Politique commerciale de l'Union européenne - Philippe Musquar - E-Book

Politique commerciale de l'Union européenne E-Book

Philippe Musquar

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Beschreibung

Ce manuel offre un panorama complet de la Politique commerciale de l’Union européenne, dont il rappelle les fondements, le contexte et les mécanismes essentiels avant d’en aborder successivement toutes les dimensions : le cadre multilatéral de l’OMC, les accords de libreéchange et autres régimes préférentiels, l’antidumping et autres instruments de défense commerciale, ainsi que les interactions de la PCC avec les questions liées au développement, à l’environnement et aux normes sociales.

Il est le fruit d’un enseignement de l’auteur à Sciences Po Lille et de son expérience professionnelle à la Commission européenne et au Parlement européen. Il constitue un outil didactique fournissant les rappels historiques et concepts juridiques indispensables pour bien comprendre cette matière.

Il se destine à toute entité publique ou privée confrontée aux questions relatives à l’intégration économique et à l’action extérieure de l’Union européenne et plus spécialement encore aux étudiants spécialisés en affaires européennes et aux candidats aux concours de la fonction publique européenne ou nationale.

Parachevé au moment de l’entrée en fonction de la nouvelle Commission von der Leyen, dans un contexte de crise systémique et de rivalités commerciales aigües entre les grandes puissances, il se conclut en détaillant les nouveaux défis auxquels devra faire face l’Union européenne au cours des cinq prochaines années.

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larcier.com

© Lefebvre Sarrut Belgium, 2020

Éditions Larcier

Rue Haute, 139/6 – 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

9782807923010

À Marthe, Charlotte, Camille, Claire et Cécile

Remerciements

Je voudrais exprimer toute ma gratitude à l’Institut d’études politiques de Lille (Sciences Po) et à son directeur, Pierre Mathiot, pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en accueillant dès 2007 et en renouvelant chaque année le séminaire sur la politique commerciale de l’Union européenne, dont le contenu a servi de base à la rédaction de ce manuel. Cette gratitude s’étend évidemment aux étudiants du master I Affaires européennes qui se sont succédé dans ce séminaire pour l’intérêt qu’ils ont toujours manifesté pour cette matière et pour les grands plaisirs d’enseignement et d’échanges intellectuels qu’ils m’ont procurés.

Je tiens ensuite à remercier mes collègues du Parlement européen, et notamment les superbes équipes avec lesquelles j’ai eu la chance de travailler dans les secrétariats de la commission de la pêche (PECH), de la commission spéciale sur le crime organisé, la corruption et le blanchiment de capitaux (CRIM) et de la commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI), pour leur soutien amical et leurs encouragements.

Je souhaiterais enfin remercier chaleureusement le commissaire Hogan pour avoir accepté de préfacer cet ouvrage ainsi que Nicolas Cassart, de la maison Larcier, pour ses judicieux conseils éditoriaux.

Avertissement

Le texte du présent ouvrage s’appuie sur l’expérience de l’auteur au service des institutions européennes au cours des trente dernières années (Commission et Parlement). Il est cependant rédigé dans le cadre de son activité extérieure d’enseignement et les opinions exprimées n’engagent que lui-même.

Foreword

by Phil Hogan

EU Commissioner for Trade

International trade is one of the main engines of the EU’s economy. It accounts for almost 35 % of the EU’s GDP. It generates jobs and it ensures that consumers and companies have access to the right products at the right prices. The EU’s Trade Policy is one of the oldest and most integrated European policies. It is not only about pursuing and protecting our trade interests. It also represents a valuable instrument to strengthen the EU’s position in the world and to promote our values, such as economic development, environmental protection, climate action, respect for human rights and compliance with fundamental labour rights. Given its direct impact on the life of EU citizens, it has recently attracted considerable public attention and legitimate requests for more transparency in the decision making process, notably in relation to the negotiation or conclusion of major trade agreements, such as those with Canada, Japan and Mercosur.

I recently took charge of this important portfolio in a particularly difficult environment. The international rules-based trading system is facing a crisis, as the rules at the core of the system are being challenged by some players. Trade and economic issues are strongly linked with geopolitical and security related ones. Protectionism and beggar-thy-neighbour policies are again on the rise in various parts of the world. To tackle these challenges, the EU needs to take decisive action both on the multilateral and bilateral fronts, to use all other tools at its disposal, and, if need be, to design and adopt new ones. This is precisely the mission which I have received from President von der Leyen for the current Commission mandate and on which I have started to deliver.

