Petits contes diaboliques - Landry Miñana - E-Book

Petits contes diaboliques E-Book

Landry Miñana

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Beschreibung

Bien loin des représentations habituelles, à la manière d'antan, diaboliquement saupoudrés de finesse et d'humour, ces petits contes fantastiques vous emmèneront au travers des siècles et des légendes, à la découverte du Diable comme vous ne l'avez jamais vu. Tout a commencé un beau jour, au Paradis, un ange est apparu, Lucifer...

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Seitenzahl: 119

Veröffentlichungsjahr: 2018

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Table des matières

Le briseur de rêves

Crise d’ado

La fontaine de la vérité

Le marchand d’histoires

La cuvée de Jupp

Le souffleur des âmes

Le chronographe

La cloche d’airain

Les trois petits ramoneurs

Les Schnitzels du Diable

~ 1 ~

Le briseur de rêves

« L’imagination et le rêve ont ceci en commun qu’il existe quelque chose de magique en eux et il suffit de si peu de choses pour que naisse un univers fabuleux propre à tout homme. Chaque rêve est un bout d’âme et chaque âme a besoin de rêves. Ainsi, briser un rêve c’est comme arracher un morceau d’âme... »

Tel était le thème de la dissertation du jour et il n’avait pas l’air d’inspirer grand monde. Un silence de cimetière planait au-dessus des petites auréoles ce qui n’était pas du goût des maîtres d’autant que l’exercice comptait pour l’examen final. Aussi, au bout d’un moment qui parut une éternité, le grand maître crut bon de préciser qu’il fallait parler de sa propre expérience. Cependant aucun ange n’avait encore eu l’occasion d’expérimenter sur le sujet et Lucifer osa en faire la remarque. Et tout ce qu’il redoutait arriva par la suite ! Le grand maître réfléchit quelques instants suite à son intervention puis décréta une séance de travaux pratiques chez les humains. Depuis des lustres, ces séances de travaux pratiques consistaient à envoyer les petits anges un peu partout sur la Terre, sous des apparences très diverses, au sein de familles d’humains. Et ça Lucifer le détestait ! Il pouvait prendre l’apparence d’un homme, ou d’une femme, d’un garçon, d’une fille ou d’un bébé voire même d’un animal. Il ne pouvait pas choisir ! Il ne choisissait pas non plus, là où il devait atterrir... Seul le maître déterminait les destinations et les apparences. Il aurait bien voulu, lui, décider de son apparence et de sa destination, il aurait été mieux préparé et donc plus efficace ! Mais non, il en était autrement. Dans un brouhaha d’excitation, les petits anges se mirent en rang et passèrent les uns après les autres sous le grand portail. À chaque passage, le gardien de la porte notait la destination de l’élève sur son grand livre puis grommelait quelque chose entre ses dents supposé informer le petit ange de sa nouvelle apparence et de sa mission. Puis l’élève disparaissait. Le problème était que le vieux gardien ne connaissait que l’araméen et cette langue n’était plus parlée, ni enseignée depuis plus de 3 000 ans. Aussi personne ne comprenait jamais rien à ce qu’il disait, ni ne savait vraiment s’il comprenait lui-même quelque chose à ce qu’on lui demandait. Ainsi lorsque ce fut le tour de Lucifer, celui-ci ferma très fort les yeux et ne voulut plus les ouvrir avant d’arriver sur Terre.

Mais, au bout de quelques minutes, il entendit une petite voix qui lui susurrait des mots à l’oreille. Pensant encore à un mauvais tour de l’un de ses camarades, Lucifer ne bougea pas. La petite voix recommença et cette fois-ci le petit ange comprit qu’on lui demandait s’il souhaitait du sucre dans son thé !

« Du thé ? Mais qu’est-ce donc ? » se demanda-t-il.

