Samuel Champlain - Gabriel Gravier - E-Book

Samuel Champlain E-Book

Gabriel Gravier

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Portrait du « Père de la Nouvelle-France » par Gabriel Gravier

Cet ouvrage est une biographie de Samuel Champlain, le Père de la Nouvelle-France, réalisée à partir des archives des mémoires de Champlain et des récits de ses contemporains, par l'historien Gabriel Gravier (1827-1904). A travers Samuel Champlain, c'est l'exploration du Canada et la naissance de la Nouvelle-France qui sont évoqués ici, notamment les difficultés d'établissement des colons, le désintérêt de la monarchie française envers ces « quelques arpents de neige », les rivalités - déjà - avec les Anglais pour le contrôle de ce vaste territoire et les relations complexes avec les Indiens. Champlain noue en effet des relations privilégiées avec les « Sauvages », Montagnais, Algonquins, Hurons..., qu'il aide à se protéger de leur terrible ennemi, les Iroquois.

L'ouvrage rapporte une foule d'informations sur la vie des Indiens et leur organisation sociale, recueillies par Champlain lui-même. Fondateur de Québec (1608), Samuel Champlain y meurt en 1635 alors qu'il préparait la création de la ville de Montréal.

Une magnifique biographie qui retrace à la fois le parcours d’un homme ambitieux et celui d’une nation.

EXTRAIT

Christophe Colomb, qui ne riait jamais et pontifiait toujours, ne nous apprend-il pas que les sujets du puissant roi Magon ou Mangon naissaient avec une longue queue et qu’ils la dissimulaient sous une tunique qui leur tombait sur les talons ? À la vérité, les sujets du roi Magon avaient une longue queue, mais elle n’était pas attachée où le disait Colomb ; en bon chinois qu’ils étaient, ils la tressaient soigneusement et se la laissaient pendre dans le dos.
Au moment où Jean Alfonse écrivait son Hydrographie, Copernic découvrait que le soleil est au centre de l’infini, comme assis sur un trône, et qu’il fait tourner en cercle, despotiquement, sa famille d’astres. Cette découverte modifiait notre horizon cosmographique.
On retrouvait alors un nouveau monde. La vieille Europe tressaillait, lisait avec enthousiasme les récits des marins, les descriptions de constellations, de terres, de mers, d’hommes, d’animaux, de plantes inconnus. L’homme comprenait les harmonies de la nature, admirait, et son ambition ne connaissait plus de limites.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Gabriel Gravier (né le 19 mars 1928 à Villers-Robert- mort le 25 avril 1996 à Colmar) est un écrivain autodidacte et un ancien inspecteur d'assurances français.

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GABRIEL GRAVIER

Samuel

CHAMPLAIN

à la découvertedu CANADA

CLAAE

2006

CLAAE

ean ebook 9782379110177

INTRODUCTION

I. Jean Alfonse et les croyances cosmogoniques de son temps. — II. La bulle d’Alexandre VI commentée par Alfonse, déchirée par François Ier. — III. Anciens voyages aux côtes d’Amérique. — IV. Voyage du vicomte de Guen et du baron de Léry à l’île de Sable. — V. Voyage de Giovanni Verrazano. — VI. Voyages de Jacques Cartier. — VII. Capture de Donnacona, roi de Canada. — VIII. Voyage de Roberval, au Saguenay. — IX. Jean Alfonse cherche un passage à la Chine. — X. Etat des esprits au XVIe siècle. — XI. Le voyage de Pantagruel. — XII. Comment Rabelais entend la colonisation. — XIII. Opinion de Montaigne sur les sauvages. — XIV. La conquête du Nouveau-Monde jugée par Montaigne. — XV. Les Sauvages de l’Amérique du Nord. — XVI. Ce que demandent les Européens. — XVII. Nécessité de hâter la conversion des Sauvages.

I. — Le 24 novembre 1545, Jean Alfonse, du pays de Saintonge, achevait la rédaction de son Hydrographie.

On voit avec étonnement, dans cette œuvre d’un marin brave, instruit et heureux, que le XVIe siècle croyait encore aux rêveries cosmographiques des ancêtres.

Un demi-siècle après la découverte de l’Amérique, le Puys de saint Patrik, le Phœnix, la Pomme de Paradis, les Hommes acéphales, cynocéphales, capripèdes, unipèdes, monocoles, ophiophages, etc., etc., n’étonnaient personne. Jean Alfonse en donne la raison : « Cecy a esté veu par beaucoup de gens, et de cecy nul ne se doibt esmerveiller, car tout ainsi que Dieu a créé beaucoup de choses en la terre, aultant en a créé en la mer et davantage ». Et puis, suprême argument, enfoncé comme un clou dans la dure cervelle du moyen âge : « C’est secret de Dieu dont il ne se faut trop enquérir ».

Les voyageurs de ce temps-là n’étaient pas tenus de croire tout ce qu’ils disaient. On leur demandait du merveilleux : ils en donnaient, et on leur criait en riant : « A beau mentir qui vient de loin ». Les fictions des Chrétiens étaient de même famille que celles des Hellènes et des Latins, s’étayaient réciproquement et se gravaient ensemble dans les esprits. Les cartes contenaient moins de détails géographiques que d’images d’hommes ou d’animaux fantastiques. Cependant, quand Alfonse écrit avec componction : « C’est secret de Dieu », il fait penser à son ami François Rabelais, qui nous donne ce joyeux précepte : « Un homme de bien, un homme de bon sens croit toujours ce qu’on lui dit et trouve par escrit ». Des hommes graves montrent pourtant cette crédulité. Dom Manuel, roi de Portugal, n’écrit-il pas aux souverains espagnols, le 29 juillet 1501, que les hommes de ses mines du Sofala ont deux yeux par devant et deux par derrière ?1

Christophe Colomb, qui ne riait jamais et pontifiait toujours, ne nous apprend-il pas que les sujets du puissant roi Magon ou Mangon naissaient avec une longue queue et qu’ils la dissimulaient sous une tunique qui leur tombait sur les talons ? 2 À la vérité, les sujets du roi Magon avaient une longue queue, mais elle n’était pas attachée où le disait Colomb ; en bon chinois qu’ils étaient, ils la tressaient soigneusement et se la laissaient pendre dans le dos.

Au moment où Jean Alfonse écrivait son Hydrographie, Copernic découvrait que le soleil est au centre de l’infini, comme assis sur un trône, et qu’il fait tourner en cercle, despotiquement, sa famille d’astres. Cette découverte modifiait notre horizon cosmographique.

On retrouvait alors un nouveau monde. La vieille Europe tressaillait, lisait avec enthousiasme les récits des marins, les descriptions de constellations, de terres, de mers, d’hommes, d’animaux, de plantes inconnus. L’homme comprenait les harmonies de la nature, admirait, et son ambition ne connaissait plus de limites.

II. — Le pape Alexandre VI daigna laisser à Dieu la nue propriété de la planète, mais il s’en réserva l’usufruit et le droit d’en disposer à son bon plaisir. Par bulle du 4 des nones de mai 1493, il partagea, entre l’Espagne et le Portugal, les Indes Orientales et Occidentales.

