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Le couple est fantasmé comme une relation source de joie et de bonheur et pourtant, il est aussi l’objet de nombreuses souffrances. Pourquoi cette relation est-elle donc si compliquée ?
Dans ce livre Anne-Chantal et Christian, en couple depuis 45 ans, se livrent et visitent tous les thèmes sensibles d’une relation conjugale en vous offrant de la théorie et leurs témoignages en toute vulnérabilité.
De nombreux exercices et clés pratiques vous permettront d’améliorer ce qui peut l’être et, pour d’autres, mieux vous préparer à une nouvelle aventure, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Le couple, un chemin de croissance intérieur ? Il n’en tient qu’à vous !
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Veröffentlichungsjahr: 2023
Anne-Chantal & ChristianJunod
RÉUSSIR SON COUPLE
40 ans d’expérience
« Oser la vie à deux,
c’est avoir une confiance positive ensoi,
en l’autre et dans le couple.
C’est oser la création d’une œuvre originale, à deux. »
Frédéric Fanget
Il y a plus de 45 ans que nous sommes en couple. Pas toujours sous le même toit, car nous avons débuté tôt (16 ans). Pour beaucoup, au fil des années, nous passions pour un couple modèle ; sans doute le côté plutôt démonstratif de notre amour favorisait-il cette vision. Nous ne comptons plus le nombre de fois où, à l’issue d’une formation en connaissance de soi que nous suivions ou animions ensemble, des personnes sont venues spontanément vers nous pour nous partager que notre couple les inspirait, leur donnait de l’espoir, etc. Et pourtant, depuis 2010, différents évènements sont venus secouer notre relation. Nous avons pris conscience de « dysfonctionnements », plus particulièrement de notre peur à nous dire ce qui ne nous convenait pas ou plus. Il était temps de nouer un dialogue plus authentique. Nous avons réalisé que c’était la seule manière d’éviter de nous éloigner toujours plus l’un de l’autre. La parabole de la grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite résume bien notre situation à ce moment-là. Comment, sur certains aspects, avions-nous pu nous leurrer de la sorte ? Ce que nous montrions à l’extérieur et les retours positifs nous aidaient à masquer une part de la réalité. Nous avions déjà l’intention d’écrire ce livre et nos prises de conscience, certes douloureuses, mais surtout salutaires arrivaient à point nommé pour améliorer notre relation et expérimenter tout au long de ce travail d’écriture de nouvelles manières de se dire et de s’ouvrir à l’autre.
Nous avons réfléchi ensemble pour échanger sur notre peur de passer pour des imposteurs au moment d’écrire ce livre. Il en existe tant sur ce sujet, preuve que le thème du couple a une importance majeure dans nos vies. Alors, pourquoi en écrire un de plus ? Nous nous sommes posés la question. Nous ne sommes, ni l’un, ni l’autre, thérapeute de couple et pourtant nous avons l’intuition que nous avons beaucoup à partager sur ce thème : déjà et surtout à partir de notre expérience de membre d’un même couple depuis 1977, mais aussi à partir de nos expériences professionnelles diverses. Anne-Chantal a côtoyé de très nombreux couples, dans un premier temps, en tant qu’enseignante puis dans son expérience de thérapeute. Christian, dans son métier de conseiller en placements financiers, a eu à faire à de nombreux couples également. Son changement de vie en 2009 qui l’a amené principalement à animer de nombreux ateliers sur la relation à l’argent, lui a permis de voir, encore une fois, le rôle de l’argent dans les couples et aussi les dégâts financiers et émotionnels quand un couple décide de se séparer. Enfin, nous avons suivi de très nombreuses formations en Communication NonViolente et animons régulièrement des constellations systémiques et familiales ; dans ce cadre le couple actuel et/ou le couple parental sont omniprésents. Last but not least, nous sommes des passionnés de la compréhension des êtres humains. Nous sommes fascinés par la complexité de chacun, alors, imaginez ce que cela donne quand deux êtres complexes décident de s’unir.
