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« Vampires, démons, anges, magie, le monde en regorge. J'ai fait l'erreur de m'impliquer dans les ténèbres, et maintenant j'y suis jusqu'au cou. Je pense que mon ange gardien m'a abandonné… littéralement.
Qui pourrait penser qu'un simple toucher du doigt d'une corde d'âme scintillante pourrait bouleverser votre monde ? La vie d'Helena, 19 ans, change lorsque son esprit entre dans le Royaume des Anges à la recherche de son père. Mais, les choses ne se passent pas comme prévu. Contre les avertissements de son ange gardien, elle lie son âme à un vampire, une créature qu'elle pensait n'exister que dans les films d'horreur.
Lucious a passé son immortalité à rechercher les monstres qui ont tué sa dame. La dernière chose dont il avait besoin était de devenir vulnérable à cause d'un lien avec une fille imprudente. Pourtant, il réalise que ce lien pourrait tourner cela à son avantage. Estimant qu'Helena possède un grand pouvoir, il envisage de l'utiliser contre le Conseil comme monnaie d'échange.
Quand Helena rencontre le vampire charmant et terrifiant avec qui elle partage un lien émotionnel, elle se rend compte que sa vie ne sera plus jamais la même. Malgré son combat contre les manipulations de Lucious, elle ne peut pas nier leur attraction l'un pour l'autre. Alors que leur désir l'un pour l'autre s'intensifie, elle a besoin de savoir si elle peut lui faire confiance. Après tout, sa vie et son âme sont en jeu.
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Seitenzahl: 612
Veröffentlichungsjahr: 2021
ROULETTE RUSSE
Séries Helena Hawthorn Vol. 1
MAY FREIGHTER
Table des matières
SÉRIES HELENA HAWTHORN
Prologue
1 Le journal
2 Domaine des destins
3 Traquée
4 L’entretien
5 Kidnappée
6 Cauchemars
7 Un pacte
8 Morsures pas très amicales
9 L’invitation
10 Âmes tourmentées
11 Union d’énergies
12 Russian Roulette
13 Le voyage
14 Son Infant
15 Au-delà des ténèbres
16 Cauchemars sans fin
17 La vérité
18 Père J. R.
19 Nouveau ravisseur
20 Seule
21 Nouveau pouvoir
22 Lumière et ténèbres
23 Le Conseil
Épilogue
Chapitre bonus Valentines hantées
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A propos de l'auteur
Dédicace
Remerciements
Copyright © May Freighter, 2021.
May Freighter détient les droits d’auteur de ce travail en vertu de la loi 2000, l'amendement du droit d'auteur (droits moraux).
Cette œuvre est protégée par des droits d'auteur. À l'exception d’une utilisation autorisée par la Loi de Copyright, Designs and Patents Act 1988, aucune partie ne peut être reproduite, copiée, numérisée, stockée dans un système de recherche, enregistrée ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'autorisation écrite de l'auteur.
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les incidents sont le produit de l’imagination de l’auteur. Toutes les déclarations, descriptions, informations et documents de toute autre nature contenus dans le présent document sont uniquement inclus à des fins de divertissement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des événements ou des lieux est entièrement fortuite.
Tous les droits sont réservés.
Alexander : Mémoires (Préquelle/Séries AVIL)
Roulette Russe
Les portes démoniques
Éboulement du contrôle
Désiré
Entretien monochrome (série AVIL)
Origines fatales
Bien-aimée
Affiliations des ténèbres
Traduit par Ishak Lamia
Vous découvrirez dans ce livre une terminologie utilisée dans la série Helena Hawthorn. En voici un petit glossaire :
Infant : Un humain changé en vampire.
Sire ou Dame : Un titre donné à un vampire géniteur d’un autre vampire, partageant son énergie avec un humain.
Conseil : Les vampires sont dirigés par sept conseils, dont le rôle est d’empêcher que le monde des humains les découvre et protègent leur peuple des attaques des chasseurs de vampires. Un Conseil est généralement composé de 4 à 5 membres, tous respectés et craints par leur communauté.
Loups-garous sont des vampires qui servent volontairement le Conseil ou qui sont engagés par les membres du Conseil. Leur nombre dans chaque conseil est en moyenne de 20 à 50 vampires, à l'exclusion des goules.
Dissipation est le déplacement très rapide et inhumain des vampires. Habituellement, un vampire peut parcourir des kilomètres sans ressentir de fatigue. S’ils vont au-delà de leurs limites, ils risquent de se déchirer les muscles des jambes, ce qui peut être atroce et lent à guérir s’ils n’ont pas de sang pour se nourrir.
Donneurs : les humains qui font un don aux vampires après avoir été affiliés à leurs cercles et avoir accepté la protection d'un vampire. Ils ont tendance à bien gagner leur vie et certains acquièrent même un pouvoir influent dans la société humaine grâce à leurs liens avec des vampires.
Humains sont tenus hors de la boucle par le surnaturel.
Goules sont des humains ayant bu du sang de vampire juste avant de mourir. L'échange d'énergie ne se produit jamais avec leur sire, comme il le ferait lors de la création d'un infant. Les jeunes vampires ont tendance à prendre cela comme un développement et à enterrer le corps dans le sol sans attendre, laissant la créature se réveiller avec l’envie irrésistible de se nourrir de la chair des morts.
Helena frissonna au contact du mur en pierre. Son cœur se mit à battre la chamade en réalisant qu’elle avait les poignets ligotés. Elle tira de toutes ses forces, mais ses chaînes étaient inflexibles.
- Je crois qu’elle s’est réveillée, dit une voix rauque.
- Alors qu’on en finisse, lui répondit une autre.
Elle tourna sa tête dans la direction des voix. Le mouvement rendit sa vision trouble et elle plissa des yeux. Des caisses et des boîtes empilées étaient éclairées par une ampoule à faible puissance. Un homme chauve assis à une table, les pieds croisées, tenait un journal local dans ses mains musclées.
Le deuxième homme s'écarta du mur crasseux et s’approcha d’elle en traînant des pieds. Son sourire déroutant révéla une série de canines allongées.
Elle retint son souffle.
- T’es pas un peu trop jeune pour travailler pour Alexander ? lui demanda-t-il.
Il fit la grimace en arquant des sourcils. Son attention passa d’un ravisseur à l`autre. Elle ne travaillait pas pour Alexander, elle ne voulait jamais le revoir, ni revoir Lucious, d’ailleurs.
L'inconnu s'arrêta à un pied d’elle. Ses cheveux noirs et gras épars étaient collés à son cuir chevelu. Quelques mèches lui tombaient sur les yeux, voilant ses lourdes paupières. Il tendit la main, l’attrapa par les cheveux et tira fort pour lui relever la tête et la regarder dans les yeux.
- Je t'ai posée une question, humaine !
Elle plissa le nez. Son haleine lui donnait envie de vomir - un mélange de tabac bon marché, de bière et d’on ne sait quoi d’autre. La panique ne résoudra rien, pensa-t-elle, mais son cœur ignora cette tentative de rationalisation.
- Je ne travaille pas pour lui, dit-elle surprise par le ton inébranlable de sa voix.
Il fit un signe de main vers sa chemise et son pantalon élégants.
- On t'a vu sortir de son club, habillée comme ça.
Helena se retint de rouler des yeux. S'il avait été à l'intérieur de son établissement, il aurait su que le personnel d'Alexander ne portait pas d'uniforme. Ah, si, les videurs en portaient…
- C'est ce que les gens portent pour un entretien !
Ses yeux brillèrent d'une lueur gris clair et elle regretta aussitôt son ton grossier. Elle tressaillit sous son regard menaçant, qui lui rappelait un enfant de deux ans qu'elle avait pour habitude de garder. Le gamin la fusillait toujours du regard lorsqu’elle refusait de lui donner des bonbons.
- …tu m’entends ?
Il lui avait tiré la tête en arrière d’un mouvement brusque, lui relâcha les cheveux en lui criant dessus.
Elle sentit un terrible mal de tête.
- Je crois que j’y suis allé un peu fort.
