz, déclarait quant à lui que « le derby » c’était le moment de l’année où on lui demandait des « réponses idiotes à des questions idiotes… »

Chaque année, au début des années soixante-dix, le titre de Champion de l’Ile de France (minime, cadet, junior) se jouait dans la rivalité entre l’US.Métro et le Racing Club de France. C’est ainsi, qu’au cœur même de la capitale, se répandait l’atmosphère enfiévrée des derbys de province. Aux uns (US.Métro), la rive gauche avec les lycées Henri IV et Lakanal, les bistrots de la Porte d’Orléans, le Stade de la Croix de Berny. Aux autres (le Racing.C.F), la rive droite avec les lycées Condorcet et Carnot, les bistrots de la Porte de Champerret et le stade de Colombes. Parfois même les familles étaient divisées. J’étais le n°8 de l’US.Métro et mon vis-à-vis du Racing n’était autre que mon cousin. Nos pères, anciens rugbymen sous les mêmes couleurs, calmaient le jeu par des propos sages et distanciés mais… n’en pensaient pas moins. Notre grand-père commun, après avoir été pris à parti dans l’hystérie communicative qui régnait aux abords du terrain, avait décidé une bonne fois pour toutes de ne plus venir voir jouer ses petits-fils. Il fallait suspendre les repas de famille à certaines périodes de l’année. Le dernier en date s’était déroulé dans un climat plutôt pesant : l’un de nous avait gagné mais ne pouvait rien mettre dans la bouche pour cause de mâchoire enfoncée ; l’autre avait quelque mal à avaler son poulet car… il avait perdu.

Chacune des deux équipes portait sur ses jeunes épaules bien plus que son modeste talent et l’enjeu du titre régional. Elle était l’héritière d’obscurs contentieux qui franchissaient les générations et d’un certain nombre d’idées reçues qu’il fallait bien assumer. Le Racing au glorieux passé avait l’arrogance des gens bien nés, s’affichait en gardien des plus nobles traditions et jouait de ses quartiers de noblesse pour donner des leçons de rugby à la terre entière. L’US.Métro avait des racines de « club corpo », la gouaille des banlieusards et savait bien, au fond, qu’il ne lui suffisait pas de gagner pour être reconnu. Admettons qu’à force d’être regardés comme des voyous, il fallait bien, de temps à autre, essayer de l’être quelque peu…

Après quatre à cinq ans de rencontres au sommet, je me souviens d’un match en juniors où la passion des deux camps avait franchi les limites de la bienséance. Le match devait bien sûr se dérouler en lever de rideau d’une rencontre de première division, sur la pelouse superbe et enviée (depuis les JO de 1924) du grand stade de Colombes. Nous avons appris la veille que la rencontre aurait finalement lieu sur l’un des terrains annexes d’entraînement qui, en fin de saison, ressemble plus à un champ de labour profond et spongieux qu’au gazon de Wimbledon. L’équipe du Racing craignait la vitesse de nos trois-quarts et souhaitait profiter au maximum des kilos supplémentaires de son pack d’avants. Ils comptaient dans leurs rangs six internationaux, quand nous ne disposions que de la rage de vaincre du petit qui sait qu’il va affronter plus fort que lui. La légende veut que pour être bien certains de bénéficier de l’avantage du terrain, les jardiniers du cru aient consciencieusement arrosé la pelouse la nuit précédant la rencontre. Au coup d’envoi, faute de tribunes, il fallut que la (petite) foule de passionnés, parents, amis, fidèles des deux clubs, se répartisse le long des lignes de touche. C’est ainsi qu’un double ou triple ruban de spectateurs se massait tout autour du terrain. L’un des meilleurs arbitres français avait été désigné pour ce match à haute tension ; il n’avait pas prévu qu’il aurait (aussi) à gérer cette foule indocile qu’il fallait faire reculer à chaque arrêt de jeu et qui se refermait bruyamment, telle une pieuvre incontrôlable, sur les joueurs qui se voyaient poussés en touche. Tous les anciens vous diront qu’il est beaucoup plus impressionnant de jouer devant trois cents spectateurs en lisière de terrain que devant trente mille personnes assises en tribune.