Cela ne fut pas du goût de Jean Alfonse, et, tout bon chrétien qu’il était, il dit nettement à François Ier : « Le roy d’Espaigne et le roy de Portugal ont fait partaige de l’Universel, et les limites, dont commencent les partaiges, sont à quatre cent cinquante lieues en occident des isles du Cap de Vert. La division dont ils ont parti s’appelle la rivière de Maragnan, qui est en la coste de Brésil, coste de l’est et ouest du costé devers le Brésil. La dite rivière est à sept degrez au su de la ligne devers le pôle antarctique. Le roy de Portugal a prins la partie d’orient jusques-là où descent la rivière de Gange en la mer Pacifique, et le roy d’Espaigne a prins la partie d’occident jusques à la dite rivière de Gange, et ont faict là-dessus lesdicts partaiges sans y appeler Vostre Majesté Royale, ne autres vos prédécesseurs, et m’est advis qu’ilz ont mal party, entendu qu’ils ont tout prins, entendu que vous y aviez aultant et si grand droict que eux. . . . . et me semble que à vous en appartient portion aussi bien que à eux, parce que vous avez des gens en vostre royaulme qui cognoissent que sont les plus riches isles du monde 1 ».

François Ier pensait comme son vieux et vaillant pilote. « Estce que le fils aîné, dit-il, est plus bâtard que ses puînés ? que tout au moins l’on me montre l’article du testament d’Adam qui me déshérite ». Le Saint-Père laissa sans réponse cette demande peut-être indiscrète, et le roi ne tint compte de la fameuse bulle et de l’excommunication latæ sentenciæ qu’elle spécifie 1.

III. — Depuis longtemps déjà les marins normands, basques et bretons fréquentaient les pays si libéralement donnés par le Saint-Père.

En 1364, les Dieppois et les Rouennais avaient des comptoirs sur les côtes de Guinée.

En 1402, le cauchois Jean de Béthencourt a conquis les Canaries.

Vers 1488, les marins de Dieppe ont touché au Brésil.

Fn 1503, Binot Paulmier de Gonneville a séjourné dans ce pays. La même année, les Normands et les Bretons ont exploré les côtes de l’Amérique du Nord, entre le cap Race et le cap Bonavista (Terre-Neuve).

En 1506, Jean Denis, de Honfleur, et le pilote Gamart, de Rouen, ont pénétré dans le golfe Saint-Laurent.

En 1508, Thomas Aubert, l’un des capitaines de Jean Ango père, a transporté dans ces pays les premiers colons normands 2.

IV. — Saint-Just, vicomte de Guen, ayant « le courage porté à choses hautes, désiroit s’establir par delà et y donner commencement à une habitation de François ». En 1518, peut-être quelques années plus tard, il fit voile, avec le baron de Léry, jusqu’à l’île de Sable, en face des pêcheries bretonnes. Le voyage, contrarié par le mauvais temps, a été très long ; le navire a manqué d’eau pour le bétail, et force fut de laisser, dans l’île de Sable, les vaches et les cochons 3. Ce bétail multiplia et sauva de la disette les malheureux que le marquis de la Roche abandonna dans cette île, par fortune de mer, en 1598 1.

V. — Toutes ces expéditions étaient privées. François Ier, qui ne les ignorait pas, eut la pensée de les protéger, de les étendre, de se saisir d’une part du monde nouvellement découvert, et de chercher, à travers ces terres, un passage à la Chine plus court et moins périlleux que ceux du cap de Bonne-Espérance et du détroit de Magellan.

En 1523, il envoie, avec quatre navires, à la recherche de ce passage, le florentin Giovanni da Verrazano. L’habile marin touche, au 34e degré de latitude nord, la terre inconnue. Il descend cinquante lieues au sud, ne trouve rien qui lui convienne, revient en arrière, s’élève jusqu’au 50e degré de latitude Nord et rentre à Dieppe le 8 juillet 1524.

En 1528, au cours d’un second voyage, il a été pris, rôti et mangé par les sauvages du Brésil 2.

VI. — Après la paix de Cambrai, François Ier a le loisir de s’occuper de l’administration du royaume et accueille les propositions d’un pilote de Saint-Malo, Jacques Cartier. Croyant que le Saguenay était « ung des boutz de l’Asie du costé du Nor » 3, il le charge de continuer les découvertes de Verrazano et la recherche d’un passage à la Chine. Dans deux voyages faits en 1534 et 1535, le vaillant marin remonta, jusqu’au saut Saint-Louis, le grand fleuve Saint-Laurent, et passa quelque temps à Hochelaga, village iroquois situé dans l’île de Montréal.

Pendant le très dur hiver de 1535-1536, il était sur la rivière Saint-Charles, qu’il avait nommée Sainte-Croix 1, et que les sauvages appelaient, parce quelle tourne et forme plusieurs pointes, Cabirecoubat 2.

VII. — Donnacona était roi de Stadaconé, sur le plateau de Québec. « Homme ancien », il avait passé sa vie à voyager. Il avait beaucoup vu, beaucoup retenu et se plaisait à conter. Comme les voyageurs européens, il donnait cours à son imagination et cela, lui porta malheur.

Le capitaine malouin et Donnacona étaient bons amis et causaient. Le sauvage dit au capitaine que le Saguenay abondait en or, en rubis et autres matières précieuses 3 ; que dans le pays des Picquemyans les hommes n’avaient qu’une jambe ; qu’ailleurs, les habitants n’ont pas d’appareils digestifs et se nourrissent sans doute comme ceux de l’île de Ruach qui, au dire de Pantagruel, « rien ne beuvent, rien ne mangent, sinon vent ».

Jacques Cartier était un brave et honnête marin, mais dans ce temps-là on ne se faisait scrupule d’emmener en France, de bon gré ou de force, des sauvages. Il s’empara, par surprise, du seigneur Donnacona. Il ne voulait pas le réduire en esclavage et son intention était de le ramener dans son royaume, mais il désirait que le bonhomme racontât lui-même au roi les merveilles qu’il prétendait avoir vues.

André Thevet a connu Donnacona et dit qu’il devint très bon chrétien. Malheureusement il est mort, ainsi que ses compagnons, dans les deux premières années de son séjour en France.

Le 6 mai 1536, quand il quitta le Canada, Cartier abandonna l’un de ses navires, faute de le pouvoir réparer. Cette épave a été découverte le 26 septembre 1843, et les Québecquois en ont envoyé au musée de Saint-Malo plusieurs fragments 1.

VIII. — Le 15 janvier 1540, Jean-François de la Roque, sieur de Roberval, se fait nommer lieutenant général ès terres neufves de Canada, Hochelaga, Saguenay et autres circonvoisines. Le 17 octobre suivant, Jacques Cartier est commissionné capitaine général et maître pilote de tous les navires qui seront envoyés pour cette entreprise.

Roberval se fait attendre ; Cartier s’impatiente et part seul, de Saint-Malo, le 23 mai 1541. Il remonte à Hochelaga, revient à la rivière Sainte-Croix, ne voit rien venir et repart pour la France à la fin de mai 1542. Il rencontre Roberval dans le havre de Saint-Jean, sous le cap Double, refuse de retourner avec lui et continue son voyage.

IX. — Roberval était parti de la Rochelle le 16 avril 1542, avec trois navires. Il avait pour pilote Jean Alfonse, que Samuel Champlain qualifiait : « Homme des plus entendus au fait de la navigation qui fût en France de son temps ».

Roberval explore le Saguenay. Son nom, bien que peu sympathique, a été donné à une ville de la bande ouest du lac Saint-Jean.

Non moins préoccupé du passage à la Chine que des prétendues mines du Saguenay, il charge Jean Alfonse de chercher ce passage. Alfonse découvre le détroit de Belle-Ile, que de hardis ingénieurs voudraient fermer par une muraille de quinze à vingt kilomètres, pour arrêter les glaces polaires et atténuer les rigueurs de la température canadienne. S’engageant ensuite dans le détroit de Davis et la mer de Baffin, qui étaient alors anonymes, il s’éleva jusqu’au 72o de latitude nord. Il fut arrêté par les glaces et forcé de revenir sans avoir découvert le passage désiré.