- Rick,… intervint son compagnon en posant son journal sur la table, si tu ne peux rien tirer d’elle…
- Si, j’y arriverai !
Helena comprit que ‘Rick’ n’était pas le patron. L’autre homme était autoritaire. Elle s'imagina Rick se démener pour lire un roman de Tolstoï. Elle retroussa ses lèvres en un sourire moqueur.
- Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Est-ce que tu te rends compte de la situation dans laquelle tu t’es mise ? lâcha Rick.
Elle le fusilla du regard. C’était inutile de discuter avec lui.
- Quoi ?
Elle sentit sa joue gauche brûler, il venait de la gifler. Elle remua pour effacer la douleur et ressentit une crampe à l’estomac. Elle était enchaînée à un mur avec deux hommes inconnus dans une pièce sombre.
Une douleur lancinante s'enracina dans ses bras, elle se mordit la lèvre inférieure pour empêcher sa langue acerbe de lui causer plus de problèmes.
Rick se pencha vers elle et ses lèvres lui effleurèrent l’oreille.
- Voyons ce que tu sais.
Il serra sa tête entre ses mains et la força à le regarder. Il lui sourit en la fixant dans les yeux.
Helena se débattit en criant :
- Lâche-moi !
- Calme-toi, humaine.
Son ton dur se transforma en une mélodie apaisante. Son corps se détendit en entendant l’ordre. Ses yeux brillants étaient devenus le centre de son univers. Tout ce qu'il disait était un ordre à exécuter.
Son cerveau essayait de lutter contre sa domination. Pourquoi Lucious n'a pas pu m'influencer, alors que cet idiot y arrive ?
- Est-ce que tu m’entends ?
- Oui.
- Obéiras-tu à mes ordres ?
Elle répondit d’un ton monotone et dépourvu d’émotions :
- Oui.
Se penchant jusqu'à ce que leurs nez se touchent, Rick lui posa la question à un million de dollars.
- Est-ce que tu travailles pour Alexander ?
- Non !
La lueur grise dans ses yeux s'intensifia, lui donnant l'impression qu'elle flottait. Ses poignets palpitaient. Le métal s’enfonçait dans sa peau et elle laissa échapper un gémissement.
- Est-ce que tu connais Lucious ?
- Oui.
Les doigts du vampire s'enfoncèrent dans sa mâchoire et elle grimaça.
- Où est-il ? Que sais-tu de lui ?
- À la Roulette Russe. Il voulait me voir pour briser le lien.
Son partenaire bondit hors de sa chaise en la renversant.
- Quel lien ?
Les mots lui manquaient, elle était confuse.
- Réponds-lui, siffla Rick en lui tirant la tête en arrière.
- Je ne sais pas, c’était un accident.
Dans sa frustration, Rick la secoua.
- Je te viderai de tout ton sang, si tu ne me donnes pas la bonne réponse !
Son partenaire avait sorti son téléphone et tapait quelque chose sur l'écran.
- Elle n’a pas beaucoup d’informations à nous donner, mais elle pourrait nous être utile pour autre chose.
Rick fit glisser ses doigts le long de ses bras, approchant son ongle de sa jugulaire.
- Est-ce que je peux m’amuser ?
Son influence sur elle s’était estompée et Helena fixait le côté de sa tête.
- Tu peux te nourrir, mais va pas trop loin. Nous pourrions en tirer un bon prix plus tard.
Tout son corps frissonna en voyant le sourire de Rick s’élargir. Elle n’en savait pas assez sur le lien, elle ne pouvait donc pas utiliser cette information à son avantage. Elle ne savait pas grand-chose sur Lucious, Alexander et leurs projets.
Helena gémit. Son mal de tête s’était transformé en un bourdonnement constant. En fermant les yeux, elle fit une prière pour que Michael fasse son apparition et lui annonce de bonnes nouvelles.
Le patron les regarda un instant avant de retourner son attention vers son téléphone.
- Tu as deux minutes.
Il sortit à grands pas de la pièce sans dire un mot de plus. Le patron de Rick dissipa, elle se mit à regretter son comportement. Elle regarda la porte se refermer, souhaitant qu’il revienne bientôt.
Rick sortit un couteau suisse de la poche de son jeans. Une étincelle brillait dans ses iris alors qu'il ouvrait la lame.
Helena ferma les yeux. Elle refusait d’être sa marionnette. La pointe métallique froide effleura sa joue.
- Si tu n'ouvres pas les yeux, je lacèrerai ton joli petit visage.
Elle hésita. Elle sentait toujours la piqûre de la pointe de la lame contre sa joue. Elle serra des dents et ouvrit les paupières. Une seconde de contact visuel avait suffi pour la faire retomber sous son emprise.
- Bien ! Ne bouge pas.
Son corps refusait de bouger et elle se réprimanda d'être aussi faible.
Un à un, les boutons de son chemisier sautèrent. Le dernier arraché, il écarta le tissu de sa poitrine. Ses yeux scintillaient comme ceux d’un enfant déballant un cadeau de Noël. Il examina sa poitrine et sa respiration s’accéléra.
Peu importait ses efforts, elle n'arrivait pas à sortir de son emprise mentale. Il fit une petite entaille dans sa peau pâle. Du sang monta à la surface et se mit à couler sur ses petits seins, tachant son soutien-gorge. Il fit glisser le côté plat de la lame le long de sa poitrine, séduit par le doux parfum de son sang.
Elle était certaine qu’il n’était pas du tout attiré par la vue de sa poitrine.
Son emprise mentale disparut et elle fut en mesure de reprendre le contrôle de ses membres. Ses hanches se rétractèrent lorsque le couteau descendit vers ses hanches. Le métal s'enfonça dans sa peau. Elle laissa échapper un cri d'agonie.
Le patron refit son apparition en criant :
- Je croyais t'avoir dit de te nourrir et rien d'autre.
Rick retira sa lame.
- Cette salope n'est pas facile à contrôler. Si je ne la regarde pas droit dans les yeux, elle arrive à rompre l'hypnose.
- Ce n’est pas mon problème, grogna l’homme. Laisse-la tranquille jusqu'à ce qu'il vienne la chercher. On doit se préparer.
Grognant dans sa barbe, Rick lécha le sang sur la lame et poussa un gémissement de satisfaction. Il lança un regard fugitif dans sa direction, puis rangea son couteau et sortit de la pièce avec son partenaire.
Elle avait la bouche sèche. Elle examina son entaille. Des lignes rouge foncé coulaient le long de ses côtes. Elle reposa sa tête contre le mur, se concentrant sur le plafond blanc pour empêcher que la nausée ne fasse remonter sa bile.
Qu'est-ce que je vais faire ? Personne ne sait où je suis, pensa-t-elle.
- Ce n’est pas vrai, répondit une voix métallique sur sa droite.
Elle se tourna en poussant un grognement. Elle avait très mal à la tête, comme si elle avait reçu un coup de marteau au visage. Son ange gardien se tenait à un mètre d'elle, il avait des traits anguleux entourés d’une longue crinière de cheveux raides dorés.
- Où étais-tu passé ?
Michael inclina la tête pour s'excuser.
- Je sais, j'aurais dû venir plus tôt. Je voulais savoir qui ils avaient contacté, alors j'ai suivi…
Il se précipita vers elle sans finir sa phrase. Sa main plana sur ses blessures. Il serra des dents.
- Tu es blessée.
- Je vais bien, mais comment tu vas …
Elle n’avait pas fini sa phrase. Cette situation était comique. Il était là, mais il ne pouvait pas la sauver. Sa présence fantomatique le forçait à n’être qu’un observateur dans son royaume. Même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu intervenir. Ils le savaient tous les deux.
- Il viendra, soupira Michael.
- Et si je ne veux pas le voir ?
- Helena, tu sais ce qui va t’arriver si tu ne sors pas d’ici.
Elle arqua un sourcil.
- Tu l'as insulté il y a quelques heures, qu'est-ce qui a changé ?
- S'il pouvait te sortir d'ici, je serais prêt à changer ma terminologie.
Helena renifla. Décidément, ce n’était pas son jour.
