Quand travail ne rime plus avec santé - Vanessa Mangon - E-Book

Quand travail ne rime plus avec santé E-Book

Vanessa Mangon

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Beschreibung

Basculer de manière insidieuse dans le burn-out ne requiert pas un « profil-type », contrairement à ce que l’on pourrait croire, contrairement aux a priori qui nous habitent.
Comment vit-on ce bouleversement quand on estime que le burn-out « ça ne nous arrivera jamais » ? Comment se sort-on d’un tel état ? Et comment s’en prémunir ou éviter de rechuter ?
Ancienne manager dans la finance, victime du burn-out, Vanessa le raconte de l’intérieur et propose, après analyse de son état, du stress provoqué, des déséquilibres et difficultés rencontrés, des pistes de réflexion et de prévention.
Ce témoignage est celui d’une expérience négative et d’un cheminement personnel. Sans proposer de méthode, de recette toute faite, il invite à la réflexion personnelle.

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© La Boite à Pandore

Paris

http://www.laboiteapandore.fr

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ISBN : 978-2-39009-484-5 – EAN : 9782390094845

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

Vanessa Mangon

Quand travail ne rime plus avec santé

À Marine et Victoria,

mes filles

Épilogue

Ce livre s’est construit comme une pâte feuilletée, en couches successives. Préparer l’appareil, donner des tours à la pâte et laisser reposer au frigo entre les tours. Un travail qui a mis des… années à se construire peu à peu.

La première partie du livre, consacrée au témoignage, a été jetée d’un trait sur le papier comme un cri, comme un besoin de raconter pour éviter à d’autres de tomber dans ce même piège, ou pour partager cette expérience avec ceux qui, comme moi, y sont malheureusement tombés.

La seconde partie du livre est dédiée à la compréhension du phénomène du stress, aux réflexions personnelles et aux pistes de prévention. Elle est née de mon cheminement personnel, de mes lectures et des rencontres et partages avec des personnes confrontées au même problème.

J’ai nettement axé le livre sur la prévention, car il est clair, selon l’adage, qu’il vaut mieux « prévenir que guérir ». Pour ma part, le burn-out a laissé de profondes cicatrices et a ruiné définitivement ma santé. Il peut paraître quelque peu abrupt de l’exposer ainsi, mais après quinze ans de cheminement, il est sans doute temps d’accepter enfin le verdict : perpétuité. Cependant, un cas n’est pas l’autre, et je connais des personnes qui s’en sont relativement bien sorties. Mais attention ! On ne sort jamais totalement indemne de ce type d’expérience, car elle impose une profonde remise en question, sous peine de rechuter.

C’est à la lumière de cette expérience qu’il m’a semblé intéressant d’écrire sur le burn-out. Quelques livres ont paru ces dernières années, souvent écrits par des psychiatres et des professionnels de la santé. J’en ai lu certains, j’en ai parcouru d’autres avec toujours la même impression de description froide, technique et médicalisée de la situation. C’est en ce point que je pense pouvoir apporter une petite pierre à l’édifice. Les fruits d’une expérience vécue dans la chair et l’esprit, et donc une approche plus humaniste et concrète de la problématique.

Au moment où j’entame ces lignes, cela fait un peu plus de deux ans que tout a basculé. Le choc, le chaos, la descente aux enfers, le sol qui se dérobe sous les pieds. Peu de mots assez forts pour décrire l’épouvantable sensation de mal-être qui s’est installée en moi. Deux ans que j’ai éteint mon ordinateur en milieu de journée, après avoir terminé les affaires courantes et les dossiers en suspens, et que je me suis éclipsée avec ces quelques mots : « ça ne va plus du tout. Je ne sais pas ce qui se passe. Je rentre chez moi. Je vous tiens au courant. » Une petite voix en moi me disait que cela risquait d’être long. Enfin, long à l’échelle de l’époque où tout allait très vite et s’enchaînait de réunion en réunion, de projet en projet, de dossier en dossier… De là à penser que plus de deux ans plus tard la santé ne serait toujours pas au rendez-vous…

Chapitre I : Témoignage

La descente aux enfers

C’est peut-être la formule la plus imagée pour décrire le cheminement vers ce point de difficile retour. Philippe Labro, dans son livre consacré à sa dépression1, formule les choses de cette manière : « J’ai du mal à comprendre comment cela a commencé. »

Comment cela a commencé ? C’est exactement la question qui, de manière obsédante, reviendra des milliers de fois dans mes pensées, sans jamais trouver de réponse claire et définitive. C’est exactement la question qui me sera posée des dizaines de fois par l’entourage, les amis, les relations professionnelles, les médecins, les médecins-conseils, les psychiatres, les psychologues…

Quand cela a commencé ? Cette question est intimement liée à la précédente et est au moins aussi difficile à appréhender. À quel moment replacer le début de cette descente aux enfers ?