In this context, it is important for students of EU policies, and, more generally, for all those interested in this subject, to have access to quality learning material to understand the objectives, key concepts and main instruments of EU Trade Policy, not only in English but also in their respective native languages. For this reason, I welcome Philippe Musquar’s initiative to make the contents of his seminar on EU Trade Policy at Sciences Po. Lille available in the form of this handbook in the collection of Manuels Larcier.

Having been in frequent professional contact with Philippe in my previous capacity of EU Commissioner for Agriculture (2014-2019), I am familiar with his distinguished career in both the services of the European Commission and the European Parliament, his long and versatile experience of trade policy, and his ability to explain technical issues in plain and simple terms while highlighting their political implications. I have no doubt therefore that French speaking readers will greatly benefit from this practitioner’s introduction to EU Trade Policy.

Bonne lecture !

Liste des abréviations

ACAC

Accord commercial anti-contrefaçon

ACP

Pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique

AD

Antidumping

ADPIC

Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

AECG

Accord économique et commercial global

AELE

Association européenne de libre-échange

AEM

Accord environnemental multilatéral

AGCS

Accord général sur le commerce des services

ALE

Accord de libre-échange

AMA

Accès aux marchés pour les produits agricoles

AMNA

Accès aux marchés pour les produits non agricoles

AMP

Accord sur les marchés publics

APE

Accord de partenariat économique

ATI

Accord sur les technologies de l’information

AS

Antisubventions

CEE

Communauté économique européenne

CG

Conseil général

CJUE

Cour de justice de l’Union européenne

CM

Conférence ministérielle

CNUCED

Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

CPC

Comité de politique commerciale

EEE

Espace économique européen

FEM

Fonds européen d’ajustement à la mondialisation

GATT

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

IDC

Instruments de défense commerciale

IDE

Investissement direct à l’étranger

IG

Indication géographique

INTA

Commission du commerce international

MEPC

Mécanisme d’examen des politiques commerciales

MGS

Mesure globale de soutien

MRD

Mécanisme de règlement des différends

NPF

Nation la plus favorisée

OEPC

Organe d’examen des politiques commerciales

OIC

Organisation internationale du commerce

OIT

Organisation internationale du travail

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMD

Organisation mondiale des douanes

OMPI

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

ORD

Organe de règlement des différends

OTC

Obstacles techniques au commerce

PAC

Politique agricole commune

PCC

Politique commerciale commune

PDD

Programme de Doha pour le développement

PED

Pays en développement

PESC

Politique étrangère et de sécurité commune

PMA

Pays les moins avancés

PLO

Procédure législative ordinaire

PTCI

Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

SEAE

Service européen pour l’action extérieure

SPS

Mesures sanitaires et phytosanitaires

SPG

Système des préférences généralisées

TDC

Tarif douanier commun

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TN

Traitement national

TSA

Tout sauf les armes

TSD

Traitement spécial et différencié

TUE

Traité sur l’Union européenne

UD

Union douanière

UE

Union européenne

UEM

Union économique et monétaire

ZLE

Zone de libre-échange

Sommaire

Préface de Phil Hogan

Liste des abréviations

Introduction. Intérêt d’un manuel sur la politique commerciale de l’UE

Chapitre 1Genèse et objectifs essentiels de la politique commerciale de l’UE

Chapitre 2Base juridique, acteurs institutionnels et processus décisionnel de l’UE en matière de politique commerciale

Chapitre 3L’UE : une grande puissance commerciale au cœur de la mondialisation

Chapitre 4La dimension multilatérale de la PCC : l’Organisation mondiale du commerce (OMC)

Chapitre 5La dimension bilatérale et régionale de la PCC : accords de libre-échange et autres régimes préférentiels

Chapitre 6La dimension unilatérale de la PCC : les instruments de défense commerciale

Chapitre 7Les grandes questions transversales de politique commerciale : développement, environnement et normes sociales

Conclusion. La PCC à l’ère de la Commission von der Leyen : nouveaux défis et nouvelle feuille de route

Bibliographie

Index alphabétique

Table des matières

Introduction. Intérêt d’un manuel sur la politique commerciale de l’UE

La Politique commerciale commune (PCC) est l’une des politiques les plus intégrées de l’UE, c’est-à-dire l’une de celles qui illustrent le mieux, et depuis le plus longtemps, les avantages de la « méthode communautaire ».

Considérée, avec la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique d’aide au développement, comme l’un des grands piliers de l’action extérieure de l’UE, elle est aussi étroitement liée aux grandes politiques internes que sont notamment le marché intérieur, la Politique agricole commune (PAC), la protection du consommateur et l’Union économique et monétaire (UEM), et elle touche aux fondements mêmes de l’intégration économique européenne.

On constate que les sujets dont traite la PCC font directement écho aux grandes problématiques soulevées par la mondialisation, comme la stimulation de la croissance, le développement des pays les plus pauvres, les défis environnementaux, la sécurité alimentaire, l’accès aux matières premières, la diversité culturelle, les mouvements de capitaux ou les droits fondamentaux du travail.