Cinq jours avant…
Le dernier carton fermé, Helena s'étira pour soulager la douleur au bas de son dos. Elle essuya son front en sueur et inspecta sa chambre : un océan de cartons et de valises.
Après une dernière vérification, elle ferma les yeux. Le rythme des battements de son cœur la confortait. De joyeux souvenirs se confondaient avec l'odeur familière des bougies parfumées à la rose posées sur le rebord de sa fenêtre. Du rez-de-chaussée, les voix étouffées de sa mère et de Richard naviguaient vers sa chambre. C'était ici qu'elle avait grandiet cette maison allait beaucoup lui manquer.
Ses doigts la démangeaient d’impatience et un sourire se dessina sur ses lèvres. Assise sur le bord de son lit, elle glissa sa main sous l’oreiller pour sortir un journal intime. Elle posa la masse de deux pouces d'épaisseur sur ses genoux. Elle n'avait pas arrêté d'y penser depuis qu'elle l’avait trouvé dans le grenier poussiéreux la veille au soir. Dès qu'elle avait posé les yeux sur sa couverture en cuir gravé de feuilles de fougère, elle avait senti une envie pressante de lire les secrets qu'il contenait. Mais la priorité était empaqueter se affaires. Si elle n’avait pas fini à temps, elle aurait été obligée d’écouter les plaintes de Laura jusqu’à en avoir mal aux oreilles.
Elle ouvrit le journal, qui révéla la première page, vieille et jaunie. Une liste de noms écrits à la main par différentes personnes. Peut-être que le journal n’appartenait pas à un seul propriétaire. Un nom en particulier avait attiré son attention. Elle avait parcouru les étranges croquis et dessins de plantes, et reconnu quelques-unes du jardin de sa grand-mère lorsqu'elle était petite. Une langue archaïque, dans une encre ternie, couvrait les pages usées.
Elle reconnut certaines des belles lettres incurvées et sa main se figea. Sa grand-mère était la dernière propriétaire de ce journal. Helena sourit au souvenir doux-amer du temps qu'elles avaient passé ensemble. La vieille femme avait souvent pour habitude de lui lire des histoires de sorcières qui combattaient les forces du mal - des histoires qu'elle n'oublierait jamais.
Ses souvenirs heureux s’effacèrent pour être remplacés par les épisodes tragiques du passé. Sa mère lui avait tout simplement dit que sa grand-mère aimante s’était suicidée en mettant le feu à leur maison, suite à une crise de folie. Mais ces épisodes tirés de son enfance étaient une énigme qu'elle n'avait jamais réussi à résoudre.
Elle entendit soudain Michael lui parler dans sa tête et elle sursauta.
- Sasha a fini les préparatifs. Tu devrais te changer.
- Je suis occupée, répondit-elle.
- C'est ta dernière nuit, ici. Ce que tu fais en ce moment ne peut pas être plus important que de passer un peu de temps avec tes parents.
Elle ferma le journal en le claquant.
- Très bien !
Elle se leva, jeta un regard fugace à la cachette et se planta devant son vestiaire. Les vêtements qu'elle avait préparés pour le dîner de ce soir étaient posés sur l'étagère du haut. Elle retira son survêtement tâché de sueur et mit un t-shirt ample et un jean.
Dès qu’elle ouvrit la porte, elle sentit l’odeur exquise du dîner. Son estomac gargouilla alors qu’elle descendait les escaliers. Elle se retrouva face à plusieurs délicieux mets disposés sur la table ronde en chêne. Sa mère, comme d'habitude, avait mis le paquet. Mais Helena s'abstint de le souligner et se contenta de se réjouir de l'odeur délectable du poulet rôti.
Les cheveux poivre et sel de son beau-père se dressèrent devant ses yeux, alors qu’il se démenait pour ouvrir une bouteille de vin.
- Allez, tu ne vas pas rester là à rien faire !
Le petit accent russe de sa mère ne manquait jamais à se manifester quand elle était inquiète. Elle renifla et empila des assiettes et des couverts dans les mains d'Helena, avant de redisparaître dans la cuisine.
Helena se mit à préparer la table en marmonnant :
- Bonjour, maman !
Richard posa la bouteille sur la surface laquée et fit la moue. Le bouchon était à moitié coincé dans le goulot de la bouteille et refusait de bouger.
- Ça fait longtemps que nous n’avons pas bu de champagne, dit Helena.
- Tu as raison. Je crois que Sasha en a acheté pour l'occasion.
Il sortit de la pièce et sa mère réapparut. Ses deux yeux marrons se fixèrent sur Helena. Elle passa ses doigts dans ses cheveux courts platine et le bombardement émotionnel commença.
- Es-tu sûre de vouloir déménager ? Tu peux rester avec nous jusqu'à la fin de tes études ou…
Helena croisa les bras.
- Maman, nous avons déjà eu cette discussion la semaine dernière.
- Oui, je sais.
Elle se serait donné un coup de pied, elle avait horreur de contrarier sa mère. Sa vie universitaire serait plus facile si elle emménageait avec ses amis. Elle jeta un coup d'œil à la porte de la cuisine. Richard prenait plus de temps que prévu pour revenir. Elle tapa du pied pour rompre le silence.
La scène de tristesse joué par sa mère était terminée, elle redressa ses épaules avec la désapprobation encore gravée dans les rides de son visage.
- Je sais que tu t’inquiètes pour moi, maman, mais je serai avec Laura et Andrew.
Sasha se décontracta et serra sa fille dans ses bras.
- Tu es ma fille unique, comment veux-tu que je ne m’inquiète pas ?
Helena lui tapota le dos, ne sachant pas quoi dire ou faire. Heureusement, Dieu lui vint en aide. Elles entendirent un grand bruit venant de la cuisine et un léger tintement de verres.
Richard refit son apparition avec un grand sourire aux lèvres révélant ses dents nacrées, une bouteille de champagne débouchée et trois flûtes.
- Alors comment ça va, vous deux ?
- Très bien, répondit sa mère.
Elle s'écarta d'Helena, plia son tablier sur le dossier de sa chaise et s'assit.
Helena s’installa sur la chaise à côté.
Richard leur versa à chacune un verre et s’assit à table. Il fit la grimace en buvant une gorgée.
Helena baissa ses yeux sur ses cuisses. Elle aimait beaucoup son beau-père. Même s'il était toujours très occupé par son poste de directeur du département des sciences, il aimait la vie de famille. Il ne se plaignait jamais. Il avait pris soin d'elle et de sa mère, après que son père les avait quittées sans leur donner d’explication.
- Est-ce que tu as rendu ton formulaire d’inscription ? demanda Richard.
Helena leva la tête.
- Ouais, le jour où je l’ai reçu.
- Ce que tu as choisi ne me plaît pas beaucoup. Le salaire de médecin ou avocat est plus élevé qu'un…
Sa mère leva la main en l'air cherchant le mot juste.
- C’est quoi déjà ce que tu fais ?
Helena détourna son regard. Des yeux froids de sa mère émanait assez de déception pour y noyer toute une armée. Le silence se prolongea et Helena serra ses couverts. Le métal chauffait dans le creux de ses paumes.
- Si je découvre que c’est ennuyeux, je pourrais toujours changer.
Discussion terminée, Helena reporta son attention sur son assiette.
Richard s'éclaircit la gorge.
- J'ai entendu dire que demain il y aura une pluie torrentielle. J'espère que ton déménagement se passera bien.
Sa mère lança à Helena un regard bref lui disant que leur conversation n'était pas encore finie. Elle se tourna vers son mari.
- J’espère que le temps ne sera pas trop mauvais, j’ai rendez-vous avec les filles.
Helena prit le changement de sujet comme un sursis et fit à Richard un « merci » de la tête et il lui répondit par un clin d'œil.
*****
Le dîner terminé, Helena était affairée de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle.
- Est-ce que je peux te parler une minute ? la fit sursauter la voix profonde de baryton de Richard.
Elle hocha la tête et se redressa.
- D'abord et avant tout, tu es toujours la bienvenue ici…
Ses yeux scrutèrent la cuisine.
Helena le fixait en lui souriant.
- Euh, Richard ?