Flash-back

Je me présente. Je m’appelle Vanessa. Je suis née le 1er juillet 1971 et je suis mariée. J’ai deux filles nées en mai 1999 et en avril 2001. Je suis ce que l’on a coutume d’appeler « une femme active ». Je suis diplômée de l’École de Commerce Solvay et, après une première expérience dans le révisorat d’entreprise, j’exerce le métier de Financial Manager à plein temps dans une société active dans le diagnostic médical.

J’aime cette société à taille humaine qui m’a accordé sa confiance. J’y travaille avec plaisir et j’y déploie beaucoup d’énergie et de dynamisme. Il faut dire que les projets s’enchaînent et sont intéressants : rachat d’un groupe concurrent et fusion, entrée en bourse de la maison-mère, modification des circuits logistiques… J’y travaille un peu comme si c’était ma propre société. Dans ma famille, peu de gens évoluent (ou ont évolué) en entreprise : mes parents et mes grands-parents étaient des commerçants et ont toujours travaillé à leur compte. J’ai donc plutôt une mentalité d’« indépendant ».

Je suis par moments assez fatiguée et je souffre parfois de céphalées de tension en fin de semaine. À ce stade, rien d’alarmant. Quelles sont les femmes, mamans de petits enfants et occupées à temps plein, qui ne se plaignent pas de fatigue passagère ? Je me ménage les week-ends pour recharger les batteries et je continue mon petit bonhomme de chemin.

Les premières bizarreries apparaissent au printemps. Je me réveille de temps en temps, au milieu de la nuit, en sueur. Des gouttes de transpiration dégoulinent sur mon front et entre mes seins. Les racines de mes cheveux sont colmatées par la sueur. Mon pyjama est mouillé de haut en bas, de même que mes draps. Pour ne pas réveiller mon mari, je déplie une serviette de bain sur mon lit, je me change et je me rendors. Cela se produit épisodiquement, et puis de manière de plus en plus rapprochée. Cela fait penser à ce que l’on peut vivre lorsqu’on a de la fièvre à la suite d’une infection virale et que le corps expulse le mal qui est en lui. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je décide de profiter de mon rendez-vous annuel chez la gynécologue pour lui en parler : elle est perplexe. C’est peut-être hormonal. Elle me pèse et me fait remarquer que j’ai perdu du poids. Oh ! pas grand-chose, trois ou quatre kilos. « Est-ce que je fais régime ? » « Non, pas du tout. » Les choses en restent là.

Ensuite, d’autres petits tracas font leur apparition. Il m’arrive de plus en plus souvent de déclencher des rhumes qui s’éternisent, j’ai des problèmes de digestion, des aphtes à répétition, et je me sens de plus en plus fatiguée. J’ai des difficultés à me réveiller le matin et je suis souvent nauséeuse au lever. Je constate fréquemment des pertes vaginales. Par moment, je suis envahie par un peu de lassitude et de découragement. Je suis parfois plus nerveuse qu’à l’accoutumée, j’ai tendance à rigidifier mon attitude au travail et à la maison. Le temps passe… et les bizarreries s’installent.

Premier juillet, date de mon anniversaire. Journée ordinaire au bureau. Pas forcément plus agitée ou plus tendue que d’habitude. La période serait même plutôt assez calme par rapport aux derniers mois d’activité. C’est en effet la première fois depuis notre fusion, deux ans auparavant, que j’ai l’impression de revenir à un rythme de travail acceptable. Il y a toujours beaucoup de travail, mais celui-ci est plus routinier. Les gros dossiers liés et consécutifs à la fusion (restructuration, harmonisation des conditions de travail, déménagement des locaux, revue des circuits logistiques) qui ont causé une surcharge de travail structurelle pendant de nombreux mois sont enfin terminés. Je me dis que cela tombe bien et que cela permettra de recharger les batteries. Bref, de souffler un peu.

Je suis en discussion avec une de mes collaboratrices, lorsqu’une épouvantable impression de fourmillements et de désensibilisation emplit toute la partie gauche de mon corps. La jambe gauche, le bras gauche et toute la partie gauche du visage. J’ai une affreuse sensation d’engourdissement des membres et de la face. Je poursuis la discussion sans trop montrer de signes de faiblesse et, une fois celle-ci terminée, je demande à une de mes collègues de m’emmener aux urgences. Une irrépressible sensation de peur s’empare de moi. Mais qu’est-ce qui m’arrive encore ?

