Plan COOP - Nicolas Loodts - E-Book

Plan COOP E-Book

Nicolas Loodts

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  • Herausgeber: Ker
  • Kategorie: Fachliteratur
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

Que peut apporter le maraîchage biologique à votre projet coopératif ? Qu’il s’agisse d’organiser le quotidien familial, le travail d’un groupe de musiciens ou une entreprise maraîchère professionnelle, ce livre vous aidera à préparer pour votre aventure un terrain sain, bienveillant et fertile. En route pour la ferme du Héron, une coopérative de six maraîchers pratiquant l’agroécologie. Saison après saison, vous découvrirez la nécessité de l’anticipation, de l’organisation, des moments de partage et de respiration. Vous ressentirez l’importance de l’observation, pour les cultures, et de l’écoute, pour les coopérateurs. Vous trouverez également des clés concrètes pour organiser votre projet, répartir efficacement les tâches, animer les réunions de travail et partager équitablement les résultats du travail accompli.
Fruit de la coopération entre un maraîcher professionnel et un anthropologue de terrain, ce témoignage vous fera vivre la puissance créative des projets coopératifs, lorsqu’ils sont menés dans le respect de chacun et avec à l’esprit des objectifs clairs. Une nécessité dans un monde assoiffé de contacts humains et conscient d’un nécessaire changement de cap.


Demain sera coopératif ! Mais sommes-nous prêts à prendre des décisions ensemble ? Avons-nous appris à chercher le consensus ? A travers la vie quotidienne d’une coopérative maraîchère bio, Nicolas Loodts et Thomas Schmit aident à préparer ensemble un avenir lumineux et partagé.


À PROPOS DES AUTEURS


Ingénieur, Nicolas Loodts se consacre au maraîchage biologique et à l’anthropologie depuis 2014. En thèse à l’UCLouvain (LAAP – Boursier FRESH), il étudie la production alternative de fruits et de légumes en Belgique et en Italie.


Ingénieur agronome, Thomas Schmit commence sa carrière de maraîcher en 2010 et cofonde la coopérative « Les trois maraîchers » où il travaille pendant dix ans selon les principes de l’agroécologie.


Économiste et homme politique belge, Philippe Defeyt a placé au cœur de son parcours l’écologie, le renouveau démocratique et la dignité de tous, notamment à travers l’allocation universelle. Homme de réflexion et d’action, il est également, depuis de nombreuses années, client de la coopérative qui fait l’objet de ce livre.

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À nos familles, à nos amis et aux trois maraîchers qui étaient six !

Un maraîchage coopératif

Les Trois Maraîchers et la ferme du Héron

Coopérer au champ pour sortir des lignes d’un travail classique.

La coopérative des Trois Maraîchersest implantée au sein de la ferme de Vevy Wéron, à Wépion près de Namur, un habitat groupé rassemblant une quarantaine de personnes dans une ancienne exploitation agricole entourée d’un terrain de dix hectares, comportant des parties arborées, des prairies et des terres de culture. Historiquement, la ferme a été en exploitation continue depuis sa construction, au XVIe siècle, jusqu’au début des années 1980. Rachetée par un particulier en 1984, elle s’est muée en projet agricole collectif qui a évolué après quelques années en habitat groupé comptant aujourd’hui une quinzaine de logements et hébergeant par ailleurs plusieurs activités professionnelles : un centre d’accueil avec restaurant, salles et logement pour l’organisation de stages, une boulangerie, une épicerie, une salle de spectacle ainsi qu’un projet de maraîchage diversifié : la coopérative des Trois Maraîchers.

La production de légumes a toujours été au cœur des activités de la ferme et, outre le propriétaire, plusieurs maraîchers y ont travaillé avant l’installation de Thomas, coauteur de ce livre, en 2010, en tant qu’indépendant. Quatre ans plus tard, il propose à deux amis de le rejoindre. Au même moment, Nicolas, autre coauteur, arrive à la ferme en tant que bénévole. Sous son impulsion, l’activité maraîchère devient parallèlement un terrain de recherche en anthropologie. En janvier 2017, la coopérative « Les Trois Maraîchers » est officiellement fondée.