X. — À cette époque, chaque jour amenait la découverte, dans les lointains de la Mer Ténébreuse, de quelque partie du nouveau continent. La planète semblait s’agrandir et la famille humaine s’augmentait de races inconnues. Les conceptions cosmographiques des anciens se disloquaient, tombaient en miettes. L’Europe occidentale était haletante, émue, émerveillée. Les relations de voyages, aussitôt parues, étaient traduites et lues avidement. Il y avait alors un mouvement d’esprit, un conflit d’ambitions qu’on ne reverra jamais plus.

XI. —François Rabelais, le grand remueur d’idées, qui était très au courant des questions géographiques, ne pouvait rester étranger à cette révolution ni se priver du plaisir de dire son avis sur la découverte d’un passage à la Chine.

Donc, au mois de juin, au jour des fêtes Vestales, Pantagruel prend congé du bon Gargantua, son père, et va s’embarquer au port de Thalasse ou Sanmalo. Outre ses anciens serviteurs, il emmène Jamet Brayer, pilote principal, et Xénomanes, « le grand voyageur et traverseur de voies périlleuses », qui laisse à Gargantua, « en sa grande et universelle Hydrographie, la route qu’ilz tiendront visitant l’oracle de la dive Bouteille Bacbuc ».

Le départ a lieu en présence de tout le peuple de Thalasse, en grande solennité, comme celui de Jacques Cartier, du 16 mai 1535, avec cette différence que Pantagruel remplace, par de copieuses beuveries, la confession, la communion et la bénédiction épiscopale des équipages du capitaine malouin.

Il fait « voile au vent grec levant » (nord-est), selon que l’a décidé Jamet Brayer. Son avis et celui de Xénomanes étaient, « veu que l’oracle de la dive Bacbuc estoit prés le Catay, en Indie supérieure », de ne pas imiter les Portugais qui coupent la Ceinture ardente, passent le cap de Bonne-Espérance, perdent de vue la polaire et font navigation énorme.

Au contraire, ils suivront au plus près le parallèle de ladite Indie, tourneront autour du pôle par occident, de manière à l’avoir toujours à la même hauteur, comme il est au port d’Olonne, sans plus en approcher, de peur d’être pris par la mer Glaciale. « Et suivant ce canonique destour par mesme parallèle, l’eussent à dextre vers le levant, qui au département leur estoil à senestre, ce qui leur vint à profit incroyable. Car sans naufrage, sans dangier, sans perte de leurs gens, en grande serénité (exceptez un jour près l’isle des Macreons), feirent le voyage de Indie superieure en moins de quatre moys, lequel à peine feraient les Portugalloys en trois ans avecques mille fascheries et dangiers innumérables 1 ».

Pierre Margry reconnaît, avec raison, il semble, dans Xénomanes, « le grand voyageur et traverseur de voyes perilleuses », le fameux pilote Jean Alfonse, et, dans Jamet Brayer, le pilote principal, le célèbre découvreur Jacques Cartier. Rabelais était leur ami et partageait leur croyance ; il écoutait les avis de Jean Alfonse, les récits de Jacques Cartier, et devait naturellement les faire figurer dans la joyeuse expédition de Pantagruel. Pierre Margry observe aussi, avec beaucoup de perspicacité, que le voyage n’a pas été fait de l’est à l’ouest, de Thalasse au Cathay, mais de l’ouest à l’est, du Cathay à Thalasse. C’est évident, puisque Pantagruel part de son royaume d’Utopie, qui est dans l’Inde Supérieure, et qu’il a toujours à senestre l’étoile polaire. Ce renversement de l’itinéraire a pour but de dépister les « calumniateurs… diables noirs, blancs, diables privez, diables domestiques » qui détestent « la vie tres horrificque du Grand Gargantua » et voudraient faire, du livre et de l’auteur, un beau feu de joie.

XII. — Quand Pantagruel eut conquis le pays des Dipsodes (Gens altérés), il y installa une colonie d’Utopiens (Gens imaginaires). Les Utopiens adoraient leur seigneur parce qu’il était juste et bon. Il traita les Dipsodes comme les Utopiens, et si les Utopiens l’aimaient beaucoup, les Dipsodes l’aimèrent encore davantage. Cela dit, le sage Rabelais met sur son nez ses meilleures besicles, et donne ce conseil bien humain et bien français : « Noterez donc icy, beuveurs, que la manière d’entretenir et retenir pays nouvellement conquestez n’est (comme a esté l’opinion erronée de certains espritz tyranniques, à leur dam et deshonneur) les peuples pillant, forçant, angariant, ruinant, mal vexant et regissant avecques verges de fer : brief les peuples mangeant et devorant, en la façon que Homere appelle le roy inique Demovore, c’est-à-dire Mangeur de peuple. Je ne vous allegueray à ce propos les histoires antiques, seulement vous revocqueray en recordation de ce qu’en ont veu vos pères, et vou-smesmes, si trop jeunes n’estez ; comme enfant nouvellement né, les faut alaicter, berser, esjouir. Comme arbre nouvellement planté, les faut appuyer, asceurer, défendre de toutes vimeres, injures et calamitez ; comme personne saulvée de longue maladie, et venent à convalescence, les faut choyer, espargner, restaurer : de sorte qu’ilz conçoipvent en soi cette opinion, n’estre on monde roy ne prince, que moins voulsissent ennemy, plus optassent amy 1 »

XIII. — Quand Rabelais mourut, Michel de Montaigne avait vingt ans. Lui aussi, profond penseur, porte son attention sur le nouveau monde.

Il trouve que les Indiens ne sont ni barbares, ni sauvages. Ils pensent et vivent autrement que nous ; ils sont, plus que nous, voisins de l’état primitif : voilà tout.

Ils se font la guerre, comme les civilisés. Ils se battent intrépidement. S’ils craignent la mort, ce qui est probable, ils ont assez de force d’âme pour n’en laisser rien paraître et pour la braver. Chacun rapporte et attache à l’entrée de son logis, comme faisaient les Gaulois, la tête de l’ennemi qu’il a tué. Les Sauvages du Brésil traitent les prisonniers de guerre humainement, comme des parents, leur donnent des femmes ; mais au jour fixé, ils les tuent, les rôtissent et les mangent. Ils ont remarqué que les Portugais, qu’ils prenaient pour de grands maîtres, savaient, beaucoup mieux qu’eux, prolonger, aggraver, varier les supplices : ils ont commis la sottise de les imiter.

Montaigne pense qu’il y a moins de barbarie à manger un homme mort qu’à déchirer, rôtir par le menu, faire mordre par les chiens et les pourceaux et manger vivant un homme, comme il l’a vu faire, et, « qui pis est, sous prétexte de piété et de religion ».

Le prisonnier sauvage n’est ni lié, ni enfermé ; libre de sa personne, il va et vient à son plaisir. Il se présente au supplice la tête haute ; il brave, provoque, invective ses bourreaux et chante son chant de mort, que Montaigne traduit ainsi : « Qu’ils viennent hardiment trestouts, et s’assemblent pour disner de luy ; car ils mangeront quant et quant leurs pères et leurs ayeulx qui ont servi d’aliment et de nourriture à son corps : ces muscles, dict-il, cette chair et ces veines, ce sont les vostres, pauvres fols que vous estes ; vous ne recognoissez pas que la substance des membres de vos ancestres s’y tient encores ; savourez les bien, vous y trouverez le goust de vostre propre chair ». Jusqu’à son dernier souffle, le guerrier chante ses prouesses et méprise ses bourreaux.