Outre le fait qu’il soit écrit par un couple qui mélange tant le professionnel que le privé, nous avons surtout opté pour le choix de l’ouverture et l’authenticité. S’ouvrir à tout un chacun sur un thème si personnel est délicat, car nous ne désirons pas tomber dans le piège du voyeurisme (comme certaines télé-réalités). Nous souhaitons que chaque partage, plus ou moins intime, de notre vie serve le lecteur en faisant écho à son propre vécu. C’est là le but premier et ultime de ce travail d’écriture. Où est la limite entre partage authentique et voyeurisme ? Il n’y a que des réponses individuelles à cette question. Probablement que nous en choquerons certains, ce n’est évidemment pas notre objectif. Si c’était simplement pour relater notre vie, cela n’aurait, selon nous, aucun intérêt. Notre vie en tant que telle n’a rien de spectaculaire : pas de maladies graves, ni accident, ni morts prématurées. Son intérêt est davantage à travers les innombrables prises de conscience de nos fonctionnements, de nos erreurs, de nos errements, des impasses difficiles à dépasser et bien évidemment des solutions trouvées, testées, adoptées. Nous ne venons pas vers vous en tant que couple qui sait ce qui est juste et comment faire, mais avec l’humilité et le désir que ce partage authentique vous serve et vous permette d’améliorer quelque chose dans votrevie.
Notre croyance est que pour préserver la qualité de la relation amoureuse, il est nécessaire de faire le choix de s‘en occuper, d’en prendre soin et d’agir pour la nourrir. À l’image d’un jardin potager, si nous le négligeons, tôt ou tard, les mauvaises herbes envahissent l’espace et empêchent l’épanouissement et la croissance de ce qui a été planté.
Outre un bilan de notre relation au moment du début de ce projet d’écriture, ce livre, comporte des thèmes clés, incontournables dans le couple, des moments charnières de notre vie que beaucoup d’entre vous auront visités aussi. À la fin de chaque chapitre, nous proposons des pistes de réflexion pour faire des bilans sur le thème abordé. Nous vous invitons, bien sûr, dans la mesure du possible à les faire en couple et/ou à les partager avec des amis pour vous enrichir mutuellement.
Ce livre ne doit pas être nécessairement lu dans l’ordre. Il se peut que l’un ou l’autre chapitre ne vous concerne pas ou peu. Nous avons tenté de garder, autant que possible, un fil conducteur chronologique.
Nous vous souhaitons une bonne lecture et d’enrichir votre connaissance de vous-même et de votre éventuel partenaire.
Christian
Je n’imaginais pas ce qui nous attendait en débutant l’écriture de ce livre. Il nous a permis de revisiter notre histoire et a permis de mettre à plat des morceaux qui n’avaient pas été réglés. Nous avons débuté ce livre en août 2017 et j’imaginais que cela nous prendrait quelques mois à peine.D’avoir pris le temps, d’avoir arrêté de longs mois, nous a permis d’aller plus loin dans nos prises de conscience et partages.
Pour être honnête avec vous, chers lecteurs, chères lectrices, une partie de moi craint vos réactions en lisant certaines parties. J’ai conscience que c’est mon ego qui se manifeste et je préfère voir que cela a du sens de se dévoiler pour permettre les « effets miroirs » et les échanges constructifs dans les couples.
Enfin, d’imaginer que nos enfants et mes parents liront ce livre n’est pas anodin non plus. Qu’ils puissent voir notre état d’esprit constructif et notre envie de contribuer à plus d’harmonie dans les couples.
Anne-Chantal
Comme l’a dit Christian, je n’avais pas anticipé à quel point l’écriture de ce livre serait un réel processus d’ajustement et de nettoyage des parts de notre histoire que nous avions mises, souvent inconsciemment, de côté.
L’écriture de chaque chapitre venait nous questionner :
–Où en es-tu aujourd’hui avec cela ?
–Comment l’as-tu intégré dans ton quotidien ?
–Jusqu’à quel niveau d’ouverture es-tu OK d’aller ?
–Es-tu vraiment authentique ?
–...
