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Pendant près de mille jours, Victor Hugo a sillonné la Belgique de long en large. Comme touriste d'abord, attiré par ce jeune État indépendant. Comme proscrit ensuite, fuyant le régime de Napoléon III qu'il déteste. La Belgique et lui, c'est une histoire d'amour. Une histoire d'amour qui se termine mal, mais une histoire riche. Suivre Victor Hugo dans ses errances belges, c'est se plonger dans la vie de ce pays en pleine révolution industrielle, où les hauts fourneaux côtoient les prairies, où le chemin de fer gagne sa bataille contre la diligence.
Cette collection est inspirée de l'émission Sur les traces de. Elle suit le parcours de femmes et d'hommes d'exception qui ont laissé à jamais leurs empreintes sur le sol belge.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Passionné par l'histoire,
Jean-Michel Bodelet décroche un diplôme de licencié en Histoire à l'université de Liège. Correspondant de presse pour L'Avenir du Luxembourg, il est également en charge du patrimoine pour la ville de La Roche-en-Ardenne.
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Seitenzahl: 175
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean-Michel Bodelet remercie toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de Sur les traces de Victor Hugo en Belgique, et plus particulièrement, Noëlle Willem (ASBL Lire au fil de l’Ourthe-Centre de documentation de l’Ourthe moyenne) et le personnel de la salle Ulysse Capitaine de la Bibliothèque des Chiroux de Liège. Merci aux offices de tourisme qui ont bien voulu répondre à mes demandes : Dominique Jamar (Liège Tourisme), Marie Fine (Visitbrussels), Claire Dardenne (SI La Roche-en-Ardenne). Un merci particulier à Agnès Ledent toujours au poste. Merci à Martine pour son soutien quotidien et aux deux p’tits gars, Augustin et Malo ; que les racines de ce poète les poussent à continuer à aimer notre littérature.
Je connaissais Victor Hugo comme l’un des plus importants écrivains de langue française, mais je ne connaissais pas l’immensité du personnage ! En plus d’être un écrivain, qui vend encore aujourd’hui près d’un demi-million de livres par an, il est aussi dessinateur, poète, dramaturge, homme politique engagé qui n’hésitera pas à tout risquer, jusqu’à sa vie, pour ses idées de liberté. Visionnaire aussi, il imagine déjà l’Europe et la monnaie unique. Personnalité à multiples facettes, sa vie privée sera aussi tumultueuse que tragique… Il a marqué l’histoire du XIXe siècle au fer rouge. Ses mille jours passés chez nous font qu’aujourd’hui son histoire est indissociable de la Belgique.
Tout ceci le rend incontournable pour notre collection.
Je vous souhaite une merveilleuse lecture de la vie passionnante de ce génie du XIXe siècle mélangée à la vie de notre fantastique pays… Bonne route sur les traces de Victor Hugo.
Jean-Louis Lahaye
Dans son ABCdaire de Victor Hugo, Patrick Besnier souligne : « Avec Victor Hugo, on oublie toujours quelque chose. » Oublier ? Sans doute. Ne pas tout embrasser ? Certainement. Car Victor Hugo, c’est une multitude de facettes. L’écrivain bien entendu. Le poète, évidemment, mais aussi le dessinateur, l’homme politique, le visionnaire, « l’éveilleur de consciences », le spirite même. Victor Hugo, c’est aussi le voyageur. Celui qui découvre, comme bon nombre de ses contemporains du XIXe siècle, des régions, des pays, qui semblaient inexplorés depuis la nuit des temps. Victor Hugo, ce sera aussi l’exilé. Un exilé sur nos terres notamment. C’est à la rencontre de cet Hugo là que le troisième volet de la série « Sur les traces de… » vous convie dans les pages qui suivent. Ce livre a l’ambition de vous faire suivre les pas de Victor Hugo dans nos contrées et, en filigrane, de vous donner une image de cette Belgique du XIXe, de cette Belgique naissante qui va se hisser sur le podium des nations les plus industrialisées du monde. Une image de la Belgique vue par le prisme d’un écrivain de son temps, certes, mais qui conserve encore, aujourd’hui, une actualité. Les offices du tourisme aux quatre coins du pays l’ont bien compris, proposant, çà et là, des circuits dédiés à celui que d’aucun qualifie de « génie ». Nous n’avons pas opté pour une vision chronologique stricto sensu. Nous aborderons les villes, les régions visitées dans leur globalité, même si Victor Hugo s’y est rendu à plusieurs reprises. C’est, à notre sens, la meilleure option pour le lecteur qui voudrait découvrir in situ, les régions visitées par Victor Hugo. La première partie de cet ouvrage présente quelques repères biographiques. La seconde s’attache au Hugo visionnaire et à ses prises de positions en faveur de la démocratie, de la culture, de l’Europe ou contre l’esclavage, la peine de mort ou la misère ; ses voyages en Belgique et l’épilogue de cette fascinante histoire constitue les autres thèmes retenus dans Sur les traces de Victor Hugo en Belgique.
