Souviens-toi... - Nicolas Bouvier - E-Book

Souviens-toi... E-Book

Nicolas Bouvier

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Beschreibung

Hugo et Anne gèrent une charmante librairie à Périgueux. Le jeune homme rêve de devenir écrivain. Elle espère son amour...

Il envoie son manuscrit aux maisons d'éditions. Elle l'encourage...
Arriveront-ils à réaliser leur rêve...?

"Des lettres, des mots, des livres, des bibliothèques, une librairie. Tel était son univers. Lire, c’était sa vie. Sans cela, il n’existait pas. Mais il y avait une chose encore plus importante pour lui : l’écriture. Il se sentait fait pour ça. Les mots lui venaient naturellement, tombant du ciel, entre deux idées. Cet homme n’avait jamais songé à autre chose qu’à coucher des mots sur un morceau de papier. Depuis l’enfance, il rêvait de publier un livre pour laisser une trace dans l’histoire, à sa famille, à ses proches."

Un roman touchant sur l'importance d'aller au bout de ses ambitions

EXTRAIT

Hugo Bassin était un jeune homme de 30 ans, à la vie banale jusqu’à présent. Petit libraire de Périgueux, en Dordogne, il avait consacré sa vie aux livres. Il n’en était pas seulement amateur… Mais admiratif. La littérature était sacrée pour ce passionné qui restait souvent des heures, assis derrière son bureau, installé dans l’arrière-boutique de sa librairie, à feuilleter les pages d’une œuvre qui ne demandait qu’à être lue. Il était arrivé à un âge où son rêve le plus cher voulait être réalisé : publier son premier roman. Cependant, trouver un éditeur n’était pas chose aisée, mais il y croyait dur comme fer, voulait se battre et persévérer, pour obtenir le graal d’être un jour exposé en librairie.
Entre rêves et réalités, Hugo savait qu’il obtiendrait le soutien de son amie de toujours, Anne Valette, sa cadette de deux ans dans le métier, qu’il connaissait depuis la primaire. Hugo l’avait toujours aimée, mais n’avait jamais osé le lui dire, sauf à 15 ans, en lui écrivant un poème, mais à cette époque-là, elle ne s’était pas sentie prête à sortir avec lui. Il avait donc décidé de garder cette belle amitié, tissée depuis toutes ces années, pour combler son chagrin d’adolescent. En général, ce jeune homme distingué n’avait pas peur d’exprimer ses sentiments, mais avec Anne, il était bloqué. À chaque fois qu’il tentait de faire le premier pas, sans raison particulière, une petite voix dans sa tête lui répétait : « Ne va pas tout gâcher ! »

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Ce livre a reçu le Prix Emeraude "Livres en Quercy" en 2015

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nicolas Bouvier né le 21 septembre 1990 est un écrivain engagé contre le harcèlement scolaire.
Ancienne victime au collège, il intervient aujourd’hui en tant que membre d’honneur de l’association « Les Parents » dans les établissements scolaires et sous forme de conférences caritatives auprès du grand public.
Sa carrière a commencé en 2011 avec la publication de « Sentiments Partagés », puis de « Scrupules » (2012), « Renaissance » (2013), un récit de vie intitulé « Une famille en danger », puis « Souviens-toi...qui a obtenu le Prix Émeraude « Livres en Quercy » en 2015.

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“A Jean, Mon grand-père, qui a rejoint les anges”

1.

Des lettres, des mots, des livres, des bibliothèques, une librairie. Tel était son univers. Lire, c’était sa vie. Sans cela, il n’existait pas. Mais il y avait une chose encore plus importante pour lui : l’écriture. Il se sentait fait pour ça. Les mots lui venaient naturellement, tombant du ciel, entre deux idées. Cet homme n’avait jamais songé à autre chose qu’à coucher des mots sur un morceau de papier. Depuis l’enfance, il rêvait de publier un livre pour laisser une trace dans l’histoire, à sa famille, à ses proches.

