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Table des matières
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Notre manifeste
Editorial
Sommaire
Don Quichotte contre les géants du vent
Conflits d'intérets à gogo
«Nous ne sommes pas des révolutionnaires»
«Le système oriente le choix du peuple»
Sous haute protection
Littérature du réel
Impressum
4e de couverture
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Notre manifeste
I 3Eté 2024 Sept mook Notre manifesteSept, le meilleur du slow journalisme francophoneOsons être utiles. Notre mission n’est pasde vous distraire. Le journalisme utile quenous pratiquons ne veut cependant pas direjournalisme utilisé ou utilitaire. Nous sommesutiles parce que nous éclairons notre temps de manière intelligible et que nous vouspermettons de mieux le comprendre pour fairede vous des citoyens avisés.Osons l’excellence. Nous pratiquons unjournalisme de qualité. Un journalisme vrai quicoûte plus cher qu’une information prémâchéepar des agences de communication ou desgouvernements. Qui ne dépend pas que duseul journaliste. Nos équipes sont multiples:correcteurs, relecteurs, éditeurs, journalistes,photographes, graphistes, multimédiamaticiens,fact-checkers… Ensemble, nous travaillons pourvous livrer un produit artisanal digne d’uneappellation d’origine protégée. Voilà pourquoinous portons le plus grand soin à la forme de nos contenus.Osons innover. Nous améliorons sans cesse nos contenus et nos interfaces grâce à vosindications et remarques pour que votreexpérience utilisateur soit la plus confortable et la plus innovante possible. Au risque, parfois,de nous tromper... pour mieux rebondir.Osons l’intelligence. Nous ne détenons pas lavérité. Nous sommes les porteurs éphémères, lesintermédiaires d’une information qui doit vivre,se répandre, provoquer le débat et faire avancernos sociétés dans l’intelligence et la raison.Osons changer de rythme. Au diktat del’actualité et des réseaux sociaux, nous préféronsles informations négligées et occultées par lamajorité des médias. Nous prenons le temps defouiller, de creuser ailleurs pour vous rapporter etvous raconter des histoires inédites qui font sens.Avec pour seule ligne rédactionnelle, celle d’unregard original sur la marche de notre monde.Osons être longs. Aujourd’hui, nous pouvonschanger le monde en 280 caractères. Mais pour le raconter, pour le comprendre, il en fautbeaucoup plus. Nous donnons donc de l’espace à nos histoires, de l’ampleur, de la longueur et de la nuance, car le monde n’est pas tout blancou tout noir.Osons moins, mais mieux. Produire moins, maismieux. Telle est notre devise. Car l’information quipeut changer le cours du temps doit mijoter delongs mois. Ce temps lui donne de la profondeur,de l’envergure, bref une plus grande valeur encore.Osons l’authenticité. Notre journalisme n’est pasun journalisme d’experts ou de bureau. Le terrainest votre vérité
Tu es photographe? Tu aimes écrire?Tu vis en Suisse et tu veux montrer ce que tu sais faire?Alors participe au concours Sept du photojournalisme suisseet tente de gagner l’un des prix.Spécialement créés pour soutenir les jeunes photographes, les prix Sept du photojournalisme suisse récompensent ceux qui aiment raconter des histoires à l’image de celles publiéessur sept.info et dans Sept mook.Conditions de participationTu dois présenter un projet capable d’émouvoir et d’étonner le jury en combinant un texte journalistiquede minimum 2’000 signes et une série d’une vingtainede photos en haute définition. Récit photographique
Editorial