Loin de se cantonner aux domaines traditionnels des droits de douane et de l’accès aux marchés, la PCC d’aujourd’hui vise en fait à répondre ou, en tout cas, à apporter certains éléments de réponse, aux deux grandes questions suivantes.

– Quelle place et quelles performances pour l’UE dans la compétition économique mondiale (question de compétitivité) ?

– Comment assurer, dans cette compétition économique mondiale, la préservation et la projection des normes et valeurs spécifiques de l’UE (question de modèle) ?

L’étude de la PCC est par nature interdisciplinaire, au confluent de l’économie, du droit, des sciences politiques et des relations internationales. Son enseignement trouve donc naturellement sa place dans le programme d’un Institut d’études politiques tel que celui de Lille, où nous avons le plaisir d’assurer depuis 2007 un séminaire sur cette matière à l’intention des étudiants du master Affaires européennes. Par ailleurs, dans la mesure où il porte sur un domaine spécialisé de l’action communautaire, cet enseignement complète utilement les connaissances déjà acquises (on l’espère) par les étudiants sur le fonctionnement des institutions européennes, les fondements économiques de l’intégration européenne et l’action internationale de l’UE.

Étant donné la richesse et la complexité de la matière, et compte tenu du fait que la plupart des étudiants concernés l’abordent pour la première fois, ce manuel sur la politique commerciale de l’UE se veut avant toute chose un ouvrage d’introduction à la politique commerciale de l’UE et même à la politique commerciale tout court (notamment pour tout ce qui concerne l’OMC). Il s’agit à la fois de présenter un panorama général de la PCC dans toutes ses dimensions (multilatérale, bilatérale/régionale, unilatérale), et de fournir les clés pour en comprendre les objectifs et les instruments et pour en évaluer les résultats.

L’accent est fortement mis, à cet égard, sur la définition d’un certain nombre de concepts importants, dont la maîtrise permet d’ouvrir la porte à une bonne compréhension de l’actualité de la matière, telle qu’elle se reflète notamment dans les discours politiques et dans les médias. C’est ainsi qu’au fil des pages qui suivent seront introduits et utilisés des termes tels que (en vrac) « zone de libre-échange », « union douanière », « droits de douane », « consolidation », « liste d’engagements », « quotas », « contingents tarifaires », « groupes spéciaux », « clause de la nation la plus favorisée », « traitement national », « préférences », « règles d’origine », « compensation », « rétorsion », « salon vert », « comité de politique commerciale », « commission INTA », « avantages comparatifs », « dumping », « indications géographiques », « facilitation du commerce » ou « cohérence ».

À l’issue de cette introduction, chacun sera en mesure, nous l’espérons, d’aborder de manière mieux informée et avec tout l’esprit critique nécessaire, les grands sujets que sont, par exemple (au moment d’achever la rédaction de cet ouvrage), l’ouverture de négociations commerciales avec les États-Unis sur la base d’un nouveau mandat (à la suite de l’échec désormais avéré du PTCI/TTIP), la crise de l’OMC et de son mécanisme de règlement des différends, les multiples défis résultant du poids grandissant de la Chine dans le système commercial international et les implications commerciales du Brexit.

Chapitre 1Genèse et objectifs essentiels de la politique commerciale de l’UE

Sommaire

1. La politique commerciale comme volet externe des principales étapes de l’intégration économique européenne

2. Une Politique commerciale commune (PCC) : pour quoi faire ?

Section 1. La politique commerciale comme volet externe des principales étapes de l’intégration économique européenne

Le concept même de PCC est intrinsèquement et indissociablement lié au concept original de Communauté économique européenne (CEE), tel que défini et mis en œuvre par le Traité de Rome de 1957.

La CEE a, en effet, été fondée sur une Union douanière, caractérisée par :

– une abolition des droits de douane et la libre circulation des marchandises entre les États membres de la Communauté ; et

– la mise en place d’un Tarif douanier commun (TDC) vis-à-vis des marchandises importées des pays tiers, destiné à se substituer aux tarifs nationaux jusqu’alors fixés et appliqués par lesdits États membres.

Prévue dès 1957 par les articles 12 à 19 du Traité de Rome, l’Union douanière a effectivement commencé à fonctionner en 1968 (il y a donc plus de cinquante ans) entre les six États membres de l’époque, avec deux ans d’avance sur le calendrier initialement envisagé.