La curiosité eut raison de lui et il ouvrit un œil, puis deux. Un flot de lumière l’empêcha tout d’abord de discerner le lieu où il se trouvait, mais sans doute, il était encore au Paradis. Peu à peu ses yeux s’habituèrent et il comprit qu’il était dans une maison, au milieu d’une pièce qui devait être certainement le salon ou la salle à manger. Un peu plus loin, un groupe d’humains discutait autour d’une grande table en buvant quelque chose de chaud que le petit Lucifer ne connaissait pas, mais dont l’odeur lui chatouillait agréablement les narines. La petite voix se fit entendre à nouveau et Lucifer voulut, cette fois, savoir qui lui parlait. À coté de lui, une petite fille aux boucles dorées lui souriait de ses grands yeux verts tout en lui tendant aimablement un petit ramequin rempli de morceaux de sucre roux. Le petit ange n’avait jamais vu ni goûté une telle chose, aussi il préféra être prudent et refusa poliment la proposition. Cependant la petite fille se montra insistante tout en restant gentille tant est si bien que Lucifer prit un sucre et le glissa dans la bouche. Le parfum qui se dégagea alors le ravit et il voulut immédiatement en reprendre un autre lorsqu’une grande personne le souleva brusquement pour le prendre dans ses bras et lui essuyer la bouche. Eh oui, il ne l’avait pas remarqué au début, mais il semblait être lui-aussi une petite fille de cinq ou six ans tout au plus. En tout cas, c’est ce qu’il devina lorsqu’il aperçut son reflet dans un miroir de la pièce. Le maître aurait pu quand même lui donner l’apparence d’un petit garçon ! Lucifer n’avait absolument rien contre les filles, mais ce qu’il détestait c’était ce qu’elles portaient ! Les robes ! Quelle horreur ! Il les trouvait fort peu pratiques et même franchement très incommodantes. Ça se soulève quand vous ne le voulez pas, il est impossible de marcher avec, c’est trop court ou bien trop long, et vous marchez dessus sans arrêt... et ne parlons pas de la bêtise des garçons !

En observant plus attentivement la décoration de la maison, il comprit qu’il devait se trouver au vingtième siècle ce qui le rassura, quelque peu. En effet, sa dernière escapade chez les humains au plus sombre du Moyen-Âge lui avait laissé un goût plutôt amer. Il paraît même qu’une fois, le vieux gardien de la porte s’était trompé et avait envoyé un ange au milieu des dinosaures, bien avant l’apparition de l’homme sur terre. Alors le vingtième siècle, c’était parfait pour lui !

La grande personne le reposa à côté de sa petite camarade puis reprit sa place à la grande table parmi les autres adultes.

La petite fille avait organisé une collation pour imiter les grandes personnes. Elle avait placé sur une table minuscule, trois petites tasses et au milieu une assiette en carton contenant quelques biscuits. Une poupée magnifique aux longs cheveux noirs fixait de ses immenses yeux bleus l’assiette de gâteaux. La robe qu’elle portait aurait fait pâlir de jalousie toute l’aristocratie de la vieille Europe. Non loin de là, des morceaux de papier cadeau jonchaient le sol laissant deviner que la poupée devait avoir été offerte, le jour même.

Lucifer s’amusa beaucoup de voir la petite fille agir en maîtresse de maison, distribuer les biscuits et faire la conversation à sa poupée. Aussi, eut-il envie de se prendre au jeu et commença lui-aussi à participer aux débats. Entre deux distributions de biscuits, la fillette parlait de sa rencontre avec le prince et que celui-ci l’emmènerait certainement danser au bal de la Reine. Sa demoiselle d’honneur, la poupée aux cheveux noirs, pourrait danser avec le grand Duc qui était un fort bel homme. Au fur et à mesure que la petite fille racontait ses histoires de bals et de princesses, Lucifer se sentit glisser lentement dans un autre univers. Petit à petit, il se retrouva dans une immense pièce baignée de lumière. La décoration y était somptueuse et une joyeuse musique envahissait tout l’espace en vous donnant des envies folles de danser. Il y avait foule, des jeunes gens aux toilettes impeccables, tous aussi beaux les uns que les autres, virevoltaient sur des rythmes parfois endiablés ou tenaient des conversations très douces au bord de la piste de danse. Ils étaient certainement à présent dans l’un des fabuleux châteaux dont lui avait parlé sa petite camarade. Il y avait bien un trône au milieu de la pièce mais celui-ci était vide. Sans doute que « Sa Majesté » n’avait pas pu se libérer, lui avait soufflé sa petite compagne à côté de lui. Elle avait changé et était à présent plus grande et richement vêtue. Elle donnait le bras à une magnifique demoiselle aux longs cheveux noirs et aux immenses yeux bleus qui n’arrêtaient pas de le dévisager, au point qu’il en fût fortement ému. Tout de suite la demoiselle les entraîna dans un petit salon bien confortable aux tentures de velours pourpres. Ils s’installèrent alors tous les trois à la table où on leur servit une boisson si délicieuse qu’il était impossible de ne pas en reprendre une goutte. La demoiselle aux immenses yeux bleus fascinait Lucifer qui se surprit lui-même, d’ordinaire si timide, à entamer la conversation. Les mots qu’elle prononçait, étaient une douce mélodie aux oreilles du petit ange et ce moment passé tous les trois dans ce merveilleux château était un véritable bonheur. Lucifer voulut connaître le nom de la jeune fille mais au moment même où il se risqua à lui demander, la lumière se fit subitement si aveuglante qu’ils durent fermer les yeux. Puis la musique disparut d’un coup !