Hugo Bassin était un jeune homme de 30 ans, à la vie banale jusqu’à présent. Petit libraire de Périgueux, en Dordogne, il avait consacré sa vie aux livres. Il n’en était pas seulement amateur… Mais admiratif. La littérature était sacrée pour ce passionné qui restait souvent des heures, assis derrière son bureau, installé dans l’arrière-boutique de sa librairie, à feuilleter les pages d’une œuvre qui ne demandait qu’à être lue. Il était arrivé à un âge où son rêve le plus cher voulait être réalisé : publier son premier roman. Cependant, trouver un éditeur n’était pas chose aisée, mais il y croyait dur comme fer, voulait se battre et persévérer, pour obtenir le graal d’être un jour exposé en librairie.

Entre rêves et réalités, Hugo savait qu’il obtiendrait le soutien de son amie de toujours, Anne Valette, sa cadette de deux ans dans le métier, qu’il connaissait depuis la primaire. Hugo l’avait toujours aimée, mais n’avait jamais osé le lui dire, sauf à 15 ans, en lui écrivant un poème, mais à cette époque-là, elle ne s’était pas sentie prête à sortir avec lui. Il avait donc décidé de garder cette belle amitié, tissée depuis toutes ces années, pour combler son chagrin d’adolescent. En général, ce jeune homme distingué n’avait pas peur d’exprimer ses sentiments, mais avec Anne, il était bloqué. À chaque fois qu’il tentait de faire le premier pas, sans raison particulière, une petite voix dans sa tête lui répétait : « Ne va pas tout gâcher ! »

Alors, il se tut. Pourtant, la jeune femme n’était pas naïve, elle savait très bien ce que son ami ressentait, mais même si elle avait refusé la première fois, c’était pour de bonnes raisons. À présent, elle était prête à s’engager, mais ce n’était pas à elle de faire le premier pas. Le jour où Hugo aurait l’audace de lui dire la vérité, elle lui avouerait la sienne et peut-être que, ce jour-là, la boucle serait bouclée. En attendant, elle remarquait que son meilleur ami avait pour ambition de se faire connaître en tant qu’auteur, alors elle l’encouragea à écrire et à travailler dur pour réussir. Elle lui conseilla également d’être patient et déterminé pour trouver un éditeur.

— Ne t’en fais pas Hugo, sois patient, ton roman trouvera bientôt un éditeur de renom.

— Si tu le dis. Je ne suis pas pressé, dit-il d’un ton léger. J’ai tout mon temps.

Hugo voulait patienter avant de prendre une telle décision. Il n’aimait pas brusquer les choses. C’était un garçon calme mais ambitieux. Anne aimait beaucoup le tempérament posé de son ami. Mais, en matière de sentiments, elle aurait préféré qu’il n’attende pas des années avant de lui déclarer sa flamme. Elle espérait que de petites attentions suffiraient à lui faire comprendre qu’Hugo n’avait pas à avoir peur de se déclarer, puisqu’elle l’attendait depuis longtemps.

Les deux amis avaient fait beaucoup de choses ensemble, réalisé toutes les bêtises de leur âge, sauf ce que chacun d’eux espérait : s’embrasser. Ils étaient pourtant en tous points pareils : ils aimaient les mêmes musiques, films et étaient d’accord sur beaucoup de sujets. En cas de désaccord, Hugo laissait souvent l’avantage à son amie. Ils s’entendaient tellement bien que tout le monde s’étonnait encore qu’ils n’aient pas franchi le pas.

Au lycée, Hugo avait fait la connaissance de Fabien Bonnot, qui souhaitait alors devenir banquier. Les deux jeunes gens étaient rapidement devenus amis, mais ils s’étaient disputé Anne plus d’une fois, ce qui avait failli briser leur amitié. Malgré tout, Fabien savait que son ami n’avait jamais abandonné l’idée de séduire Anne alors, un jour où le libraire travaillait, il décida de lui rendre une petite visite afin d’en discuter.