Au cœur de la démarche : les principes de l’agroécologie et de l’agriculture biologique*1, appliqués à la culture d’une cinquantaine de variétés de légumes sur 1,5 hectare. Ceux-ci sont vendus lors de deux marchés hebdomadaires à Namur et via un système de paniers tant à Namur qu’à Bruxelles. Le chiffre d’affaires de la coopérative dépasse les 200 000 € par an. En 2019, la coopérative a accueilli trois maraîchers-coopérateurs supplémentaires. Deux d’entre eux participaient déjà à la structure sous d’autres statuts depuis longtemps déjà. Cette même année, la ferme coopérative a diversifié ses activités en produisant et proposant à la vente du fromage artisanal. Les premières brebis sont arrivées à la ferme fin février 2019 et ont pris possession des six hectares de prairies de la propriété.

En 2020, Thomas a quitté la coopérative pour un nouveau métier. D’autres départs ont eu lieu en 2021, mais d’autres maraîchers déjà impliqués dans l’exploitation en tant que stagiaires ou salariés à temps partiel sont entrés dans l’aventure à la même époque, si bien qu’en définitive, malgré une rotation de personnel, la structure se pérennise.

Au-delà de ses aspects agricoles, la coopérative des Trois Maraîchers est particulièrement innovante dans sa structure de travail. Les six maraîchers-coopérateurs s’y partagent les décisions et les travaux agricoles dans un mode de fonctionnement horizontal. C’est de cette expérience de coopération que nous témoignons ici. Et si l’ouvrage est centré sur le maraîchage, les modes de fonctionnement vivifiants qui y sont développés dépassent de loin ce contexte et pourront bénéficier à d’autres projets coopératifs, tous secteurs confondus.

Dans la suite de ce récit, nous avons choisi de nommer cette coopérative « La ferme du Héron » et de modifier les prénoms des protagonistes… voire de créer de toutes pièces certains acteurs en synthétisant les traits de caractère de plusieurs maraîchers actifs à la ferme. Déformation professionnelle de la part de Nicolas, l’anthropologue ? Volonté de synthétiser l’esprit de la coopérative plutôt que de déployer une enquête journalistique ? Un peu des deux, certainement. De même, si certains dialogues sont des comptes rendus verbatim d’enregistrements, d’autres ont été inventés pour des raisons narratives. Dans tous les cas, ce livre reflète fidèlement la philosophie et l’organisation quotidienne de la ferme. D’autant que la coopérative évolue sans cesse dans sa composition, mais peu dans sa philosophie. Malgré ses aspects romancés, ce récit est néanmoins fermement ancré dans le réel de maraîchers et de maraîchères qui, outre la mise en place d’une agriculture respectueuse de la vie sur le champ, ont choisi d’expérimenter d’autres manières de travailler et de décider ensemble.

1 Les astérisques, tout au long de ce livre, renvoient au glossaire fourni en annexe 1.

Hiver

Rêver, penser et élaborer un projet coopératif

Trêve et planification dans la production

Hiver. Le champ se repose. La période est propice pour des travaux inhabituels à la coopérative et pour un repos bien mérité après une année chargée.

La terre se repose. C’est l’impression que peut avoir le visiteur d’un champ maraîcher en hiver. La fin du mois de décembre laisse s’installer une quiétude tantôt maussade, tantôt lumineuse, selon la météo. À la ferme du Héron, le champ, d’habitude si vivant avec ses cinquante variétés de légumes, les bandes fleuries, quelques mauvaises herbes, les haies et arbres piaillant d’oiseaux, et les multitudes d’insectes, semble attendre des jours meilleurs. Sous le ciel gris, seules quelques cultures sont encore à l’extérieur. Ici quelques choux, là un engrais vert en dormance. Des bâches recouvrent certaines parcelles afin d’empêcher l’envahissement d’herbes indésirables et permettre un réchauffement plus rapide avec l’arrivée de jours meilleurs.

Dans les serres, quelques cultures de verdure en veille sont prêtes à repartir au moindre pic de température. Mâche, roquette et mizuna font le gros dos en attendant le printemps.

