Sûretés et garanties au Grand-Duché de Luxembourg - Antoine Cuny de la Verryère - E-Book

Sûretés et garanties au Grand-Duché de Luxembourg E-Book

Antoine Cuny de la Verryère

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Beschreibung

Le droit Luxembourgeois offre en 2019 une vaste palette de mécanismes juridiques pour protéger les intérêts des créanciers : gages, hypothèques, caution, compensation, covenants, fiducie, dérivés, assurances, legal opinion, dation en paiement, quasi-sûretés…

Leurs règles spécifiques de formation et d’exécution résultent, cependant, tant des textes de droit que des décisions de justice et des pratiques de marché.
Aussi, leur appréhension respective apparaît-elle souvent comme délicate quoiqu’indispensable pour la conclusion des transactions.

Afin de donner une vue globale, il importe de présenter, de façon synthétique, les différentes modalités juridiques et pratiques, tout en les comparant avec celles des droits voisins (belge, français, allemand, anglais).

Cet ouvrage, le premier exclusivement consacré aux garanties au Grand-Duché, constitue un outil indispensable pour tout praticien ou étudiant souhaitant se repérer dans un environnement juridique complexe en perpétuelle évolution.

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine despécialisation, consultez notre site web : www.promoculture-larcier.com

© ELS Belgium s.a.Département Promoculture-Larcier, 2019

7, rue des 3 CantonsL-8399 Windhof (via sa filiale DBIT s.a.)

9782879980997

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

La collection Vademecum accueille des manuels de haute qualitéscientifique qui orientent utilement les praticiens du droit luxembourgeoisdans le cadrede leurs activités.

Rédigés dans un langage clair et munis de différents niveaux de lecture,les ouvrages répondent aussi bien aux attentes précises des professionnelsqu’aux particuliers demandeurs d’une information de première ligne.

Parus dans la même collection :

G. Vogel, Le droit de la presse, 2012

Y. Zeippen-J. Verchaffel, VAT Package 2010-2015, 2012

J.-L. Putz, Das luxemburgische arbeitsrecht, 2013

N. Schaeffer, Le droit de la grappe au Luxembourg, 2013

Lëtzebuerger Juristendag, Quo Vadis droit luxembourgeois, 2013

T. Pouliquen, La lutte contre le blanchiment d’argent, 2014

M. Feyereisen, Guide pratique du droit du travail, 2016

R. Bisenius, L’assurance du particulier, Tome 1 : Assurances et dommages, 2017

R. Bisenius, L’assurance du particulier, Tome 2 : Assurances de personnes, 2017

K. Vilret, Droit de l’assurance-vie luxembourgeoise, 2017

O. Buscheman, M. Bologne et G. Marchal, La déclaration fiscale des sociétéscommerciales au Luxembourg, 2018

J.-L. Putz, Comprendre et appliquer le droit du travail, 2018

J. Verschaffel-Y. Zeippen, Pratique de la TVA au Luxembourg, 2018

M. Besch, Normes et légistiques en droit public luxembourgeois, 2019

O. Laidebeur, P. Kihn, B. David et Th, Bovier, La propriété intellectuelle auLuxembourg, 2019

A. Cuny de la Verryère-V. De Meester, Sûretés et garanties au Grand-Duché deLuxembourg, 2019

S. Leick-J. Hames, La déclaration d’impôts, 2019

O. Laidebeur, Intellectual Property in Luxembourg, 2019

« Pour qu’une garantie couvre votre fortune,

Dedans et dehors le pays luxembourgeois,

Demandez au juge un gage de bon aloi,

Puis répétez, deux sûretés valant mieux qu’une. »

A. CdlV.

Sommaire

ABRÉVIATIONS

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIELESGARANTIES

CHAPITRE ILes sûretés 

CHAPITRE IILES QUASI-SÛRETÉS

CHAPITRE IIILes garanties externes  

CHAPITRE IVLoi applicable  

SECONDE PARTIELESGARANTIESETSÛRETÉSÀL’ÉPREUVEDESPROCÉDURESD’INSOLVABILITÉ

CHAPITRE ITribunal compétent et loi applicable  

CHAPITRE IIProcédures luxembourgeoises  

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

INDEX

Abréviations

ABB

Association des Banques et Banquiers, Luxembourg

ABS

Asset-Backed Securities (obligations adossées sur des actifs)

AGDL

Association pour la Garantie des Dépôts Bancaire Luxembourg

ALJB

Association luxembourgeoise des juristes de droit bancaire

Ann. dr. lux.

Annales du droit luxembourgeois

Arr. GD

Arrêté grand-ducal

art.

article(s)

BCE

Banque centrale européenne

BCL

Banque centrale du Luxembourg

BIJ

Bulletin d’information sur la jurisprudence

Bull.

Bulletin

C.A.

Cour d’appel

CAA

Commissariat aux assurances

c.-à-d.

c’est-à-dire

C.civ.

Code civil luxembourgeois

C.Com.

Code de commerce luxembourgeois

CDS

Credit Default Swap

CEDEL

Central de Livraison de Valeurs Mobilières Luxembourg

CGF

Contrat de garantie financière

CJCE

Cour de justice des communautés européennes

CJUE

Cour de justice de l’Union européenne

COMI

Center of main interests, lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts

Convention de Rome

Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (remplacée par le Règlement 593/2008 de ROME I du 17 juin 2008)

CPDI

Conseil de Protection des Déposants et des Investisseurs

CRA

Cabinet de révision agréé

CSSF

Commission de surveillance du secteur financier

DAOR

Le droit des affaires – Het ondernemingsrecht

Directive Collateral

Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière

Directive Finalité

Directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres

Directive 2009

Directive 2009/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 modifiant les Directives Collatéral et Finalité

Directive MIFID

Directive 2004/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers

Directive MIFID II

Directive 2014/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés financiers

Directive BRRD

Directive 2014/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (Bank Recovery and Resolution Directive)

Directive Solvency II

Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance

EEE

Espace économique européen

éd.

édition

EJE

Exécution judiciaire en Europe

ESMA

Autorité européenne des marchés financiers

et al.

et alii

et s.

et suivant(s)

fasc.

fascicule

FGDL

Fonds de Garanties des Dépôts Luxembourg

GIRO

Garanties intrinsèques au régime de l’obligation

GPD

Garantie à première demande

IFLR

International Financial Law Revue

ISDA

International Swap and Derivatives Association

Juriscl.

Jurisclasseur

JTL

Journal des tribunaux Luxembourg

LGDJ

Librairie générale de droit et de jurisprudence

Loi de 1915

Loi du 10 août 1915 modifiée sur les sociétés commerciales

Loi de 1991

Loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances

Loi de 1993

Loi du 5 avril 1993 modifiée relative au secteur financier

Loi de 2001

Loi du 1er août 2001 modifiée concernant la circulation de titres

Loi de 2003

Loi du 27 juillet 2003 relative au trust et aux contrats fiduciaires

Loi de 2004

Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation

Loi de 2005

Loi du 5 août 2005 modifiée sur les contrats de garantie financière

Loi de 2007

Loi du 13 juillet 2007 relative aux marchés d’instruments financiers

Loi de 2009

Loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres

Loi de 2013

Loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs

Loi de 2014

Loi du 28 juillet 2014 relative à l’immobilisation des actions et parts au porteur

Loi de 2015 Assurances

Loi du 7 décembre 2015 sur le secteur des assurances

Loi de 2015 Banque

Loi du 18 décembre 2015 relative aux mesures de résolution, d’assainissement et de liquidation des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement ainsi qu’aux systèmes de garantie des dépôts et d’indemnisation des investisseurs.