À l’hôpital, des examens d’imagerie cérébrale (IRM) et une ponction lombaire sont effectués. Le neurologue me dit vouloir écarter une tumeur au cerveau, une thrombose ou encore une sclérose en plaques. IRM rassurante. J’attends fébrilement les résultats de la ponction lombaire et je reste alitée à la maison pendant cinq jours, suite à une difficile cicatrisation de la zone de la ponction, qui sera résolue par une intervention mineure (patch) la semaine suivante.

Je pars en vacances pendant trois semaines. « Ah ! ça ira mieux après les vacances. » Mais non. Cela ne va pas beaucoup mieux. L’engourdissement est toujours présent et se cumule aux désagréments antérieurs. Je me repose, je dors bien, mais il me reste une écrasante sensation de fatigue. J’ai l’impression que les vacances ne sont pas aussi réparatrices qu’à l’accoutumée. J’ai des difficultés à me détendre et à profiter pleinement de ces moments en famille. Arrivée du mois d’août et retour au boulot.

Après moins de trois semaines au travail, les choses empirent encore. Je ressens des douleurs dans la poitrine. Les fourmillements n’ont pas disparu au niveau du bras gauche. Je panique… Et si j’avais un problème de cœur ? Si j’avais fait un petit infarctus ? Il y a quelques années, on m’avait diagnostiqué, au hasard d’un contrôle de santé, une affection bénigne du cœur : un prolapsus de la mitrale. Et si c’était ça ? Il faut absolument que je consulte un cardiologue. J’ai pris un rendez-vous chez le médecin après le travail. Test à l’effort, échographie du cœur. « Tout va bien, vos problèmes ne sont pas d’ordre cardiaque. Si toutefois ces problèmes persistent, il peut s’agir d’un peu d’hyperventilation, voici une prescription de Temesta. Cela pourra vous aider. » Soulagement… mais pas pour longtemps.

Mais si ce n’est pas cardiaque, alors qu’est-ce ? Rendez-vous chez le généraliste. Il me connaît depuis longtemps. Je consulte comme tout le monde, en cas de grippe, pour le rappel d’un vaccin… Je le vois environ une fois par an depuis que j’ai 16 ans. « Bonjour, qu’est-ce qui vous amène ? » « Je ne sais pas, Docteur, ça ne va pas. » Je lui expose le déroulement des épisodesdepuis le printemps dernier et lui détaille mes plaintes. Après des prises de sang, des échographies, une coloscopie et une électromyographie, il faut se rendre à l’évidence, tout est normal. Il fronce les sourcils et, avec un air très circonspect, me dit que ce pourrait être de la spasmophilie. Je ne sais pas de quoi il s’agit et je lui pose la question. « Ce n’est pas vraiment une maladie, ce sont les psys qui parlent de ce genre de choses. C’est probablement lié au stress. » Ce n’est donc pas une maladie et dans mon esprit, cela ne justifie pas une interruption de travail. Le médecin ne me propose d’ailleurs pas d’arrêter mes activités pour me reposer. Je repars au travail.

Et là s’ajoutent d’autres désagréments. Subitement, en pleine journée, je me sens fébrile et grippée, alors que je n’ai pas de fièvre. La minute d’après, je me sens en ébullition intérieure et j’ai trop chaud. Je commence à avoir par moment des perturbations visuelles (j’ai l’impression d’avoir des rétrécissements de champ de vision, comme lorsqu’on est en fin de soirée et très fatigué, et que la vue se brouille). Le matin quand je me réveille, j’ai l’impression de mettre un pantin désarticulé en route. Mon cerveau n’est plus qu’une grosse purée de pois. J’ai la gueule de bois. Je n’ai plus les idées claires.

J’ai dit à mon mari que je ne me sentais plus bien du tout et que, certains jours, je faisais acte de présence au bureau avec une grande difficulté à mobiliser mon attention et ma concentration. Je commence à avoir peur. Très peur. Mais que m’arrive-t-il ? Avec cet étrange paradoxe : plus je subis d’examens cliniques qui sont d’ailleurs tous excellents et plus je vais mal. J’ai vraiment l’impression d’être passée au rang du « malade imaginaire ».

Là, je suis littéralement épuisée, au bout du rouleau. Je vais enchaîner deux inflammations du côlon (très douloureuses) qui vont m’écarter du travail quelques jours en décembre. J’encaisse des pannes de sommeil de plus en plus fréquentes pour lesquelles je prends épisodiquement du Temesta. J’ai encore perdu 4 kg. Je pèse à présent 56 kg pour 1m75 et je flotte dans tous mes vêtements. Tous ceux que je croise me disent poliment que je n’ai pas bonne mine et que je dois me ménager. Cela ne fait qu’alimenter mes angoisses.