- Bien ! Deuxièmement, j’aimerais que tu saches que nous t'aimons. Si tu as besoin de quoi que ce soit, nous serons toujours là pour toi.
Il hésita une seconde avant d’ouvrir les bras pour l'attirer dans une étreinte maladroite. Son corps maigre irradiait de chaleur et elle sentit un serrement au cœur.
- Appelle-nous si quelque chose arrive ou…
- C’est bon, j’ai compris, marmonna-t-elle sur son épaule.
Il la lâcha et se frotta la nuque.
- Tu devrais aller te reposer. Tout le monde se réveillera très tôt demain matin.
- Oui, tu as raison.
Dès qu’il sortit de la cuisine, elle s'empressa de ranger le reste de la vaisselle en pensant au comportement de Richard. Était-il inquiet pour elle ? Pourquoi ? Elle haussa les épaules et appuya sur le bouton « marche » du lave-vaisselle.
En haut des escaliers, elle entendit de faibles chuchotements venant de la chambre de sa mère. Elle se faufila dans le couloir et appuya son dos contre le mur.
- ... tu lui as dit ? entendit-elle la voix agitée de Sasha en premier.
- Oui, tu ne devrais pas t'inquiéter. Tout ira bien, répondit Richard.
Sa mère parla plus fort.
- Et s’il se passait quelque chose et qu’elle se souvienne ?
- Chut, Sasha. Si elle nous entend, elle nous posera des tas de questions. Tout ce que nous devons faire est de la surveiller. Interférer dans sa vie pourrait créer une mésentente entre vous deux et je ne pense pas que c’est ce que tu veux.
Choquée, Helena posa sa main sur son torse. Elle tituba jusqu'à sa chambre et traîna ses pieds jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur son lit. Elle laissa échapper un soupir en fixant le plafond.
- Qu’est-ce qu’ils me cachent ?
Michael se matérialisa à côté d'elle. Il suivit son regard fixé sur les étoiles phosphorescentes qui avaient pour habitude de la fasciner dans son enfance.
- Je me souviens du jour où ton beau-père les a collées. Il était tombé de ce lit deux fois.
- Quoi ?
- Est-ce que tu te rappelles pourquoi il avait fait ça ?
- Richard m’a dit que j'avais l'habitude de faire des cauchemars quand j'étais plus jeune. Des cauchemars dont je ne me souviens pas…
-Tu étais une enfant. Tu ferais mieux d’oublier.
Helena se redressa.
- Tu parles sérieusement ? Ils me cachent quelque chose, une chose importante. Je le sens.
Michael se tourna et leurs yeux se croisèrent. Elle adorait fixer les profondeurs azur de ses yeux. Ils étaient d’une beauté enchanteresse, ils ressemblaient à deux pierres précieuses renfermant des milliers de secrets.
Elle savait qu’il lui cachait beaucoup de choses la concernant. Elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, il lui cachait des secrets qu’il n’était pas autorisé à lui révéler.
- Tu étais trop jeune pour t’en souvenir.
Elle lui lança un regard sévère.
- J'ai une bonne mémoire, Michael.
- Ne me regarde pas avec ces yeux de meurtrier. J'ai répondu à ta question.
Les terreurs nocturnes de son enfance ne pouvaient pas être l’explication plausible de l’inquiétude de ses parents.
- Tu finiras par avoir des rides, si tu continues à faire la grimace !
Elle se laissa tomber sur le lit et soupira.
- D'accord, je vais laisser tomber, pour l'instant.
Michael s’était allongé à côté d'elle, sans que le matelas ne s’enfonce d’un seul millimètre. Le fait qu'il n'ait pas de corps physique la troublait encore aujourd'hui.
- Repose-toi. Tu as beaucoup de choses à faire demain.
Sans prendre la peine de se mettre en pyjama, elle se glissa sous les couvertures et demanda :
- Quoique je choisisse, tu seras toujours là pour moi ?
- Bonne nuit, Helena.
*****
Elle se brossait les cheveux pour la deuxième fois ce matin-là et leurs yeux se croisèrent dans le miroir. Au moins, Michael s'abstenait de faire son apparition lorsqu'elle était sous la douche ou aux toilettes.
Elle plissa des yeux.
- Quoi ?
- Rien !
- Tu n'as pas arrêté de me regarder depuis mon réveil. Dis-moi qu'est-ce qui ne vas pas ! Est-ce que c'est mes cheveux ?
Il retroussa les coins de ses lèvres.
- Tu es nerveuse.
Helena se retourna.
- C’est normal, non ? J’ai pris une décision qui va chambouler toute ma vie.
- Moi qui croyait que tu étais une fille très calme, recueillie et observatrice ?
Elle croisa les bras sur sa poitrine.
- T’as fini ?
- Non, une dernière chose, Andrew est à la porte.
Elle fixa son ange gardien et se précipita en bas. Des gazouillements d'oiseaux lui remplirent les oreilles et elle grogna. La sonnette ringarde était l'idée de sa mère.
A la dernière marche, elle évita de justesse de trébucher. Elle ouvrit la porte entre deux respirations profondes et sourit à son futur colocataire.
- Alors, comment as-tu prévu de t’y prendre ?
Le sourire d’Andrew s’effaça. Il se tapota le menton de l’index.
- Hum, la première étape serait d’entrer.
Il entra sans attendre d'y être invité.
- Et, maintenant, on prend tes affaires.
Helena roula des yeux.
- C'est très drôle. Je voulais dire, est-ce que tu as une idée pour transporter mes affaires ?
- Ne t'inquiète pas, Épine, on le saura à temps.
Elle ignora le surnom agaçant que ses amis lui avaient donnée à l'école et jeta un coup d’œil derrière lui. Il y avait une fourgonnette blanche garée dans l’allée.
- Elle est à toi ? demanda-t-elle.
- Papa m'a prêté une de ses voitures d'entreprise pour la journée. Il m'a demandé de ne pas la bousiller, alors j'espère que tes affaires ne sont pas trop lourdes.
Helena cacha son irritation derrière un faux sourire. Elle lui fit signe de la suivre.
- Allons-y !
- Allons-y, s'il te plaît.
Elle lui lança un regard agacé.
- Rabat-joie !
Il la suivit dans les escaliers. Arrivé à la porte de sa chambre, il dit :
- Je parie que tout est rose et à froufrous là-dedans.
- Plus tu parles, plus tu sors de conneries du trou que tu appelles une bouche.
Il claqua sa main sur sa poitrine d'un geste dramatique.
- Tu me vexes, Épine.
Helena hocha la tête et ouvrit la porte.
Andrew balaya la pièce du regard et son expression révéla une pointe de déception. Elle sourit.
- Déçu ? Pas de rose et pas de froufrous.
- Des vêtements amples, des cheveux violets et une chambre triste… Je me demande si tu es une fille normale ?
- mm mm.
*****
Jusqu'à présent, Andrew et Laura avaient gardé secrets les détails de leur appartement. Ils voulaient la surprendre et ils avaient réussi. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de l'immeuble en briques rouges, ressemblant à une forteresse. Vivre dans un château n'était peut-être pas une mauvaise idée, surtout qu’ils avaient des fenêtres surdimensionnées donnant sur le paysage urbain.
- Ouah, l’appart est là-dedans ? demanda-t-elle.
Andrew la regarda avec un soupçon d'amusement.
- Tu aimes ?
Elle se retint de sauter sur place et afficha un visage légèrement désintéressé.
- Tant que je n’ai pas vu l’intérieur, c'est difficile de juger.
- Ne vous inquiétez pas, Votre Altesse, nous l'avons choisi en prenant en compte tout ce que vous aimez.
Elle lui lança un regard perçant et il lui tira la langue. Elle se demandait si sa décision d'emménager avec ses deux meilleurs amis était une bonne idée.
Andrew ouvrit la porte vitrée et la laissa entrer en premier. Elle évalua le hall d'entrée blanc et simple. Un gardien potelé au comptoir près de l'ascenseur les ignora. Si une chose arrivait, elle savait qu’il ne lui proposerait pas son aide.
- Reviens sur terre.