Loi de 2018

Instruments financiers : Loi du 30 mai 2018 relative aux marchés d’instruments financiers

Loi de 2018

Lettres de gage : Loi du 22 juin 2018 en vue de l’introduction de lettres de gage portant sur les énergies renouvelables

Loi de 2018

Loi du 20 juillet 2018 portant transposition de la Directive UE 2015/2366 concernant les services de paiement dans le marché intérieur

OPC

Organisme de placement collectif

p.

page(s)

p. ex.

par exemple

Pas.

Pasicrisie (recueil des décisions de jurisprudence en Belgique et au Luxembourg)

PPP

Partenariat public-privé

RCJB

Revue critique de jurisprudence belge

RCS

Registre de commerce et des sociétés du Luxembourg

REA

Réviseur d’entreprise agréé

Règlement Bruxelles Ibis

Règlement (CE) no 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

Règlement CRD IV

Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement

Règlement EMIR

Règlement européen (UE) no 648/2 012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux

Règlement Insolvabilité II

Règlement (CE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité dit Règlement RECAST

Règlement Rome I

Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles

RIMA

Relevant Intermediary Approach

RLB

Revue luxembourgeoise de bancassurance

ROIBL

Règlement d’ordre intérieur de la Bourse de Luxembourg

S.A.

Société anonyme

Sàrl

Société à responsabilité limitée

SCS

Société en Commandite Simple

SCSp

Société en Commandite Spéciale

SOPARFI

Société de participation financière

SPV

Special Purpose Vehicle (véhicule de titrisation)

SRT

Système de règlement des opérations sur titres

T.A. Lux.

Tribunal d’arrondissement de Luxembourg

TPTG

Transfert de propriété à titre de garantie

UEBL

Union économique belgo-luxembourgeoise

v.

voir à

Introduction

A  – ENJEUXÉCONOMIQUESINTERNATIONAUX

B  – DÉFINITIONDES « GARANTIES »

C  – PRÉSENTATIONDUCADRELUXEMBOURGEOIS

ENJEUX ÉCONOMIQUES INTERNATIONAUX

1Les garanties, dont le collatéral1, revêtent une importance cruciale dans nos économies contemporaines fortement financiarisées et fondées sur la maîtrise des risques. Plus les risques augmentent, plus les garanties jouent un rôle d’amortisseur providentiel pour les créanciers2. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir de la crise des subprimes, en 2007, et de la descente aux enfers des marchés financiers suite à l’affaiblissement de certaines garanties : les sûretés immobilières constituées massivement aux États-Unis d’Amérique dans les années 2000 pour sécuriser des prêts à des particuliers, ont vu leur valeur s’effondrer, entraînant dans leur chute de nombreuses banques incapables de se rembourser et déclenchant, par ricochet, une série de faillites et de drames personnels à travers le monde.

2Les garanties endossent, à n’en pas douter, une fonction essentielle pour la stabilité du système financier international, elles permettent d’offrir un crédit moins cher et donc de soutenir l’activité économique. En équilibrant les risques, elles sont censées assurer la solvabilité des acteurs financiers (banques, fonds, assureurs). De ce fait, le recours aux garanties est devenu obligatoire dans de nombreuses opérations, en plus d’être encadré par des normes comptables et juridiques détaillées3. Ces normes, qui se sont multipliées, visent, le plus souvent, à éviter une prise de risque excessive. Le mécanisme général consiste pour le banquier à provisionner plus ou moins de fonds propres selon la qualité des garanties, afin d’être en mesure, si l’emprunteur fait défaut, de restituer l’argent mis en dépôt sur ses comptes par les épargnants. Plus les actifs mis en garantie par l’emprunteur seront de bonne qualité, moins la banque devra immobiliser de fonds propres, ce qui est décisif dans le cadre des régulations de Bâle III4.

3La demande des acteurs financiers pour des protections de bonne qualité a ainsi favorisé l’essor d’un véritable « marché du colléral » qui est devenu stratégique au point que les pouvoirs publics ont décidé d’intervenir. Anticipant les conséquences d’une potentielle pénurie (collateral crunch), le développement de nouveaux actifs susceptibles d’être mobilisés en garanties est soutenu à coups de réglementations et d’innovations5. C’est ainsi que du côté opérationnel, certains acteurs se sont fait une spécialité d’émettre des instruments financiers sécurisés par des véhicules de titrisation ou par des banques d’émission de lettres de gage luxembourgeoises6.

DÉFINITION DES « GARANTIES »

4D’un point de vue juridique, une « garantie » est un concept chapeau qui peut comprendre des techniques très variées. Au sens le plus large, la notion désigne tout mécanisme qui prémunit une personne ou un groupe de personnes contre une perte pécuniaire7. À ce titre, les garanties englobent, d’une part, des « garanties contractuelles », à l’instar des sûretés (réelles ou personnelles), des assurances privées, des contrats de couvertures (p. ex. CDS) ou encore des garanties intrinsèques au régime de l’obligation8 (« GIRO ») telles que l’exception d’inexécution, la compensation, la clause de recours limité, la dation en paiement et, d’autre part, des « garanties institutionnelles » comme les systèmes de garantie des dépôt auprès des établissements de crédit9. Dans la sphère transactionnelle, il est difficile de citer toutes les garanties connues, tant il est dans la nature même du droit, en général, de protéger les personnes et leurs engagements.

5Les garanties, leur nombre, leur étendue, leur nature, peuvent varier selon que la transaction porte sur des milliers d’euros ou sur des millions. En ce qui concerne les activités de financement des grandes entreprises ou des projets d’infrastructures publiques, les prêts bancaires drainent couramment plusieurs centaines de millions d’euros et peuvent dépasser le milliard. Le créancier exigera d’être d’autant plus protégé que son engagement sera élevé et concentré sur un même débiteur. Le prêteur pourra exiger à la fois des garanties sur le patrimoine de l’emprunteur et sur celui de tiers affiliés (p. ex. caution) ou non (p. ex. assurance) et, éventuellement, faire dépendre la date de remboursement du prêt à des indicateurs juridiques ou économiques très précis (covenants). Autant de garanties qu’il y a d’actifs de natures différentes pourront être mises en place afin d’assurer au créancier une emprise efficace sur le patrimoine du débiteur10. Le besoin de couverture contre le risque de défaut de paiement des fonds prêtés (intérêts et principal), aussi nommé « risque de crédit », est tel qu’il arrive fréquemment de prévoir des garanties d’un montant excédentaire en comparaison de celui de la dette couverte (overcollateralization)11.