Ce jour-là, la libraire était absente. Elle avait une angine et son collègue l’avait rassurée en lui disant qu’il s’occuperait de la boutique. Fabien prit donc son ami à part pour discuter :

— Écoute Hugo, tu es quelqu’un de bien, pourquoi tu n’avoues pas tes sentiments à Anne ? Elle le prendrait bien, je t’assure.

— Je ne veux pas tout gâcher, répondit Hugo, mal à l’aise. Après tout, nous sommes amis depuis plus de quinze ans, pourquoi risquer de tout détruire pour une banale amourette sans importance ?

— Sans importance ? Mon vieux, tu ne t’es jamais demandé ce qu’elle ressentait pour toi ? s’étonna son ami, visiblement choqué.

— Si, bien sûr, mais…

— Mais quoi ?

— Je ne suis pas prêt, voilà ! répliqua le jeune homme, agacé des questions de Fabien.

— Très bien, soupira le jeune homme. C’est toi qui vois. Si tu préfères attendre qu’elle trouve quelqu’un d’autre, c’est ton choix.

Le libraire ne répondit pas. Il préféra ne pas envisager cette possibilité, car cela lui briserait le cœur. Pourtant, Fabien avait raison. Mais il n’était pas Hugo. C’était un homme culotté et très extraverti qui pouvait avoir toutes les femmes qu’il voulait, presque en claquant des doigts. Il était le fils d’un chef d’entreprise et d’une institutrice qui gagnaient bien leur vie. Le jeune homme ne manquait de rien, sauf d’une compagne. À cette idée, Hugo fut légèrement rassuré. Finalement, Fabien lui ressemblait un peu. Quoique… Hugo n’avait pas son culot ni son côté dragueur avec les femmes, car son ami les collectionnait, comme on collectionnerait des belles voitures ou des trophées. Hugo avait une autre vision des femmes, peut-être idéaliste pour certains. Pour lui, une femme était avant tout un être humain (tout le monde l’aura remarqué), ce n’était pas juste une paire de fesses et de seins. C’était la vision de Fabien, pas la sienne. Non, pour Hugo, une femme était une perle qu’il fallait protéger à tout prix et qu’il fallait avant tout respecter. S’il avait une femme, il ferait tout pour la rendre heureuse, quitte à se sacrifier pour elle. Bref, Hugo avait vu juste en rencontrant Anne, car elle représentait finalement la meilleure amie dont il pouvait rêver. Mais elle pouvait également être la femme de sa vie.

*

Célibataire endurci, Hugo vouait un culte à l’écriture. Il avait toujours eu de l’inspiration pour écrire un poème, une nouvelle et, cette fois, un roman. Mais de là à franchir le pas pour éditer ses écrits… Il n’avait pas confiance en lui, en ses capacités, en son talent. Anne avait encore une fois fait preuve d’ingéniosité et de franchise afin de montrer à son ami l’étendue de son génie.

— Il y a quelque chose dans ton écriture qui peut intéresser un éditeur, j’en suis persuadée, lui dit-elle sérieusement. Qu’as-tu à perdre ? Rien du tout ! avait-elle conclu avant même qu’il ne réponde.

Hugo avait alors pris les choses en main. Après tout, s’il voulait publier un roman, il n’allait pas attendre d’être sur le point de mourir pour le faire, puisqu’il avait quelque chose à proposer. Cependant, il ne croyait pas à un éventuel « talent » de sa part. Ses amis lui répétaient sans cesse qu’il en avait. Les livres étaient toute sa vie, c’est pour cela qu’il avait proposé à Anne de gérer une librairie. Ainsi, il était dans son univers, entre écriture et lecture, à rencontrer des gens et à échanger sur des auteurs et des livres passionnants.