Dans la mesure où l’Union douanière reposait sur l’application, aux frontières extérieures de la CEE, d’un traitement tarifaire uniforme, de manière à permettre ensuite la libre circulation des marchandises ainsi mises « en libre pratique » sur l’ensemble de son territoire douanier, elle impliquait nécessairement la mise en place d’une véritable Politique commerciale commune pour gérer en commun cette protection extérieure commune.

Encadré : Unions douanières et Zones de libre-échange

L’existence d’une PCC résultant de l’application d’un TDC fait ainsi partie intégrante de la définition même de l’Union douanière et permet de distinguer celle-ci de la simple Zone de libre-échange.

Comme l’Union douanière, la Zone de libre-échange (ZLE) prévoit l’abolition des droits de douane et la libre circulation des marchandises entre les pays qui la composent. Dans la mesure où cette libre circulation des marchandises à l’intérieur de la ZLE ne s’accompagne pas de la mise en place d’un TDC, cependant, elle ne peut pas s’étendre aux marchandises importées des pays tiers qui restent soumises aux tarifs nationaux (différents) applicables dans chaque pays membre. Ne circulent donc librement entre les pays membres que les marchandises qui sont véritablement originaires de ces pays et peuvent justifier de cette origine suivant des règles de fond et de procédure (certification) spécialement conçues à cet effet.

On retrouvera ces concepts d’Union douanière, de ZLE et de règles d’origine dans les chapitres suivants, notamment lorsqu’il s’agira de rappeler les bases juridiques (dans le droit de l’OMC) des préférences commerciales accordées et reçues par l’UE (cf. Chap. 5, Sect. 1, Ss-sect. 1).

Constatons toutefois, dès maintenant, qu’il existe aujourd’hui dans le monde de nombreuses ZLE (environ cent cinquante) dont les plus connues sont l’Association européenne de libre-échange (AELE - Suisse, Norvège, Islande, Liechtenstein) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA - États-Unis, Mexique, Canada), récemment transformé en Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).

Bien que d’autres groupements, moins nombreux, se présentent comme, ou aspirent à devenir, des unions douanières, bien peu correspondent parfaitement aux critères susmentionnés et ont vraiment mis en place un TDC et une PCC. Il en va ainsi notamment du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay, Venezuela), du Conseil de coopération du Golfe (CCG - Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar), de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et, plus récemment, de l’Union économique eurasiatique (Russie, Biélorussie, Kazakhstan, Arménie, Kirghizistan).

On peut en fait considérer que l’UE constitue à ce jour le seul exemple véritablement achevé d’Union douanière, en tout cas à l’échelle d’une région importante. Cette dissymétrie entre les degrés d’intégration de l’UE et de certains de ses partenaires dans les négociations commerciales régionales dites « de bloc à bloc » n’est d’ailleurs pas sans causer de multiples difficultés politiques et techniques.

Ainsi fondée sur une Union douanière, la CEE avait, dès l’origine, l’ambition d’évoluer vers un véritable Marché unique dans lequel non seulement les mesures tarifaires, mais aussi les mesures non tarifaires faisant obstacle à une totale libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes, seraient traitées. Amorcée sur une base jurisprudentielle (Cassis de Dijon1), cette évolution s’est accélérée à partir de 1985 avec l’adoption du Livre blanc et de l’Acte unique qui ont permis, à l’échéance de 1992, l’achèvement du Marché unique.

Tandis que la CEE menait à bien, au niveau interne, cette formidable entreprise d’harmonisation et de reconnaissance mutuelle des normes et standards, un effort parallèle était également mené au niveau international pour traiter le problème des obstacles non tarifaires au commerce.

Cet élargissement significatif du champ de la politique commerciale s’est produit essentiellement sur la base de deux types de considérations :

– d’une part, la constatation de la prolifération de ces obstacles non tarifaires, au fur et à mesure que s’abaissaient les tarifs douaniers (en tout cas ceux des grands pays industrialisés) ;

– d’autre part, la crainte (largement injustifiée) manifestée par les principaux partenaires commerciaux de la CEE que l’achèvement de son Marché unique n’induise un phénomène d’expansion du commerce intérieur au détriment du commerce extérieur et l’érection d’une véritable « forteresse européenne » vis-à-vis du reste du monde.

C’est ainsi que le programme d’achèvement du Marché unique européen (1985-1992) a plus ou moins coïncidé, sur le plan chronologique, avec les négociations du Cycle d’Uruguay dans le cadre du GATT (1986-1994), dont l’une des caractéristiques est d’avoir permis la conclusion de plusieurs accords multilatéraux importants concernant certaines formes particulières d’obstacles non tarifaires au commerce.

Le processus d’intégration économique européenne s’est poursuivi, dans une troisième étape, par la mise en place, en 1999, d’une Union économique et monétaire (UEM) comportant l’adoption par onze (aujourd’hui dix-neuf) des quinze (aujourd’hui vingt-huit) États membres de l’UE de l’euro comme monnaie commune.