6Dans le présent ouvrage, on dressera un panorama des principales garanties utilisées dans les transactions bancaires et financières12. Une première difficulté en cas de « panorama » provient de la typologie à appliquer pour couvrir la diversité des instruments juridiques existants, compte tenu de la multitude des transactions possibles. La typologie juridique classique13 répandue dans les pays de tradition romano-germanique distingue habituellement entre les garanties qui sont des sûretés stricto sensu et les garanties qui n’en sont pas. Les pays de droit anglais se réfèrent, quant à eux, également à la notion de « quasi-sûreté » (quasi-security) qui peut se définir comme les engagements de parties qui confèrent une garantie au sens économique mais qui ne donnent pas lieu à un droit d’appropriation sur des actifs14. Pour notre part, nous opterons pour une définition à mi-chemin et désignerons les quasi-sûretés comme « l’ensemble des garanties inhérentes à l’obligation principale et qui ne sont pas des sûretés stricto sensu »15. On distinguera, plus précisément, parmi la catégorie des garanties qui ne sont pas des sûretés stricto sensu, entre les garanties de nature inhérente au rapport d’obligations principal, que l’on nommera « quasi-sûretés », et les garanties de nature extérieure, que l’on nommera « garanties externes »16. Les quasi-sûretés regrouperont les GIRO et d’autres garanties intrinsèques, tandis que les garanties externes couvriront les produits de couverture (p. ex. CDS), les assurances et d’autres garanties externes.

Tableau récapitulatif des « garanties bancaires et financières »

Garanties bancaires et financières

Sûretés

p. ex. gage, hypothèque, caution

Quasi-sûretés

p. ex. réserve de propriété, clause pénale, compensation

Garanties externes

p. ex. produits dérivés, assurances, souscription de titres

PRÉSENTATION DU CADRE LUXEMBOURGEOIS

7L’émergence du Luxembourg comme place financière d’envergure internationale remonte au milieu des années 6017. En 2018, la place financière luxembourgeoise pouvait se targuer, malgré un nombre de faillites en hausse18, d’être le premier centre de fonds d’investissement en Europe et le deuxième à l’échelle mondiale après les États-Unis19. À rebours des reproches formulés par les détracteurs du secret bancaire et des paradis fiscaux, le Luxembourg propose un cadre légal et réglementaire privilégié qui offre, à la fois, un niveau élevé de protection des investisseurs et une flexibilité inégalée dans la conception d’organismes de placement collectif20. Bien que le Grand-Duché ait récemment fait d’importantes concessions en matière de secret bancaire21 et de titres au porteur22, l’activité financière aux abords de l’avenue JFK ne diminuera sans doute pas de sitôt, le Luxembourg tirant une grande part de son attractivité de son environnement politique, géographique et culturel23 mais aussi de la qualité des services proposés24.

8Le droit économique luxembourgeois essaie de se maintenir à un rang hautement compétitif. Bien que le Grand-Duché ait hérité du code civil napoléonien25, la 1re édition du « Lëtzebuerger Juristendag » qui s’est tenue le 12 novembre 2012, a mis en évidence certains particularismes locaux26 différenciant toujours d’avantage le Luxembourg de ses voisins belges ou français. Le droit des sociétés, par exemple, est souvent décrit comme plus libéral, la moindre intervention du législateur luxembourgeois résultant de la proportion des sociétés faisant appel à l’épargne publique qui représente une part infime en comparaison des sociétés fermées où la liberté contractuelle est de principe27. Le droit luxembourgeois bénéficie, plus généralement, non seulement de ressources nationales jurisprudentielles et doctrinales dynamiques28 mais aussi de ressources externes variées29.

9Le législateur, accoutumé à l’exercice du droit comparé, a su tirer parti de la marge de manœuvre dont il disposait pour créer un environnement favorisant l’orientation internationale de la place financière luxembourgeoise. Son objectif a été double : assurer la solidité de la place financière et garantir une protection optimale aux investisseurs. C’est ainsi que tout acteur financier est, en principe, soumis à la supervision prudentielle soit de la CSSF, soit du CAA. Les acteurs de marché peuvent mettre en place des dispositifs reposant sur des structures offertes dans les différentes juridictions européennes ou selon une palette de produits propres au Luxembourg, tels que les sociétés de participations financières (SOPARFI), les mécanismes fiduciaires, les différentes formes de sociétés d’investissement, les véhicules d’optimisation de gestion financière (SICAR), ou encore les véhicules de titrisation30 ou les sociétés en commandite spéciale31.

10Dans le domaine des garanties, également, le législateur luxembourgeois est intervenu avec une particulière acuité afin de simplifier les démarches et de rendre les sûretés plus protectrices pour les créanciers en cas de conflit de lois ou de mise en faillite. Il est intervenu de manière décisive par la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, modifiée depuis par la loi du 20 mai 2011, et dans le domaine des procédures collectives, actuellement, par le projet de loi no 6539 du 1er février 2013. Une myriade d’autres textes plus ou moins déterminants pour les garanties ont, au surplus, été adoptés consécutivement à la crise financière de 2007.

11Alors, devant l’entrelacs des textes, la profusion des décisions de justice et des articles de doctrine, il fallait faire preuve d’ordre pour présenter les garanties bancaires et financières avec clarté et rigueur. Nous aborderons donc, dans la présente synthèse, les principales d’entre elles, en présentant dans un premier temps le cadre juridique applicable à leur formation et à leur régime (Partie I). Les questions relatives à leur réalisation et à la liquidation, en cas d’ouverture de procédure collective contre une partie cocontractante à une transaction bancaire ou financière, seront, quant à elles, traitées séparément dans une seconde partie (Partie II).

1. Signifie « actifs financiers mis en garantie ou mobilisables à titre de garantie ». Terme non consacré en droit, il provient du mot anglais « collateral », qui n’est pas sans rappeler le caractère « accessoire » des sûretés. Le collatéral désigne le plus souvent, en pratique, des actifs financiers mis en garantie. Il se distingue du terme « garantie », qui est plus général, puisqu’il s’applique à la banque et à la finance, et qu’il désigne plutôt le mécanisme juridique.

2. Les risques et les garanties forment les deux versants d’une même médaille. Chaque type de risque (risque de défaut de paiement, de taux de change, d’inflation, risque politique, etc.) est susceptible d’être couvert par une ou plusieurs garanties. Les risques baissent toujours si les garanties sont renforcées. À l’inverse, les risques augmentent si les garanties se trouvent affaiblies.

3. Suite à la crise des subprimes, les normes comptables qui fixent les seuils et déterminent le calcul des besoins de couverture ont été sensiblement renforcées afin de rendre les acteurs financiers plus résistants. En Europe, pour les établissements de crédit, notamment par la Directive BRRD entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

4. Bâle III : une solvabilité renforcée des banques, www.revue-banque.fr.

5. Services de la Commission, Analyse d’impact accompagnant la proposition de Directive du Parlement européenne et du Conseil modifiant la Directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la Directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées, Cf. en particulier « Problems related to the relative scarcity of collateral in the EU economy », p. 8 et s., 24/04/2008, http://ec.europa.eu.

6. Cf. infra.

7. G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, v. Garantie.

8. D. PORACCHIA et F. RIZZO, « Garanties intrinsèques au régime des obligations », Juriscl. Banques, crédit, bourse, fasc. 780, 2001, no 2.

9. Cf. Partie III La protection des déposants et des investisseurs de la loi du 15 décembre 2015 ; J. LOESCH, « La protection des investisseurs », Droit bancaire et financier au Luxembourg (ALJB), Larcier, 2004, vol. 1, p. 205 et s.