En bord de champ, dans les abris, outils, toiles et bâches sont rangés. Non loin, le chêne qui fournit en été une précieuse ombre pour les pauses, les conversations et les repas, est nu. Au-delà, le bâtiment qui abrite le local de préparation des paniers est silencieux. Les frigos destinés aux fromages ont été débranchés. Les bacs qui contiennent les légumes ont été retirés. Ne restent que les tables et un tableau indiquant : « À l’année prochaine ! »

La mi-janvier est au cœur de la trêve, la période d’interruption des activités de vente de la ferme du Héron. Mais bientôt, dès les premiers jours de février, les marchés hebdomadaires reprendront et, plus tard, la préparation des paniers de légumes pour les abonnés.

Même si cette période est en partie consacrée aux seuls vrais congés communs de l’année, tout n’est pas à l’arrêt. En ce matin de janvier, une activité inhabituelle règne d’ailleurs sur le champ. Un chantier d’hiver a été organisé pour le montage de la nouvelle serre tunnel mobile dont la structure métallique a été livrée il y a quelques jours. Dans le jardin numéro 3, ils sont tous venus. Max, Lore, Gil, Lila, Sébastien et Phil s’attellent au montage. « Tu me passes la clé de 13 ? » « Tu tiens cette barre pendant que je fixe celle-ci ? »

Chacun est à sa tâche, portant et plaçant les profilés métalliques qui formeront les arceaux de la serre et ses axes. Ces NIMA-culteurs2 ont majoritairement entre trente et quarante ans et étaient tous engagés sur d’autres chemins avant de bifurquer vers le maraîchage.

Max et Lore s’entraident pour le montage d’un arc de la serre tunnel. Max est le maraîcher qui a repris la location et la culture de ce champ début 2010, à la suite d’un autre maraîcher qui venait de déménager et d’acheter son propre terrain. Il a quitté progressivement son poste dans un centre de recherche agronomique pour se lancer dans l’aventure du maraîchage biologique. Max est un passionné des aspects techniques de la production légumière, du défi technique qui consiste à faire pousser des légumes de qualité sans intrants chimiques, c’est-à-dire sans engrais de synthèse ni produit phyto trop nocif.

Confronté pendant quatre ans à une charge de travail écrasante, et soucieux de ne pas devenir patron sur son terrain, il convertit peu à peu son activité indépendante en coopérative. Il recrute d’anciens employés, stagiaires et amis. Dès 2015, ce sont ainsi trois maraîchers qui font tourner la boutique. Entre-temps, en 2012, Max a fait la connaissance de Lore. Issue d’une famille d’agriculteurs du nord de la France, elle est venue poursuivre ses études d’éducatrice en Belgique et a travaillé plusieurs années dans une maison d’accueil de migrants mineurs. Sensibilisée à l’écologie, le retour au travail de la terre la questionne même si elle ne souhaite pas reprendre le modèle traditionnel dans lequel s’inscrivent ses parents. Elle finit par s’engager quelques mois dans une ferme école avant d’entreprendre une formation d’un an en maraîchage biologique. C’est à l’issue de celle-ci qu’elle rencontre Max, au sein de la ferme du Héron. D’abord employée, elle devient maraîchère-coopératrice en 2019.

La structure de la serre est bientôt en place. La couche nuageuse présente des éclaircies qui laissent percer un soleil d’hiver réconfortant qui réchauffe timidement une terre encore humide. Gil déroule une longue bâche translucide le long de la structure en demi-cylindre. Les six maraîchers se répartissent ensuite sur toute la longueur de la serre afin de tendre la bâche. Chacun sur son escabeau, Gil et Phil s’affairent à la pose des anneaux métalliques qui permettent d’amarrer solidement le plastique à l’armature.

Gil a rejoint la ferme en 2013 en tant qu’indépendant à temps partiel. Depuis 2014, il est passé à plein-temps et a œuvré avec Max à la mise en place de la coopérative. Gil est diplômé en sciences politiques et a déjà participé à la création de plusieurs projets collectifs, dont un café coopératif dans la ville où il était étudiant. Auparavant, il a exercé d’autres métiers, comme professeur dans un lycée, mais s’est ensuite rapidement formé en travaillant quelques mois comme saisonnier chez un autre maraîcher avant de proposer à Max de travailler avec lui. Pour Gil, la production constitue aussi un moyen d’action politique, une manière de s’engager.