Les péripéties du match ne sont pas toutes racontables. David a vaincu Goliath avant… de perdre largement, quelques mois plus tard, pour le titre. C’est dans l’adversité que l’on nourrit une énergie collective insoupçonnée. Épuisés, hagards, regards lumineux sur masques de sang et de boue, seuls contre tous et tout au bout d’eux-mêmes, une poignée de maillots bleus s’étreignaient au coup de sifflet final. Certains venaient de disputer le match d’une vie. Chorales et trompettes sont un peu éraillées ; des supporteurs dépités abandonnent la place ; on y compte quelques dames un peu mûres de l’ouest parisien quittant sans regrets un bourbier dont elles se souviendront. Le manteau de fourrure avait perdu de sa superbe et quelques parapluies démembrés prenaient des humeurs d’œuvres avant-gardistes.

Le club du « Racing Métro 92 » est aujourd’hui l’un des plus prestigieux qui soit en France et dans le monde. Il est issu d’une fusion au sommet rendue nécessaire par le nouveau contexte du rugby professionnel. Rares sont ceux, parmi les spectateurs qui remplissent le vieux stade de Colombes, à garder en mémoire ces rendez-vous passionnels qui remontent à plus de quarante ans… Il ne s’agit plus désormais de suprématie francilienne ; tous se retrouvent au soutien de l’une des plus belles équipes européennes du moment, autour de quelques bières, à la Bodega du club.

Mes années lycée abritaient plusieurs cercles, assez étanches les uns aux autres. Celui du rugby était regardé par nos congénères comme une sorte de secte mettant en partage d’étranges rituels et d’étonnantes complicités, par-delà les affinités apparentes, le « look » de chacun ou sa classe d’appartenance. Au hasard de la sectorisation ou de justes recommandations, mon lycée comptait un certain nombre de bons joueurs de rugby que l’on retrouvait, le dimanche, sur les pelouses prestigieuses du PUC, du Racing ou de l’US. Métro. Ils vivaient deux fois par semaine, dans leurs clubs respectifs, des moments héroïques et joyeux, complètement inaccessibles aux non-initiés. Au fil d’emplois du temps difficiles à coordonner, la passion ovale passait d’une cour du lycée à l’autre, mobilisait le lundi matin des commentaires véhéments sur les matchs du week-end, agitait de temps à autre l’arrière-salle des cafés de la montagne Sainte-Geneviève. Mais lorsqu’approchaient les rencontres au sommet entre nos clubs rivaux la tension devenait palpable. À l’occasion de chaque interclasse, de « grandes oreilles » cherchaient à savoir comment s’était passé le dernier entraînement, si un tel était blessé ou si tel autre serait retenu dans l’équipe type le dimanche suivant… Fausses nouvelles et vraie désinformation prenaient le pas sur nos complicités ovales car notre vraie famille était bien celle du club et non celle du lycée.

Pour autant, sous l’amicale pression du professeur d’éducation physique chargé de l’équipe de rugby, nous nous retrouvions volontiers, en fin de saison, pour disputer, le jeudi après-midi, les matchs du championnat d’académie. Rassemblés sous les couleurs jaune et noir et le blason H4, nous jouions toutefois avec les chaussettes de nos clubs respectifs, comme cela se pratique chez les « Barbarians », formidables baladins, avant tout citoyens du monde et d’Ovalie. Pousser aux côtés de ceux que nous côtoyions cinq jours sur sept, dans la cour du lycée, était plutôt dans l’ordre des choses. Mais sitôt la victoire arrosée, vieilles rivalités et futurs défis reprenaient le dessus.