C’est le point de rupture : j’ai quitté le bureau en pleine journée aujourd’hui. Nous sommes le 11 janvier. J’ai clôturé les comptes annuels et le reporting des comptes à la maison-mère. J’ai transmis les informations nécessaires aux réviseurs d’entreprises, pour qu’ils puissent effectuer leur mission de contrôle. Je m’éclipse.

Le lendemain, j’ai rendez-vous chez un interniste (sur ordre de mon médecin traitant) qui, après une radiographie négative et un scanner, remet toute l’histoire en perspective et me dit : « Je crois que vous êtes en burn-out ou en dépression. Parlez d’une inflammation intestinale au bureau, car le burn-out et la dépression, cela fait très peur à l’entreprise. Je vous donne quinze jours. Voici une prescription d’antidépresseurs et de somnifères. Reposez-vous. »

Me voilà, accompagnée de mon mari, sur le trottoir, avec mon certificat d’incapacité de travail et ma prescription. Je file à la pharmacie. Je me procure les pilules magiques qui devraient m’aider à résoudre tout cela. Je m’en remets aux médicaments. C’est rassurant et à la fois très bizarre : moi, une dépression, moi, des antidépresseurs ? Ce serait donc ça qui se trame depuis des mois ? Dans mon esprit, à ce moment-là, la dépression est une chose mal connue, voire mal jugée. La seule chose que je crois en savoir, c’est que les personnes en dépression pleurent pour un oui ou pour un non, sans savoir exactement pourquoi, et qu’elles sont abattues. Comment imaginer que je puisse être atteinte par une chose pareille, alors que je ne pleure pas et que je suis restée active ?

La dépression, c’est une maladie de faibles qui ne sont pas bien dans leur peau. Cela n’a rien à voir avec moi. J’ai tout pour être heureuse et je ne m’ennuie pas : des enfants, un mari, une belle maison, un boulot bien payé et bien considéré où je suis appréciée…

L’enfer ou la précipitation au fond du puits

Je commence la médication. Et je pense que le plus dur est derrière moi. Ce que je ne prévoyais pas à ce moment-là, c’est que je n’étais qu’au début de mes difficultés. Je me dis que ces médicaments vont m’aider à me remettre sur pied. Premier soir, un Cipramil et un somnifère. Une bonne nuit, rien d’extraordinaire. Deuxième et troisième soir, même régime. Et là, tout à coup, la bombe. Même si j’avais encaissé quelques mauvaises nuits jusqu’alors réglées par un peu de Temesta à l’occasion, je n’en avais pas pour autant perdu le sommeil. Et là, subitement, plus moyen de dormir. Une nuit blanche de A à Z, avec des battements de cœur dans la poitrine. Et ensuite des nuits cauchemardesques avec des endormissements très difficiles, des réveils intempestifs à toutes les heures de la nuit, avec chaque fois des difficultés à me rendormir ou sans parvenir à le faire, et la même impression de sombrer dans une fatigue pathologique.

À partir de ce moment-là, tout s’écroule. Consulté, le médecin me dit que ce ne peut être le Cipramil qui m’a précipitée vers ces insomnies. Je décide cependant de ne plus en prendre. Visiblement, ce médicament ne me convient pas. Mais malgré l’arrêt du Cipramil et la prise de Temesta, je n’arrive plus à récupérer le sommeil. Je me dis que cela va s’améliorer dans les prochains jours, mais rien n’y fait.

Ma mère, au courant de la situation, me propose de se charger de l’intendance à la maison. En effet, je ne suis plus en mesure de m’en occuper (aller conduire et rechercher les enfants à l’école, leur donner le bain, préparer les repas du soir…). Mon mari dépose les enfants à l’école tous les matins, et ma mère, ma belle-mère ou la baby-sitter s’en occupent à la sortie de l’école. Ensuite, ma mère prend le relais jusqu’au repas du soir et au coucher des enfants.

Après quelques semaines à ce régime-là, je suis un vrai zombie. Je n’arrive plus à me lever le matin et je reste au lit jusque 10 ou 11 h pour tenter de grappiller les heures de sommeil nocturne qui me manquent. La seule chose que j’arrive encore à m’imposer, c’est de me laver et de m’habiller chaque matin pour que mes enfants ne me voient pas en pyjama à leur retour de l’école. Je suis épuisée et j’assiste, impuissante, à l’écroulement total de mon corps et de son énergie vitale, à l’impossibilité de mobiliser encore le corps par l’esprit. Mon corps est à la dérive. Je suis dans un tel état qu’il est pour moi impossible de décrocher le téléphone et d’appeler un médecin au secours. À certains moments, je souhaiterais être hospitalisée et anesthésiée pour ne plus avoir à vivre tout ça. Je crois que si je n’avais pas d’enfants, et donc pas d’accroche solide à la vie, je n’aurais plus eu le courage de me battre. Je comprends à présent que l’on puisse décider d’en finir.