Et parfois, nous avons eu besoin de temps pour déposer, pour nous poser, comprendre, libérer et intégrer ce qui était réveillé. Il nous a permis de mettre encore plus de clarté sur les enjeux que nous pouvions vivre et nous a permis de grandir. Mon souhait le plus cher est que ce processus de maturation, vous puissiez vous aussi le vivre et avoir une vie de couple dans laquelle chaque partenaire puisse s’épanouir.
S’il y a un sujet sensible, c’est bien celui du couple. Pourquoi une telle sensibilité ? N’y aurait-il pas un idéal que si je dois réussir une seule et unique relation dans ma vie, c’est celle-ci ? N’y aurait-il pas, culturellement, une sorte de pression inconsciente de succès ?
Peut-être même que nous portons encore cellulairement depuis des siècles et des siècles, qu’il est vital que la relation entre les deux sexes soit fonctionnelle pour la survie de l’espèce. Notre inconscient n’est-il pas encore imprégné de la répartition ancestrale des rôles ? L’homme va à la chasse pour ramener la nourriture et se bat pour protéger sa famille contre les prédateurs et la femme s’occupe des enfants en bas âge, cuisine et entretient la grotte. Les femmes passaient de la tutelle de leur père à celle de leur partenaire et dépendaient d’eux pour survivre.
Est-ce que la femme dépendante matériellement de son mari pendant si longtemps ne porterait pas la crainte, qu’un jour, il ne veuille plus d’elle et qu’elle se retrouve à la rue, démunie, avec ses enfants ?
Au niveau de l’humanité, il est très récent que les mariages se fassent par amour. Est-ce qu’à partir de là, la pression n’est pas devenue encore plus grande ? Puisque c’est l’amour qui nous réunit, cela devrait être parfait, au moins ! Avant, il y avait l’excuse du non-choix, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Chacun porte directement la responsabilité de l’échec, même si dans les moments difficiles, la tentation de la faire porter à l’autre est importante.
Anthony Di Mello disait : « La souffrance est la différence entre ce qui est et ce que j’aimerais qu’il soit. Plus la différence est grande, plus la souffrance l’est également. »
L’idéal présenté dès l’enfance dans les contes puis plus tard dans les films romantiques où l’on idéalise la période rose de la passion amoureuse, génère inévitablement, un niveau d’aspirations tellement élevé qu’au mieux, nous l’atteindrons et que dans tous les autres cas de figure, nous resterons en dessous et donc sujets à la souffrance comme le dit A. Di Mello.
Même si aujourd’hui, personne n’est dupe et sait que le pourcentage de divorces est important, aucun d’entre nous ne pense d’emblée que cette relation durera maximum 5 ans, par exemple. La plupart des personnes imaginent qu’elles feront partie de celles qui échapperont à la séparation. Quitter un partenaire de vie est complexe et douloureux d’autant plus s’il y a eu cohabitation et s’il y a des enfants en commun.
Il est usuel et intégré dans les mœurs de consacrer plusieurs années à l’apprentissage d’un métier, que nous exercerons plus ou moins longtemps. Mais connaissez-vous des endroits où l’on apprend à vivre en couple ? À faire en sorte que la flamme du début continue à luire même quand des routines s’installent ? Il n’y a que peu d’endroits où apprendre à vivre en couple est enseigné et souvent la fréquentation des stages sur ce thème n’est faite qu’une fois le couple formé et déjà en route. Dans la première phase amoureuse et passionnée, peu de personnes imaginent avoir à apprendre quoi que ce soit puisque tout va très bien et que le partenaire choisi est tellement formidable ! En effet, la grande majorité des couples qui consultent un spécialiste, un thérapeute ou un autre médiateur le font quand il y a déjà passablement des dégâts, voire quand c’est trop tard. N’y aurait-il pas un savoir-faire pour apprendre à communiquer, à apprendre à s’écouter, à parler des difficultés d’une manière constructive ? Comme la majorité des couples, nous avons appris sur le tas. Nous avons parfois demandé du soutien ou pris des cours de Communication NonViolente (CNV) et malgré cela, tout n’est pas aisé, tant les enjeux restent importants et nos blessures, parfois encore présentes.