J’ai évolué dans bien des équipes, de la deuxième division nationale aux séries régionales en passant par le championnat d’académie et les rencontres universitaires. Ma culture est celle du jeu d’avants, des joutes obscures et des avancées collectives ; mon poste fétiche est le n°8, celui qui se doit d’être au carrefour de toutes les phases de jeu. Dans ces différentes équipes, je ne comptais pas parmi les plus performants. J’ai toujours été un joueur assez ordinaire et pourtant, souvent, le « capitaine ». Cette étrange institution a mission de représenter et de conduire l’équipe ; elle est assez spécifique au monde du rugby. Le capitaine est au front des « Tests » comme des « Toasts ». Par-delà le petit speech d’après match, il est l’interlocuteur de l’arbitre et le seul à pouvoir s’exprimer sur le terrain. Il doit, au fil de la rencontre, sentir et analyser les orientations tactiques et l’état des forces en présence pour adapter les options de jeu. Lorsque l’arbitre perd le contrôle de la partie et ne peut identifier les responsabilités, la jurisprudence veut qu’il soit cité devant la commission de discipline et, parfois, sanctionné pour l’exemple. Il porte par ailleurs les aspirations de ses partenaires auprès des dirigeants et se pose en garant des règles de vie que se donne le groupe. Je dois aujourd’hui avouer, comme Ledru-Rollin sur les barricades de 1848, qu’il m’est parfois arrivé d’admettre « qu’étant leur chef, il fallait bien que je les suive ! »

Ce fonctionnement assez particulier des équipes de rugby est un lointain héritage des Public Schools victoriennes, lorsque la déontologie exigeait que « le jeu appartienne aux joueurs ». Il n’y avait ni président de club ni entraîneur et c’était au capitaine qu’il incombait de sélectionner l’équipe, de définir les options de jeu et d’exercer son leadership dans les bourrasques de la partie. À l’origine, il n’y avait pas non plus d’arbitre ; les deux capitaines, en toute loyauté, après consultation de leurs coéquipiers, décidaient si l’essai était accordé ou non. Et dire qu’aujourd’hui, dans nos modernes rencontres affublées de quatre arbitres et bardées de dispositifs vidéo, les palabres se multiplient ! On ne peut au bout du compte que déplacer un seuil d’incertitude qui, de toute façon, fera toujours partie du jeu… Notons qu’au début des années soixante-dix, lorsque les Gallois ont officialisé l’existence d’un « coach » et organisé des stages de préparation avant les grands matchs, ils faillirent se faire exclure du concert international par les tenants de la tradition car ils portaient ainsi atteinte à l’autonomie de l’équipe et au pilotage exclusif du capitaine.

Qu’elles en aient vraiment conscience ou non, les équipes de rugby vivent encore sur ces vieux repères. Elles édictent leurs règles de vie, elles « s’autogèrent » et rares sont les dirigeants qui osent prendre radicalement le contre-pied des vœux du groupe. Je me souviens encore d’une bande de gamins de dix-huit ans qui avaient décidé que ceux d’entre eux qui seraient appelés à jouer en équipe première sénior devraient y renoncer, afin de pouvoir terminer la saison au sein du même « groupe », celui dont ils se sentaient le plus proche. L’influence des dirigeants d’alors se mesurait à la longueur du cigare et au volume du « gros-pardessus ». Ils avaient cherché à nous intimider en nous convoquant dans la salle du conseil de la grande entreprise qui patronnait le club. Sous une avalanche compacte de paternalisme bon enfant et de fureur disciplinaire, l’équipe ne se désunissait pas. Elle a tenu bon même si, à vrai dire, dans cette guerre intestine, il n’y eut au bout du compte que des perdants.

Comme sait le rappeler Marcel Rufo, pédopsychiatre bien connu et préparateur mental de la grande équipe toulonnaise des années quatre-vingts : à l’instar de tout individu, « une équipe qui n’a pas de passé ne peut avoir d’avenir ». Toute équipe de rugby a son histoire, sa personnalité, ses choix de vie, sur le terrain comme à la ville. Elle tolère mal les ingérences surtout si elles émanent d’instances extérieures au terrain ou à la vie du groupe. C’est d’ailleurs l’un des ressorts les plus fréquemment utilisés par le capitaine ou l’entraîneur lorsqu’ils en appellent à la cohésion et au sursaut.