Jour après jour, j’espère que les choses vont s’améliorer, mais rien ne change. Au contraire. Je montre des signes d’agitation, d’extrême vigilance (je sursaute au moindre bruit) et, par ailleurs, je perds mes capacités cognitives : je n’arrive plus à me souvenir de ce qu’on me dit et il m’est impossible de me concentrer. Mon paysage mental est obsédé par l’état dans lequel je suis, et ceci me laisse en proie à une grande anxiété qui ne me lâche plus. Je n’ai plus accès à des pensées ou à un esprit clair pour autre chose : c’est une sorte d’état comateux permanent. Je suis une loque humaine, je suis épuisée. Pas d’une fatigue saine comme celle que l’on ressent habituellement et qui peut être un sentiment agréable, un préalable à la détente, aux bâillements et à un endormissement doux et léger. Non, une fatigue nerveuse, avec une agitation terrible à l’intérieur de moi. Toutes les somatisations précédentes sont encore présentes : j’ai le ventre qui brûle, le cœur qui cogne dans la poitrine, le bras qui fourmille, les oreilles qui bourdonnent… Je n’en peux plus. Je passe mes journées dans le canapé devant la télévision sans la regarder (je n’arrive pas à y fixer mon attention) et mon regard reste rivé sur la haie du jardin qui a perdu toutes ses feuilles à cette époque de l’année. Nous sommes en plein hiver. J’essaie de faire la sieste en début d’après-midi, mais je ne m’endors pas. Le corps n’accède plus à la détente, au repos. C’est comme s’il était resté calé dans le rouge. Par ailleurs, je suis tout à fait apathique. Tout déplacement m’est difficile. J’hésite avant d’entamer la volée d’escaliers qui mène vers ma chambre. Si ma mère ne passe pas en milieu de journée, je n’ai pas le courage de me traîner jusqu’à la cuisine pour manger une tartine ou quelque chose pour ne pas rester l’estomac vide jusqu’au soir. De toute façon, je ne digère plus rien et j’ai perdu le goût de manger.

Dès qu’il commence à faire noir dehors, j’angoisse à l’idée de l’arrivée de la prochaine nuit. C’est un véritable supplice. Les jours se suivent et se ressemblent dans un grand néant physique et psychique.

La machine est en panne

« J’ai l’impression d’avoir en face de moi une cocotte-minute bourrée de pression prête à exploser, mais sans savoir par où faire sortir la pression. »

C’est en ces termes que m’accueille le somato-psychothérapeute qui m’a été renseigné pour tenter d’améliorer les problèmes de sommeil. Je me traîne jusque chez lui une à deux fois par semaine. Il tente de dénouer la situation, mais rien n’y fait. Je suis tendue de partout. Je suis dans l’impossibilité de relâcher mes tensions musculaires. Il m’explique que chez moi, tout est anesthésié. Je ne ressens plus rien : le contact de ses mains sur mon corps, le chaud, le froid. Je suis en blocage complet au niveau de la respiration. Tout est vécu au niveau cérébral, rien n’est plus ressenti. Le cerveau s’est-il totalement coupé du corps ? Le psychothérapeute me dit que c’est de là que vient l’expression : « Être à côté de ses pompes ». Il tente de me faire respirer et pratiquer des exercices de relaxation. Échec total. Le corps est crispé, tendu, tétanisé.

Mon corps a passé le point de non-retour. C’est comme une machine qui s’est emballée. Il a fonctionné dans le rouge, poussé dans ses derniers retranchements pour survivre aux derniers mois et aux dernières semaines. L’équilibre est totalement rompu, l’élastique a cédé. Mais comment diable revenir à l’équilibre ?

J’ai changé de médecin traitant. J’avais suivi à la télévision une interview du docteur David Servan-Schreiber venu faire la promotion de son livre « Guérir le stress, l’anxiété et la dépression, sans médicaments ni psychanalyse »2. Il y avait vanté les mérites de certaines disciplines alternatives tels le sport, la luminothérapie, l’EMDR3… et l’acupuncture chinoise. Le médecin de ma belle-mère pratique l’acupuncture. Je me rends chez elle. Je lui raconte mes difficultés. Elle est frappée, comme elle me le dira plus tard, de constater dans quel état d’agitation je suis. On voit vraiment que je tiens sur les nerfs et que mon corps ne se comporte plus normalement. Après une séance d’acupuncture, des compléments en magnésium, de la vitamine B pour tenter d’améliorer la mémoire, elle me prescrit d’autres somnifères (légèrement moins accoutumants) et je continue les Temesta. Malgré ce cocktail, le sommeil ne s’améliore toujours pas et mon état non plus.