Plus un guerrier est brave, plus il a de femmes ; les jeunes femmes se font un point d’honneur d’embellir les dernières années d’un brave capitaine.

Ils ont des chants d’amour d’une suavité douce et tendre, des maximes très sages, des fables qui peuvent soutenir la comparaison avec celles d’Esope et de Phèdre. Leur langue, tout au moins la lingua géral, est soumise à des règles grammaticales certaines ; les PP. Simon de Vasconcellos et Joseph Anchieta trouvent qu’elle a les perfections, la délicatesse, l’abondance et la flexibilité de la langue grecque 1.

Trois sauvages du Brésil se trouvèrent à Rouen en même temps que Charles IX. Quand on leur eut montré toutes les merveilles de la cour et de la ville, Montaigne leur demanda ce qui les avait le plus frappés. C’est, dirent-ils, d’avoir vu des hommes grands, forts, barbus, armés, obéir à un enfant au lieu de se choisir un chef parmi eux ; puis d’avoir vu des palais et, à la porte des palais, des gens qui crèvent de faim.

Quels sont, dit Montaigne à un roi, les avantages de votre dignité ? — « De marcher le premier à la guerre ». — Et après la guerre ? — Le sauvage répondit « Qu’il lui restoit cela, que, quand il visitoit les villages qui despendoient de luy, on luy dressoit des sentiers au travers des hayes de leurs bois par où il peust passer bien à l’ayse ». — « Tout cela ne va pas trop mal », ajoute Montaigne, « mais quoy ! ils ne portent point de hault de chausses 2 ».

XIV. — Le temps marche, aussi la découverte et la conquête. Au nom de Dieu, qui laisse tout dire et tout faire, les descubridores exploitent, ruinent, suppriment des peuples et des civilisations. Montaigne s’en émeut, regrette que la conquête n’ait pas été faite par les Grecs et les Romains. « Combien il eust esté aysé », dit-il, « de faire son prouffit d’ames si neufves, si affamées d’apprentissage, ayants, pour la plus part, de si beaux commencements naturels ! Au rebours, nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience, à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice, et vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et patron de nos mœurs. Qui meit jamais à tel prix le service de la trafique ? tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passez au fil de l’espee, et la plus riche et belle partie du monde bouleversée, pour la négociation des perles et du poivre ? Mechaniques victoires ! Jamais l’ambition, jamais les inimitiez publicques, ne poulserent les hommes, les uns contre les autres, à si horribles hostilitez et calamitez si misérables 1 ». Montaigne a bien vu. Son clair génie a parfaitement discerné que le but de ces grandes expéditions, sans en excepter celle de Christophe Colomb, était l’amour des richesses. On invoquait hypocritement Dieu, la Vierge et les saints, on ne parlait que de religion et du salut des Sauvages : en réalité, on restait dans l’ornière creusée par les Phéniciens et les Carthaginois. Il y a une différence pourtant, et non petite. Ces hardis marchands, « pleins de mensonges, habiles et rusés », apportaient sur leurs noires nefs mille choses frivoles, faisaient des échanges de produits, d’idées, de corruptions, fondaient des colonies, mais ils ne persécutaient personne au nom des dieux et ne forçaient personne à sacrifier à Melkarth.

XV. —Montaigne a vu des sauvages du Brésil, Marc Lescarbot a vécu avec ceux de la Nouvelle-France, et les trouve « sans comparaison autant humains que nous ». Ils ne sont, dit-il, ni brutaux, ni stupides, ni lourdeaux. C’est à tort qu’on les dit bêtes, cruels et sans raison. Il n’y a pas de niais parmi eux, comme en Europe ; ils parlent avec beaucoup de jugement, « et pour la cruauté, quand je révoque en mémoire noz troubles derniers, je crois que ni Hespagnols, ni Flamens, ni François, ne leur devons rien en ce regard, voire nous les surpassions de plus de juste mesure 2 ».

XVI. — Le pays est immense, beau, fertile, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. « On voudrait trouver les thresors d’Atabalipa, sans travail et sans peine, mais on y vient trop tard, et pour en trouver il faut chercher, il faut faire de la dépense, ce que les grans ne veulent pas. Les demandes ordinaires que l’on nous fait », dit Lescarbot, « sont : Y a-il des thresors, y a-il des Mines d’or et d’argent ? et personne ne demande : Ce peuple-là est-il disposé à entendre la doctrine Chrétienne ? Et quant aux Mines il y en a vrayment, mais il les faut fouiller avec industrie, labeur et patience ; la plus belle mine que je sçache c’est du blé et du vin avec la nourriture du bestial. Qui a de ceci, il a de l’argent. Et de mines nous n’en vivons point. Et tel bien souvent a belle mine qui n’a pas bon jeu 2 ».

XVII. — D’aucuns disent que Dieu a décidé, dès l’origine des temps, qu’hors de l’Eglise il n’y aurait pas de salut : ils en concluent que la France doit se dévouer à la salvation des masses humaines qui, insouciantes du danger qu’elles ignorent, courent en riant à l’éternel abîme.

Et le danger est pressant. Des hommes avec qui Dieu, sans doute, a conversé familièrement ont prédit que, six mille ans après la création, l’universalité des mondes serait remise au creuset. Or, cette période de six mille ans touche à son terme. « Sçais tu pas bien que la fin du monde approche ? » disait à Panurge le joyeux frère Jean. Gravement on concluait de ces prophéties qu’il fallait se hâter de porter aux Sauvages la foi catholique.

Les gens prudents, pratiques, pensaient qu’il fallait commencer par la colonisation. Ils étaient dans le vrai. Les Protestants, persécutés, portaient à l’étranger leur fortune et des industries qui nous étaient particulières. La France en était appauvrie, en souffrait et en souffre encore. On aurait pu canaliser, sur le Canada, cette émigration. Deux raisons, d’inégale valeur, en ont empêché. Les Huguenots, étant hérétiques et condamnés par le pape, n’auraient pu conduire en paradis les Sauvages ; une colonie protestante se serait peut-être détachée de la France catholique.

La question en était là, bien ou mal posée. D’abord on fera, par force, quelques concessions, mais la formule : « un Canada exclusivement catholique » finira par s’imposer.

Samuel de Champlain arrive. Son programme tient en trois mots : découvrir, coloniser, christianiser. Il fera d’immenses découvertes, il appliquera les théories de Rabelais, de Montaigne et de son ami Lescarbot, il cherchera un passage à la Chine et assurera le triomphe du catholicisme.

____

1. NAVARRETE, Coleccion de los viages y desoubrimientos ; Madrid, 1829, t. III, p. 100.

2. A. de HUMBOLDT, Examen critique de la Géographie du Nouveau continent, t. IV, p. 244 ; t. V, p. 221.

1. PIERRE MARGUY, Les Navigations françaises et la Révolution maritime duXIVeauXVIesiècle; Paris, Tross, 1867, ch. v.

1. Cette curieuse pièce a été publiée par Navarrete, d’après l’original conservé aux Archives des Indes de Séville. (Coleccion de los viages y descubrimientos, t. II, pp. 28 et suiv.)

2. RAMUSIO, Discorso d’un gran capitano di mare francese del luogo di Dieppa, in Navigationi ; Venetia, 1606, t. III, fol. 335, B. C.