À l’âge de sept ans déjà, il avait déjà commencé la lecture des romans classiques et s’était rapidement passionné pour les auteurs de l’ancien temps tels que Hugo, Balzac, Chateaubriand ou encore Zola. Ces écrivains ne lui étaient donc pas étrangers et ses clients le savaient. Il se faisait donc une joie de leur prodiguer des conseils sur les nouveautés littéraires du moment, sur le genre de livres à lire lorsqu’on est déprimé ou joyeux et, à chaque fois, Hugo était enchanté de leur répondre et de les guider vers de nouveaux livres, lui qui était en perpétuelle soif de connaissance et de nouveaux horizons. Cependant, Hugo était en proie à une profonde introspection. Il tentait de chercher un équilibre dans sa vie avec quelque chose qui l’aiderait à avancer, à changer de cap. Ce manuscrit en préparation était le meilleur moyen de le motiver dans ses projets d’avenir. Anne avait raconté à la plupart des clients, au grand dam de son collègue, que le gérant préparait un manuscrit, probablement un futur best-seller. Elle le poussait à aller de l’avant et, dès qu’Hugo avait un moment d’inspiration, il se précipitait dans l’arrière-boutique pour étaler ses pensées sur le papier, sous l’œil observateur d’Anne qui s’occupait des clients dans leur librairie « À la plume d’or », à Périgueux, une ville animée de plus de 15 000 habitants. Elle était située dans la rue Limogeanne, une ruelle où les commerçants se concurrençaient pour avoir de la clientèle. Boulangerie, maroquinerie, épicerie, librairie… Les produits proposés dans cette petite rue piétonne faisaient rêver les clients et, chaque jour, ils étaient des centaines à se promener dans cet endroit qui ne ressemblait à aucune autre rue de la ville, histoire de flâner et de respirer les senteurs de la ville. Les anciennes bâtisses qui bordaient la rue s’étiraient en un long chemin qui faisait face à l’allée Tourny, lieu de passage des promeneurs et des automobilistes qui allaient et venaient à longueur de journée pour faire leurs courses.

Hugo admirait Anne, cette jeune femme de 28 ans, au caractère bien trempé, à qui on pouvait tout demander, à condition d’en avoir la manière. Il ressentait pour elle une grande tendresse et s’en voulut plus d’une fois de ne pas lui avouer son amour, alors qu’elle n’attendait que ça. Mais l’éternelle petite voix intérieure l’en dissuadait à chaque fois, même s’il s’était efforcé de ne pas l’écouter.

« Ne gâche pas tout, vous allez briser votre amitié ! »

Il préféra alors rester prudent, malgré les remarques de son meilleur ami. Celui-ci lui avait déconseillé, dès le début, de ne pas garder ça pour lui, car il le regretterait un jour ou l’autre. Hugo, bien qu’il eût beaucoup d’affection pour lui, ne voulait pas suivre les conseils d’un « golden boy » qui passait son temps à collectionner les femmes juste pour le plaisir. Pour éviter de trop y penser, il se consacra pendant son temps libre à la rédaction de « Juste un flirt ». Il prit son temps pour le terminer, car chaque mot devait avoir sa place afin d’y exprimer tout leur sens. Son manuscrit mit du temps à se terminer, jusqu’au jour où le point final arriva.

Cela se produisit un matin de décembre, quelques jours avant Noël 1998. C’est alors qu’Hugo regarda son œuvre, fier et heureux de l’avoir achevée, sous le regard bienveillant d’une de ses muses. Il regarda la couverture principale où il avait inscrit, dans son inspiration du moment :

« Juste un flirt »de Hugo Bassin

Le manuscrit racontait l’histoire d’un homme tétanisé à l’idée de s’engager dans une vraie relation et qui finit, avec le temps, par avouer sa flamme à sa meilleure amie. Une vague impression de déjà vu, en somme. Un roman où il n’avait pas cherché très loin l’inspiration, de toute évidence…