L’arrivée du professionnalisme pouvait infléchir ces spécificités dès lors que « l’amour du maillot » est moindre (puisqu’on en change souvent) et que le dirigeant est (aussi) un employeur. On constate dans ce domaine, comme dans bien d’autres, que le rugby résiste et n’est pas vraiment devenu un sport comme les autres. En passant du « Temps des bonis » au « Temps des bonus », l’esprit de corps n’a pas fondamentalement changé et la solidarité reste bien une valeur première. Une équipe de rugby sera toujours une addition de fortes têtes, à tout le moins de vraies « personnalités », qui se fondent de leur plein gré dans le moule commun. Le groupe ne saurait s’épanouir pendant les quatre-vingts minutes de la partie que s’il a « du caractère » et il n’y a aucune raison qu’il y renonce une fois le match terminé. Le capitaine est un peu le garant, sur et hors du terrain, de cette identité, de cette cohésion et de cette force morale.

Voilà quelques décades que je ne devrais plus, raisonnablement, me présenter sur un terrain de rugby. Mais nous sommes quelques-uns, plus « accros » que la moyenne, à ne pouvoir s’arrêter… Il existe pour ce type d’attardés des équipes baptisées, avec plus de tendresse que d’ironie, « Old Boys » ou « Folklo ». C’est ainsi que l’on pouvait encore croiser, à près de quatre-vingts ans, Alfred Sauvy et Haroun Tazieff dans les demi-brumes d’un dimanche matin à Bagatelle. En un raccourci saisissant, ils fréquentaient le même vestiaire désuet (son clocheton « Belle époque » et ses douches froides) que Gaston Gallimard, Jean-Baptiste Charcot, Jean Giraudoux ou Pierre Mac Orlan, pionniers d’un jeu qui, à la fin du xixe siècle, se limitait à quelques grands clubs parisiens.

Par quelle étrange alchimie se retrouve-t-on, aux portes de la soixantaine, sur un terrain, en short et en crampons, alors que chaque réveil s’accompagne déjà de multiples douleurs articulaires et vertébrales ? Il y a bien longtemps que l’on ne cherche plus à nourrir un palmarès ni un quelconque curriculum vitae. L’explication basique d’un refus de vieillir n’est pas non plus la bonne tant chacune de ces rencontres et leurs bobos divers rappellent, au contraire, bien cruellement, que l’on a largement dépassé la date limite pour gambader sur le pré. Cette difficulté à rompre avec le terrain tiendrait plus à des raisons sensorielles, comme s’il existait une sorte d’addiction aux odeurs, aux couleurs, aux émotions qui entourent la pelouse et le vestiaire. Dans notre quotidien aseptisé, d’assurance qualité, d’audioconférences climatisées et autres contrats d’objectifs, il n’y a plus véritablement de place pour l’échange, l’inspiration, l’affect… C’est là une raison majeure pour venir recharger la petite batterie indispensable et invisible qui sait emmagasiner les échos du vestiaire, les fulgurances du jeu, les étreintes du stade… Dans cet étrange cocktail de vieux alcools hors d’âge on retrouve pêle-mêle : des bancs de bois qui grincent, le cliquetis des crampons sur la dalle, les odeurs d’embrocation, de cuir rance et de maillots propres, les humeurs de brumes froides et d’herbe fraîche, de pelouses poussière et de gorges sèches, les chocs bleuis, la douche moite, la tête lourde, les chairs mâchées, la patine du zinc et des comptoirs cirés, la pénombre des pubs et l’éclat du houblon, les tables qui s’allongent, la nuit qui s’éternise.