Le visage d'Andrew apparut à quelques centimètres du sien. L'odeur de son après-rasage frais emplit ses narines, alors que ses yeux vert forêt la fixaient.
- Est-ce que tu veux visiter l'endroit ou non ?
Elle sentit ses joues chauffer. Espérant mettre fin à son embarras, elle se dirigea vers l’ascenseur où elle écrasa le bouton jusqu'à ce que les portes s'ouvrent, avant d’entrer dans l’enceinte métallique.
Avec un petit rire, il appuya sur le bouton et l’ascenseur se mit à bouger.
Au cinquième étage, le sol était couvert d’un tapis vert mousse et les murs étaient tous blancs. Le soleil du matin des tons bleus dans le couloir des tons bleus. Arrivés à la porte de leur appartement, Andrew glissa une carte-clé au-dessus de la poignée.
Helena posa un pied à l’intérieur et ses chaussures de course grincèrent sur le parquet poli. À chaque pas, ses yeux s'écarquillaient encore plus et elle se retrouva très vite dans un salon spacieux. Deux confortables canapés en cuir et une grande télévision LED accrochée au mur, ainsi que des photographies de monuments de la ville et de rues célèbres. Elle aimait même le détail de la petite ballerine en céramique sur la table basse.
- C’est combien, le loyer ? demanda Helena.
A Dublin, impossible de louer un appartement aussi spacieux sans débourser une fortune.
- Le père de Laura est propriétaire du bâtiment et, comme il aime beaucoup sa fille… disons qu'il nous a laissé l'appartement à un prix abordable.
Helena leva un sourcil.
D'un pas furtif, Laura émergea derrière eux et tapota Helena sur les épaules.
- Heureuse de te voir. Où sont tes affaires ?
Helena essayait de contrôler son excitation. Andrew tapota la tête de Laura et se mit à jouer avec ses boucles blond vénitien.
Laura Quinn n'était pas grande, 1m 50, mais sa taille était compensée par sa personnalité. Se disputer avec elle était comme se battre nue et seule contre une horde de sauvages. Helena se rappela la fois où elles avaient débattu sur le possible vainqueur d’un concours de chant. Sa défaite avait été tournée en une frasque, se décolorer les cheveux et se les teindre en violet lors d'une soirée pyjama.
- Je croyais que tu allais nous aider, déclara Andrew.
Laura fit la moue.
- J'ai trop mal aux bras d’avoir porté mes affaires… Elle lui pointa l`index contre la poitrine, puisque tu ne t'es pas donné la peine de m'aider.
Andrew leva les mains comme pour se rendre.
- Hé, je suis allé chercher Épine. Elle n’a pas de voiture, contrairement à toi. Je parie que si tu voulais de l'aide, tu aurais facilement pu convaincre le gardien de jouer le rôle d’esclave.
- Très drôle, ce n’est pas mon genre.
Helena se frotta les yeux. Ces deux-là avaient trop d’énergie et il n’était même pas dix heures.
- J'ai besoin de la carte-clé et des clés de la voiture.
- Ne t'inquiète pas, Épine, je ne vais pas t'abandonner et te laisser porter tes cartons extrêmement lourds toute seule, dit Andrew.
Laura croisa les bras.
- Très bien ! Mince ! Il faut que je vous donne un coup de main.
- Excellent ! Plus on est fous, plus on rit.
Helena se dirigea vers la porte et Laura se mit en travers de son chemin.
- J'ai oublié de te demander, comment ça se passe ta recherche d’emploi ? Est-ce que t’as besoin d'aide ?
- Non, merci. Je me débrouillerai toute seule.
- Très bien, n’hésite pas à m’en parler si tu as un problème. Ah, je vais te faire visiter l'étage pendant qu'Andrew va chercher tes affaires.
Laura n’attendit pas sa réponse et la traîna presque dans l'escalier métallique.
- Hé, qui va me donner un coup de main ? cria Andrew après elles.
Laura se pencha par-dessus la rampe.
- On viendra t’aider une fois que j’aurai montré sa chambre à Helena.
- Ouai et ça n'a rien à voir avec le fait que tu sois trop paresseuse pour donner un coup de main. Alors, tu lui apprends à glander comme toi ?
- On te rejoindra en bas dans quelques minutes, hurla Laura en retour. Elle traîna Helena et la poussa dans une pièce sur la gauche.
- Qu'en penses-tu ?
Le cœur d’Helena fondit de bonheur. La chambre était très bien éclairée avec des murs bordeaux. Des draps bleu pâle recouvraient le lit double placé entre deux tables de chevet brun orangé. Le mobilier n’était pas vraiment à son goût. De la fenêtre, on voyait la mer d'Irlande et elle poussa un léger soupir.
- Je savais que tu l’aimerais. J'ai dû lutter contre mon instinct intérieur pour te laisser cette chambre.
- Ce paysage est superbe, mais pourquoi tu fais ça ?
Laura lui fit un clin d'œil.
- Tu peux prendre ça comme un pot-de-vin.
Helena savait ce qui allait suivre. Laura manigançait quelque chose et c’était pour elle une tentative minutieuse pour lui lécher les bottes en faisant semblant d’être altruiste. Elle attendit que son amie reprenne son souffle.
- Ne le prends pas mal, Hel, mais que penses-tu d’Andrew ?
Helena haussa un sourcil. Elle s'attendait à une chose comme des tâches ménagères ou l'aider à faire ses devoirs, mais pas du tout à ça.
- C’est juste un copain ?
Laura tapa du pied sur le doux tapis noir.
- Je veux dire en tant que mec. Est-ce qu'au moins tu le considères comme appartenant au sexe opposé ?
Helena fronça légèrement des sourcils.
- Où veux-tu en venir ?
- Ok, répondit Laura en roulant les épaules comme pour se préparer à une bagarre. J’ai été surprise lorsqu’il m’en a parlé. Qui aurait pu le croire ? Et moi, en tant que meilleure amie, je crois que je pourrais arranger les choses entre vous. Au début, j'avais quelques appréhensions. Est-ce que tu comprends où je veux en venir ?
Helena fronça encore plus des sourcils.
- Est-ce que tu peux être un peu plus claire, s'il te plait ?
- Bon Dieu, Hel, tu comprends vite lorsqu'il s’agit d’autre chose que de romance. En gros, Andrew m'a demandée si tu l'aimais bien.
- Oh…
Elle n'avait pas du tout pensé à ça. Andrew ne pouvait pas s'intéresser à elle. Bien sûr, il la taquinait tout le temps et il l'appelait par son surnom. L'idée de sortir avec lui, lui semblait aussi bizarre que de faire du sport. Mais était-ce une bonne idée ? Elle avait entendu trop d'histoires de disputes entre amis dès qu’ils sortaient ensemble.
- Très bien, je vois que tu es entrée dans ton propre petit monde, lui dit Laura.
- Je ne sais pas quoi te répondre. Je veux dire, je…
- Tu n'y a jamais pensé.
Helena hocha la tête.
- Eh bien, réfléchis-y. On a encore du temps. Maintenant, on ferait mieux d'aller l'aider, sinon il nous fera une plaintathon.
Helena renifla.
- Je pensais que c'était toi la pro pour faire ça.
- Je m'en souviendrai, Épine. Maintenant, allons-y !
*****
Vers vingt heures, Helena décida d’aller dans sa chambre sans attendre la livraison des plats chinois qu’ils avaient commandés. La vue splendide par sa fenêtre disparut lorsqu'elle alluma la lampe de chevet.
Enfin, un peu de paix, pensa-t-elle en cherchant dans sa valise le journal.
Helena feuilleta les pages, fascinée par les détails des dessins, jusqu'à ce qu'elle tombe sur l'écriture familière. Elle essaya de lire le texte en russe. Concentrée sur le journal, elle n’avait pas entendu les coups sur la porte. La porte s'ouvrit et elle ferma brusquement le journal et le glissa d’un geste rapide sous son oreiller.
- Oui ? demanda-t-elle à Laura.
- La bouffe est arrivée. J'ai appelé et j'ai frappé, mais…
Laura rentra et ferma la porte derrière elle.