Son coup de foudre pour Anne lui apparut comme un choc alors que rien ne le prédestinait à tomber amoureux. Il s’était pourtant demandé comment son cœur avait pu tenir la cadence devant une beauté pareille. La jeune femme était grande, blonde aux yeux bleus, le teint halé, les pommettes saillantes, avec un corps de rêve comme ces mannequins sur les podiums. Elle ne ressemblait pas aux autres filles qu’Hugo avait pu rencontrer, les intellectuelles qu’il avait côtoyées étaient en général froides, avec des lunettes, les cheveux dressés en chignon, sévères, frigides et presque invisibles. Cette femme-là avait une aura, quelque chose de spécial, une petite étincelle de vie qui la différenciait de toutes les autres.

Après avoir tenté de la séduire, il s’était finalement abandonné au désir de cette petite voix intérieure qui lui avait déjà demandé à plusieurs reprises de ne pas tout briser par un excès de confiance en soi. Mais devait-il écouter cette voix, ou bien suivre son cœur ?

Le jeune homme était seul face à ses sentiments qu’il tentait de refouler, sans succès. Il ne savait pas ce qu’Anne ressentait pour lui, mais il était persuadé que ce n’était, ni plus ni moins, que de l’amitié pure et simple.

2.

Avant d’envoyer son manuscrit, Hugo réfléchit longuement. Il était tiraillé par l’envie de faire la démarche vers un éditeur, et par l’inquiétude qui le torturait. Après en avoir longuement discuté avec sa collaboratrice, il décida de se jeter à l’eau, même si le doute subsistait, car une question existentielle demeurait : qui voudrait le lire ?

Après tout, il n’était qu’un petit auteur de province ! Les écrivains étaient tellement nombreux sur le marché à tenter de se faire une place dans ce monde si fermé de l’édition. Rien qu’en Dordogne, ils étaient déjà plus d’une centaine, alors comment arriverait-il à sortir du lot ?

Le désespoir monta alors dans l’esprit du jeune auteur en devenir. Il ne connaissait personne dans le métier, n’avait aucun contact, aucun réseau… C’était quasiment impossible. Pourtant, il n’avait pas le choix : il devait tenter et persévérer. Mais par où commencer ?

Il fallait d’abord le relire tout en corrigeant les fautes d’orthographe, puis le faire lire à quelques personnes plus ou moins proches de lui.

Les semaines suivantes, Hugo arrêta d’écrire, trop préoccupé par ce qu’allait penser son entourage. Il continua de gérer sa librairie et de s’occuper de ses clients tout en écrivant quelques textes qui lui trottaient dans la tête durant son temps libre. Finalement, quelques jours plus tard, il décida d’abandonner cette histoire d’éditeur, convaincu d’être un écrivain sans intérêt, et il se demanda même pourquoi il avait daigné terminer ce roman qui, après tout, n’en était pas tout à fait un.

Il était installé derrière son bureau. Sa jambe tremblait frénétiquement, incapable de rester en place. Il se prenait la tête entre les mains, réfléchissant à une solution. Qu’avait-il à perdre ?

Partagé entre tous ces sentiments ambivalents, déjà habitué à être refusé dans certains milieux à cause de son côté « bohème » et « fleur bleue », il estima qu’une chance s’offrait peut-être à lui, même s’il ne connaissait pas de gens haut placés dans les milieux mondains et ne voulait pas les connaître. En attendant que la chance frappe à sa porte, chaque après-midi, il relisait quelques vers de Prévert dans un coin de sa librairie où il voulait être seul.

Anne l’observait, soucieuse. Elle décida de rompre le silence.

— Hugo, dit une voix grave.

Le jeune homme, arraché à sa lecture, se tourna vers Anne qui le regarda intensément.

— J’ai lu ton manuscrit…

Hugo déglutit à la fin de la phrase, pressentant le pire.

— Et… et… ? bredouilla-t-il, redoutant la réponse à laquelle il s’attendait.