10 I Sept mook Eté 2024Patrick VallélianChère lectrice,Cher lecteur,Leur combat, c’est celui de David contre Goliath, du Petit Poucetcontre l’ogre, de la belle contre la bête ou de l’équipe de Suisse defootball contre la majestueuse France... Vous l’aurez compris, rienne permet de dire aujourd’hui que les opposants à l’implantationdes éoliennes dans les campagnes fribourgeoises vont avoir gainde cause. Loin de là.Il est même très probable que ces infernales machines à ventde 230 mètres de hauteur, au nom de la totalement illusoire auto-suffisance électrique, de la lutte contre le changement climatiqueou de la crainte d’un très improbable black-out, balafrent un jourles forêts, les collines et les monts jusqu’à présent préservés de cecanton encore très agricole, mais surtout peu venteux.Or, quoi qu’il arrive, ces paysans, musiciens, cadres, avocats,scientifiques, patrons, universitaires, enseignants, écrivains, sansemploi ou ouvriers que nous faisons témoigner dans ce 46eopus deSept mook, nous auront donné une leçon de démocratie.Une belle leçon de civisme également que nous souhaitonspartager avec vous, alors que les autorités locales, cantonales et fé-dérales pataugent honteusement dans les miasmes de leurs men-songes, cachotteries ou encore accords secrets signés avec les élec-triciens et autres promoteurs de ce vent électrique.Choqués par ces errements, sonnés même de comprendre quel’Etat n’est pas forcément protecteur, ils n’ont pas décidé d’occu-per des ronds-points ou de casser du flic. Responsables, honnêtes,disciplinés, ils se sont coordonnés pour chercher ce qui fait encoreaujourd’hui tomber les murs: la vérité...Et pour y arriver, ils ont utilisé les seules armes en leur pos-session: la curiosité et la persévérance avec l’aide de la Loi sur latransparence qui est censée ouvrir tous les coffres-forts étatiques,même si certaines serrures continuent encore et toujours à leurrésister. Depuis, c’est une avalanche de révélations sous la
I 11Eté 2024 Sept mook Un trait d’intelligence et de droiture qui ne nous étonne guèrevenant de ce Tessinois qui n’a jamais hésité à s’attaquer aux plusforts. Les mafieux quand il était procureur. Ou la CIA et ses prisonssecrètes quand il était élu au Conseil des Etats et enquêteur pourle Conseil de l’Europe.Cette leçon de démocratie est d’autant plus importante qu’elletombe au moment où cette dernière est mise sous pression par lesextrêmes de gauche et de droite, par l’indifférence de la majoritésilencieuse qui se dit, à tort, que quoi qu’elle fasse, rien ne chan-gera ou encore par les empires, russe, chinois, iranien ou turc quihaïssent notre liberté de ton, d’opinion et de commerce.Il est grand temps de comprendre que la démocratie est fra-gile et qu’elle mérite qu’on se batte pour elle. Ces Fribourgeois nousmontrent la voie.Très belle lecture et écoute de notre mook (c’est nouveau etvous verrez, c’est sensationnel)Avant de vous quitter... je souhaite encore vous annoncer une très belle nou-velle. La première édition du Prix suisse Sept du roman graphique a trouvésa lauréate. Il s’agit de Sonya Trolliet. Née en 1990, cette illustratrice vau-doise qui vit et travaille à Forel recevra une bourse d’une valeur de 6’000francs de la part
Sommaire
12 I Sept mook Ete 2024«Deux communes, Vuisternens-devant-Romont et La Sonnaz,me mandatent afin d’attaquer levolet éolien du PDCant, estimantqu’il a été élaboré de façonpartiale, voire partisane.»34«J’ai eu la
Don Quichotte contre les géants du vent
Reconnu unanimement dans le monde francophone,l’écrivain fribourgeois Jean-François Haas raconte
Le soir du 9 décembre 2019, j’as-siste à l’assemblée communalede Courtepin, mon village, situéà une petite dizaine de kilomètres deFribourg, notre capitale cantonale. Ceterme d’«assemblée communale» désignedans mon canton les citoyens actifs quiont répondu présents à la convocationde l’exécutif local. Idéalement, ce devraitêtre tout le corps électoral. Mais c’estrarement le cas. Sur chaque objet traité,tout participant peut s’exprimer, avantde l’accepter ou de le rejeter par un vote.J’ai pris part à ma première assemblée en1972, une année après l’octroi du droit devote et d’éligibilité aux femmes. J’avaisvingt ans, l’âge de la majorité civiqueà l’époque. J’étais enthousiaste; la démo-cratie gagnait du terrain. Un enthou-siasme que j’ai