« Je serai Chateaubriand ou rien. »
Victor Hugo, 14 ans
XIXe siècle. Siècle des révolutions. La France a connu 1789. Elle mettra des décennies à se stabiliser et à trouver un régime politique qu’elle conserve toujours : la République. Napoléon livre sa dernière bataille en 1815, à Waterloo. La carte de l’Europe va être remodelée, les grandes puissances jugeant que l’empereur n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire. Pourtant, moins de quinze ans après le Congrès de Vienne, la Grèce puis la Belgique obtiendront leur indépendance. Les grands empires coloniaux se construisent au prix d’une large concurrence entre les États. Ceux de l’Espagne et du Portugal, eux, nés à l’époque moderne, se réduisent à une peau de chagrin. L’Allemagne, sous la houlette de la Prusse, va s’unifier et intégrer le concert des nations. L’Italie fait de même.
Si les remous politiques sont nombreux, la société agraire que connaissait depuis des lustres l’Europe est, elle aussi, en pleine mutation. On assiste à une explosion démographique. La révolution industrielle, elle, est en marche. Le libéralisme devient la norme. En conséquence, une nouvelle classe sociale voit le jour : le prolétariat. De ce prolétariat naît le socialisme et le communisme. Marx voit le jour à Trêves en 1818. Les progrès techniques et scientifiques sont nombreux. La culture n’est pas en reste : Beethoven, Brahms, Wagner, Bizet pour la musique, Van Gogh, Monet pour la peinture, Claudel, Rodin en sculpture. Sur le plan de la littérature de langue française, c’est Chateaubriand, Maupassant, Dumas, Flaubert, Zola. Ce XIXe, c’est le siècle que va presque traverser Victor Hugo. C’est à Besançon, le 26 février 1802, que celui-ci pousse ses premiers cris. Troisième fils de Léopold, officier de Napoléon – il devient général en 1809 – et de Sophie Trébuchet, issue de la petite bourgeoisie de Nantes. Les affectations du père emmènent la famille sur les routes, notamment en Espagne et en Italie. Enfant, Victor se trouve confronté aux disputes de ses parents, qui finiront par se séparer. Il est ballotté entre deux conceptions de la politique. Son père voue une admiration, voire une adoration sans borne, à l’empereur. Sa mère, elle, en est une farouche opposante. L’éloignement du père entraîne Victor dans cette dernière conception. Pire, celui qui est considéré comme son parrain, comme le père de substitution, celui qui a initié le jeune Victor Hugo à la littérature classique, le général de Lahorie, par ailleurs amant de sa mère, est arrêté et exécuté en 1812 pour avoir conspiré contre Napoléon. Ce n’est que neuf ans plus tard, en 1821, que Victor Hugo reverra sa position vis-à-vis de l’empereur ; 1821, année de la mort de Napoléon mais également de la mère de Victor Hugo. La disparition de cette dernière lui permet de retrouver son père. Avec lui, Hugo, un homme dans son siècle il découvre Napoléon, non pas le vaincu de Waterloo mais le vainqueur d’Austerlitz. Il est plongé dans les splendeurs de l’Empire.
LE MYTHE NAPOLÉONIEN
Lorsque les canons se taisent, le 18 juin 1815 à Waterloo, l’Europe et la France respirent : la paix revenue laisse entrevoir de nombreux espoirs. Des générations, dans tous les pays du vieux continent, ont été sacrifiées. On aspire à des temps meilleurs. En France, pourtant, ces derniers tardent à arriver. On se trouve dans une instabilité politique. On se remet à rêver de la grandeur impériale, ne retenant de celle-ci que les bons côtés. On y perçoit un « âge d’or » de la France. Le retour des restes de Napoléon au Panthéon, en 1840, ne fera qu’accentuer cette vision des choses. Napoléon devient le symbole d’une gloire passée.