— Et… poursuivit Anne, mal à l’aise.

Le jeune homme n’attendit pas la fin de la phrase. Il se leva d’un bond, referma le livre de Prévert puis le posa sur le comptoir de la caisse.

— Hugo, attends ! s’exclama Anne, décontenancée.

— Non, Anne ! C’est nul, je savais que je n’aurais pas dû l’écrire !

— Mais non, tu n’y es pas du tout Hugo, c’est excellent !

Il s’arrêta brusquement, comme paralysé. Son cœur s’arrêta de battre quelques secondes, certain que son cerveau n’avait pas enregistré les dernières paroles de son amie.

— Q… quoi ?

— Tu as bien entendu, c’est excellent, j’ai adoré ! Je ne savais pas que tu avais autant de talent.

— Tu te moques de moi ? répliqua Hugo.

— Pas du tout. Fabien pense la même chose que moi, ainsi que certains clients.

— Tu as fait lire le manuscrit à nos clients ? répéta Hugo en pesant ses mots, courroucé.

— Oui, enfin…

— Mais, c’est privé, Anne ! s’écria-t-il. Tu comprends ce que ça veut dire ? C’est PRIVÉ !!!

Furieux, le jeune homme prit son manteau et claqua la porte de la librairie, devant Anne, médusée.

Hugo ne savait plus quoi faire. Il ne s’était jamais disputé avec son amie. Mais il était tellement en colère contre elle qu’il s’était laissé emporter. Il ne comprenait pas qu’elle ne l’ait pas averti de son intention de le faire lire à son entourage. C’était la moindre des choses.

À présent, il voulait hurler son désespoir à la Terre entière, mais les forces lui manquèrent pour le faire, car il était épuisé par toute cette énergie dépensée à écrire et, paradoxalement, à refuser de croire en un quelconque talent. Il avait peur d’être ridicule, mais le fait de savoir que son manuscrit avait plu remettait en question ses doutes. Si son roman était vraiment intéressant, peut-être serait-il important de l’envoyer à des éditeurs, histoire d’avoir leurs avis. Il connaissait quelques grands noms d’éditeurs comme Les Éditions Écrivaillants, Flibustes, Cent plumes ou encore Vernier.

Des professionnels recevaient des milliers de manuscrits par an pour n’en retenir qu’une poignée. Comment devenir chanceux à ce jeu du hasard ? Savoir que l’on a qu’une infime chance de réussir à être choisi parmi tous les autres, cela n’a pas de prix. Hugo devait essayer avant de s’avouer vaincu, il le savait. Lorsqu’il retourna quelques heures plus tard à la librairie, il vit sa collaboratrice occupée à faire les comptes de la journée. Il n’y avait plus personne dans la boutique. Le temps était maussade, autant que l’humeur des deux amis. En allant ranger un livre, Anne en fit tomber un autre en le heurtant dans le passage qui menait à l’étagère. Hugo se précipita pour aller le ramasser, mais il cogna la tête de la jeune femme. Ils se massèrent chacun le crâne pour calmer la douleur. La jeune femme regarda Hugo, puis baissa les yeux.

— Je suis désolée, dit-elle.

— Non, c’est ma faute, répondit Hugo, l’air coupable.

Elle lui lança un regard de compassion, montrant ainsi qu’elle avait compris ce qu’il ressentait et qu’elle s’en voulait d’avoir réagi de la sorte. Après avoir ramassé le livre, Hugo retourna dans l’arrière-boutique et s’assit à son bureau. Il savait pertinemment ce qui lui restait à faire. Il devait franchir le pas, quel que soit le prix à payer.

— Anne !

Elle se retourna, surprise de voir Hugo l’appeler.

— Oui ?

— Tu connais un éditeur qui voudrait lire mon manuscrit ?

— J’en connais même plusieurs, répondit-elle avec un sourire entendu.

— Alors, allons-y !