Contrairement à l’Union douanière et au Marché unique, l’UEM et la création de l’euro n’ont pas eu de répercussions directes sur la politique commerciale de l’UE. Il va sans dire, toutefois, que la politique monétaire, surtout dans sa dimension externe des taux de change de l’euro avec les monnaies des pays fournisseurs et clients de l’UE, a nécessairement un impact sur les performances commerciales de celle-ci. Il est d’ailleurs généralement admis que de fortes fluctuations des taux de change ont souvent, sur les échanges internationaux, des effets beaucoup plus significatifs que les accords commerciaux les plus ambitieux, dont elles peuvent compromettre, voire anéantir, les bénéfices escomptés.

Si politique monétaire et politique commerciale constituent deux politiques distinctes qui ne se recoupent pas (voy. notamment l’insistance permanente de la Banque centrale européenne sur le fait que sa politique de taux d’intérêt ne saurait en aucun cas être guidée par des considérations de taux de change et de compétitivité externe), il convient donc quand même de garder présent à l’esprit que cette dernière ne déploie pas ses effets dans le vide, mais dans un contexte économique particulier, fortement influencé par des données d’ordre monétaire.

Prenant appui sur les réalisations de l’Union douanière, du Marché unique et de l’UEM, la Commission européenne et les États membres, avec le soutien du Parlement européen, ont décidé, à partir de 2000, de mettre l’accent sur la notion de compétitivité de l’économie européenne.

Lancée en 2000 par la Commission Prodi et relancée en 2005 par la Commission Barroso, la stratégie dite « de Lisbonne » se donnait pour objectif de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde d’ici 2010 ». Elle a été remplacée, en mars 2010, par la stratégie dite « Europe 2020 » « pour une croissance intelligente, durable et inclusive ». Dans tous les cas, l’idée est fondamentalement la même : réorienter de manière systématique et mettre en cohérence entre elles toutes politiques communautaires, nationales et régionales pouvant contribuer à renforcer la compétitivité de l’économie européenne en vue de stimuler la croissance et l’emploi.

Replacées dans leur contexte, on peut dire que ces stratégies répondent en fait à deux types de nécessités politiques :

– nécessité pour l’Europe de présenter un front uni et de se positionner favorablement dans la mondialisation, de manière à tirer parti de toutes les opportunités offertes par celle-ci, sans toutefois renoncer à défendre ses valeurs propres, notamment en matière environnementale et sociale ; et

– nécessité aussi, vis-à-vis des citoyens européens, de mettre en valeur la finalité, plutôt que les instruments de l’intégration économique européenne, et de montrer comment celle-ci peut jouer un rôle décisif au service de la croissance et de l’emploi.

Parmi les politiques mobilisées dans le cadre de ces stratégies et de ce nouvel objectif, la PCC occupe de toute évidence une place importante et c’est tout naturellement que les trois derniers commissaires européens qui ont publié une communication de politique commerciale ont tenu à placer celle-ci sous le signe de la compétitivité.

Première de son genre, la communication Mandelson, d’octobre 20062, est significativement intitulée « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée » et, dans son introduction, on peut lire que :

« La présente communication vise à exposer la contribution que la politique commerciale apporte à la stimulation de la croissance et à la création d’emplois en Europe. Elle explique comment, dans une économie mondiale qui se transforme rapidement, nous pouvons mettre sur pied une politique commerciale plus complète, plus intégrée et plus tournée vers l’avenir, une politique qui contribue davantage à la compétitivité européenne ».

Moins innovante dans son contenu, la communication De Gucht, de novembre 20103, est tout à fait dans le même esprit. Intitulée « Commerce, croissance et affaires mondiales », elle arbore un sous-titre explicite, « La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020 » et énonce :

« La présente communication constitue un élément de premier plan dans la dimension extérieure de la stratégie Europe 2020 et décrit de quelle manière la politique commerciale et d’investissement doit contribuer à la réalisation de cet objectif (triple objectif de croissance intelligente, durable et inclusive), de même que des objectifs de nos politiques extérieures en général ».

Dernière en date, la communication Malmström d’octobre 20154, intitulée « Le commerce pour tous », porte la marque de la commissaire suédoise, en mettant l’accent sur la transparence et la promotion des valeurs (droits de l’homme, développement durable, protection de la santé, de l’environnement et des services publics), mais, dès les premières phrases de son introduction, elle rappelle :

« Après une longue et douloureuse récession, le défi pour l’Union consiste à présent à stimuler l’emploi, la croissance et l’investissement. La Commission a placé cet objectif en toute première ligne de ses priorités politiques. Le commerce est l’un des rares instruments permettant de stimuler l’économie sans alourdir le budget des États, de la même façon que les réformes structurelles et les travaux menés dans le cadre du plan d’investissement pour l’Europe. [Or] l’Union européenne est bien placée pour utiliser la politique de commerce et d’investissement afin de contribuer à atteindre cet objectif, au bénéfice à la fois des entreprises, des consommateurs et des travailleurs ».