Phil est quant à lui arrivé à la coopérative en 2016, quand Florian, un ancien maraîcher-coopérateur des premières heures, a décidé de réduire son temps de travail. Phil a étudié le droit et a travaillé sept ans comme assistant à l’université avant de s’engager auprès d’une association d’éducation à l’environnement. C’est dans ce cadre qu’il découvre le monde de l’agriculture paysanne. Son arrivée dans la coopérative découle de ces contacts et d’un sentiment de proximité avec la nature qui remonte à l’enfance.

La bâche plastique à présent posée, déroulée et clipsée, il reste à la serrer tout au long de la serre à l’aide de solides cordages. Répartis en deux groupes de trois, le jeu consiste à s’envoyer une épaisse corde par-dessus la serre, à la faire passer par une ancre fichée dans le sol, puis à la renvoyer de l’autre côté pour la même opération. Sébastien et Lila sont positionnés de part et d’autre d’un arceau. Sébastien, tel un apprenti cow-boy, lance la corde. « C’est bon », le rassure Lila, « je te la renvoie ». La corde voltige à nouveau et retombe devant Sébastien qui la saisit et la noue solidement à l’ancre suivante.

Sébastien a travaillé comme saisonnier avec Max dès 2014 ainsi que sur un projet de chèvrerie sur le même terrain. De plus en plus présent au fil des années, il devient employé avant de devenir maraîcher-coopérateur en 2019. Agronome de formation, Sébastien a d’abord été bénévole dans différentes associations avant de devenir soigneur dans un parc animalier. Devant la proposition d’un poste permanent, il a quitté cet emploi qui ne correspondait plus à ses valeurs.

Lila est la dernière arrivée. Originaire de Bruxelles, c’est elle qui a amené en 2019 le projet de bergerie et de fromagerie. Étudiante en philosophie, puis en sciences environnementales, son parcours est marqué par la recherche permanente d’un engagement concret. Elle a rejoint la ferme du Héron après un passage par une autre bergerie-fromagerie en milieu urbain.

Au bout d’une journée de travail hivernal, la nouvelle serre tunnel est opérationnelle. Elle permettra d’augmenter la quantité de tomates, aubergines et courgettes primeur dès cet été. Les chantiers d’hiver sont nombreux à la ferme du Héron. Il peut s’agir de creuser une tranchée en bord de champ pour améliorer son drainage, de poser des perchoirs pour les rapaces afin de lutter contre les ravageurs tels que les mulots, de ranger les bâches et les tuyaux d’irrigation ou encore de couler une nouvelle dalle dans l’entrepôt des légumes. Cette saison est mise à profit pour réaliser tous les travaux qu’il n’est pas possible d’effectuer le reste du temps en raison de la charge de travail. Ces chantiers ne sont pas tous centrés sur le champ : le ralentissement des activités permet aussi de repenser la communication en concevant de nouvelles affiches pour le marché, de boucler les démarches administratives liées à la comptabilité ou à la demande de subventions.

Aucune de ces activités d’hiver n’est improvisée : elles découlent des grands débriefings de l’automne qui ont permis d’ajuster le projet et de déterminer comment l’améliorer avant le prochain rush de production.

L’une de ces activités incarne parfaitement cet esprit de projection dans la nouvelle saison : la conception du plan de culture. Entamée en décembre, celle-ci doit être finalisée à la mi-janvier afin de permettre la commande des plants et semences, clés de la production de l’année qui s’ouvre. Ce document fondamental, qui est au centre du chapitre suivant, détaille semaine par semaine les cultures des différentes planches3 de l’exploitation. En charge de cette étape cruciale, Max doit tenir compte de nombreux facteurs : calendrier de plantation de chaque légume, nécessaires rotations des cultures afin de favoriser leur alternance sur une planche, gestion de la quantité de légumes afin d’améliorer l’adéquation entre production et besoins, prise en compte de la force de travail disponible au fil de l’année… L’exercice est aussi complexe que capital, car son résultat servira de guide pratique tout au long de la saison, depuis les commandes jusqu’aux récoltes en passant par le tour du champ quotidien.