Le médecin pense qu’il serait bon de partir une semaine en vacances : repos total sans les enfants. Mes parents prennent les enfants chez eux et nous réservons une semaine de vacances au Club Med de Chamonix. Mon mari aime skier. Moi, je ne suis pas en état physique de le faire. Je table sur l’air de la montagne pour me faire retrouver le calme, la détente et le sommeil. Il y a un espace thalasso dans l’hôtel. Je me dis que tout cela pourra me faire du bien. Et c’est la catastrophe. Je ne supporte pas la fatigue du voyage. Je dors aussi mal à l’hôtel qu’à la maison. Je ne me sens pas mieux du tout. C’est pire encore. Jusqu’à ce stade, je souffrais physiquement, mais je ne ressentais pas encore de souffrance psychique. À partir de ce moment-là, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. C’est comme si je rentrais dans la quatrième dimension. Quand je fermais les yeux, je me sentais basculer dans le vide. J’avais l’impression que je tombais dans un gouffre et que je devais me raccrocher aux bords pour ne pas glisser dans le vide. Je n’arrivais pas à stopper la chute. Je me sentais disparaître et sombrer. À l’écoute du CD d’Hélène Ségara qui tournait en boucle dans la voiture de mon mari, je sentais monter en moi un immense chagrin que je ne pouvais réprimer, et les larmes me montaient aux yeux. Impossible de supporter le bruit de la salle de restaurant. C’est comme s’il n’y avait plus de barrière entre moi et l’extérieur. Comme si les bruits, les mots… étaient autant d’agressions qui venaient me mettre en danger. Comme si une lance venait me piquer en plein cœur. Comme si j’allais me disloquer et m’anéantir.

Ironie du sort, au cours d’un massage à l’espace thalasso où je me traîne comme je peux, la masseuse, qui ne sait rien de mon histoire, me dit deux phrases qui s’impriment dans mon esprit : « Je ne veux pas vous accabler, mais tout votre dos est extrêmement noué. » Et, un peu plus tard, en me parlant de la région : « Vous savez ce que l’on dit ? Certaines personnes ne peuvent pas rester à Chamonix. L’encaissement entre montagnes et glaciers, cette sensation d’écrasement les précipite en dépression. » Ah bon ! Intéressant, non ?

C’est un monde inconnu et hostile qui s’ouvre à moi. Je comprends maintenant ce que c’est que la souffrance psychique. Je rentre désespérée à la maison, et la « vie » se poursuit comme avant les vacances. L’errance.

Dans ce contexte, je me résous à aller voir un psychiatre dont les coordonnées me sont données par mon médecin traitant. Je garde de l’expérience du Cipramil une peur viscérale des médicaments, et je me dis qu’ils risquent de me faire encore plus de tort que de bien. Pour m’encourager, mon médecin traitant me précise que le psychiatre est le seul médecin habilité à travailler avec des antidépresseurs, qu’il en existe différentes classes de molécules et que c’est lui qui sera en mesure de trouver le médicament qui me convient.

Premier rendez-vous chez le psychiatre. La secrétaire du médecin m’a avertie qu’il n’y a pas de plaque à l’entrée. Il s’agit de sonner au parlophone à tel nom et la porte s’ouvrira. Cela doit donc être tellement honteux de consulter un psychiatre. J’ai l’impression de rêver ou plutôt de cauchemarder : j’arrive dans un appartement tout à fait lugubre et, après quelques minutes d’attente, je me retrouve face à un médecin ou plutôt face à un professeur Tournesol en sandales, les cheveux dressés sur la tête. Ce rendez-vous ne m’inspire vraiment pas confiance. Si, à l’écoute de mon récit, il me confirme que je suis en plein burn-out oudépression, il me dit ne pas voir l’utilité de recourir à des antidépresseurs. Selon lui, ces derniers peuvent accélérer quelque peu la guérison, mais ce qui importe, c’est un changement de vie, car si tout recommence comme avant sans y avoir pris garde, c’est la rechute assurée.

Changer de vie ? Mais je n’ai pas envie de changer de vie, moi. Je veux guérir, c’est tout. Il se lance alors dans une étude théorique sur le burn-out, m’apprenant que le terme signifie « incendie » en anglais, et que si l’on compare le corps à un immeuble qui a pris feu, on peut bien comprendre qu’il faudra des années pour le reconstruire (sic).