3. D’AVEZAC, Introduction au Brief récit et succincte narration de la navigation faite enM. D. XXXVetM. D. XXXVI, par le capitaine Jacques Cartier ; Paris, Tross, 1863, fol. VII.

1. MARC LESCARBOT, Histoire de la Nouvelle-France ; Paris, Jean Millot, M. DC. XII, p. 420.

2. GABRIEL GRAVIER, Les voyages de Giovanni Verrazano sur les côtes d’Amérique, avec des marins normands, pour le compte du roi de France, en 1524-1528 (Bulletin de la Société normande de Géographie, cahier de sept. oct. 1898).

3. Mandement de François Ier à Jacques Cartier, du 12 décembre 1540. (Documents inédits sur Jacques Cartier et le Canada; Paris, Tross, 1865, p. 19).

1. En 1619 ou 1620, un M. de Boues a donné aux Récollets deux cents écus, à condition que leur couvent prendrait le nom de Saint-Charles. Avec le temps, le nom du couvent est devenu celui de la rivière. (SIXTE LE TAC, Histoire chronologique de la Nouvelle France ou Canada, publiée pour la première fois par Eug. RÉVEILLAUD ; Paris, Maisonneuve, 1888, p. 113).

2. GABRIEL SAOARD THEODAT, Histoire du Canada et voyages que les Frères mineurs Recollects y ont faits pour la conversion des infidelles; Paris, Claude Sonnius, M. DC. XXXVI, p. 162.

3. Le P. Sagard répète cela et ajoute qu’il a trouvé, près du couvent de Notre-Dame des Anges, attachés à des roches, de petits diamants qui lui parurent fort beaux. (Hist. du Canada, 1636, p. 788).

Le pays de Saguenay, dit Elisée Reclus, n’est pas « un royaume riche en or et en pierres précieuses », mais il fournit d’autres trésors, (Nouv. Géogr. Univers., t. XV, p. 562).

1. D’AVEZAC, Brief récit, Introduction, fol. xij.

1. RABELAIS, édit. Jannet, liv. IV, ch. 1.

1. RABELAIS, édit. Jannet, liv. III, ch. 1.

1. GABRIEL GRAVIER, Etude sur le Sauvage du Brésil, dans le Bulletin de la Soc. norm. de Géogr., 1880 et 1881.

2. MONTAIGNE, Essais, liv. 1, ch. XXX.

1. MONTAIGNE, Essais, liv. III, ch. VI.

2. MARC LESCARBOT, Hist. de la Nouv.-France, 1612, pp. 2, 8.

1. LESCARBOT, Hist. de la Nouv.-France, 1612, pp. 17, 18.

CHAPITRE PREMIER

NAISSANCE, FAMILLE ET PREMIERES ARMES DE CHAMPLAIN

I. Sa naissance et sa famille. — II. Ce qu’il exige du marin. — III. Ses premières armes. — IV. Voyage au Mexique. — V. Aymar de Chastes — Le taux de l’argent au xvIIe siècle — Le capitaine Pontgravé. — VI. Aymar de Chastes envoie Champlain en Canada. — VII. Champlain remonte le Saint-Laurent jusqu’au saut Saint-Louis. — VIII. Tadoussac. — IX. La rivière Saguenay. — X. Le pays de Saguenay. — XI. Retour à Honfleur.

I. — Champlain est né en 1567 ou 1570, au Brouage, petit port et petite place forte de la Saintonge.

D’après un biographe, il serait fils de simples pêcheurs 1.

En 1601 et 1604, il se nomme tout simplement « Samuel Champlain de Brouage ». En 1603, quand Aymar de Chastes lui proposa d’aller en Canada, il accepta sous réserve de l’approbation du roi « dont il dépend par sa naissance ». En 1610, dans son contrat de mariage, il est dénommé « noble homme de Champlain, fils de noble Antoine 2 ». En 1613, 1620 et 1632, il se nomme « sieur de Champlain ». Il signe sa carte de 1615 : « sieur Champlain, capitaine pour le Roy en la Marinne ». Marc Lescarbot écrit, en 1616, « Champlein et sieur Champlein ». En 1621, le roi l’appelle « Champlain », et Montmorency « Monsieur Champlain ». Quatre ans plus tard, Ventadour écrit « sieur de Champlain ». En 1635 et 1636, les Jésuites et les Récollets lui donnent la particule. Le P. de Charlevoix le qualifie : « Samuel de Champlain, Gentilhomme Saintongeois, Capitaine de Vaisseaux, et en réputation d’Officier brave, habile et expérimenté 1 ».

Etait-il gentilhomme, anobli ou simple roturier ? Je le crois roturier. Cela d’ailleurs importe peu. S’il n’était pas noble par le hasard de la naissance, il l’était par son caractère, la dignité de sa vie et les services rendus au pays.

On ignore également s’il est né calviniste ou catholique. Le Brouage était en plein pays protestant, et son prénom de Samuel, inusité chez les Catholiques, était en faveur chez les Huguenots. Mais son père s’appelait Antoine et sa mère Marguerite, noms catholiques. En tout cas, il fut un catholique convaincu, ardent et militant. Quand il ira en Nouvelle-France, son seul désir sera d’y « faire fleurir le lys avec l’unique religion catholique, apostolique et romaine 2 ».

II. — Sans y penser, il se peint au vif dans son Traité de la Marine.

Il aime le lourd balancement des ondes et le frissonnement des voiles. La tempête ne l’émeut pas. Il lutte froidement contre la fureur des vagues et la rage des vents. Il veut, sur toute chose, que le marin craigne Dieu, ne blasphème point, fasse prière soir et matin, et remplisse, aussi exactement que possible, ses devoirs religieux. L’homme de mer doit s’arranger de toute espèce de nourriture et s’accommoder aux lieux où il se trouve. Il faut que le capitaine ait le pied marin, qu’il soit infatigable et ne s’étonne de rien. Au moment du danger, il sera sur le tillac, commandera d’une voix forte, parlera seul et ne craindra pas de mettre la main à l’œuvre. Il devra être doux et affable dans la conversation, absolu dans ses commandements. En cas de prises, « bonnes et justes », l’amiral et chacun des officiers, matelots et soldats du navire touchera exactement la part qui lui est attribuée par le contrat d’armement. Il faut être courtois et modéré dans la victoire et tenir aux vaincus la parole donnée 1.

III. — Catholique ou calviniste, il a compris que la Ligue était une monstrueuse intrigue, une affaire espagnole, qui se couvrait du manteau de la religion pour supprimer les Valois, éloigner Henri IV et placer sur le trône Henri de Guise, l’organisateur des massacres de la Saint-Barthelemy. Champlain prit parti pour Henri IV, servit en Bretagne, en qualité de maréchaldeslogis 2 sous Aumont, Saint-Luc et Brissac. Il fit si bien qu’à la paix le roi l’appelle à la cour et lui fait, sur sa cassette, une petite pension.

IV. — Voilà Champlain dans les antichambres. « Ferme sur ses membres », il attend, comme les autres, pendant des heures, des jours, des semaines, des mois, un mot, un sourire, un regard du monarque. Il s’aperçoit bientôt que le métier de courtisan n’est pas son affaire et qu’il pourrait mieux employer son temps.

Les Espagnols étaient sur le point d’évacuer Blavet, maintenant Port-Louis. L’opération devait être faite par le capitaine Provençal, excellent marin, pilote-major des flottes d’Espagne, et oncle de Champlain. L’oncle prend avec lui son neveu. Arrivé à Séville, il l’introduit dans la société de marins espagnols qui se préparent pour un voyage aux Indes Occidentales. Champlain désire faire le voyage. Le pilote-major obtient pour lui le commandement d’un navire, l’amiral Francesco Colombo l’accepte et, au commencement de janvier 1599, il s’embarque à San Lucar de Barrameda. Il peut ainsi, en toute liberté, parcourir le Mexique.