Cette mise à profit de la trêve hivernale illustre un point essentiel de tout travail associatif : on ne peut planifier un projet dans l’urgence. Une ligne de conduite doit avoir été établie avec précision afin de faciliter la prise de décision sur le vif, lorsque les imprévus, inévitables et nombreux, se présenteront… et toujours au mauvais moment. Il s’agit, par ailleurs, du seul moment de l’année permettant à chacun de prendre individuellement le temps de la réflexion, loin déjà des débriefings communs de l’automne, et d’envisager l’avenir avec un œil nouveau, reposé.

– Tu as vu que nous avions reçu une nouvelle demande de stage ? demande Gil à Max en cette fin de journée.

– Oui. Un stage long, c’est ça ?

– Elle s’appelle Jeanne, elle suit la formation longue en maraîchage. Elle serait avec nous d’avril à novembre.

– On en parlera en réunion, mais a priori, oui, on devrait pouvoir lui confirmer ça la semaine prochaine.

La nouvelle saison se profile. Max a finalisé le plan de culture, ce qui a permis à Gil de passer les commandes de matériel ainsi que de plants et de semences. Bientôt, le printemps se fera plus insistant. Le soleil réchauffera la terre, les serres présenteront en journée une atmosphère plus chaleureuse et pour les aider un peu, les maraîchers viendront y installer la couche chaude*, une large bande de fumier frais couvert d’une planche de culture protégée par un voile*. C’est sous cette atmosphère réchauffée par la fermentation du fumier et protégée des vents froids par le voile que se développeront les semis printaniers. Dehors, le chant des oiseaux accompagnera bientôt les maraîchers, les plantes, et les multiples êtres qui participent au renouveau du champ.

Analyse : Respiration et planification

Dans le cadre de projets nourriciers, la respiration-planification observée à la ferme du Héron peut prendre différentes formes selon l’ampleur de l’entreprise et ses objectifs.

Pour le potager familial, les mois de décembre et janvier sont opportuns pour laisser la terre et les membres de la famille se reposer, et penser le nouveau potager. C’est le moment de fixer les objectifs. Vise-t-on une autonomie ? Cible-t-on uniquement certains légumes ? Un potager extrêmement diversifié a ses avantages et ses contraintes. On voit des familles démarrer la première année avec une vingtaine de variétés sans avoir acquis les connaissances que chaque légume va demander. Plus le nombre de légumes augmente, plus le système se complexifie. Les spécificités de chaque légume induisent des contraintes parfois difficiles à concilier sur une surface restreinte. S’assurer des salades et des légumes verdures tout au long de la belle saison impliquera des semis et un repiquage régulier ; les carottes souffrent particulièrement de la concurrence des adventices* dans les premières semaines ; les courges, au-delà des semis, demandent peu d’implication pour peu qu’on ait pensé à pailler correctement le sol ; les tomates impliquent une taille régulière…

De notre expérience potagère familiale, mieux vaut commencer par un nombre limité de variétés et l’augmenter saison après saison. Tout dépend du contexte et du temps que vous avez à y consacrer : un potager de taille importante peut vite exiger plusieurs heures d’entretien par semaine. Mais, pour autant que vous ne nourrissiez pas d’attentes déraisonnables quant au résultat, le mieux est sans doute de suivre vos envies, d’éprouver vos plans durant une saison et d’en faire un débriefing approfondi avant de recommencer. Un potager se construit une année après l’autre. Les légumes les plus faciles à faire pousser et plus indiqués pour commencer sont : les pommes de terre, les courges, les courgettes, les bettes et les haricots. Si vous disposez d’une serre ou d’un abri, les tomates et les concombres peuvent être ajoutés à cette liste.

Pour un habitat groupé ou un jardin partagé, le niveau de coopération va évidemment influencer la dynamique. Même si toutes les parcelles sont indépendantes et non coordonnées, la planification peut être nécessaire pour réaliser des investissements communs, rediscuter des règles communes ou envisager des chantiers d’aménagement du terrain partagé. Qui plus est, les projets sont généralement plus intégrés et coopératifs. Ainsi, dans un habitat groupé de la région namuroise, un groupe de travail réalise la planification de toutes les parcelles qui seront cultivées par les différents habitants. Chacun prend alors en charge, selon ses envies, une ou plusieurs parcelles à cultiver et un légume est attribué par parcelle. La planification est donc pensée à l’échelle du groupe et la mise en œuvre est individuelle. En fin de saison, une pause permet de reprendre de l’énergie et de faire le point sur ce qui a fonctionné et ce qui reste à améliorer.