D’après lui, je peux prendre plus de Temesta pour améliorer mes nuits : « Vous savez, en moyenne, mes patients consomment beaucoup plus de Temesta que vous. » Mais je ne veux justement pas devenir comme tous ses patients. Il m’indique alors qu’il travaille par hypnose…

Là, c’en est trop. Ce type ne m’inspire pas confiance. Qu’est-ce que cette hypnose ? ça me fait penser aux mauvaises émissions de télévision comme TF1 en a le secret. Christophe Dechavanne et Patrice Carmouse dans leur meilleur numéro d’hypnose du poulet. Non merci. Pas pour moi, professeur Tournesol. Je suis bien trop rationnelle pour imaginer que ce genre de chose puisse m’aider. Erreur...

Deuxième psychiatre. Je m’adresse au standard des consultations de l’hôpital. « Y a-t-il des consultations de psychiatrie ? Je suis en burn-out/dépression et j’ai besoin d’aide. » « Oui, il y a le docteur X et le docteur Y qui est une femme. » Sans hésiter, je choisis la femme. Je me dis qu’une femme me comprendra mieux. Cela me redonne confiance.

Le jour du rendez-vous arrive. Cela fait quelques fois que je raconte mon histoire. Je suis tendue et je ne sais pas très bien par quel bout commencer. Je m’entends lui dire : « Je crois que je suis une grande victime du stress. » Cette phrase l’interpelle à tel point qu’elle la reprendra comme telle dans le rapport destiné au médecin-conseil de la mutuelle. Elle diagnostique une fatigue chronique. Elle dit me sentir désespérée à ce stade, mais pas dépressive. Elle écoute ma dérive, ma peur des médicaments et ma volonté, bien sûr, de trouver une issue à ce problème. Elle agit prudemment. Avant toute chose et devant mon agitation (le débit de ma voix est très rapide, le discours est désordonné), elle me prescrit des sels de lithium en petite quantité. Ceux-ci sont souvent administrés aux maniaco-dépressifs dans leur phase maniaque et devraient aider à calmer l’agitation intérieure. Je prends ce produit à partir d’avril.

Petit à petit, les symptômes d’ordre dépressif se calment. Après quatre mois, elle introduit un nouvel antidépresseur dans le but d’améliorer mon sommeil. J’ai très peur des possibles effets du médicament. Je lis et relis la notice, surtout les contre-indications. Bizarrement, beaucoup de contre-indications de ces antidépresseurs sont exactement les symptômes dont je me plains déjà (fatigue, confusion, asthénie4...). Je me demande franchement s’ils vont changer quelque chose et surtout, si je vais les supporter. Premier cachet, deuxième, troisième… Ouf, ça a l’air d’aller : c’est-à-dire que cela n’empire pas. Je ne revis heureusement pas de deuxième choc « Cipramil ». De là à s’améliorer… Il faut compter quatre semaines, m’a-t-elle dit, avant les premiers signes d’amélioration de ce genre de médicament. Par contre, les effets secondaires, on les encaisse tout de suite : assèchement des muqueuses, éruption cutanée…

Je ne vais pas détailler ce qui s’est déroulé ensuite. Petit à petit, à un rythme tellement lent qu’il est difficile de s’en rendre vraiment compte, les nuits se sont doucement améliorées. L’endormissement reste délicat. Il existe encore des réveils nocturnes, mais à présent, je me rendors. Je fais souvent une sieste en début d’après-midi. Je ne m’endors pas forcément, mais cela m’aide à terminer la journée. Sur le plan physique, par contre, même si je ne suis plus grabataire, passant du lit au fauteuil, je reste très limitée. Une journée entière est trop longue, et je n’arrive pas à émerger de mon lit le matin avant 9 ou 10 h selon les jours. Certains jours, je reste clouée au lit ou dans le fauteuil, car je n’accède pas au minimum d’énergie qui me fait tenir debout, et je déclenche de très nombreuses céphalées.

Quand je suis convoquée en début de matinée chez le médecin-conseil, je demande à mon généraliste de demander à replanifier le rendez-vous à un autre moment de la journée. Je suis tout simplement incapable de m’y rendre. J’ai tout doucement repris une intendance minimum à la maison. Je survis tout juste entre les courses, les repas et le bain des enfants. Je continue le cours de yoga que j’ai commencé en mai, à raison de deux heures par semaine. Ma vie se résume à cela. Pas de vie, de la survie. Dans ces conditions, pas de vie professionnelle, pas de perspectives, pas de vie sociale non plus. De toute façon, beaucoup d’amis ou de connaissances ont fui depuis longtemps. Il est d’ordinaire assez difficile de se positionner face à quelqu’un en souffrance. Que dire ? Que faire ? Et cette souffrance-ci, parce qu’elle touche au psychisme et qu’elle s’inscrit dans la durée, est particulièrement difficile à se représenter et à comprendre. Irrémédiablement donc, les interactions se sont espacées : l’entourage prend de moins en moins spontanément contact avec moi, et moi, je n’ai pas la moindre énergie à donner pour entretenir les liens (appeler, rencontrer…).