10. F. DEBROISE, « La floating charge au Luxembourg : pas si sûr(e) », Journal des tribunaux Luxembourg, no 8, Larcier, 15/04/2013, p. 45 et s.

11. Comme, par exemple, en matière d’émission de lettres de gage, J. BIVER et M. KRAUS, « Réflexions autour des banques émettrices de lettres de gage, leurs activités et quelques questions soulevées », Droit bancaire et financier au Luxembourg (ALJB), Larcier, 2004, vol. 1, no 4-42.

12. Au Grand-Duché, l’ensemble des garanties appliquées aux opérations bancaires ou financières pourrait être désigné par l’expression « garanties financières », si toutefois cette dénomination n’avait déjà été consacrée au Luxembourg de façon expresse par la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière (« Loi de 2005 »). Afin d’éviter toute confusion avec ces dernières, et d’être le plus clair possible, on désignera, dans le présent ouvrage, par l’expression « garanties bancaires et financières » l’ensemble des garanties employées dans le cadre des activités exercées par les établissements de crédit, les établissements financiers et les entreprises d’investissement ainsi définis par la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier (« Loi de 1993 »).

13. Plusieurs typologies peuvent être envisagées pour classer les différentes garanties. La typologie peut se fonder sur le caractère public ou privé de la garantie ou sur le type de risque couvert : risque de crédit, risque de taux d’intérêt, de taux de change, etc. Une autre typologie peut résulter de l’ordonnancement juridique de la garantie.

14. Par exemple, un pouvoir de représentation, un droit d’option ou un droit de rétention (Cf. J.-A. KRUPSKI, « Security rights and similar security arrangements – Neighbours against all odds », Bull. Droit & Banque (ALJB), no 52, décembre 2013, p. 41 et s., p. 48).

15. La définition anglo-saxonne des quasi-securities inclut aussi les sûretés personnelles. Pour notre part, nous exclurons ces dernières de la définition des « quasi-sûretés », les sûretés personnelles devant être considérées, selon la tradition romano-germanique, comme des sûretés à part entière.

16. Afin de mieux dissocier les deux notions, nous veillerons à ce que l’adjectif « intrinsèque » soit toujours employé exclusivement pour les quasi-sûretés et l’adjectif « externe » pour les garanties externes, et nous éviterons d’employer « interne » pour les premières et « extrinsèques » pour les secondes.

17. J. SCHAFFNER et al., Luxembourg, 8e éd., Francis Lefebvre, 2009, no 1.

18. Les résultats publiés par l’administration judiciaire luxembourgeoise pour l’année 2017 avaient accusé un petit recul avec 985 faillites prononcées, mais pendant le premier trimestre 2018 le nombre des faillites a progressé de 33,7 %, ce qui est un triste record en la matière (K. SCHEIDECKER et C. D’HERBES, « La réalisation de nantissements et de sûretés personnelles », Revue luxembourgeoise de bancassurance, no 1, 2014, p. 42 et s.).

19. La Bourse de Luxembourg affirme quant à elle avoir misé sur une ouverture internationale, ce qui lui a permis de devenir le numéro un dans les cotations internationales, la plus grande bourse européenne en terme d’admissions d’obligations internationales et l’un des leaders en d’autres types d’émissions internationales, tels que les certificats représentatifs d’actions (https://www.bourse.lu).

20. http://www.luxembourgforfinance.lu.

21. A. BAUER, « L’Autriche et le Luxembourg renoncent enfin au secret bancaire », Les Échos, 12/03/2014.

22. La loi du 28 juillet 2014 relative à l’immobilisation des actions et parts au porteur et à la tenue du registre des actions nominatives et du registre des actions au porteur fait suite aux recommandations du GAFI et du Forum mondial qui invitaient le Grand-Duché de Luxembourg à prendre les mesures appropriées afin de mettre un terme à l’opacité de l’actionnariat des personnes morales de droit luxembourgeois ayant émis des actions ou parts au porteur. L’anonymat qu’offrit aux actionnaires la détention de titres au porteur posait en effet un certain nombre de difficultés en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ainsi qu’en matière d’imposition. Parmi les différentes mesures correctrices proposées par le GAFI, les auteurs de la loi ont opté pour l’immobilisation des actions et parts au porteur auprès d’une institution financière ou d’un intermédiaire professionnel réglementé. La loi prévoit ainsi l’obligation pour les titulaires d’actions et de parts au porteur de déposer leurs titres auprès d’un dépositaire nommé par le conseil d’administration ou le directoire de la société émettrice. L’obligation d’immobilisation est appelée à s’appliquer également aux actions et parts au porteur émises avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales. Les actions au porteur admises à la négociation sur un marché réglementé sont toutefois quant à elles dispensées de cette obligation. (Avis de la Chambre de commerce (4185SMI), 22/04/2014) ; P. DUPONT et P. HOSS, « La loi du 28 juillet 2014 relative à l’immobilisation des actions et parts au porteur », Bull. Droit & Banque (ALJB), 2015, no 55.

23. P. ex., les lettres de gage bénéficient aussi de l’orientation très internationale de la loi luxembourgeoise sur la couverture des risques à l’égard des pays membres de l’OCDE (Chambre de commerce, avis sur le projet de loi no 5842 portant amélioration du cadre législatif de la place financière de Luxembourg, 19 juin 2008)

24. http:// www.luxembourgforfinance.lu.

25. Le Code civil avait été promulgué en 1804 à une époque où le Luxembourg faisait partie du Département des Eaux et des Forêts de la République française. Après la séparation, le Grand-Duché a gardé le code napoléonien qui s’y trouve en vigueur et qui depuis 1804 a subi tout un ensemble de modifications. Aussi, se distingue-t-il des codes civils français ou belge sur bien des points nonobstant la perpétuation d’une certaine harmonie entre les pays francophones d’Europe (Cf. P. MOUSEL, « Conclusions », Quo vadis droit luxembourgeois?, Promoculture-Larcier, 2013, p. 189 et s.).

26. S. JACOBY, Introduction, Quo vadis droit luxembourgeois?, Promoculture-Larcier, 2013, p. 14.

27. Dans le domaine du droit des sociétés, bien qu’inspiré principalement du droit belge, on ne constate pas au Luxembourg de tendance marquée vers la théorie de l’institution ou vers la théorie contractuelle, celle-ci restant cependant plus prononcée qu’en France ou en Belgique. Ainsi, le Luxembourg n’a jamais massivement étendu les dispositions impératives de la S.A. à la Sarl, contrairement à la France (G. HARLES et P. BEISSEL, « La société – Nature juridique et perspectives luxembourgeoises », Droit bancaire et financier au Luxembourg (ALJB), vol. 3, 2004, p. 1007 et s., no 30-41).

28. Les sources du droit bancaire et financier luxembourgeois sont multiples. Outre des textes de loi régulièrement mis à jour, une jurisprudence foisonnante, et une doctrine de plus en plus active, dynamisée par la montée en puissance de l’Université du Luxembourg, on trouve librement accessible sur la Toile, des avis, des positions ou des décisions d’autorités administratives indépendantes comme, par exemple, la CSSF ou la Chambre de commerce. La publication des commentaires des projets de loi ou des avis du Conseil d’État sont également des sources de grand intérêt et permettent au droit luxembourgeois d’être consensuel, transparent et performant.