Antoine Blondin qui hante encore tous les bistrots d’Ovalie, disait « ne pouvoir vivre sans la fraternité des troisièmes mi-temps ». J’ajouterai qu’on ne s’y abandonne pleinement que si on a vraiment disputé les deux premières. Vu de loin ou commenté par des profanes, il n’y a là que rassemblement informe, braillard et paillard… C’est à l’inverse un rituel festif qui a ses codes, ses thèmes, ses figures libres et imposées… Elle passe par quelques petits discours convenus pour remercier le club invitant de son accueil, féliciter l’arbitre et le vainqueur, invoquer le bon esprit de la rencontre. Elle exige surtout de partager le « pot » d’après match avec ses adversaires ; la convivialité et la chaleur de ces instants sont en général à la mesure de l’âpreté de l’affrontement, un peu plus tôt, sur le terrain. Qui n’a jamais vu deux « piliers de mêlées » au coin du bar, refaire le match qui les a opposés, en s’offrant quelques bières, ne peut vraiment imaginer ce que « respect » veut dire… Quelques exceptions viennent confirmer la règle incontournable qui suppose de réunir chaleureusement vainqueurs et vaincus au « club house ». Cela peut arriver lorsque le match fut émaillé d’incidents que la règle du jeu et la morale réprouvent. Dans ce cas, l’équipe offensée remonte dans le car et quitte les lieux en boycottant la réception d’après match et les échanges rituels qui l’accompagnent. Ces scénarios sont rares, mais chacun a pu les rencontrer dans une vie de rugby. En pareils cas, si les acteurs se retrouvent cinq, dix ou trente ans plus tard, c’est toujours une explosion jubilatoire, comme pour (enfin) conclure un match inachevé. Ils quittent leurs interlocuteurs sur le champ, s’étreignent longuement et s’installent au premier comptoir venu pour… rattraper le temps perdu. Ils reprennent le fil de ce match homérique ; ils rejouent cette journée maudite et finissent par réécrire le rugby, la vie, le monde (en ces moments c’est du pareil au même).

Mais la troisième mi-temps ne s’arrête pas, entre quatre yeux et quelques verres, à l’exorcisme de l’affrontement qui s’achève. Elle peut se sédentariser, au club house, jusqu’au bout de la nuit, ou prendre les chemins de traverse d’une errance plus ou moins maîtrisée à travers la ville. Certains souhaitent prolonger l’intimité entre coéquipiers ; enfin détendus, se laissant gagner par une lassitude un peu euphorisante, ils échangent silences et regards complices… D’autres aiment rejoindre les supporters qui rêvent tous d’approcher les héros du jour ; l’occasion de se faire inviter à chaque table pour y partager les émotions de la rencontre… C’est aussi le moment pour la famille, les amis, de se joindre à la fête. Il est peut-être temps de régler à ce propos, une bonne fois pour toutes, l’injuste procès en « machisme » instruit contre les rugbymen. Il y a bien longtemps que nos compagnes s’invitent au match et participent pleinement aux réjouissances qui en découlent. Sachons toutefois rendre un juste hommage à toutes les « Pénélopes d’Ovalie » qui doivent accepter que tant de soirées et longs week-ends puissent être consacrés au culte de ce ballon bizarre.

Au fil de la soirée, les « figures libres » de la troisième mi-temps s’installent dans un certain désordre, tolèrent quelques excès. Elles sont un nécessaire exutoire aux appréhensions de l’avant match, aux séquelles de l’affrontement, à la tension mentale qui ne doit jamais nuire au relâchement musculaire, aux nécessités de garder la tête froide dans la confusion des corps à corps… À l’ordre apollinien de la pensée et de la discipline athlétique, succède le désordre dionysiaque des sens. Les deux premières mi-temps font l’apologie sculpturale des corps et de l’intelligence qui les met en mouvement ; la troisième mi-temps quant à elle, délire, s’enivre, ensemence… C’est le souffle obscur et rafraichissant de la nuit venant soulager des brûlures du jour.