Face à cet enlisement dans la fatigue pathologique, le diagnostic de fatigue chronique semble se préciser et est confirmé par la consultation d’un spécialiste en la matière. Une prise de sang réalisée chez ce dernier met en évidence une perméabilité de l’intestin. Ce médecin me recommande un traitement aux antibiotiques que je vais suivre pendant six bons mois. Je mets beaucoup d’espoirs là-dedans, en imaginant que cela va m’aider à remonter la pente. Cet état est une conséquence du burn-out et m’empêche de récupérer comme je le devrais.

Il faudra attendre un an d’antidépresseur, c’est-à-dire l’été suivant, pour voir se remettre en place certaines nuits complètes. Une par-ci, une autre par-là ; puis de plus en plus. Cela reste cependant très fragile. Si je suis un peu plus sollicitée la journée, je dors mal. Si je vais dormir un peu plus tard le soir, je rame pour m’endormir. De plus, le sommeil ne me semble pas très réparateur.

Chaque jour, de manière imperceptible, les choses avancent petit à petit. On me l’a assez dit : face à ce genre de problème, il faut du temps. Les repères du temps sont tout à fait bousculés. Il ne faut plus raisonner en jours ou en semaines, mais en mois et en années. Difficile à admettre et très angoissant : quand diable sortirai-je de cet état ?

La culpabilité ou la plus grande ennemie

Au début de la maladie, je culpabilise très fort et je n’accepte pas la situation. Au fond de moi, je suis en colère. Je souffre et je ne comprends pas ce qui m’arrive. Pourquoi moi ? C’est injuste. Je culpabilise sur tous les fronts.

Face au monde professionnel

Par rapport au bureau d’abord. Je n’ai pas dit qu’il s’agissait d’une inflammation intestinale. Je suis trop honnête et transparente. Dès le début, j’ai évoqué ce diagnostic de burn-out. Le certificat initial de deux semaines est prolongé de deux en deux semaines, puis de mois en mois… Je suis dans un tel état que répondre aux coups de téléphone est quasi insurmontable. Au début, la secrétaire de mon responsable hiérarchique m’appelle de temps en temps pour des informations nécessaires à la poursuite des activités. Les éléments urgents faisant partie de mes attributions sont réglés par mon équipe, par la secrétaire et par mon responsable hiérarchique.

Je reçois une corbeille de fruits à la maison avec les meilleurs vœux de rétablissement de toute la filiale. Mon patron écrit ces mots : « Prends le temps qu’il te faudra pour te rétablir. » Il ne croit pas si bien dire. Ces gestes m’émeuvent et me mettent en même temps très mal à l’aise. Je ne vois pas d’amélioration à mon état. Je me sens comme quelqu’un qui est resté sur le quai et qui voit partir le bateau sans lui, impuissant et en rage. Je continue à croire que dans deux semaines, dans un mois, dans deux mois, dans six mois, je serai en mesure de retourner au bureau et d’effacer cet affreux cauchemar, mais les échéances passent et mon état ne s’améliore pas.

Après trois mois d’incapacité de travail, mon patron souhaite me voir. Je fais un effort surhumain pour être prête à 11 h 30, le jour dit. Il est convenu qu’il passe me chercher à la maison. Il sait que je sors très peu de chez moi et que je ne suis pas en état de le rejoindre quelque part. Ça a l’air idiot, mais ce rendez-vous m’angoisse terriblement. D’abord, c’est pour moi un tour de force : me retrouver face à mon patron dans cet état-là et essayer de maintenir sa confiance malgré tout, aller dans un endroit public avec le bruit, l’agitation… Mais je ne m’estime pas en droit de refuser cette entrevue, car les contacts sont bons, et cela me paraît important de rester en bons termes. Nous parlons pendant une heure. Je ne lui cache rien de la situation. Il ne s’est pas vraiment renseigné sur le burn-out, mais il sait, pour avoir croisé ou entendu parler de cas similaires, qu’on parle en mois d’absence. Il m’affirme encore que j’ai sa confiance et qu’il attend mon retour.

Les mois passent sans amélioration. Je reçois une visite de collègues à la maison. Ils sont épouvantés par la difficulté que j’ai à me mouvoir entre ma porte d’entrée et le portail de la maison et en font rapport au bureau. Le 30 juin, veille de mon anniversaire, je rencontre mon patron une seconde fois. Là, il m’explique qu’il ne pourra plus continuer à attendre, qu’engager un interim manager