Bien avant ce « chemin de Damas » qui va influencer toute sa carrière littéraire, Victor Hugo a une ambition débordante, une envie d’écrire insatiable. Non, il ne fera pas polytechnique comme le souhaite son père : il veut devenir quelqu’un de connu et de reconnu pour sa plume. À 14 ans, dans un de ses cahiers, il écrit : « Je serai Chateaubriand ou rien. » Le ton est donné. Mais Victor Hugo n’est pas qu’un égocentrique. Derrière se cache un réel talent. Talent pour le dessin et les caricatures qui ornent ses travaux scolaires. Une soif de dessiner qui ne l’abandonnera jamais. Talent aussi et surtout pour l’écriture. À 15 ans, il participe à un concours organisé par l’Académie française. Il rédige un poème de 320 vers et se classe 9e ! L’Académie, en voyant le jeune âge du candidat, pensait à un canular ! La presse parle de lui. Sa légende est déjà en marche. Deux années plus tard, en 1819, il obtient le lys d’or aux Jeux floraux de Toulouse, prestigieux concours de poésie. Cette distinction lui permet, grâce au secrétaire perpétuel de l’Académie qui décerne le prix, d’éviter le service militaire. Un comble pour l’enfant d’un général. À peine âgé de 19 ans, Victor Hugo publie son premier recueil de poèmes, Odes. Il est remarqué par le roi Louis XVIII. Le souverain décide de lui octroyer une rente annuelle de mille francs. Parallèlement, Hugo se lance dans le roman et dans le théâtre. Il va y bousculer les conventions.
HUGO ET ADÈLE
À 20 ans, Victor Hugo unit sa destinée à une amie d’enfance, Adèle Foucher. Cinq enfants viendront enrichir cette union : Léopold, qui décède à quelques mois, Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle, la seule qui vivra le décès de son père. Après une décennie de vie commune, le couple bat de l’aile au point qu’Adèle trouve réconfort dans les bras de Sainte-Beuve, critique littéraire en vue, et ami de Victor Hugo. Sainte-Beuve, voulant s’éloigner d’Adèle, acceptera une charge de professeur à l’université de Liège en 1848-1849. Victor Hugo est très marqué par cette rupture, certes non officielle. Et lui aussi trouve le réconfort dans les bras d’autres femmes. Il se retrouve dans une affaire d’adultère, son statut de pair de France lui évite les ennuis. Et puis, il y aura, il y a, Juliette Drouet. Elle sera sa maîtresse pendant cinquante ans.
« Dans l’armée romantique comme dans l’armée d’italie tout le monde était jeune. »
Théophile Gautier
Victor Hugo est considéré comme le « pape » du romantisme en France. Il en est du moins un de ses plus dignes représentants, un de ses chefs de file incontesté. Dans son Souvenirs du romantisme, qui met en avant la jeunesse de ses adeptes, de ce Cénacle, Théophile Gautier souligne :
Dans l’armée romantique comme dans l’armée d’Italie tout le monde était jeune. Les soldats pour la plupart n’avaient pas atteint leur majorité, et le plus vieux de la bande était le général en chef, âgé de 28 ans. C’était l’âge de Bonaparte et de Victor Hugo à cette date.
LE ROMANTISME
Né à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre et en Allemagne, le romantisme est un courant intellectuel qui va toucher toutes les sphères de la culture et même des sciences, comme l’histoire par exemple. Ce courant arrive en France au XIXe. Dans la littérature, il prône un rejet des préceptes classiques. Il met l’accent sur le « moi », privilégiant le sentiment sur la raison. Il laisse une large place au rêve, à l’évasion, à l’exotisme. Le sentiment prend le pas sur la raison.