Au fond, pour beaucoup de couples, il y a, dès le départ, un malentendu. En effet, rares sont ceux qui prennent le temps de partager, dès le début de leur relation, leur vision de ce qu’est un couple harmonieux. C’est une vraie et bonne question : « Chéri/e, pourrais-tu me décrire ta représentation d’un couple heureux, d’un couple qui a un fonctionnement fluide ?
Ces questions permettraient à chacun d’y réfléchir, de se positionner, d’éventuellement prendre conscience que les visions divergent et que les attentes sont bien différentes. A partir de là, soit il y a la possibilité de s’accorder et de trouver des solutions gagnantes pour chacun soit d’avoir une meilleure compréhension des comportements et des attentes de l’autre. Si, par exemple, un homme dit à son amoureuse : « Je ne veux pas que tu travailles le jour où nous aurons des enfants. », cette dernière, si elle a l’intention de poursuivre son activité professionnelle en tant que mère, pourra se poser la question de l’avenir de cette relation. Bien évidemment que nos représentations ne sont pas figées dans le temps, elles évoluent. Cela nécessite donc de se réajuster en fonction des périodes. Nous y reviendrons quand nous parlerons des différentes casquettes/rôles que chacun porte.
Il est plus glamour de croire que c’est un élan amoureux qui nous a attiré l’un vers l’autre que penser que deux inconscients se sont choisis pour permettre à chacun d’évoluer. Et pourtant, nous portons cette conviction que le choix de notre partenaire est porté par une grande part d’inconscient. D’ailleurs, bien souvent, après de nombreuses années de relation et une meilleure compréhension du fonctionnement de l’autre, certains se demandent bien pourquoi ils ont choisi ce/cette partenaire. S’ils avaient eu des aperçus de certaines facettes dès le début, ils seraient peut-être partis en courant ! Alors, comment peut-on se « tromper » pareillement ?
Voici notre croyance : notre inconscient sait quelles blessures nous avons à guérir, quelles difficultés nous avons à transformer ; il nous pousse donc vers celui ou celle qui va inconsciemment et en principe, sans mauvaise intention, presser sur les endroits encore douloureux pour que nous n’oubliions pas de nous en occuper. Dans ces situations, la tentation serait de ne pas poursuivre la relation, car elle réveille trop de douleurs. Pourtant, si nous ne nous occupons pas de cette blessure, il y a toutes les chances pour que la vie nous amène à attirer une personne qui, à son tour, va appuyer sur ces mêmes points douloureux. Donc, si nous adhérons à cette croyance, nous constatons que le couple est aussi et surtout un chemin de guérison de soi qui nous aidera à devenir des partenaires plus conscients et plus capables de créativité pour dépasser les difficultés que le quotidien apportera.
« Le mariage c’est la volonté à deux de créer l’unique. »
Friedrich Nietzsche
« Dans une famille, on est attaché les uns aux autres par des fils invisibles qui nous ligotent, même quand on les coupe. »
Jean-Michel Guenassia
Cette partie est avant tout une succession de témoignages. N’hésitez pas à passer à la suivante si votre priorité est d’avoir desclés.
Pour mieux appréhender ce qui va suivre, il nous paraît utile de décrire nos contextes familiaux afin de mieux comprendre comment nous nous sommes construits et quelles valeurs, cultures nous avions lorsque nous nous sommes rencontrés. Écrire cela alors que nous savons que nos parents le liront n’est pas évident. Comme nous n’avons aucun grief contre eux et que notre intention est positive, nous tentons cet exercice sans nous censurer.
Dans quelle famille nous sommes-nous incarnés ?