29. Son dispositif législatif et réglementaire est déterminé dans une large mesure par les nombreux règlements et Directives communautaires, comme en témoigne, par exemple, la loi du 1er avril 2015 portant sur la création d’un comité du risque systémique. L’objet de cette loi est de mettre en œuvre dans la législation luxembourgeoise les recommandations du Comité européen du risque systémique (ci-après le « CERS ») relatives au mandat macroprudentiel des autorités nationales (recommandation CERS/2011/3 du 22 décembre 2011) et aux objectifs intermédiaires et instruments de la politique macroprudentielle (recommandation CERS/2013/1 du 4 avril 2013). La loi porte ainsi création d’un comité du risque systémique national, composé des autorités luxembourgeoises impliquées dans la régulation et la surveillance du système financier, ayant pour objectif de coordonner la mise en œuvre de la politique macroprudentielle au Grand-Duché.

30. http://www.luxembourgforfinance.lu.

31. Le Luxembourg a profité de la transposition dans son arsenal législatif de la Directive 2011/61/UE (AIFMD) sur les gestionnaires des fonds d’investissement alternatifs par la loi du 12 juillet 2013 (la Loi) pour moderniser les régimes de la SCS et de la société en commandite par actions ainsi que pour créer une nouvelle forme de commandite, à savoir la société en commandite spéciale (SCSp). La SCSp se caractérise par le fait d’être une société qui, tout en étant dépourvue de personnalité juridique, en conserve les principaux attributs (P.-A. DEGEHET, « Le renouveau des sociétés en commandite », Décideurs, décembre 2013) ; C. BOYER et al., Les commandites en droit luxembourgeois, Larcier, 2013 ; K.PANICHI, L.SCHUMMER et O. GASTON-BRAUD, « Les sociétés en commandite luxembourgeoises : des véhicules d’investissement adaptés aux besoin des investisseurs », Droit bancaire et financier au Luxembourg (ALJB), 2014, vol. III, p. 1563.

PREMIÈRE PARTIE

LES GARANTIES

CHAPITRE I – LESSÛRETÉS

CHAPITRE II – LESQUASI-SÛRETÉS

CHAPITRE III – LESGARANTIESEXTERNES

CHAPITRE IV – LOIAPPLICABLE

12Il convient de présenter successivement les sûretés (Chapitre I), les garanties intrinsèques que sont les quasi-sûretés (Chapitre II), les garanties externes (Chapitre III) ainsi que la loi applicable aux sûretés et garanties.

CHAPITRE I

Les sûretés

SECTION 1 – VUEGÉNÉRALE

SECTION 2 – SÛRETÉSPERSONNELLES

SECTION 3 – SÛRETÉSRÉELLES

13Après avoir rappelé la définition des sûretés et les principes généraux qui leur sont applicables sans distinction (Section 1), seront passées en revue les sûretés personnelles (Section 2), puis les sûretés réelles (Section 3).

SECTION 1 –VUE GÉNÉRALE

14Il convient de présenter les sûretés, collectivement, en rappelant les typologies qui s’appliquent (§1) et les principales règles qui leur sont communes (§2).

§1. NOTION DE « SÛRETÉ »

15Les sûretés sont toutes des garanties, tandis que toutes les garanties ne sont pas toujours des sûretés32. Les sûretés se caractérisent par trois éléments distincts : la finalité, l’effet ou la technique employée33. Le caractère accessoire est une caractéristique primordiale car, en principe, la sûreté s’éteint avec la créance (caducité) ; elle ne peut être accordée qu’au créancier ; elle n’est valable que si la créance garantie l’est (opposabilité des exceptions) et est transférée avec celle-ci comme accessoire de la créance (art. 1692 C.civ.). Certaines considérations viennent atténuer ce caractère accessoire, certaines sûretés étant plus ou moins accessoires, comme c’est le cas de la garantie autonome (à première demande)34, du transfert de propriété à titre de garantie (« TPTG »)35 ou de la mise en pension. Le législateur admet aussi que certaines sûretés puissent être constituées au profit d’une personne qui n’est pas créancière, comme c’est le cas des agents de sûretés ou des fiducies-sûretés36. Ce qui distingue donc le plus les sûretés des « garanties externes » tient dans le fait qu’elles mobilisent le patrimoine du débiteur ou de tiers généralement affiliés.

16La summa divisio en matière de sûreté s’établit entre sûretés personnelles et sûretés réelles. Le droit luxembourgeois ne déroge pas aux fondements que l’on retrouve dans les autres pays de tradition romano-germanique. Si la garantie consiste dans le patrimoine du débiteur ou d’un tiers, alors il s’agira d’une sûreté réelle. Si le créancier souhaite l’intervention d’un tiers pour payer à la place du débiteur défaillant, cette garantie prendra la forme d’une sûreté personnelle (p. ex. garantie autonome, cautionnement personnel). En cas de sûreté personnelle, un tiers s’engage à payer pour le débiteur si celui-ci est en défaut. La garantie du créancier consiste en un droit d’action en paiement contre ce tiers. La sûreté réelle attribue, quant à elle, au créancier un droit d’action sur un ou plusieurs biens du débiteur ou d’un tiers (p. ex. nantissement en faveur d’un tiers selon l’article 2077 C.civ., ou TPTG par un cédant qui n’est pas le débiteur de l’obligation garantie, cautionnement réel)37.

17D’autres distinctions sont possibles selon les effets des procédures collectives38, ou encore, selon le mode de constitution par transfert de la possession ou de la propriété. En cas de constitution par possession, la possession du bien est transférée au créancier ou au tiers agissant pour son compte (entiercement), comme c’est le cas pour le gage lorsque les avoirs sont mis en dépôt sur un compte. La publicité assure la protection du créancier, dans la mesure où le débiteur ne pourra pas constituer une seconde sûreté sur le même bien. Pour les choses corporelles, le fait de ne plus laisser le débiteur en possession des biens mis en garantie met à la connaissance des tiers qu’ils ne peuvent plus compter sur ce bien en ce qui concerne le fondement de leur droit de gage général. La dépossession implique que le créancier gagiste dispose d’un droit de rétention. La réalisation se trouve alors simplifiée. En pratique, la dépossession est souvent fictive et consiste dans la simple inscription des titres financiers sur un registre, sauf dans certains cas où l’inscription a lieu dans un registre public (p. ex. gage sur fonds de commerce, hypothèque sur immeubles, aéronefs, navires). En ce qui concerne la constitution de la sûreté par transfert de la propriété, cette forme vise à faire échapper les biens mis en garantie à la concurrence des autres créanciers. La propriété transférée est, en principe, une propriété intégrale (usus, fructus, abusus), comme, par exemple en cas de fiducie, avec à la charge du créancier-nanti une obligation de restitution ou de retransfert. La réalisation est faite par compensation et la publicité n’est pas nécessairement requise39.

§2. RÈGLES COMMUNES

18En dehors des règles communes à certaines catégories de sûretés40, doivent être citées des règles communes à toutes les sûretés, prises sans distinction.