En 1827, Victor Hugo, parallèlement à sa pièce de théâtre en vers Cromwell, sort un ensemble théorique qui définit sa vision du romantisme. Il s’oppose notamment aux unités de temps et de lieu de mise dans le classique. En 1830, sa pièce Hernani consacre le drame romantique. Une consécration accompagnée d’une polémique. Une polémique qui passera à la postérité sous le nom de « Bataille d’Hernani ». Nous sommes le 25 février 1830. La Comédie française va jouer la pièce de Victor Hugo. Un Victor Hugo qui a eu soin de convier plusieurs jeunes gens acquis à sa cause. Ils sont là bien avant la représentation, ayant pris le soin d’emporter des remontants pour patienter. Le reste du public arrive, des curieux mais également des « antiromantiques », ardents défenseurs du classicisme. Chahut, huées, cris, applaudissements. Au final, la pièce rencontre le succès. Les romantiques français en font un symbole, en mythifiant l’incident. Gautier note : « 25 février 1830. Cette date reste écrite dans le fond de notre passé en caractères flamboyants […]. Cette soirée décida de notre vie ! » Hugo devient le chef de file de l’école romantique. Mais ses adversaires n’en démordent pas. Preuve en est le triple échec de Victor Hugo pour intégrer l’Académie française. Certains académiciens, hostiles au courant romantique, s’opposent à son entrée. Parmi eux, Népomucène Lemercier. Ironie de l’histoire, c’est le fauteuil de ce dernier, le 14, que Victor Hugo prendra. Comme le veut la tradition, Victor Hugo, lors de son discours de réception, prononcé le 5 juin 1841, fait le portrait de son prédécesseur :
Lemercier est un de ces hommes rares qui obligent l’esprit à se poser et aident la pensée à résoudre ce grave et beau problème : quelle doit être l’attitude de la littérature vis-à-vis de la société, selon les époques, selon les peuples et selon les gouvernements ?
Peu avant, sans doute avec une certaine ironie, il soulignait :
N’ai-je pas bien plutôt besoin moi-même de bienveillance et d’indulgence à l’heure où j’entre dans cette compagnie, ému de toutes les émotions ensemble, fier des suffrages qui m’ont appelé, heureux des sympathies qui m’accueillent, troublé par cet auditoire si imposant et si charmant, triste de la grande perte que vous avez faite et dont il ne me sera pas donné de vous consoler, confus enfin d’être si peu de chose dans ce lieu vénérable que remplissent à la fois de leur éclat serein et fraternel d’augustes morts et d’illustres vivants ?
Dans cette allocution, il fait état de la grandeur de Napoléon. Un Napoléon dont les restes sont revenus en terre parisienne quelques mois auparavant, en décembre 1840. Victor Hugo n’en a raté aucune miette. À cette occasion, il écrit un long poème, Le retour de l’empereur, que l’on s’arrache à Paris. Victor Hugo y marque toute son admiration pour Napoléon :
Sire, vous reviendrez dans votre capitale. Sans tocsin, sans combat, sans lutte et sans fureur. Traîné par huit chevaux sous l’arche triomphante. En habit d’empereur ! Par cette même porte, où Dieu vous accompagne, Sire, vous reviendrez sur un sublime char. Glorieux, couronné, saint comme Charlemagne. Et grand comme César !
Victor Hugo est une célébrité. Et il n’a pas fallu attendre son admission au sein des Immortels pour qu’il le devienne. Victor Hugo n’a pas encore 30 ans lorsqu’il est déjà un personnage connu et reconnu. Il va s’illustrer dans un nouveau genre pour la France, celui du roman historique. Un genre qui passionne depuis que l’Ecossais Walter Scott a publié, en 1819, son récit Ivanhoé. Il récidive quatre années plus tard avec Quentin Durward. La technique est simple : intégrer des personnages imaginaires, romanesques, dans une réalité historique définie. La recette marche. À Paris, Victor Hugo reçoit une commande de son éditeur. Cette dernière est sans ambages : « Rédigez un roman à la façon de Walter Scott. » En 1831, Notre-Dame de Paris sort de presse. Le succès est au rendez-vous. On parlerait aujourd’hui de best-seller. Les noms de Quasimodo, d’Esmeralda, de Frollo vont passer à la postérité. Quelques années à peine après sa sortie, l’œuvre est jouée à l’opéra. On ne compte plus les adaptations qui se sont succédé jusqu’à nos jours.
ON INVENTE LES OUBLIETTES !
Le roman historique plaît et le public redécouvre le Moyen Âge. La période fascine. Dumas a écrit :
« Il est permis de violer l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants. »
Hugo est de cet avis. Il l’avait d’ailleurs souligné dans un article écrit à propos de Walter Scott : « J’aime mieux croire au roman qu’à l’histoire, parce que je préfère la vérité morale à la vérité historique. » Hugo et les romantiques, en parcourant les châteaux, en s’imaginant cette période, vont créer des mythes, des histoires. Au panthéon de ces dernières, les oubliettes, des cachots souterrains où seraient enfermés à jamais les ennemis d’un seigneur. Le terme est souvent repris par Hugo lors de ces visites de terrain. Pourtant, on est bel et bien dans le mythe : un seigneur qui a droit de Haute justice, soit de vie ou de mort, ne s’embarrasse pas de faire « oublier » un ennemi. Les risques sanitaires, en plein cœur d’un château, sont réels. Et la peur des épidémies est une dominante au Moyen Âge. Le rançonnage, très en vogue, impose que l’on « n’oublie » pas son otage. Enfin, aucune trace d’écriture, de dessins n’a été retrouvée dans ces « oubliettes ». Ces trous, en fait, étaient soit des fosses d’aisance, soit des silos à grain mais seulement à l’une ou l’autre exception, des prisons. Cette légende a la vie dure. Et le château qui n’en présente pas, parfois à renfort de mises en scène, est souvent considéré comme un castel de second ordre !