ensuite essayé, en tantqu’enseignant, de transmettre à mesélèves du collège de Gambach durant lesleçons d’histoire que j’y dispensais avantma retraite en 2013.Cette assemblée du 9 décembre 2019,comme toutes les réunions politiques dece genre, s’est terminée par la rubrique des«divers» qui permet de poser des questions,d’émettre des propositions, des critiques.Cela peut aller d’un carrefour dangereuxà une fontaine publique qui ne coule plusou une subvention trop faible pour leclub de foot ou celui des accordéonistes.Le moment n’est pas toujours facile pourle Conseil communal, l’exécutif, et pourson patron, le syndic. Et ce 9 décembren’a pas fait exception. Voici un extraitdu procès-verbal officiel: «Une personnedemande si le Conseil communal a desinformations au sujet de l’implantationd’un parc éolien. M. Martin Moosmann(syndic) répond que ce projet fait partie duPlan directeur cantonal et que le Conseilcommunal n’en sait pas plus.»Depuis le projet d’implantation d’éo-liennes dans la localité voisine de Miseryen 2013, je n’avais plus entendu parlerde parc éolien dans notre district du Lacou dans celui de la Sarine, tout proche.J’avais sans doute manqué d’intérêt pour lesujet, probablement parce que je me disaisque s’il nous arrive parfois de brasser del’air dans mon coin de pays sur certainssujets politiques, mon village n’est de loinpas balayé par des courants puissantsou même réguliers. Bref, un tel moulinà vent de plus de 200 mètres de hauteurà deux pas de ma petite bourgade, ça mesemblait totalement hors sujet. J’avaistort. Comme d’autres citoyens, j’allaisdécouvrir dans les années suivantes queles promoteurs d’Ennova, des Servicesindustriels de Genève (SIG) et du Groupe E,avec sa société Greenwatt, tous porteursdu vent électrique dans nos campagnes,avaient travaillé de manière occulte. Lemaître-mot
En tout cas, les citoyens de Courtepinn’apprendront rien de plus ce soir-là.Cependant, l’assemblée terminée, cer-tains la prolongent:– Donc, il y a bel et bien un projet. C’esttout de même bizarre que le syndic nousdise que le Conseil communal n’en saitpas plus.– Si le projet est suffisamment avancépour figurer dans le Plan directeur can-tonal (PDCant), le syndic est en train denous promener. Et il n’est probablementpas le seul. Les conseillers sont au cou-rant de ce plan directeur, c’est obligé; ilsen savent donc peut-être plus, au moinscertains d’entre eux.– Ça sent la combine!– Pourquoi on ne veut rien nous dire? Lelégislatif, c’est nous. Nous avons le droitd’être informés.– On nous écarte de l’information. Çaveut dire qu’on nous écartera aussi dela décision.–C’est peut-être déjà décidé.–C’est ça, la démocratie?– Comment ont-ils fait pour déterminerces parcs éoliens?–Qui les a déterminés? Comment? Avecquels critères? Il n’y a pas beaucoup devent par chez nous.Autant de questions. Si peu de réponsesofficielles. Or elles existent, ces réponseset, grâce à l’acharnement d’un groupe decitoyens lanceurs d’alerte qui n’ont eude cesse de les réclamer à l’Etat et à cesentreprises en invoquant la Loi sur latransparence, nous avons petit à petitmieux compris ce qui s’était passé dansce dossier. Comment a-t-on arrêté lessites fribourgeois pour les éoliennes, dontle nôtre, celui des collines de La Sonnaz,que des milliers de gens verront de leursfenêtres s’il sort de terre et dont la mélo-die des monstrueuses pales de plus de80 mètres de longueur se fera entendrejusqu’à nos tables familiales? La plongéedans les documents officiels mis au jourmalgré nos autorités qui ont passé leurtemps à nous mettre des bâtons dans lesroues vaut le détour!Notre histoire commence avec une«boîte» sise d’abord à Chiasso au Tessin,REnInvest, cofondée par un certain SergioErmotti, actuel directeur général d’UBS. Sielle est en liquidation depuis mars 2024,elle a travaillé, dès 2009 au moins, sur lecanton de Fribourg, ainsi que le confirmeun rapport interne dit «Juel II» destiné auxdiscussions entre partenaires, à savoir:les Services industriels de Genève (SIG),les Tessinois de REnInvest et leur sociétéGreen Wind, fondée en juin 2011 à Courtdans le canton de Berne. Société anonymequi changera de nom en 2012 et devien-dra Ennova avant d’être rachetée en 2014par les SIG… En décembre 2010, «l’étudeREnInvest – SIG» atteste d’une nouvellephase de prospection des sites fribour-geois pour les