- Qu'est-ce que tu lisais ?
Helena réfléchit à une réponse, elle ne voulait surtout pas que Laura pense qu’elle était folle de lire ce genre de chose.
- C'est juste un truc que j'ai trouvé dans mon grenier.
Les lèvres de Laura s’étendirent en un sourire narquois.
- Je parie qu’il s’agit des escapades amoureuses de ta mère.
Laura était une bonne amie, mais souvent sa curiosité la poussait à empiéter dans l’intimité des gens. Helena savait que Laura n’arriverait pas à le lire, mais elle savait qu’elle ne baisserait pas les bras. Grâce à l'internet et aux logiciels en ligne, tout pouvait être traduit. Alors, Helena joua le jeu.
- C'est embarrassant.
- Je le savais !
Laura s'avança à grands pas avec une main tendue vers le journal. Helena se redressa et serra les épaules de Laura.
- La bouffe va être froide.
- Très bien, mais tu me raconteras les détails dégoûtants plus tard.
- Bien sûr !
Helena poussa son amie hors de la pièce et appela mentalement Michael.
Il lui répondit aussitôt.
- Quoi ? Qui a-t-il ? Tu as l'air bouleversée.
- On doit parler de ce journal.
Il faisait nuit. À sa connaissance, tout le monde dormait. Elle faisait les cent pas autour du lit, les bras croisés, son esprit n’arrêtant pas de cogiter.
- Que veux-tu dire ? demanda-t-elle à Michael.
Il ne répondit pas et la regarda comme s'il souffrait.
- Me caches-tu un autre secret ? Il est mon vrai père. S'il a été pris par le monstre mentionné dans le journal de grand-mère, je dois savoir…
Elle cligna des yeux pour chasser ses larmes.
- ... il y a des chances qu'il ne nous ait pas abandonnés...
- Helena, commença Michael sur un ton apaisant.
Elle lança ses mains en l'air.
- N'essaye pas de me calmer et dis-moi comment le retrouver !
Retenant un juron, elle se rappela qu'elle devait se taire, une chose difficile à faire à chaque seconde qui passait. Elle inspira pour calmer sa colère.
- S'il te plaît, dis-moi quelque chose. N'importe quoi !
- Allonge-toi.
Elle hocha la tête.
- Je ne suis pas d'humeur à me détendre.
- Si tu veux vraiment savoir où il est, je ne peux pas t’en empêcher. Je vais t'aider à le faire, mais tu dois te concentrer.
Helena plissa des yeux. Elle étudia son visage impassible. Comme d'habitude, ses traits étaient neutres. Elle ne savait pas si c’était un stratagème pour qu'elle se calme ou s'il pensait vraiment ce qu'il disait. Elle décida de l'écouter et se laissa tomber sur les draps doux en lin.
- Ferme les yeux, dit Michael.
- Pourquoi ?
Il disparut et continua à s’adresser à elle mentalement : Tu dois écouter mes conseils sans poser de questions.
Helena se mordit la lèvre inférieure et s’exécuta.
- Maintenant, concentre-toi sur ma voix et visualise ton corps à l'intérieur d'une bulle ou à un endroit où tu te sens en sécurité.
En quelques secondes, elle s'imagina une sphère en acier. Une bulle d’air ne la mettrait pas en sécurité. Elle planait dans ses limites confinées tandis que l'obscurité troublante l'encerclait. Être suspendue dans les airs la mettait mal à l'aise, elle utilisa donc les mêmes principes pour faire apparaitre un sol en damier sous ses pieds.
Michael apparut à ses côtés. Son corps émettait une faible lueur qui apaisa ses nerfs.
- À quoi ça sert ? demanda-t-elle.
- C'est un bouclier mental. Ça te protégera.
- Me protéger de quoi ?
- Il fait noir ici, dit-il, essaye de créer de la lumière.
Helena le fusilla du regard. Elle avait peur qu'il change d'avis et qu’il refuse de l'aider. Si cela pouvait être considéré comme une aide. Elle prit une profonde inspiration et se concentra à nouveau. Une luminosité afflua au-dessus de sa tête.
Michael se rapprocha du mur et elle l’imita. Il toucha la surface lisse et dit des mots incompréhensibles.
- Je vois que tu préfères le métal comme protection. Beaucoup utilisent des éléments ou des forteresses imposantes pour se protéger. Certains érigent même plusieurs couches, sur lesquelles nous devrions travailler plus tard.
Elle avait de nombreuses questions à lui poser.
- Qui ferait ça ?
La grande main chaude de Michael se posa sur sa tête et lui fit voir un sourire fantomatique.
Ses yeux sortaient de leurs orbites.
- Tu peux me toucher ?
- Ton corps est uni à ta structure physique dans laquelle je ne peux pas agir. Mais ici, ton esprit entre dans l'une des structures que je peux atteindre, répondit-il. Je ne suis pas le seul à pouvoir t'atteindre ici, c'est pourquoi je t'ai demandée de créer ta propre couche de protection. Cette couche utilisera une partie de ton énergie pour te protéger, alors ne sois pas étonnée si tu te sens fatiguée.
- Très bien, et c’est quoi la prochaine étape ?
- Tu prends ma main et nous allons voyager dans mon royaume. Tu ne dois pas t’éloigner de moi, sinon je ne pourrais pas masquer ta présence.
Elle mit sa main dans la sienne et il la serra de ses doigts fins. L'air grésillait d'énergie qui les encerclait pour les dissimuler.
D'un geste rapide, Michael l'attira dans son étreinte. Une seconde plus tard, les boucliers fondirent et ils se retrouvèrent dans une vaste chambre avec de hauts piliers en ivoire. Un réseau désordonné géant de fils multicolores entrelacés formait le « plafond ». Au sol, ils étaient disposés en rangées soignées et interminables, maintenues en place par des cadres à tisser couleur or. Le sol couleur ébène brillant ressemblait à un miroir inversé reflétant l'intégralité de la chambre.
Elle s'éloigna de lui et regarda la bouche bée tout ce qui les entourait.
- Où sommes-nous ?
- Au royaume des anges, le domaine des destins.
Helena détourna ses yeux de la toile colorée.
- Et si quelqu'un nous trouve ici ? Tu ne vas pas avoir des ennuis ?
- Cet endroit n'est plus utilisé par les dieux.
- Les dieux ? Il y en a plus d'un ? Les personnes croyantes seraient vraiment déçues de l’apprendre.
Michael admirait le plafond avec une émotion cachée qu’elle n'arrivait pas à cerner.
- Autrefois, un seul créateur existait. Il avait vécu si longtemps que même lui-même avait oublié ses origines. Il s'était alors divisé en plusieurs divinités inférieures pour expérimenter des choses. Pour lui, le sexe, l'âge, la couleur de peau ne semblaient pas avoir de l'importance.
Ses paroles se perdirent dans l’exaltation.
- C’est le résultat final qui est important - une leçon à apprendre.
Sur sa gauche, un fil gris vibra. Elle tendit la main pour le toucher, mais Michael se mit en travers de son chemin et hocha la tête.
- On ne touche pas !
Elle fronça des sourcils.
- Pourquoi pas ? Ce n’est qu’une corde.
- Ce ne sont pas des cordes. Ce sont les liens avec des êtres de la Terre.
Confuse, Helena se tut. Il ne pouvait pas être sérieux. Elle se tourna et se concentra sur les cordes. Le blanc était la couleur la plus répandue. Quelques gris, noirs et rouges ressortaient çà et là. Plus loin, une corde dorée se démarquait de ses voisines monochromes, telle une balise. Elle plissa des yeux pour essayer de voir ce qui se trouvait au-delà, mais les cordes se sont dissoutes en un brouillard blanc, trop épais pour qu'elle puisse voir à travers.
- Que signifient les couleurs ?
Michael étudia son expression avide et soupira.
- Le blanc est un humain normal. Une nuance de gris représente une personne influencée ou utilisée par les ténèbres, ou peut-être une forme d'être surnaturel. La couleur noire appartient à des créatures des ténèbres, tels que des mangeurs d'âmes, certains démons, des monstres qu’on ne devrait jamais croiser dans ton royaume.