A. Règles de formation

1) Consentement, capacité, objet et cause

19Les contrats portant sur des sûretés sont régis par les règles de droit commun relatives à la formation des contrats. Selon l’article 1108 C.civ. « quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; une cause licite dans l’obligation ». Le consentement du débiteur doit être libre, ce qui suppose qu’il ne soit soumis à aucune menace. L’objet doit quant à lui être licite, possible et déterminable. La cause d’une sûreté tient généralement dans le paiement de la créance au principal41. En ce qui concerne la capacité, le débiteur doit avoir la capacité de disposer des biens mis en garantie, être légalement constitué et représenté par des personnes investies d’un pouvoir de signature conformément aux statuts.

2) Sûretés intra-groupe

20Dans le cadre de financements accordés à des sociétés appartenant à un groupe (p. ex. les sociétés opérationnelles), l’usage est répandu que les prêteurs exigent que d’autres sociétés affiliées garantissent les dettes de l’emprunteur, que ce soit au moyen de la souscription d’un cautionnement personnel ou via l’octroi d’un gage sur des actifs appartenant à ces autres sociétés (gage constitué par un tiers appelé parfois cautionnement réel voir ci-après no 194). Ce cas de figure concerne d’autant plus les sociétés luxembourgeoises que, dans la pratique, la grande majorité de celles-ci exercent précisément une activité de holding ou de financement. Cette situation n’est pas sans soulever un certain nombre de questions de droit des sociétés42. À noter qu’au 31 décembre 201043, les sociétés sous régime fiscal de la « Holding 1929 » ont perdu le bénéfice de ce régime et sont devenues automatiquement des SOPARFI si aucun autre statut fiscal n’a été choisi par les actionnaires. Parallèlement à cette suppression, une nouvelle loi créait le régime fiscal de la Société de Patrimoine Familial (S.P.F.).

21Les éventuels associés ou actionnaires de la société tierce devront, en principe, avoir donné leur accord à la constitution de la sûreté. Néanmoins, la Loi de 2005 a apporté une exception pour les gages portant sur toutes les parts sociales d’une Sarl44. Dans les sociétés anonymes, l’organe compétent est, en principe, le conseil d’administration en vertu des articles 441-1 et 441-5 de la Loi de 191545, à moins que la gestion journalière des affaires n’ait été déléguée à un organe spécialisé en vertu de l’article 441-1046. En pratique, il n’est pas rare qu’en plus d’une délibération du conseil d’administration, l’assemblée générale de la société garante approuve ou ratifie l’octroi de la sûreté, notamment afin de limiter la responsabilité des organes de gestion47.

22L’opération ne doit, par ailleurs, pas être contraire aux statuts de la société. Dans le cas contraire, le débiteur devra modifier ses statuts avant de pouvoir s’engager. Dans l’hypothèse de garanties descendantes accordées par la société mère sur ses filiales (downstream guarantee), il n’est, en principe, pas besoin de clause spécifique (limitation language). En revanche, en cas de garanties ascendantes consenties par des filiales à leur société mère (upstream guarantee) ou de garantie transversale à d’autres filiales du groupe (cross-stream guarantee), il conviendra d’insérer dans le contrat de sûreté, une clause de limitation pour assurer la validité de la garantie et éviter d’engager la responsabilité personnelle des dirigeants. Une garantie ascendante ou transversale nécessitera, en outre, qu’elle soit autorisée par l’objet social de la société luxembourgeoise dans ses statuts.

23L’opération doit être justifiée par l’intérêt social du débiteur. Cet intérêt social ne doit pas être confondu avec l’intérêt de groupe, alors qu’en dépit de l’absence de réglementation du groupe48, le Luxembourg a acquis une position stratégique en matière d’implantation de têtes de groupe et de filiales de financement49. La société d’un groupe a une personnalité juridique, un patrimoine, une capacité, un objet social et aussi un intérêt plus ou moins autonome par rapport à celui du groupe50. Si, de manière générale, la société holding peut exister en dehors de tout groupe, il en est autrement de la société holding de financement51.

24Par ailleurs, en cas de garantie ascendante ou transversale, des mesures doivent être prises afin d’éviter que les gérants ne soient poursuivis du chef de banqueroute frauduleuse (art. 577 C.Com). La banqueroute frauduleuse peut être prononcée lorsque la société favorise un créancier au détriment d’autres créanciers avec la connaissance que les créanciers non sécurisés ne seront pas payés. Afin d’éviter de voir la responsabilité pénale des dirigeants engagée, la garantie intra-groupe devra se limiter à la part des actifs nets. Il convient, par ailleurs, de souligner qu’en vertu de l’article 1500-11 de la Loi de 1915 sont punis d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500 à 25 000 EUR ou d’une de ces peines seulement, les dirigeants de sociétés, de droit ou de fait, qui de mauvaise foi, ont fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. L’article 1500-11 punit uniquement les dirigeants, de droit ou de fait, et ne concerne pas les décisions prises par l’assemblée générale52.

B. Principes généraux

1) Principe de l’égalité des créanciers

25Au Grand-Duché de Luxembourg, en vertu des articles 2092 et 2093 du Code civil53, tout créancier dispose, certes, d’un « droit de gage général »54 sur les biens de son débiteur, en vertu duquel, dans l’hypothèse d’un défaut de paiement de celui-ci, le créancier pourra demander la saisie des biens du débiteur pour se faire payer. Néanmoins, ce droit de gage général étant dépourvu de droit de préférence et de suite, le créancier ne pourra prétendre qu’à un paiement partiel au prorata de sa créance, « au marc le franc »55, en cas de pluralité de créanciers. C’est principalement en raison de l’absence de droit de priorité conféré au créancier par le droit de gage général qu’est justifié le recours généralisé des créanciers aux sûretés et à d’autres garanties.

26En vertu du principe de l’égalité des créanciers, les créanciers dits « chirographaires », c’est-à-dire ceux qui ne sont pas bénéficiaires de sûretés ou de privilèges, ont des droits égaux sur le patrimoine de leur débiteur. En cas d’insuffisance des actifs saisissables pour payer tous les créanciers chirographaires, ceux-ci sont payés par contribution56.

27Il est généralement admis par la doctrine luxembourgeoise que le principe de l’égalité des créanciers est d’ordre public, de sorte que toute convention contraire doit être considérée comme nulle par application de l’article 6 du Code civil à moins d’être expressément permise par la loi. Cette affirmation peut s’appuyer, notamment, sur un arrêt du 27 octobre 1993 de la Cour d’appel de Luxembourg dans lequel la Cour a expressément affirmé que le principe de l’égalité entre les créanciers, consacré par la loi, était d’ordre public57.

2) Principe du numerus clausus

28Le privilège peut se définir comme un droit inhérent à certaines créances, qui donne à un créancier dit « privilégié » le droit d’être payé de préférence aux autres créanciers58. Il ne produit ses effets qu’à la condition que le créancier privilégié soit en concours avec un autre créancier, auquel cas le prix est distribué par priorité au créancier privilégié, selon l’ordre prévu par les articles 2100 et s. C.civ.et certaines autres lois spéciales comme, p. ex., la loi du 27 novembre 1933 qui consacre le superprivilège du Trésor. Tout surplus éventuel est distribué aux créanciers chirographaires, le cas échéant, au marc le franc59.