En ouvrant les yeux à nouveau, ils comprirent immédiatement qu’ils étaient de retour dans le salon. La minuscule table était toujours là mais un jeune garçon était debout devant eux, le sourire moqueur et arrogant, la bouche pleine des biscuits qu’il venait de chiper dans l’assiette en carton. Il tenait dans les mains la belle poupée brune et jonglait avec elle comme avec un vulgaire bâton. La petite fille fixait sa poupée, l’air impuissant et une larme coula sur sa joue. Lucifer explosa et hurla qu’il fallait la lui rendre immédiatement.

Le jeune garçon, trop jeune ou trop stupide, dit qu’il fallait avant, assister à un tour de magie. Tout à coup, il empoigna la tête de la poupée et l’arracha violement dans un « TADA » magistral ! Lucifer en perdit la voix et la petite fille pleura toutes les larmes de son corps. Le garçon sentit alors l’effroi lui remonter le dos à l’idée qu’un adulte puisse intervenir. Aussi dans un nouveau « TADA » tout aussi magistral, il replaça la tête de la poupée sur son tronc et la jeta au sol avant de s’enfuir en ricanant. La petite fille serra très fort la poupée contre son cœur et Lucifer ne put s’empêcher de les prendre toutes les deux dans ses bras.

Au bout d’un long moment, Lucifer pensa qu’il était temps de reprendre les conversations mondaines, histoire d’oublier ce mauvais moment. Et puis, il avait l’espoir de retrouver cette belle jeune fille aux yeux immensément bleus. Il proposa alors à la petite fille, le dernier petit biscuit que le garçon avait oublié de manger, en racontant qu’il fallait se dépêcher car le bal n’allait pas tarder à se terminer. Petit à petit les conversations reprirent et, au fur et à mesure que leurs sourires revenaient, ils se transportèrent dans la grande salle des bals du château. Cependant il n’y avait plus de musique et tout le monde avait disparu. Le feu dans la gigantesque cheminée était éteint et seules quelques braises fumaient encore.

Lucifer courra alors vers le petit salon feutré en entraînant sa jeune camarade. Mais, en arrivant près des tentures de velours, ils aperçurent la belle jeune fille aux cheveux noirs complètement figée comme gravée dans le marbre. Lucifer l’embrassa sur la joue tandis que la petite fille lui prit la main. Mais la poupée resta désespérément immobile et silencieuse. Ses yeux bleus avaient perdu de leur éclat et la vie ne semblait plus l’habiter. Jamais Lucifer ne connaîtrait son nom et cela le bouleversa au plus profond de son âme céleste.

Un sentiment étrange et inconnu l’envahit alors subitement. Il fut immédiatement propulsé dans la maison. Il eut d’abord très peur de ce sentiment bizarre mais petit à petit, le petit ange se surprit à l’apprivoiser et même à y prendre goût... Quelque chose brûlait en lui et le poussait à faire ce qu’il estimait être juste.

Il rappela alors le jeune garçon en lui demandant de refaire son tour de magie... Surpris et soulagé que sa bêtise n’eût pas plus de conséquences auprès de ses deux petites cousines, il revint joyeusement à la table en arborant un détestable sourire. Luciferplongea alors ses yeux dans ceux du jeune garçon si profondément que celui-ci se sentit comme pétrifié et incapable du moindre mouvement. Tout à coup, ils furent projetés au château. La grande salle des bals était toujours là, tout aussi joyeuse et animée que tout à l’heure. Les invités s’amusaient et dansaient follement au gré de la musique, ce qui parut plutôt plaire au jeune garçon qui finalement semblait très heureux de se trouver là... Lucifer lança alors un « Nous voici, Majesté ! » et la musique s’arrêta comme par enchantement. Les gens s’immobilisèrent et se mirent alors à les dévisager tous les deux tout en chuchotant. Le sourire moqueur du garçon céda rapidement la place à une expression plus gênée. Mais en entendant la voix de sa petite cousine lui demandant de s’approcher, son détestable sourire reprit à nouveau sa place sur le visage. Lucifer le poussa alors vers le trône et les gens s’écartèrent progressivement sur leur passage.

La Reine était là, assise sur un fauteuil doré et magnifique dans sa robe noire couverte de diamants étincelants. À sa droite se tenait la petite cousine tandis qu’à sa gauche, la poupée aux yeux vides restait inerte. La Reine s’adressa alors au jeune garçon, l’air sévère, en lui demandant de s’expliquer sur sa conduite. Le jeune ne comprit tout d’abord absolument rien à ce qu’on lui reprochait puis lorsqu’on l’informa qu’il avait tué une poupée, il éclata de rire.