Christian
Je suis le second d’une famille de 4 enfants, né en septembre 1960. Mon frère aîné de 2 ans, Daniel, aura un lien privilégié avec ma mère. Étant attendu comme une fille (c’est ce que le gynécologue avait prédit à mes parents), je ne suis clairement pas le cadeau attendu…
Mes deux parents viennent de famille à moyens et culture modestes. J’ai l’impression de vivre comme les autres camarades de l’école, ni plus riche, ni plus pauvre. Par contre, nous avons eu 2 autos très tôt, un signe que mon père a de bons revenus. Mon père va mettre toute son énergie dans les activités extérieures (travail surtout, responsabilités dans différentes associations sportives, caritatives, etc.). Ma mère reste à la maison pour s’occuper de nous. Elle est venue très jeune de Suisse allemande et s’est beaucoup adaptée à ce nouveau cadre de vie. J’ai l’impression que mon père représentait l’autorité ; c’est lui qui punit et qui me fait peur si je ne respecte pas le cadre.
Je vais vivre quelque peu dans l’ombre de ce grand frère : il est excellent à l’école et même en étant bon, je ne suis pas à son niveau. La notion de « difficulté à trouver ma place » va être une question centrale dans mon existence. Comme si j’avais intégré que je n’avais pas le droit, l’autorisation d’être brillant.
J’ai un souvenir d’une éducation basée sur ces objectifs : être poli, obéir, ne pas se faire remarquer, ne pas déranger et ne pas sortir du cadre. La perception de l’extérieur est importante.
L’arrivée de ma sœur adoptive, Corinne, alors que j’ai 6 ans, va bouleverser le paysage familial. Elle a alors 15 mois et dès qu’elle grandira un peu, elle va envoyer valser les principes familiaux. Elle prend sa place à sa manière et va envoyer « chier » sa maîtresse de maternelle à moins de 6 ans, une dame proche de la retraite, pour laquelle, c’est une première. Ma sœur va me faire un miroir insupportable de ce que je ne m’autorisais pas, la rébellion (moi, je boudais quand quelque chose ne me convenait pas).
Je suis très joueur et les jeux en famille tournent parfois mal, car je ne supporte pas de perdre. Je me retire dans mon coin et invente moult jeux pour me divertir et vivre dans mon monde. Par périodes, je passe bien du temps avec mon grand frère. J’aime jouer au foot depuis l’enfance et ce n’est qu’à l’âge de 13 ans, grâce à l’intervention de ma mère et de mon frère aîné auprès de mon père, que je pourrai enfin le pratiquer dans un club. Que de souvenirs mémoriaux pour moi qui ai un esprit d’équipe, encourage et stimule les autres.
Mon petit frère, Thierry, va naître 12 ans après moi. J’ai eu une relation autant paternelle que fraternelle avec lui.
Finalement, la personne centrale de la famille, durant mon enfance, c’est ma grand-mère paternelle. Elle est veuve depuis très longtemps et a élevé ses 2 fils, seule. Elle a une forte personnalité et aime avoir du monde autour d’elle et sait le montrer. Ainsi, depuis tout jeune, tous les dimanches se ressemblent : partir en auto à Sainte-Croix, chez elle, sur des routes sinueuses. En général, il y avait un enfant qui vomissait en y allant (jamais au retour, étonnant, non ?). Même si j’y ai passé de bons moments, heureusement, le côté obligatoire avait comme conséquence que nous n’avions ni l’élan ni l’envie de nous y rendre. Mes parents ne voulant pas faire d’histoires répondaient aux exigences de cette grand-maman plutôt égocentrique et nous en faisions les frais. Il a fallu que nous grandissions, que nous fassions des compétitions sportives durant le week-end pour que mes parents aient de bonnes raisons de ne plus s’y rendre chaque dimanche. Il y avait, chez eux aussi, cette volonté de ne pas faire d’histoire. Ils étaient démonstratifs entre eux, surtout mon père qui exprimait son amour à ma mère. Une vie apparemment sans histoire, sans joie débordante nonplus.
Mon grand bonheur, c’est les vacances d’été au camping en Toscane avec d’autres familles. J’avais l’impression à cette occasion que les règles étaient assouplies et un certain sentiment de liberté. Ce n’était sans doute que relatif, car je me souviens qu’une année, durant les vacances, une dispute avait éclaté entre mon père et un de ses amis sur l’éducation des enfants. Mon père estimait que la fille de son ami n’avait pas de cadre et ce dernier disait que mon père dressait ses enfants. Ils avaient, sans doute, tous les deux raison.