Au terme de ce récapitulatif sommaire des grandes étapes de l’intégration économique européenne, on peut donc constater que chacune d’entre elles a soit entraîné, soit coïncidé avec des développements majeurs en matière de politique commerciale et que la PCC fait figure, à bien des égards, de volet externe de ces avancées importantes que sont l’Union douanière, le Marché unique et les stratégies de compétitivité pour la croissance et l’emploi.

Nous sommes donc en présence d’une politique extérieure de l’UE (la première abordée, dans le Titre II du TFUE, dans la cinquième partie consacrée à « L’action extérieure de l’Union »), mais qui a été, en grande partie, mise en place et développée sur la base de considérations internes et dont les caractéristiques restent fortement marquées par cette origine.

Section 2. Une Politique commerciale commune (PCC) : pour quoi faire ?

L’une des premières questions que l’on doit se poser en matière de politique commerciale est celle des objectifs de cette politique : à quoi sert, ou devrait servir, la PCC ? Cette question est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.

Sous-section 1. L’article 206 du TFUE : un objectif formel marqué par un parti pris libre-échangiste évident

Formellement, il suffit de consulter le Traité pour résoudre la question de la finalité de la PCC.

Premier article du Titre II de la cinquième partie du TFUE, consacré à la Politique commerciale commune, l’article 206 énonce :

« Par l’établissement d’une Union douanière conformément aux articles 28 à 32, l’Union contribue dans l’intérêt commun au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ».

Curieusement assez rarement cité et commenté (on a souvent tendance à se référer directement à l’article 207), cet article est très clair en ce qu’il fait de la libéralisation du commerce (« la suppression progressive des restrictions […], la réduction des barrières […] ») une fin en soi. Il n’est nullement question, dans cette disposition, de stratégies commerciales sophistiquées, d’un juste équilibre entre promotion des intérêts « offensifs » et protection des intérêts « défensifs » des producteurs de marchandises et fournisseurs de services européens, d’affirmation des « valeurs », de développement durable, de la mise de la PCC au service d’objectifs géopolitiques ou de quoi que ce soit d’autre. Non, la PCC sert tout simplement à libéraliser les échanges. Fermez le ban !

De toute évidence inspiré par la théorie classique du commerce international, qui postule que la libéralisation commerciale, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle s’opère, est créatrice de richesses et à rechercher systématiquement, et marqué par l’esprit optimiste de l’après-guerre qui est celui des « pères fondateurs » de l’Europe, rédacteurs du Traité de Rome, l’article 206 est, selon nous, une disposition dépassée, qui ne répond pas à la complexité du contexte mondialisé dans lequel se déploie la politique commerciale d’aujourd’hui et qui, sur le plan politique, expose (en l’occurrence à juste titre) l’Union européenne à l’accusation d’un parti pris libre-échangiste (d’aucuns diraient ultralibéral) que rejette désormais une grande majorité de citoyens.

Pour appréhender la question des objectifs de la PCC, par conséquent, il faut donc regarder au-delà du Traité.

Sous-section 2. Les autres objectifs qui peuvent être (et sont communément) assignés à la PCC

En dehors de la libéralisation commerciale, comme but en soi, susceptible d’entraîner la création de richesses et de stimuler la croissance mondiale à travers le libre jeu des avantages comparatifs, on constate que bien d’autres objectifs peuvent être, et sont communément, assignés à la PCC. Celle-ci peut notamment servir à :

– préserver l’intégrité de l’Union douanière et du Marché unique en assurant un traitement uniforme des marchandises et des services à l’importation ;

– protéger certains secteurs de l’économie européenne d’une concurrence (loyale ou déloyale) trop forte et à assurer le maintien d’une certaine « préférence communautaire » ;

– ouvrir des marchés extérieurs aux exportations européennes ;

– « encadrer » (ou tenter d’encadrer) la mondialisation en garantissant le respect par tous les acteurs du commerce international d’un certain nombre de « règles du jeu » ;

– promouvoir des objectifs non strictement commerciaux tels que le développement des pays pauvres, la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, le respect des droits fondamentaux du travail ou la stabilité géopolitique de certaines régions.