Suivre les rebonds de la planète ovale est une gymnastique qui, très jeune, permet de tout comprendre aux décalages horaires, à l’inversion des saisons dans l’hémisphère austral, à une moderne « théorie des climats » qui veut que chaque nation épouse le style de vie de ses intempéries… C’est ainsi que l’on apprend à déguster au petit-déjeuner un test-match à Auckland, à trouver normal que l’herbe kikuyu soit déjà sèche et l’oxygène rare en juillet au Transvaal (à moins que ce ne soit l’inverse), ou que les bourrasques sont toujours imprévisibles dans la tempête d’un ciel irlandais. Le profil sociologique des équipes permet d’en mieux comprendre les traits de caractère : la solidarité galloise est celle de générations de mineurs qui ont accédé à la lumière par la grâce de ce jeu, les joueurs anglais ont l’arrogance des élites se sachant nées pour gouverner, les Néo-zélandais sont des fermiers écossais qui n’ont réussi à intéresser la mère patrie qu’en la dominant dans cet exercice qui lui est si cher, les Argentins quant à eux, ont fait du rugby une coquetterie de la classe dirigeante et confirment qu’ils sont bien des Italiens, parlant espagnol mais aimant surtout se prendre pour des Anglais… Le rugby imprègne si profondément certaines sociétés qu’il peut aussi être une formidable initiation à la vie politique : pourquoi et comment ce sport est-il la seule activité pratiquée sous le même maillot par les républicains irlandais et les « unionistes » de l’Ulster ? L’adoption passionnée par les populations maories « natives » de ce jeu importé par les Britanniques en fait le creuset naturel de la jeune nation néo-zélandaise (une pratique aussi fusionnelle entre population d’origine et colons est quasiment unique au monde). L’émergence d’un monde « multipolaire » fut accompagnée sur la planète Rugby, à l’initiative de la France, par l’intégration au concert international des nations latines et d’Europe orientale ; ce vaste mouvement, en brisant le monopole Anglo-saxon au sein de l’International Rugby Board, devait aboutir à la création d’une « Coupe du Monde » en 1987. Comment oublier par ailleurs la formidable leçon de Nelson Mandela qui fit du maillot des Springboks l’un des leviers de la nouvelle « nation arc-en-ciel » alors même qu’il était jusque-là l’un des symboles du régime de l’apartheid ?

Disputer un match de rugby est toujours une fantastique opportunité de rencontres. Notre premier déplacement à Oxford fut l’occasion de découvrir une ville à l’atmosphère unique, une manière de concevoir l’enseignement supérieur, une façon d’être et de jouer au rugby, comme un pèlerinage vivant aux sources de notre jeu. Ces collèges ont la majesté d’austères cathédrales. Les espaces d’étude s’offrent comme l’écrin rigide et intimidant d’un vieux cloître mais ils savent aussi proposer l’intimité d’une maison de famille où l’on aime à retrouver ses marques. Tout est mis en œuvre pour favoriser la réflexion et l’épanouissement individuel, mais… à de strictes conditions : respecter les principes de vie commune définis par le groupe et bien connaître tout un écheveau de règles, usages et rituels dont la seule légitimité tient aux quatre cents ans de l’institution. On comprend mieux dès lors la place si particulière accordée au rugby dans ces doctes établissements. Il valorise la force tout en la soumettant au droit. Il s’appuie sur un engagement athlétique extrême alors même que le gain de la partie suppose intelligence tactique, capacités d’adaptation et sang-froid. Il exige courage, initiative et créativité sans jamais transiger sur les disciplines et les intérêts du collectif. Autant de valeurs et principes de comportement qui ne s’apprennent pas dans les livres mais supposent des mises en situation. Ils s’adressent, depuis les grandes heures de l’Empire, à des jeunes gens appelés à commander, à entreprendre et à faire valoir un leadership. S’il y a valeur éducative, c’est bien que l’on se trouve au cœur des subtils équilibres qui fondent toute vie en société : entre État de droit et État de jungle, initiative personnelle et discipline de groupe, nature et culture, performance individuelle et réussite collective.

Par-delà les grands principes, ces vénérables colleges sont des temples du savoir et du savoir vivre. On y enseigne un certain nombre de choses un peu secondaires comme le droit ou la médecine pour ceux qui se doivent d’être avocat ou médecin ; on vous y apprend surtout à devenir un English man. C’est ainsi qu’au bout de quelques mois, vous savez que rien n’a véritablement d’importance, et qu’en tout cas rien de fondamentalement grave ne saurait vous arriver quand vous avez la chance d’être né « britannique » et d’avoir étudié en ces lieux… En toutes hypothèses la terre entière restera éternellement peuplée de « barbares ». Si le plus grand respect doit être manifesté à l’égard de tous les peuples, il va de soi qu’il est absurde et inutile d’essayer de leur inculquer ces « savoir-être » so british