2-3 souvenirs anodins et pourtant marquants qui expliquent bien ce que j’ai intégré :
–J’entends une voisine dire à ma mère que ses enfants sont polis et très bien élevés. Je vis cela comme le summum de la réussite du bonfils…
–J’ai 11 ans, mon prof que j’apprécie beaucoup me dit un jour alors que mon attitude ne lui convient pas : « Christian, tu veux encore te faire remarquer ». C’était comme une injure, traumatisant…
Pour conclure, je me vois comme un enfant qui manque d’estime de soi, qui aime s’amuser, être en interaction avec les autres (les copains, c’est important), se sent seul en famille et qui a une grande faculté d’adaptation aux attentes des autres. J’évite les histoires, les conflits et n’ai pas appris à exprimer ce qui est important pour moi (en suis-je vraiment conscient ?). En fait, je suis un enfant obéissant plutôt qu’épanoui, ce qui correspond à l’éducation que j’ai reçue.
Anne-Chantal
Je suis l’aînée d’une fratrie de 3 enfants et la seule fille. Mon arrivée a conduit mes parents à se marier et pour ma maman à quitter le nid familial.
Quand ma mère a annoncé à ses parents qu’elle était enceinte, son père ne lui a pas parlé pendant une semaine. Elle l’a très mal vécu, car, dans la même situation, cinq ans plus tôt, sa sœur avait été accueillie à bras ouverts.
Mon père a reçu une lettre de sa maman qui lui disait que mon arrivée était un cadeau de l’amour et qu’elle leur souhaitait un bel avenir ensemble.
Ces deux réactions sont très différentes et significatives des deux milieux dont je suis issue. Mon père vient d’une famille de petits agriculteurs catholiques très croyants et pratiquants avec un oncle curé et des tantes dans les ordres. Il a vécu toute son enfance avec ce qu’il fallait matériellement, mais rien de trop. Et pour des raisons de litiges familiaux en lien avec sa scolarité, il a vécu de nombreuses années chez ses grands-parents. Ma grand-mère paternelle était une grande lectrice, elle rédigeait les lettres administratives pour les habitants de son village et aidait leurs enfants à faire leurs devoirs, particulièrement les rédactions de textes. Mon grand-père paternel était analphabète et souffrait de cette situation. Il a toujours incité ses enfants à travailler leurs devoirs pour qu’ils acquièrent des connaissances.
Mon père a grandi dans un milieu plutôt pauvre, avec un couple qui s’aimait et le montrait par des gestes affectueux, pratique rare à cette époque. Sa maman avait placé sa confiance dans Dieu et acceptait les aléas de la vie avec beaucoup de tolérance et de capacité à rebondir.
Ma mère est issue d’une famille d’ouvriers horlogers et est la seule enfant du second mariage de mon grand-père qui en avait déjà deux du premier. Ma grand-mère a connu mon grand-père en venant s’occuper des deux enfants rescapés de l’accident qui a coûté la vie à leur mère. Ma mère n’était pas prévue au programme, surtout par mon grand-père qui ne voulait pas une fratrie issue de deux mariages, par peur des potentielles injustices et préférences éducatives de ma grand-mère. En fait c’est le contraire qui s’est passé, car ma grand-mère avait tellement peur qu’on la traite de marâtre qu’elle a fait preuve d’une très grande patience avec les premiers enfants et qu’elle se lâchait avec ma mère qui était son propre enfant. Elle lui disait : « Toi je peux t’élever comme je veux ». Ma grand-mère a toujours travaillé et ma maman a souvent été seule à la maison.
Ma mère a donc grandi dans un milieu plutôt agité, avec un couple davantage construit sur la raison que sur l’amour et qui se disputait beaucoup.
Qu’a donné l’union de ces deux personnes ?
Mes parents ont créé un foyer dans lequel je me suis sentie en sécurité. Mes parents étaient très attentifs à nous donner le meilleur d’eux-mêmes et à nous accompagner dans nos activités extra-scolaires. Notre famille était plutôt du type sportif : en été nous allions régulièrement à la piscine et marcher en montagne et en hiver nous faisions du ski, les premières années du ski de piste et à l’adolescence la famille s’est aussi mise au ski de fond.