Jusqu’alors les Espagnols avaient interdit cette province aux étrangers, surtout aux Français. Ils voulaient, disaient-ils, empêcher la pénétration de l’hérésie calviniste : c’était vrai ; mais ils voulaient aussi se réserver les richesses du pays et faire le silence sur les méfaits de la conquête.

Champlain va d’une province à l’autre, étudie, décrit, dessine les ports, havres, îles, rivières, les oiseaux et les quadrupèdes, des fêtes, des danses, la flagellation d’Indiens qui ont manqué à la messe, l’autodafé d’hérétiques, le supplice des mines.

La faune fantastique du moyen âge ne l’étonne pas. Il décrit, sur ouï-dire, comme se trouvant au Mexique, un caméléon à deux pattes, un griffon, un monstre ayant ailes de chauve-souris, tête d’aigle et queue d’alligator.

Sa plume, son crayon, son pinceau sont également inhabiles mais sincères.

Passant dans l’isthme de Panama, il découvre les deux océans et conçoit le projet d’un canal « par lequel », dit-il, « l’on accourciroit le chemin de plus de 1 500 lieues 1 ».

V. — Champlain revient au Louvre, présente à Henri IV le manuscrit de la relation de son voyage, est nommé géographe du roi, et reprend à la cour ses inutiles fonctions.

Il y avait alors à Dieppe, comme gouverneur, un vétéran des guerres civiles, Aymar de Chastes. Chastes était bon catholique et n’en combattit pas moins contre la Ligue. Toujours dévoué à Henri IV, qui représentait pour lui le parti national, il a rendu possible, en conservant au roi la place de Dieppe, le succès de la journée d’Arques-la-Bataille. Les Ligueurs pensaient que le gros Mayenne, avec ses trente mille hommes, ne ferait qu’une bouchée des sept mille de Henri, et déjà, pour voir le Béarnais pieds et poings liés, les bons Parisiens louaient des fenêtres dans le faubourg Saint-Antoine 1. Leur espoir fut déçu, et Henri, qui n’était pas ingrat, disait volontiers qu’il devait, à Chastes, son salut et celui de la France.

Bien que ce brave guerrier « eust la teste chargée autant de cheveux gris que d’années », il résolut d’aller en Canada pour y mourir en servant Dieu et son roi 2.

A la mort de Chauvin, il avait obtenu le monopole du trafic du Canada.

C’était une bonne affaire, mais elle exigeait une grande mise de fonds et l’argent était très cher. M. Charles Bréard, chercheur intrépide et souvent heureux, a trouvé des actes de prêt aux capitaines du Don de Dieu et de l’Espérance, que Chauvin conduisit en 1602. L’intérêt convenu était de 35 pour cent 3. Cela paraît usuraire. Il n’en est rien. Il faut, comme autrefois, traduire « intérêts » par « risques ». En effet, quand l’affaire réussissait, le placement était admirable ; mais il y avait des pirates, des tempêtes, des écueils, souvent le navire ne revenait pas et le prêteur perdait capital et intérêts. Nous verrons une compagnie prêter à une autre au taux de 40 pour cent. Dans le langage des tabellions, les prêts aux « gens de la mer » étaient désignés sous la rubrique caractéristique de « prêts à la grosse aventure 4 ».

Aymar de Chastes, pour ne pas payer ces intérêts ruineux, forma une compagnie de gentilshommes et de gros marchands, pour la plupart de Rouen.

Une exploration préliminaire lui paraît utile, et il en charge François Gravé, sieur du Pont, dit Dupont-Gravé 1 ou Pontgravé, « Homme sage, habile, infatigable, et d’une grande expérience2 ».

Tous les ans, de 1600 à 1630, il a parcouru le Saint-Laurent. Sur des coquilles de quarante à cent tonneaux, il bravait les colères de l’Océan, les dangers du grand fleuve, les glaces, les vents, les corsaires, la famine, les révoltes de matelots. Quand on le hélait sur l’océan, il jetait son cri de guerre : Malouins ! et passait en sifflant quelque refrain breton 3.

Il était de naturel complaisant, jovial, et avait, dit le P. Sagard, toujours le petit mot pour rire. Il se laissait facilement aller, au gré de ses amis, à boire un bon coup sans eau, puis il criait à l’aide contre ses gouttes 4.

Il a été, pendant plus de trente ans, le compagnon de Champlain, qui le respectait « comme son père 5 ».

VI. — A l’époque où le brave Pontgravé attendait à Honfleur, « ville fort renommée par toutes les parties du monde 6 », Champlain était à Dieppe, auprès d’Aymar de Chastes, qu’il visitait souvent.

Le vieux soldat lui propose d’accompagner Pontgravé pour voir ce qui se passe là-bas et ce qu’on peut y faire. Champlain, qui ne demandait qu’à faire œuvre utile, accepte avec empressement, sous réserve de l’approbation du roi dont, disait-il, « j’estois obligé tant de naissance, que d’une pension de laquelle elle (sa Majesté) m’honoroit pour avoir moyen de m’entretenir près d’elle 1 ».

Le roi approuve et délivre les lettres nécessaires. Champlain se rend à Honfleur, où se trouve toujours Pontgravé. La rencontre de ces deux braves marins, comme le dit Benjamin Suite, fut un bonheur pour le Canada.

Ils mettent à la voile le 15 mars 1603 et arrivent à Tadoussac le 24 mai.

VII. — Quelques bandes de Montaignais et d’Algonquins attendaient à la pointe aux Alouettes. Pontgravé avait avec lui deux sauvages qu’il avait emmenés en France. Le lendemain il les conduisit à la cabane du sagamos Anadabijon. Il y eut grande tabagie.

L’un des sauvages rapatriés raconte, dans une longue et belle harangue, comment il a été reçu en France. Le roi, dit-il, désire peupler leur terre, faire la paix avec les Iroquois ou les soumettre par les armes. Le grand sagamos explique à son tour les avantages d’une alliance avec le grand sagamos des Français. Comme le dit Benjamin Suite, on ne saurait trop insister sur cette alliance, « l’un des actes les plus adroits et les moins barbares que la politique ait produits ». Elle explique le rôle prépondérant des Canadiens, pendant un siècle et demi, dans les vastes régions de l’Amérique du Nord. Les Sauvages détestent les Anglais, qui les ont poursuivis et les poursuivent comme des plantes nuisibles ; ils aiment les Français, qui ne les ont jamais maltraités. « Parcourez l’ouest et le nord-ouest, si vous parlez français, les Sauvages vous recevront comme des frères 2 ». Mille personnes étaient réunies à Tadoussac. C’était plus qu’il n’en fallait pour sceller un pacte durable. La danse et le calumet, symboles suprêmes, valaient tous les cachets de cire jaune, rouge ou verte des secrétaires du roi 1. Quand la traite fut à peu près terminée, Champlain et Pontgravé remontèrent le Saint-Laurent, à la découverte, dans des bateaux de 12 à 15 tonnes.

Champlain remarque, en passant, le site de Québec et celui de Trois-Rivières 2.

En 1599, Pontgravé proposait à Chauvin d’établir à Trois-Rivières un poste permanent. Les Sauvages tiennent à éviter le Saint-Laurent, qui est infesté par les Iroquois.