Quel que soit votre projet coopératif, voici les points à retenir de ce chapitre :

Réalisez la planification de votre projet hors du rush.La planification se réalise lors de la conception d’un projet, mais se répète chaque année.Soyez rigoureux dans votre planification car elle vous servira de guide au cœur du projet. Dans le cadre d’un projet nourricier, l’été est très chargé et laisse peu de place à une nouvelle planification.

Un projet coopératif implique une trêve, une respiration pour que chacun puisse reprendre de l’énergie et avoir un regard frais, au-delà de la fatigue et des enjeux de la gestion quotidienne, sur le projet.

2 NIMA : Non Issu du Milieu Agricole : un nimaculteur est un agriculteur qui ne vient pas du milieu agricole

3 Les planches sont des bandes de cultures de 1 mètre à 1 mètre trente de large et constituent l’unité de mesure du maraîchage biologique tel que pratiqué à la ferme du Héron.

Printemps

Mise en place et gestion d’un projet commun

Le tour du champ

Le tour du champ permet une inspection systématique de chaque jardin et serre de la ferme maraîchère.

Lundi matin. 9 h 30. La météo est clémente en ce mois de mai et, malgré un vent frais et quelques nuages, le soleil est déjà haut dans le ciel. Gil vient de lancer plusieurs arrosages dans différentes serres et jardins. L’irrigation* est capitale en ce printemps trop sec. Après avoir pris le temps de fixer quelques rappels dans son téléphone afin de ne pas oublier la fin des arrosages, il est prêt pour le tour du champ. Jeanne arrive à ce moment-là. En stage depuis le mois dernier, Gil lui a proposé de l’accompagner ce matin afin d’avoir une vision globale de l’exploitation. Arrivée à la trentaine, Jeanne a fait le pas de quitter son poste d’ingénieure pour se réorienter vers le maraîchage biologique, univers découvert à l’occasion d’un woofing* en Espagne il y a deux ans. « Avant de découvrir le maraîchage, je ne savais pas qui de l’ennui ou du stress finirait par me faire craquer. Je suis partie avant qu’il ne soit trop tard » expliquait-elle au début de son stage. « Après l’Espagne, avec mon compagnon, on a réfléchi et on a décidé de revendre notre appartement à Bruxelles pour s’acheter une fermette dans le Hainaut. On a ensuite quitté nos boulots respectifs. Aujourd’hui, on vit chichement, sur nos économies, mais nous sommes heureux de nos choix. On espère lancer notre activité d’ici une petite année. »

Jeanne et Gil se rendent vers la serre numéro 1. Avant d’entrer, Gil profite du panorama sur le champ pour donner quelques explications à Jeanne.

– Comme tu le sais désormais, nous sommes une ferme coopérative et ici, en plus des stagiaires et d’autres aidants comme des travailleurs à temps partiel ou des bénévoles, on se partage la responsabilité du travail à six. Nous produisons une cinquantaine de variétés de légumes bio et travaillons selon les principes de l’agroécologie.

– Qu’est-ce que tu entends par là ?

– Le bio est défini par une réglementation européenne qui t’indique les règles à respecter : il s’agit principalement d’exigences sur les produits à ne pas utiliser ou l’imposition de ne travailler qu’avec des semences bio et sans engrais chimiques. L’agroécologie, c’est une démarche qui nous amène à aller plus loin. Ce n’est pas parce qu’un produit est autorisé que nous allons nous permettre de l’utiliser. On considère la ferme comme un écosystème. Et à ce titre, nous visons un équilibre qui favorise nos cultures. On plante des bandes fleuries pour attirer des insectes pollinisateurs, on met de l’engrais vert pour décompacter le sol en le travaillant le moins possible. La biodiversité fait partie de nos préoccupations majeures.