Nous étions peu ouverts sur l’extérieur, en dehors de la famille : je n’ai pas souvenir que mes parents aient invité des amis. Néanmoins, nous ne manquions pas de contacts et de relations sociales, car mon père était issu d’une fratrie de dix enfants et ma mère de trois. Nous avions régulièrement des rencontres avec mes cousins et cousines, le plus souvent lors de pique-niques.
J’ai donc grandi dans un milieu très protégé, sans conflits et très cocooning. J’avais le sentiment d’être privilégiée parce que non seulement mes parents s’occupaient très bien de moi, mais en plus, il me semblait que nous étions à l’aise financièrement, ce qui nous permettait de partir en vacances et d’avoir du bon matériel pour nos activités sportives.
À l’adolescence, j’ai commencé à me sentir parfois enfermée dans ce cocon et j’aspirais à me démarquer et à avoir plus de liberté. Quand je parle de liberté, il y avait la liberté physique, c’est-à-dire l’envie de pouvoir sortir comme je le désirais et il y avait aussi ma liberté de pouvoir exprimer des avis différents. J’ai le souvenir que lorsque j’avais une opinion et que je voulais la défendre, mon père intervenait et me disait : « Ne réponds pas à ta maman ». Nous n’avions pas la culture du débat et l’harmonie était ainsi maintenue en s’adaptant aux idées de mes parents qui étaient consensuelles. Si dans le cadre fermé de notre cocon, nous pouvions rire et parfois faire « les fous » sitôt à l’extérieur, les attentes étaient de ne pas se faire remarquer. Il y avait le souci de ce que les autres pourraient penser et il y avait aussi ces interrogations et jugements sur ceux qui faisaient différemment. Mes parents étaient plus sensibles et interpelés par les petites différences au sein de la population locale que par les différences ethniques ou lointaines. Il y avait comme un double discours : d’une part la critique des travers de nos semblables qui gravitaient dans notre village et d’autre part un discours tolérant et d’accueil pour ceux qui étaient vraiment différents de nous. Ce que j’ai retenu de cela est qu’il valait mieux se comporter comme la majorité et étouffer toute velléité de différenciation.
Par ailleurs, au moment de mon adolescence, ma maman a eu sa première dépression. Cela a aussi contribué au fait que je m’adapte et ne fasse pas de vagues. Je n’allais quand même pas en rajouter une couche. Je me souviens d’un évènement qui m’a marquée et qui illustre cette sensation d’avoir dû restreindre et calmer mon tempérament. Je devais avoir quinze ou seize ans et je rentrais de l’école en sifflant à tue-tête dans les escaliers de notre immeuble qui était une ancienne maison de maître, je profitais et jouissais de la résonnance de ce vaste escalier. J’entre dans notre appartement et ma maman me dit :
–Tu ne dois pas siffler ainsi.
–Pourquoi ? demandai-je
–Parce que les filles, ça ne sifflepas.
Encore à ce jour, je ne comprendspas.
En conclusion, j’ai ressenti ma famille comme un lieu très protecteur qui m’a permis de grandir en toute confiance, mais qui m’a peu préparée à faire face aux aléas de la vie et qui au moment de prendre mon envol a plutôt été vécue comme un frein. Mes parents ont eu de la peine à nous lâcher et j’ai mis du temps à me sentir réellement autonome, à me détacher des regards et jugements que mes parents pouvaient avoir sur ma manière de vivre qui est restée longtemps très traditionnelle par loyauté à mon système d’origine et par un manque de connaissance sur d’autres manières d’appréhender la vie. Finalement, je réalise que j’ai toujours eu un grand besoin de liberté : liberté de penser, liberté d’agir que j’ai nourries par une curiosité et un goût prononcé pour tout ce qui concerne l’être humain, son développement, ses fonctionnements et ses comportements que cela soit de lui-même, à lui-même ou dans ses relations avec les autres.