Ils remontent le Saint-Maurice, dont les sources sont sur les mêmes hauteurs que celles de plusieurs des rivières qui se jettent dans le lac Saint-Jean ; puis, par quelques sauts et un portage de cinq à six lieues, ils arrivent à ce lac et, par le Saguenay, à Tadoussac. Il est évident qu’un poste à Trois-Rivières éviterait un long et difficile trajet et appellerait le commerce de l’Ottawa. Champlain y pense.

Le 2 juillet il touche à Hochelaga, où Jacques Cartier vint en 1535. Dans une petite barque, manœuvrée par cinq hommes, il arrive au pied des rapides Saint-Louis. Le torrent est furieux, semé de rocs, si dangereux qu’il n’ose l’affronter. Il le longe à pied jusqu’à son sommet, examine l’aspect, la parure, le modelé du sol, se renseigne, auprès des sauvages, sur les peuples et les lieux des environs, sur l’origine des principaux tributaires du Saint-Laurent. Ne pouvant faire plus, il revient à Tadoussac 3.

Tandis que Pontgravé complète son chargement, Champlain étudie Tadoussac, la rivière et le pays de Saguenay.

VIII. — Tadoussac est au confluent du Saguenay avec le Saint-Laurent. C’est, dit Champlain, le lieu le plus désagréable et le plus stérile du pays. Il est rempli de pins, de sapins, de bouleaux et entouré de roches presque inaccessibles. Le sol est sablonneux, incultivable, la température des plus rigoureuses. « S’il y a une once de froid à 40 lieues à mont la rivière, il y en a là une livre : aussi combien de fois me suis-je étonné, ayant veu ces lieux si effroyables 1 ? » Quand, en 1600, Pierre Chauvin fondait Tadoussac (en langue Cri Totussac « les Mamelles ») il n’était pas si mal inspiré. Ce port est à 90 lieues en amont de l’entrée du golfe Saint-Laurent, à l’endroit où les anciens marins plaçaient le « bout de mer », dans l’estuaire d’un grand fleuve.

Les Montagnais venaient tous les ans à Tadoussac pour vendre leurs peaux de caribous, d’élans, d’ours, de castors, de martres, de loutres et de chats sauvages. Ils servaient d’intermédiaires entre les Français et les chasseurs du haut Saguenay. Les affaires n’allaient pas mal et devaient aller mieux quand les marchands auraient appris la discipline et l’art d’hiverner.

Cette installation n’était pas du goût de Champlain. « Tout ira assez bien », dit-il, « hormis qu’il n’y aura que des Ministres et des Pasteurs Calvinistes. . . . . Ce qui fut à blasmer dans cette entreprise, est d’avoir donné une commission à un homme de contraire religion pour pulluler (sic) la foi Catholique, Apostolique et Romaine, que les hérétiques ont tant en horreur et abhomination 2 ». Tadoussac n’a pas réalisé les espérances de Chauvin ; cependant il sert d’escale aux bateaux à vapeur ; il possède, dans l’anse à la Barque, un établissement de pisciculture qui produit, par an, plus de deux millions de saumons ; les Américains y possèdent de belles et nombreuses villas ; il est question d’établir, sous les rochers de la rive droite de l’estuaire, un port d’hiver pour les transatlantiques qui s’arrêtent aujourd’hui à Halifax et à Saint-John 1.

IX. — Champlain a visité le Saguenay et en fait une description. Un jésuite et un récollet décrivent aussi cette rivière, peutêtre d’après lui.

Elle est grande, disent-ils, profonde de 80 à 100 brasses, belle comme la Seine, quasi rapide comme le Rhône. A cinquante lieues de son embouchure, il y a un grand saut, et le courant est si rapide, si impétueux, qu’à trois quarts de marée il porte encore dans le Saint-Laurent. Son entrée est parfois dangereuse. Pontgravé en a fait l’expérience. Pris dans une tourmente, il lutta vaillamment, habilement, comme il le savait faire. Mais ses efforts étaient vains, sa science ne lui servait de rien. Il ne pouvait trouver fond ni sortir, et n’attendait que la vague qui devait le briser sur les roches. Le bon père Sagard, qui aimait à rire, nous fait cette confidence : Dieu se souvint à propos que le brave marin était ami des Récollets, eut pitié de lui et jeta le quos ego libérateur 2.

Ces descriptions du Saguenay sont exactes, mais incomplètes.

Le Saguenay, en cri Sakinipi « Eau qui sort », ne ressemble guère à notre rivière de Seine. Il prend ses sources à 400 kilomètres du Saint-Laurent, à 400 ou 500 mètres d’altitude.

Au nord de la coulée du Saguenay, le sol forme une vaste cuvette. Sept ou huit rivières en drainent la surface, rayonnent vers son centre et forment le lac Saint-Jean, qui mesure 28 kilomètres de long sur 25 de large. Les Indiens donnent à cette ravissante méditerranée le nom de Pikouagami ou « Lac Plat », sans doute parce que sa profondeur moyenne ne dépasse pas 15 à 20 mètres. Buies le compare à un crabe énorme dont les rivières sont autant de tentacules tendus vers les immigrants.

Son tributaire principal, l’Ashuapmouchouan, qui est très abondant, coule du nord-ouest au sud-est, juste dans le prolongement du Saguenay. Entre l’embouchure du premier et la brèche par où s’échappe le second, il y a une crevasse longue de 1 600 mètres et profonde de 62 à 75. Cette crevasse se continue dans les terres avec le lac Vert, le lac Kenogami, qui est profond de 300 mètres, la baie de Ha-Ha et la large fissure du bas Saguenay. « Il est impossible », dit Elisée Reclus, « de ne pas voir dans cette série de fissures un fjord que les glaces emplirent autrefois et qui s’est en grande partie oblitéré depuis que les rivières ont charié les débris des moraines : à l’est du lac Saint-Jean, la fosse, continue jadis, s’est partagée en plusieurs bassins, et dans le fond le lit s’exhausse peu à peu 1 ».

Le Saguenay proprement dit sort du lac Saint-Jean par les rapides et cascades de la Grande et de la Petite Décharge. Des Décharges, à la « Terre Rompue », Champlain comptait dixhuit sauts ou rapides. Près de la Terre Rompue, le Chicoutimi, appelé par les Sauvages Iskotimiw, « jusque-là l’eau profonde », apporte au Saguenay, par une puissante cataracte, les eaux du lac Kenogami. Le Saguenay, large alors de 1 020 mètres, coule entre de hauts rochers. Au moment des marées, il porte, jusqu’à Chicoutimi, les bateaux à vapeur qui viennent charger des bois. Plus loin, il s’élargit encore. A la rencontre de la baie de Ha-Ha, il devient un bras de mer, un fjord comme ceux de la Norvège. Sinueux, toujours large de plusieurs kilomètres, il coule entre une double rangée de roches de gneiss ou de syénite, hautes de plusieurs centaines de mètres, ou entre des parois verticales qui s’élèvent jusqu’à cinq cents mètres au dessus du courant. Quelques arbustes se cramponnent aux escarpements ; les sommets arrondis se parent d’arbres touffus ou de squelettes de pins incendiés. Au fond, le Saguenay roule une eau noire qui se précipite, comme une « mer d’encre », dans le flot verdâtre du Saint-Laurent. Il est d’aspect sinistre. Les Montagnais l’appellent « Fleuve de la mort ». On dit que les animaux de la forêt n’osent le regarder, que les oiseaux n’osent voler audessus, que les moustiques le fuient.