Elle pointa du doigt une corde et s’en approcha.
- Et la dorée, là-bas ?
- Des saints, dit-il comme si le mot expliquait tout par lui-même.
- Que sont-ils ? Des personnes saintes ?
- Je ne peux pas t’en dire plus.
Helena se mordit la lèvre, elle voulait vraiment en apprendre plus. Cette expérience était pour elle toute nouvelle. Pourtant, au fond d'elle, une chose la dérangeait. C'était comme si elle avait oublié une chose.
Une corde rouge-sang se démarquait dans la rangée de blancs et de gris.
- Et la rouge ?
- Des vampires, cracha Michael le terme comme si c'était une chose dégoûtante.
La corde écarlate avait retenu son attention. Une énergie bizarre la traversait. Helena avait lu beaucoup d'histoires sur le folklore et les créatures mythiques, mais ce qui l’avait toujours fasciné le plus étaient ces êtres suceurs de sang. Enfin, elle avait la chance d'en apprendre plus sur le monde de Michael.
En se rapprochant, elle réalisa que la corde n'était pas tout à fait rouge. Un liquide riche et cramoisi longeait la corde.
- Rappelle-toi, Helena, tu ne touches pas.
Ses conseils lui importaient. La corde l'attirait, la conviait à la prendre, à toucher sa texture. Elle sentit des picotements aux doigts et elle tendit sa main vers la corde.
La main lourde de Michael se posa sur son épaule, la sortant de son état d’hypnose.
- Je crois qu’on devrait revenir plus tard.
- Non ! cria-t-elle.
Surprise par son emportement, Helena baissa la tête de honte. Qu’est-ce qui me prend ? La pièce entière bourdonnait d’énergie. Penser était devenu une corvée et, en se concentrant plus, elle vit sa corde jaillir de son ventre. Elle avait l’air plus pâle que les autres cordes blanches. Elle la caressa, se délectant de la douce sensation.
- Qu'est-ce qui se passe lorsque deux cordes se touchent ?
Michael leva les yeux vers le plafond.
- Un lien est ajouté.
- Et qui décide de ça ?
- Les destins.
- Mais tu as dit que plus personne n'utilisait cet endroit. Comment…
L'expression de Michael s'assombrit, comme s'il se rappelait d'un fait douloureux.
- Ils ont été bannis dans le royaume humain il y a longtemps. Depuis, les choses se produisent telles que les Dieux le souhaitent.
Helena jeta un coup d'œil à la corde connectée à un vampire quelque part sur la planète. Est-ce qu'on se rencontrerait si nos cordes se touchaient ? Elle secoua la tête. Ce n’était pas important pour l’instant. La raison pour laquelle ils étaient venus ici, était de retrouver son père.
Sa mère lui avait toujours dit qu'il les avait quittées, mais Helena ne l'avait jamais crue. Et si une chose de grave lui était arrivée à cause des ténèbres décrites dans le journal de grand-mère ? Si les vampires et les autres êtres surnaturels étaient réels, il y avait une chance que sa grand-mère ne soit pas folle comme sa mère voulait qu'elle le croie. Peut-être qu'il a été enlevé. Elle avait besoin de connaître la vérité.
- Et mon père ? Comment on peut le retrouver ?
Michael semblait réfléchir.
- Je vais chercher son âme. Attends ici et ne touche à rien.
Il retourna à l'entrée. Dès qu’il s’éloigna d’elle, une voix féminine murmura dans sa tête une sorte de chant.
Son corps se raidit et, comme possédée, elle attrapa la corde rouge-sang. Un frisson la traversa, lui donnant la chair de poule aux bras et au cou. L'énergie encerclant le lien n'était rien comparée à celle qui traversait son noyau. Elle l'envahissait contre sa volonté.
- Helena, non ! cria Michael.
Mais c'était trop tard.
Un bruit très fort envahit la chambre, la poussant à vouloir unir les cordes. Lorsqu’elle comprit ce qu'elle venait de faire, son lien blanc s'était déjà enroulé autour de la corde du vampire.
Son cœur battait la chamade dans sa cage thoracique et sa vision devint trouble. Une puissante vague d'énergie issue d’un autre monde se fraya un chemin à travers le lien, un arc rouge et blanc. Elle pressa sa main contre sa poitrine brûlante. Chaque partie de son corps lui faisait mal, mais en séquence alternative.
Une minute plus tard, semblant être une éternité, ses genoux cédèrent. La dernière chose dont elle se souvenait était deux bras forts la rattrapant dans sa chute.
*****
Le réveil sur sa table de chevet affichait deux heures du matin. Elle s'assit, alluma la lampe de chevet et se frotta le visage. Michael l'avait trompée. Le royaume des anges et ses boucliers mentaux devaient être un rêve. Il a dû utiliser une sorte de ruse pour qu’elle se détende et qu’il puisse se dissiper.
Est-ce que j’ai rêvé ? Elle fit une grimace en sentant le mal de tête marteler dans son crâne.
- Michael ? appela-t-elle dans l’espoir d’avoir des réponses à ses questions.
Helena prit une inspiration et se prépara à l’appeler de nouveau lorsqu'il se matérialisa devant elle. Son expression la força à se taire. Ses yeux brillaient d'indignation. Si ce qui s'était passé avait été réel, il avait alors raison de se mettre en colère contre elle. Il lui avait demandé de ne toucher à rien et elle lui avait désobéi. Mais elle avait perdu le contrôle de son corps, ses membres avaient bougé malgré elle.
- Michael, je…
- Je n’ai pas beaucoup de temps, Helena. J’ai commis une grande erreur de t’emmener avec moi. J'aurais dû y aller seul. Ce que tu as… Il s'arrêta comme s'il cherchait le mot juste... fais, n'aurait jamais dû arriver.
Helena se massa les tempes dans l'espoir d'apaiser sa douleur. Son mal de tête était similaire à celui qu'elle avait eu après sa première cuite. Le jour de son seizième anniversaire, lorsque Laura avait parié qu'elle pourrait boire plus qu'elle. Son amie avait tout même réussi à gagner son pari.
- Je suis désolée. Je... je n’étais pas moi-même. C'était comme si…
- Pas besoin de t'excuser. Je dois y aller. Nous nous occuperons des dégâts que tu as causé plus tard, dit-il avant de redisparaître.
Helena rampa hors du lit. Les paroles cinglantes de Michael lui faisaient mal au cœur. Elle savait que ce qui s'était passé était de sa faute, mais elle ne l'avait pas fait exprès.
Elle sortit de sa chambre pour aller se chercher de l'aspirine. Arrivée dans le couloir, elle vit la lumière du salon allumé à l’étage en-dessous et elle s'arrêta. Tout le monde avait cours demain matin, ce n'était donc pas logique que quelqu'un soit encore réveillé à cette heure de la nuit.
Son mal de tête oublié, elle se dirigea vers l'escalier sur la pointe des pieds et jeta un coup d’œil par-dessus la rampe. Elle craignait que ce soit un vampire qui l'attendait. La rationalisation chassa l'idée idiote de la possibilité qu'un imposteur pourrait la localiser. Les cordes avaient créé un lien, mais ce n'était pas un capteur, ou du moins c'est ce qu'elle espérait.
Les marches en métal glacé lui piquaient la plante des pieds. À mi-chemin, elle se dit qu'elle devrait s'acheter des pantoufles dès qu'elle en aurait l'occasion. Elle se maudit d'avoir pensé que ça aurait pu être un monstre suceur de sang en apercevant Andrew. Il était assis sur le canapé avec un livre ouvert sur les genoux.
- T'es encore réveillé ? demanda-t-elle.
Andrew tourna brusquement la tête dans sa direction.
- Mon Dieu, tu m'as foutu une de ces trouilles, Epine ! Tu sais très bien que j'ai le cœur fragile.
Helena roula des yeux. Il était dingue de sport, il jouait dans plusieurs équipes à l'université. Elle n'avait jamais compris ce qui pouvait pousser des personnes à courir après un ballon avec des vêtements trempés de sueur. Contrairement à lui et à Laura, elle détestait le sport et tout ce qui y était associé.