De Notre-Dame de Paris, en 1831, aux Burgraves en 1843, Victor Hugo va publier une dizaine d’œuvres, dans des genres les plus divers : drames en vers, en proses, recueils lyriques et étude littéraire.
« Heureux le fils dont on peut dire : il a consolé sa mère ! Heureux le poète dont on peut dire : il a consolé la patrie ! »
Victor Hugo, discours à l’Académie française, 27 février 1845
Les biographes de Victor Hugo sont unanimes : l’année 1843 représente un tournant dans la vie de l’écrivain. Pendant presque une décennie, il ne publie rien de nouveau. Un drame l’affecte. Le 4 septembre 1843, Victor Hugo est en voyage en Espagne avec sa maîtresse, Juliette Drouet. Il apprend que sa fille, Léopoldine, celle qui venait d’épouser en février Charles Vacquerie, s’est noyée à Villequier, en Haute Normandie, tout comme son époux et deux autres membres de la famille. La peine de Victor Hugo est immense. Il est inconsolable. Léopoldine, par son prénom, porte déjà une autre peine, celle de la perte du premier né de Victor Hugo, Léopold, à peine âgé de quelques mois. En 1856, Victor Hugo publiera Les Contemplations, recueil de poèmes en hommage à sa fille aînée, disparue tragiquement. Le poème le plus célèbre du recueil est sans conteste Demain, dès l’aube.
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
[…]
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Son amour pour sa fille disparue fera passer au second plan ses fils et sa dernière fille, Adèle, qui sombrera dans la folie.
Cette période va également être marquée par l’entrée de Victor Hugo en politique. Pour lui, l’homme de lettres doit également être un acteur de son temps, doit peser sur la décision politique. Il est épris de deux grands principes : ceux de la justice et de la liberté. Pourtant, Hugo a trouvé difficilement sa voie. Il est, au début, partisan du pouvoir en place. On se souvient que Louis XVIII lui octroie une pension annuelle. Charles X le décore de la Légion d’honneur. Invité au sacre de ce souverain, Victor Hugo écrit une ode :
Ô Dieu ! garde à jamais ce roi qu’un peuple adore ! Romps de ses ennemis les flèches et les dards, Qu’ils viennent du couchant, qu’ils viennent de l’aurore, Sur des coursiers ou sur des chars ! Charles, comme au Sina, t’a pu voir face à face ! Du moins qu’un long bonheur efface Ses bien longues adversités. Qu’ici-bas des élus il ait l’habit de fête. Prête à son front royal deux rayons de ta tête ; Mets deux anges à ses côtés !
La Révolution de juillet 1830 porte sur le trône Louis-Philippe qui devient roi des Français – et non plus roi de France – ; Victor Hugo soutient le régime. Le souverain le nomme pair de France en 1845, soit membre de la chambre haute du Parlement. Lorsqu’en juin 1848 des troubles éclatent en France, Victor Hugo ne rejoint pas l’insurrection. Par contre, il s’oppose fermement à la répression. S’il apporte son soutien à Louis-Napoléon Bonaparte au poste présidentiel, il change sa vision des choses. Élu en 1849 à l’Assemblée législative du côté des conservateurs, il vote cependant avec la gauche, estimant que les lois présentées sont d’un autre âge. De plus en plus, il perçoit dans la République la meilleure des réponses pour gouverner la France. Une France qui, en ce XIXe siècle, en a bien besoin. Dans Choses vues, recueil de ses notes publiés après sa mort, il écrit en date du 18 juillet 1851 : « La République est une idée, la République est un principe, la République est un droit. La République est l’incarnation même du progrès. » En 1884, il est convaincu de ce système de gouvernement : « La République affirme le droit et impose le devoir. »