Évidemment, ces différents objectifs ne sont pas tous, ou pas totalement, compatibles et ils peuvent entrer en conflit les uns avec les autres. Dès lors, la plupart des débats politiques sur la PCC vont tourner autour de la question de savoir lesquels de ces objectifs sont légitimes et lesquels le sont moins et auxquels d’entre eux il convient de donner la priorité. Ils sont à la base de lignes de fracture aisément discernables, bien que plus ou moins nettes et toujours susceptibles d’évolution, entre les grands acteurs institutionnels. On retrouve ces lignes de fracture au sein du Conseil (division traditionnelle entre les États membres du Nord, considérés comme plus « libre-échangistes », et ceux du Sud, considérés comme plus « protectionnistes ») et du Parlement européen (où les sensibilités en matière de politique commerciale résultent à la fois des origines nationales des députés et de leurs appartenances politiques).

Une lecture en termes de priorité donnée à tel ou tel grand objectif de politique commerciale permet aussi de caractériser les politiques menées par les commissaires européens au commerce successifs.

L’étude de leurs initiatives et discours respectifs révèle ainsi chez le Français Pascal Lamy (1999-2004) une plus grande préoccupation pour les questions systémiques d’encadrement de la mondialisation et les problématiques non strictement commerciales comme le développement des pays pauvres et la protection de l’environnement, tandis que ses successeurs, le Britannique Peter Mandelson (2004-2008) et le Belge Karel De Gucht (2010-2014), ont clairement cherché à privilégier une approche plus pragmatique à base d’accès aux marchés et d’ouverture compétitive de l’économie européenne. Quant à l’avant-dernière titulaire du poste, la Suédoise Cecilia Malmström, elle a fait mine, comme il a déjà été relevé, de se préoccuper de « valeurs » et de transparence, mais n’en a pas moins poursuivi, en bonne politicienne libérale qu’elle est, un programme ambitieux de négociations de libre-échange avec la quasi-totalité des pays avec lesquels des relations de type préférentiel n’avaient pas encore été établies par l’UE.

1. Rewe c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, C-120/78, Rec., 1979, 00649.

2. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Une Europe compétitive dans une économie mondialisée – Une contribution à la stratégie européenne pour la croissance et l’emploi – COM(2006) 0567 final du 4 octobre 2006.

3. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Commerce, croissance et affaires mondiales – La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020 – COM(2010) 0612 final du 9 novembre 2010.

4. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Le commerce pour tous – Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable – COM(2015) 0497 final du 14 octobre 2015.

Chapitre 2Base juridique, acteurs institutionnels et processus décisionnel de l’UE en matière de politique commerciale

Sommaire

1. Article 207(1) TFUE : le champ d’application de la PCC

2. Article 207(2) TFUE : la procédure législative en matière de PCC

3. Articles 207(3)(4) et 218 TFUE : la procédure conventionnelle en matière de PCC

Comme on l’a souligné d’emblée dans l’introduction de cet ouvrage, la PCC est l’une des politiques européennes les plus intégrées ou « communautarisées », c’est-à-dire l’une de celles dans lesquelles l’UE dispose le plus de compétences et de pouvoirs propres et où la capacité d’action individuelle des États membres est la plus réduite.

Cette caractéristique, acquise par la PCC dès 1957 au titre du Traité instituant la CEE, répond en fait à deux types de préoccupation :

– une préoccupation négative : celle, déjà évoquée, de préserver l’intégrité de l’Union douanière et du Marché unique, qui exclut la possibilité pour les États membres de prendre des décisions individuelles qui risqueraient de remettre en cause le traitement uniforme des marchandises et des services à l’importation dans l’UE ; mais aussi

– une préoccupation positive : celle de faire en sorte que l’UE « s’exprime d’une seule voix » en matière de politique commerciale, tant à l’OMC que dans les négociations bilatérales ou régionales, afin de bénéficier de l’influence considérable que confère le fait de représenter la première entité commerciale du monde avec un marché solvable et unifié de plus de 500 millions d’habitants.

La base juridique de la PCC figure aujourd’hui dans l’article 207 du TFUE.

Encadré : l’article 207 TFUE

1. La Politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d’accords tarifaires et commerciaux relatifs aux échanges de marchandises et de services, et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, l’uniformisation des mesures de libéralisation, la politique d’exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions. La Politique commerciale commune est menée dans le cadre des principes et objectifs de l’action extérieure de l’Union.

2. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures définissant le cadre dans lequel est mise en œuvre la Politique commerciale commune.

3. Si des accords avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales doivent être négociés et conclus, l’article 218 est applicable, sous réserve des dispositions particulières du présent article.

La Commission présente des recommandations au Conseil, qui l’autorise à ouvrir les négociations nécessaires. Il appartient au Conseil et à la Commission de veiller à ce que les accords négociés soient compatibles avec les politiques et règles internes de l’Union.