Andrew ferma son livre et le posa sur la table basse. Elle n’aurait jamais cru qu’il lirait ce genre de livre. Elle pensait qu’il lirait des bandes dessinées ou des magazines pornographiques, mais surtout pas un livre sur les finances.
Il avança d'un pas lent vers elle et lui souleva la tête tendrement.
- Tu es pâle, tu devrais te remettre au lit.
Elle se rappela soudain de sa conversation qu’elle avait eue plus tôt avec Laura et sentit ses joues rougir. Elle recula d'un pas sans le réaliser.
Andrew se gratta l'arrière de la tête et balança son poids d'une jambe à l'autre.
- Ah, Laura t'a déjà parlé de… euh… de ça.
L’esprit d’Helena s’emballa alors qu’elle essayait désespérément de trouver les bons mots. Avait-elle besoin de lui donner une réponse maintenant ou avait-elle le temps de réfléchir ? Pourrait-elle trouver assez de courage pour lui répondre ?
- Helena, je ne t'ai pas posée la question moi-même parce que je ne voulais pas te mettre la pression, ou peut-être parce que je suis un lâche. Je ne sais pas. Ce que je sais, en tout cas, c'est que je t'aime depuis presque le début.
Son sourire ringard habituel avait disparu. Il avait l’air sincère. Elle sentit un resserrement au cœur, comme s'il allait s'arrêter de battre en prévision de ce qui allait arriver.
- Andrew, je... je ne sais pas.
Ses cheveux tanguèrent sur son front en s’approchant d’elle.
- Prends ton temps.
Elle eut le souffle coupé lorsqu'elle réalisa la couleur verte de ses yeux et la douceur de son visage rasé. Elle lutta contre l'envie de lui toucher la joue.
- Promets-moi d'y réfléchir, lui dit-il.
Elle avait la bouche sèche. Au lieu de lui répondre, elle lui fit un signe de tête rapide.
Avec un sourire d’enfant, Andrew lui tapota la tête comme il le faisait souvent à Laura.
- Ne te couche pas trop tard, Épine.
Elle fronça des sourcils. Il était redevenu lui-même en une fraction de seconde, alors qu'elle était toujours perdue dans ses pensées.
Helena posa sa main sur son cœur excité et s'imagina ce que ce serait de sortir avec lui. Bien qu’il semblait ne pas être un étudiant sérieux, le voir lire ses cours avant le début du trimestre lui apprenait qu’il était tout sauf incompétent. C’était la première fois qu’elle découvrait ce côté sérieux de sa personnalité. Et, la façon dont il l'avait regardée ce soir était différente. Il ne plaisantait pas et ça lui faisait peur.
*****
Au déjeuner, elle alla rejoindre Laura dans un café du campus, rempli de plaisanteries joyeuses et de conversations bruyantes. Helena avait fait de son mieux pour les ignorer. Elle ferma les yeux pour apprécier le parfum du macchiato dans ses mains, fraîchement préparé. Depuis son réveil ce matin, elle se sentait frileuse.
Laura soupira.
- Est-ce que tu m'écoutes au moins ?
Helena leva les yeux vers son amie qui mordait dans son sandwich au jambon fromage. Des miettes de pain tombèrent sur sa chemise en voile bleu marine et Laura les retira d'un mouvement de la main.
- Je vois que te parler de ma journée t'ennuie à mourir, alors parle-moi de la tienne.
- Rien de spécial ! Des cours, des nouveaux profs et beaucoup de monde.
En inclinant sa tête sur le côté, Laura reprit :
- Avec moi et Andrew comme tes meilleurs amis, je pensais que tu avais appris comment te faire un ou deux amis. Qu'est-ce que t’attends ?
Helena essaya de penser à une excuse assez bonne pour se débarrasser de Laura. Les arguments qu'elle pourrait utiliser semblaient insignifiants.
- Tu vois, tu n’arrives même pas à trouver d’excuses !
Helena leva les mains en signe de défaite.
- Très bien, je te promets d’essayer demain.
Laura posa son sandwich dans son assiette et la dévisagea.
- Demain ?
- Oui, c’est quoi le problème ?
- Rien, à part que tu parles comme un fumeur qui dit qu’il va arrêter de fumer en s’allumant une cigarette.
Avec un long soupir, elle scruta la foule. Les étudiants étaient dispersés en groupes, partageant leurs expériences du premier jour de cours. Elle s’apprêtait à abandonner ses recherches lorsqu'elle repéra une fille de sa classe, qui attendait de passer sa commande à la caisse. Elle hocha la tête dans la direction de la brune aux cheveux courts et aux vêtements à l'aspect antique.
- Elle est dans deux de mes modules.
Laura se retourna sur son siège pour jeter un coup d'œil rapide. Un sourire troublant étira ses lèvres roses.
- Je crois qu’on a trouvé ta cible.
- Maintenant ? Tu veux que je lui parle, maintenant ?
- A quoi bon reporter à demain, Épine. Va la chercher.
Réticente, Helena se leva et vérifia que son pull n'était pas taché. C’était bon, il était propre. Elle redressa sa posture et grogna intérieurement. Tout ira bien.
Des yeux brun chocolat la virent arriver. Helena avait les mains moites et se les essuya sur son jeans. Elle pensait qu’elle s’était approchée d’elle bien trop vite. S'arrêtant à deux mètres d'elle, elle s'éclaircit la gorge.
- Salut, je m'appelle Helena Hawthorn, et nous sommes…
- ... dans le même cours de mythologie. Je m'appelle Nadine Smidt.
Elles se serrèrent la main et Helena eut un trou de mémoire.
- Tu voulais me dire quelque chose ?
- Ah, oui, c'est vrai !
Helena désigna Laura.
- Veux-tu t’asseoir avec nous ? On a presque fini, mais ce serait super si tu te joignais à nous.
Le visage de Nadine s'illumina.
- Je vais aller me chercher quelque chose à boire et je vous rejoins.
Se dirigeant droit vers la table, Helena savait à quoi s'attendre. Laura avait déjà le regard disant « Je te l'avais dit ! ». Les choses s'étaient mieux déroulées qu'elle ne l'avait prévu. Peut-être que Laura avait raison après tout, il suffisait tout simplement de se présenter. Cette idée poussa Helena à se reprendre. Elle avait beaucoup de secrets qu'elle cachait à sa famille et à ses amis. Cela ajouterait une personne de plus à sa liste des gens qui ne la connaissaient pas vraiment.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? Je croyais que tu serais contente de te faire une nouvelle amie.
La voix inquiète de Laura ramena Helena à la réalité.
- Je le suis. Désolée, je pensais à une dissertation que j'ai à faire.
Laura haussa un sourcil. Lorsque Nadine les rejoignit, Laura se leva en faisant presque tomber sa chaise.
- J'avais complètement oublié ! dit Laura en rangeant ses affaires. J'ai du travail à faire. On se reverra à l’appart.
Elle fit un clin d'œil à Helena et se tourna vers Nadine.
- Ravie d’avoir fait ta connaissance.
Comme si ses cheveux bouclés blond-fraise étaient en feu, Laura sortit du café en trombe, laissant Helena seule. Nadine n'avait pas l'air du tout gênée, elle s’installa sur une chaise et se mit à siroter son thé vert.
Helena était sur le point de dire quelque chose, mais elle réalisa bien vite que c’était stupide. Elle décida donc de garder le silence.
Au bout de quelques minutes, Nadine décida enfin d’interrompre le silence :
- Pourquoi as-tu choisi de me parler, moi en particulier ?
- Que veux-tu dire ?
La fille posa sa tasse dans son plateau avec l'élégance d'une dame, une chose qu'Helena n'avait jamais vu auparavant.
- Il y a d'autres personnes ici qui sont dans le même cours que nous. Alors pourquoi m’avoir choisie moi et pas quelqu’un d’autre ?
Elle réfléchit et haussa les épaules.
- Tu es la première personne que j'ai reconnue et, j'ai pensé que nous pourrions devenir amies.