29Les privilèges et les sûretés réelles sont de source exclusivement légale, en vertu d’un principe de numerus clausus et du principe « pas de privilège sans texte ». En dehors des cas prévus par la loi, les parties ne peuvent en créer de nouveaux par la voie contractuelle. C’est ce qu’expriment les articles 2093 et 2094 C.civ60. Tout comme le principe de l’égalité des créanciers, l’interdiction des privilèges et des sûretés non prévus par loi est destinée à protéger les créanciers61. À noter qu’en droit français, si le principe du numerus clausus s’applique aux sûretés réelles, de nouvelles incertitudes semblent menacer sa pérennité62.

30Il ne peut être passé d’accord ayant pour effet de modifier l’ordre de paiement de toutes les créances en cas de concours des créanciers suite à un défaut du débiteur. A contrario, les parties peuvent donc s’accorder au moyen de covenants financiers63 pour provoquer le remboursement anticipé du prêt lorsque des indicateurs économiques témoignent de la détérioration de la solvabilité de l’emprunteur, avant la mise en concours des créanciers.

C. Clauses accessoires : les clauses de sûreté négative

31Quel que soit le type de sûreté (mobilière ou immobilière), son régime peut être aménagé par des clauses qui vont imposer, généralement, à la charge du débiteur des obligations de ne pas faire ou reconnaître des droits particuliers en faveur du créancier. Les engagements négatifs ont pour fonction de restreindre, par la mise en place d’interdictions convenues conventionnellement, les pouvoirs d’administration et de disposition du débiteur dans le but de préserver le droit de gage général du créancier64. Lorsqu’ils portent sur des sûretés, ces engagements sont nommés « clauses de sûreté négative ».

32On peut distinguer, en pratique, plusieurs types de clauses : la clause de sûreté négative stricte (strict negative pledge), la clause de sûreté négative positive qui est, en fait, l’autre nom de la clause pari passu (affirmative negative pledge), la clause de veto au profit du créancier en cas de transfert d’une sûreté qui est assimilable à une clause de partage (equal security clause) et la clause d’attribution de sûreté automatique en cas de nouvelle sûreté consentie à un tiers (automatic security clause)65.

33La clause de sûreté négative (negative pledge) est un type d’engagement négatif. Elle n’est pas en elle-même une sûreté mais seulement une obligation contractuelle empêchant de garantir une sûreté66. Les clauses de sûreté négative sont des stipulations restreignant la possibilité pour le débiteur de constituer des sûretés en faveur d’un tiers sur un bien précis, sur un ensemble de biens ou sur son patrimoine. Elles sont souvent accompagnées de clauses restreignant la possibilité, pour le débiteur, de disposer de certains droits réels ou de contracter des engagements personnels sans l’accord de créanciers. En cas de violation de la clause, contrairement au droit anglais, il n’y aura pas de présomption de renonciation du créancier67. Dans tous les cas, l’obligation de ne pas consentir de sûreté s’assimile à une obligation de ne pas faire qui se résout en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1142 C.civ. Le tiers acquéreur des sûretés ne pourra pas voir sa responsabilité engagée sauf s’il avait connaissance au moment du transfert de la violation de la clause de sûreté négative par le cédant68. En outre, il pourrait être recouru à l’action paulienne mais les conditions sont très restrictives69.

34En ce qui concerne la clause pari passu, cette clause oblige le débiteur à faire bénéficier le prêteur de toutes les garanties supplémentaires qu’il serait amené à donner lors de crédits futurs de même rang.

35La clause de partage de sûreté stipule, quant à elle, que la sûreté peut être cédée – totalement ou partiellement – à la demande de l’emprunteur, et qu’il peut profiter du produit de la vente. Le partage de la sûreté ne contrarie pas toujours l’intérêt des créanciers. L’autorisation de céder la sûreté avant l’amortissement total du prêt a pour conséquence d’améliorer la situation économique de l’emprunteur et, avec elle, la valeur des sûretés restantes en raison de la baisse de son niveau d’endettement. La clause d’élargissement du cercle des créanciers a la même finalité que le partage des sûretés. En élargissant le cercle des bénéficiaires des sûretés, le patrimoine de garantie reste inchangé mais un plus grand nombre de créanciers sont mis en concurrence. Le risque existe donc pour les anciens créanciers de voir leurs droits réduits. Dès lors, les créanciers n’accepteront un élargissement du cercle des créanciers que si leurs droits ne sont pas trop réduits.

D. Réalisation de la sûreté

36La réalisation de la sûreté consiste pour le créancier, en cas de fait entraînant l’exécution de la sûreté, à exercer les droits à lui accordés en vertu du contrat de sûreté, soit pour devenir propriétaire des biens mis en garantie (appropriation), soit pour obtenir le produit de leur vente (liquidation)70. En pratique, le créancier qui constate que le débiteur fait l’objet de difficultés de remboursement ne cherchera cependant pas toujours à réaliser les sûretés, la réalisation matérialisant en elle-même plusieurs risques (risque de réputation, risque de coûts, risque de gestion, risque de décote, risques liés à l’existence de créanciers privilégiés ou de rang inférieur)71. Une banque cherchera dans un premier temps à prendre des mesures préventives, dont certaines sont spécifiques aux garanties financières, à l’instar de l’appropriation des droits de vote, du blocage du compte de dépôt, de la défense faite au débiteur du constituant de payer dans les mains de ce dernier, ou qui ne sont pas spécifiques aux CGF, telles que des mesures conservatoires72 (saisie-arrêt en cas de caution73).

SECTION 2 –SÛRETÉS PERSONNELLES

37Au Luxembourg, les sûretés personnelles jouent souvent, en pratique, un rôle secondaire dans les grandes opérations de financement, sans pour autant être négligeable74. À noter que dans la pratique du commerce international, il est cependant fréquent pour les garanties de premier rang que le garant soit lui-même garanti par un tiers qui interviendra comme une « contre-garantie »75.

38On peut distinguer plusieurs types de sûretés personnelles. Les principales sont le cautionnement (§1) et la garantie autonome (§2). D’autres sûretés personnelles comme la promesse de porte-fort, la lettre d’intention, la délégation imparfaite, la solidarité passive ou encore l’aval sont possibles (§3).

§1. LE CAUTIONNEMENT

A. Notion

1) Définition

39Il est organisé par les articles 2011 et s. C.civ., et se définit comme le contrat par lequel un tiers appelé « caution » s’engage envers le créancier d’une autre personne, le débiteur, de payer si celui-ci n’exécute pas son obligation (obligation principale)76. Parmi les cautionnements personnels, plusieurs formes sont envisageables selon que le cautionnement est créé contractuellement par les parties (cautionnement conventionnel), qu’il est imposé par la loi (cautionnement légal) ou sur décision du juge (cautionnement judiciaire).

40À l’instar de la garantie autonome, le cautionnement fait généralement intervenir trois personnes : la caution, le créancier et le débiteur principal. Mais le cautionnement se distingue de la garantie autonome en plusieurs points. Contrairement à la garantie autonome, la caution s’engage à payer la dette propre du débiteur uniquement lorsque celui-ci est défaillant. De plus, contrairement à la garantie autonome, l’obligation de la caution est accessoire et dépend du sort de l’obligation principale pour ce qui est, notamment, de sa validité, de son exigibilité, de son exécution et de son extinction. Si la garantie autonome peut se schématiser par la présence de deux dettes indépendantes avec deux débiteurs, en revanche, s’agissant du cautionnement, il faut se représenter l’existence d’une seule dette avec deux codébiteurs77.