documents afin d’entreprendre un déve-loppement éolien et découpe «grossiè-rement» notre canton en deux «entitéstopographiques», l’une «à l’ouest de l’A12:régime de plaines et petits vallons», l’autre«à l’est de l’A12: régime montagneux etalpin… Présence de glaciers», l’A12 étantl’autoroute qui traverse notre canton,entre Berne et Châtel-Saint-Denis. «Pourla partie ouest, le régime de vent estsensiblement similaire à celui connu etmesuré dans le canton de Vaud en rai-son d’une topographie identique», com-mentent les experts de Green Wind. Etde moduler ensuite: «Il est évident queces considérations sont approximatives,voire très approximatives, car aucuncalcul concret n’a été réalisé. L’ordre degrandeur de ces estimations reste toute-fois cohérent au regard de l’existant surVaud.» L’auteur du rapport observe éga-lement que «pour les deux sites en étudedans le canton de Vaud, à la frontière ducanton de Fribourg, que sont Moudon etSottens (qui a intégré la commune fusion-née de Jora-Menthue en 2011, nda), lescalculs en interne avec extrapolation desdonnées mesurées à partir des stationsde Pully, Payerne et Genève révèlent desrésultats satisfaisants». Extrapoler desdonnées pour Moudon et Sottens en sefondant sur des mesures faites à Genève(à plus de 70 km à vol d’oiseau), à Pully oumême à Payerne manque cruellement derigueur scientifique. Qu’importe! Pour lecanton de Fribourg, on extrapole sur labase de ces extrapolations. L’un de mesamis critiquera un jour notre approchetrop émotionnelle en lieu et place dedemeurer rein wissenschaftlich (purementscientifique)... Amusant, non? C’est doncà partir de ces «approximations» – leterme est employé par l’auteur du rap-port lui-même – que va être décidée lapriorisation du parc éolien des collinesde La Sonnaz et d’autres sites en plaine.En prenant connaissance de ce dos-sier du 23 novembre 2011, je me dis quetout se serait joué chez les investisseurstessinois de REnInvest. J’imagine quequelqu’un a dû décréter dans un bureau,du côté de Chiasso, probablement mêmesans se déplacer dans le canton de Fribourg,sans se soucier de savoir s’il y a du ventdans notre région et avec l’aide de GoogleEarth, que La Sonnaz méritait d’accueillirun parc éolien comprenant jusqu’à neufmachines. Mieux, que cette infrastruc-ture industrielle perdue au milieu d’unterritoire de collines, de champs cultivés,de prairies et de forêts qui s’étend entreles communes de Courtepin, La Sonnaz,Belfaux et Misery-Courtion devait deve-nir une priorité du développement desénergies renouvelables helvétiques. Sousle nom de code: «SON».Le 14 décembre 2020, je me rendsà une nouvelle assemblée communale. J’yvais avec une
Je regrette la perte de démocratie directe,mais je sais aussi combien une assembléeest manipulable: il suffit de faire venir ungroupe suffisant de partisans d’un projetpour l’imposer au vote. Le déroulementde l’assemblée du 14 décembre 2020 sedéroule sous contrainte du Covid-19; pourrespecter la distance entre les chaises,nous sommes réunis dans la grande sallede gymnastique, les gens sont masquéset on se désinfecte les mains à l’entrée.Arrive le moment des «divers». Les ques-tions sur les éoliennes pleuvent. Voici cequ’en a retenu le procès-verbal officiel, queje cite in extenso, par souci d’exactitude:«MmeD. R. (citoyenne) demande com-ment se positionne le Conseil communalconcernant les éoliennes de La Sonnaz.M. Martin Moosmann (syndic) répondque le Conseil communal ne se posi-tionne actuellement pas. Ce parc éolienfait partie du Plan directeur cantonal et,pour l’instant, le Conseil