Le Saguenay n’est pas « sans fond », comme le croient les Indiens, mais il est de profondeur énorme. En aval de la baie de Ha-Ha et près de son embouchure, la sonde donne 269 mètres. De même que tous les fjords, dit Elisée Reclus, il se termine dans l’estuaire du Saint-Laurent par des hauts-fonds, des amas de détritus repoussés hors de la fissure : la sonde n’y mesure que d’une douzaine à une vingtaine de mètres 1.

Chaque été, les Américains viennent en foule contempler cet étonnant bras de mer, qui fut le siège de notre premier établissement canadien.

X. — Champlain n’a vu, dans le pays de Saguenay, que des montagnes couvertes de sapins et de bouleaux, des plaines stériles, désolées, où il ne trouve que des oiselets et des oiseaux de rivière. Il avait entendu parler d’un grand lac ; il aurait voulu le voir, mais il ne le pouvait sans l’aide des Sauvages, et les Sauvages n’ont pas voulu le conduire, malgré leurs promesses 2.

Il y a quarante ans, on croyait encore que le bassin du lac Saint-Jean ne pouvait nourrir que des animaux à fourrure. La compagnie de Hudson s’en prétendait propriétaire et défendait d’en cultiver le sol, d’y couper du bois, d’y toucher à fur or pine « peau ou pin ».

En 1851, Chicoutimi était encore un pauvre village, et la rivière de Saguenay coulait, solitaire, au milieu de la forêt vierge.

La vallée du lac Saint-Jean est maintenant une oasis dans le désert labradorien. De tous côtés s’élèvent des fermes et des villages. Des bords du lac au sommet de la vallée s’étagent des prairies et des champs de céréales d’une vigueur admirable.

Le modeste établissement de Chicoutimi est devenu le siège d’un évêché ; la vallée du lac Saint-Jean est en voie de devenir le grenier de la province de Québec. Son climat est très salubre, sa température est celle de Montréal, sa population augmente rapidement : 10 478 habitants en 1861, 17 493 en 1871, 32 409 en 1881, plus de 40 000 en 1890. L’immigration est peu importante, mais les naissances sont quintuples des décès 1.

XI. — Pontgravé ayant terminé ses affaires, les deux marins remettent à la voile et rentrent heureusement, le 27 octobre 1603, dans le port de Honfleur.

Aymar de Chastes est mort. Champlain porte à Henri IV le mémoire et la carte de son voyage. Il est complimenté, encouragé, assuré que l’entreprise sera continuée plus tard. Le roi ne peut, pour le moment, faire les frais d’une nouvelle entreprise, et Sully ne veut pas entendre parler de colonies. Cela, dit-il, dépeuplerait le pays, sans que jamais les Parisiens et les Normands puissent devenir « Canadois ».

1. Biographie Saintongeoise; Saintes 1852, p. 140.

2. Registre des insinuations au greffe du Châtelet de Paris, 27 déc. 1610, cité par le P. Faillon.

1. CHARLEVOIX, Histoire et description générale de la Nouvelle France; Paris, Rollin fils, m. dcc xliv, in-12, t. I, p 172.

2. Les Voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, Capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine; Paris, 1613, in-4o, Dédicace à la Reine.

1. CHAMPLAIN, Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier, pp. 1-7, à la suite des Voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, 1632.

2. Officier chargé de préparer les logements.

1. Brief discours des choses plus remarquables que Samuel Champlain de Brouage a reconnues aux Indes occidentalles au voyage qu’il en a faict en icelles en Lannee mil Ve iiijxx xix, et en l’année mil vc j. comme en suit.

Ce précieux manuscrit appartint à M. P.-J. Féret, ancien bibliothécaire de la ville de Dieppe. Il a été plusieurs années entre mes mains. A la mort de M. Féret, il a été acquis par la librairie Maisonneuve, de Paris.

L’Hakluyt Society l’a publié en 1859. Il forme le premier volume des œuvres de Champlain publiées, en 1870, par M. l’abbé Laverdière.

1. MICHELET, Histoire de France. — La Ligue et Henri IV; Paris, 1857, p. 359.

2. Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain Xaintongeois, Capitaine pour le Roy en la Marine du Ponant, et toutes les Descouvertes qu’il a faites en ce païs depuis l’an 1603, iusques à l’an 1629; Paris, Louis Sevestre, m. dc. XXXII, 1re part., p. 38.

3. CH. BRÉARD, Le vieux Honfleur et ses marins; Rouen, Léon Gy, 1897, p. 59. Réédité par La Découvrance.

4. PAUL TOUTAIN, Les anciens marins de l’estuaire de la Seine, dans le Bulletin de la Société normande de Géographie, 1898. t. XX, p. 134.

1. CH. BRÉARD, op. cit., p. 97.

2. CHARLEVOIX, op. cit., t. 1, p. 185.

3. BENJAMIN SULTE, Pages d’histoire du Canada ; Montréal, Oranger, 1891, p. 85. — EMILE SOUVESTRE, Loin du pays. — CHARLEVOIX, op. cit., t. 1, p. 171.

4. SAGARD, Hist. du Canada, 1636, pp. 844 et 982.

5. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1Re part., p. 224.

6. JEAN ALFONSE, cité par Pierre Margry, op. cit., p. 275.

1. CHAMPLAIN, VOYAGES, 1632, 1re part., pp. 39, 40.

2. BENJAMIN SULTE, Histoire des Canadiens-Français, 1608-1880; Montréal, Wilson, gr. in-4°, t. 1, p. 47.

En 1754, les Indiens du parti français, réunis à Montréal, disaient : « Ignorezvous, nos frères, quelle différence il y a entre notre Père » (le gouverneur de la Nouvelle-France) « et l’Anglois ? Allez voir les forts que notre Père a établis, et vous y verrez que la terre sous les murs est encore un lieu de chasse, ne s’étant placé dans ces endroits que nous fréquentons que pour nous y faciliter nos besoins, lorsque l’Anglois, au contraire, n’est pas plutôt en possession d’une terre que le gibier est forcé de déserter, les bois tombent devant eux, la terre se découvre et nous trouvons à peine chez eux de quoi nous mettre la nuit à l’abri ». (Richard Waddington, Louis XV et le renversement des alliances. — Préliminaires de la Guerre de Sept Ans. — 1754-1756; Paris, Firmin-Didot, 1886, p. 8.

1. BENJAMIN SULTE, op. cit.. t. 1, p. 47.

2. Des Sauvages ou Voyage de Samuel Champlain, de Brouage, faict en la France nouvelle, l’an mil six cent trois; Paris, 1604. pp. 15-18.

3. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1re part., p. 40.

1. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1re part., pp. 35, 36.

2. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1re part., p. 37.

1. ELISÉE RECLUS, Nouv. Géog. univers., t. XV, pp. 566, 567.

2. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1re part., pp. 119, 120. — Relation du voyage fait en Canada pour la prise de possession du port de Québec, dans le Mercure françois, 1632, t. XVIII, p. 59. — SAGARD, Hist. du Canada, 1636, p. 152; Le Grand Voyage au pays des Hurons, 1632, pp. 46, 47.

1. ELISÉE RECLUS, op. cit., t. XV, pp. 457, 458.

1. ELISÉE RECLUS, op. cit., t. XV, pp. 458, 460.

2. CHAMPLAIN, Voyages, 1632, 1re part., pp. 119-120.

1. ELISÉE RECLUS, op. cit., t. XV, pp. 562-564. — Buies, La région du lac Saint-Jean; Québec, 1890, passim.

CHAPITRE II

CHAMPLAIN EN ACADIE