Ces négociations sont conduites par la Commission en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil pour l’assister dans cette tâche et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser. La Commission fait régulièrement rapport au comité spécial, ainsi qu’au Parlement européen, sur l’état d’avancement des négociations.

4. Pour la négociation et la conclusion des accords visés au paragraphe 3, le Conseil statue à la majorité qualifiée.

Pour la négociation et la conclusion d’un accord dans les domaines du commerce de services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, ainsi que des investissements étrangers directs, le Conseil statue à l’unanimité lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l’unanimité est requise pour l’adoption de règles internes.

Le Conseil statue également à l’unanimité pour la négociation et la conclusion d’accords :

a) dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union ;

b) dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des États membres pour la fourniture de ces services.

5. La négociation et la conclusion d’accords internationaux dans le domaine des transports relèvent du titre VI de la troisième partie, et de l’article 218.

6. L’exercice des compétences attribuées par le présent article dans le domaine de la Politique commerciale commune n’affecte pas la délimitation des compétences entre l’Union et les États membres et n’entraîne pas une harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des États membres dans la mesure où les traités excluent une telle harmonisation.

Section 1. Article 207(1) TFUE : le champ d’application de la PCC

Le paragraphe 1er de l’article 207 définit le champ d’application de la PCC en énonçant les domaines dans lesquels cette politique est « fondée sur des principes uniformes », c’est-à-dire ceux dans lesquels l’Union dispose d’une compétence exclusive. Toutes les décisions prises par l’UE lient les États membres, qui n’ont plus la latitude ni de développer ni de maintenir une politique commerciale propre, au niveau national.

À l’origine couvrant seulement les questions relatives au commerce des marchandises, la PCC a vu son champ d’application considérablement élargi au fil des traités successifs (notamment Nice 2001 et Lisbonne 2009) pour couvrir également le commerce des services (avec quelques exceptions par la suite éliminées), les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et, dernière extension en date, les investissements étrangers directs.

Encadré : la délicate question de la mixité des accords de commerce

À l’issue de l’évolution susmentionnée, on peut considérer que, pour l’essentiel, tous les domaines traditionnellement traités dans le cadre d’une politique commerciale moderne relèvent aujourd’hui de la compétence communautaire et excluent toute intervention individuelle des États membres. Lorsqu’il s’agit pour l’UE de négocier des accords de commerce avec des pays tiers, celle-ci devrait donc être raisonnablement assurée, si le texte négocié reste « dans les clous » de l’article 207(1), de pouvoir conclure ces accords selon ses procédures propres, avec la seule approbation du Parlement européen préalable à la conclusion par le Conseil (cf. Chap. 2, Sect. 3), sans intervention des États membres.

En d’autres termes, l’extension considérable du champ d’application de la PCC devrait avoir pour corollaire naturel la réduction, voire la disparition, des cas de « mixité » des accords, c’est-à-dire des situations dans lesquelles, au motif que certains aspects d’un accord (fussent-ils relativement mineurs) débordent de la compétence communautaire, l’accord en question ne peut être valablement conclu qu’après ratification par tous les États membres suivant leurs dispositions constitutionnelles respectives (le plus souvent par un vote du Parlement national).

De toute évidence, une telle ratification par vingt-huit États membres ralentit considérablement le processus de conclusion, retarde l’entrée en vigueur des accords (sauf mise en application provisoire) et crée une grande incertitude pour toutes les parties intéressées, à commencer par les partenaires de négociation de l’UE, puisque vingt-huit ratifications (en sus de l’approbation du Parlement européen) correspondent à autant de possibilités que les choses se passent mal et que l’accord ne voie jamais le jour.

Malheureusement, l’intention louable des auteurs des traités de rendre plus efficace la PCC en évitant autant que possible la mixité semble aujourd’hui battue en brèche par les exigences politiques de certains États membres qui, par principe plutôt que sur la base d’arguments juridiques tirés du contenu réel des accords, revendiquent un véritable « droit de veto » national sur les accords les plus sensibles sous la forme d’une ratification systématique « sous prétexte de mixité ».

L’accord au sujet duquel ce débat s’est récemment cristallisé est l’Accord économique et commercial global (AECG/CETA) avec le Canada, dont la Commission a longtemps tardé à proposer la conclusion justement parce qu’elle s’interrogeait sur l’opportunité de présenter ou non cet accord comme un accord mixte. D’abord disposée (selon nous à juste titre) à présenter l’accord comme relevant exclusivement de la compétence communautaire, la Commission a dû faire piteusement marche arrière et céder aux injonctions des États membres (dont la France) qui exigeaient une ratification nationale au titre de la mixité.