2) Nature

41Le cautionnement est un contrat, la caution s’engage et le créancier accepte cet engagement. Le contrat est consensuel. Selon la typologie classique applicable au Luxembourg, le cautionnement est de nature civile ou commerciale. La qualification de la nature commerciale entraîne des effets à différents niveaux : la solidarité est présumée ; le régime de la liberté de la preuve s’applique (article 109 C.Com)78 ; certains articles deviennent inapplicables comme les articles 1325 C.civ. (formalité du double original) et l’article 1326 C.civ. (mention manuscrite) ; les prescriptions commerciales s’appliquent.

42Le caractère commercial peut découler de faits objectifs ou subjectifs. Ainsi, le cautionnement est-il revêtu du caractère commercial objectif si la caution est un commerçant agissant dans l’intérêt de son commerce. Par exemple, le cautionnement consenti par un établissement de crédit constitue une opération de banque, qui est commerciale par son objet. À l’inverse, il sera revêtu du caractère commercial subjectif si la caution n’est pas un commerçant de son état mais qu’il agit comme tel parce qu’il a un intérêt personnel dans l’opération commerciale sous-jacente. C’est, en pratique, souvent le cas du cautionnement consenti par le dirigeant ou l’associé d’une société commerciale. S’il est vrai que le cautionnement est un contrat essentiellement civil, il perd cependant son caractère civil dès lors que, commerçant ou non-commerçant, celui qui l’a consenti avait un intérêt personnel dans l’affaire ou dans les opérations commerciales qui motivent le cautionnement79.

43Toutefois, le cautionnement est présumé être de nature civile. Et le cautionnement même donné par un commerçant à un commerçant et pour garantie de la dette d’un débiteur commerçant est considéré comme un acte de bienfaisance purement civil s’il a été constaté dans une forme civile et s’il n’a pas de la part de la caution une cause de spéculation commerciale. Il en est ainsi, entre autres, quand le cautionnement donné par un commerçant est étranger au commerce de ce dernier80. Dès lors, la demande en exécution d’un pareil cautionnement est de la compétence du tribunal civil et ne saurait être portée devant la juridiction consulaire81.

B. Formation

44Quelle que soit sa nature (civile ou commerciale), le cautionnement est assujetti aux règles applicables à la formation des contrats établies à l’article 1108 C.civ., à savoir celles relatives à la capacité, au consentement, à l’objet et à la cause.

1) Capacité et cause

45En ce qui concerne la capacité, il s’agit de la capacité de disposer de ses actifs. L’opération doit être conforme à l’objet social et à l’intérêt social de la société se portant caution.

46La cause de la garantie est l’obligation de remboursement dont le fait générateur, en cas de prêt, est l’octroi du crédit au débiteur principal. Le caractère accessoire du cautionnement fait dépendre de la créance principale son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction. Le premier alinéa de l’article 2012 C.civ.C.civ. dispose que « Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ». Néanmoins, le cautionnement d’une dette non encore née est possible82.

47Il faut que la cause soit licite. La Cour a jugé en 1954 que l’octroi d’un prêt à un étranger constituait, à défaut d’une autorisation de l’Institut belgo-luxembourgeois du Change (IBLC)83, un acte critiquable si réalisé en violation du contrôle des changes qui était alors puni pénalement. « Ce prêt est une convention reposant sur une cause illicite et contraire à une loi d’intérêt général ; elle est radicalement nulle et d’une nullité absolue qui peut être invoquée par tout intéressé et doit être constatée par les tribunaux, selon même que l’obligation a déjà été exécutée »84.

2) Consentement
a) FORME

48Le cautionnement est un contrat unilatéral85qui ne crée des obligations qu’à la seule charge de la caution. Aussi, l’article 2014 C.civ. dispose-t-il que l’on peut se rendre caution sans ordre de celui pour lequel on s’oblige et même à son insu. On peut aussi se rendre caution, non seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l’a cautionné. Ce caractère unilatéral n’est cependant pas d’ordre public de sorte que les parties peuvent décider d’en faire un contrat synallagmatique en prévoyant des engagements pour le créancier.86

49Il n’y a pas de formalités imposées à titre de validité et, par exemple, l’absence d’indication de la date sur un contrat de cautionnement ne permet pas à la caution d’obtenir l’annulation de son engagement. L’article 1326 C.civ. pose des exigences en matière de mention manuscrite. Toutefois, cette exigence est applicable uniquement dans le cas d’un cautionnement civil. Le cautionnement commercial est dispensé des formalités prévues à cet article et peut être prouvé conformément aux règles énoncées à l’article 109 C.Com87.

50En droit luxembourgeois, tout acte même irrégulier peut servir de commencement de preuve. Cependant, le cautionnement ne se présume pas (art. 2015 C.civ.) : il doit être exprès et ne s’étend pas au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Cette règle est d’interprétation stricte dans la mesure où « il appartient aux juridictions d’interpréter l’acte de cautionnement en s’attachant à rechercher d’abord la volonté réelle des parties. Dès lors que cette volonté peut être découverte, elle est à retenir, qu’elle soit favorable à la caution ou non. C’est uniquement en cas d’échec de cette recherche, partant au cas où elle laisse persister un doute quant à la volonté réelle des parties, que les juridictions doivent, comme solution ultime, retenir celle qui donne au cautionnement son étendue minimum, le doute devant profiter à la caution plutôt qu’au créancier »88. Par conséquent, le cautionnement d’une dette productive d’intérêts et d’autres accessoires ne s’étend à ceux-ci qu’à la condition que la caution s’y soit engagée expressément. À défaut, seule la dette au principal sera couverte par la garantie89.

b) VICES DU CONSENTEMENT

51La caution peut être victime de plusieurs erreurs, notamment d’erreur sur la solvabilité du débiteur ou sur l’existence d’autres sûretés ou droits. S’agissant de la première hypothèse, l’erreur sur la solvabilité du débiteur doit être qualifiée d’erreur sur la valeur de l’engagement, ce qui devrait empêcher, en principe, de demander la nullité de l’engagement, sauf si la caution réussit à prouver que la solvabilité du débiteur principal était la condition de son engagement. La caution qui invoque la nullité de son engagement pour cause d’erreur sur la solvabilité du débiteur principal doit établir que cette solvabilité constituait l’élément déterminant de son engagement et qu’elle a fait connaître expressément cette exigence au créancier90. En ce qui concerne l’erreur sur l’existence d’autres sûretés ou droits, une telle erreur « ne peut entraîner la nullité du cautionnement que si l’engagement des autres cautions a été la cause déterminante de l’engagement ou si la validité de l’engagement a été subordonnée à celui d’autres cautions »91.

52En matière de dol, il faut que le dol émane du créancier. Ce sera, par exemple, le cas s’il garde le silence sur les difficultés financières du débiteur principal qui auraient été de nature à dissuader la caution de s’engager92. La solution dégagée par l’arrêt de 2001 s’oppose à celle de 199693. En revanche, le dol par le débiteur est inopérant pour annuler le contrat de cautionnement puisque le débiteur n’est pas partie94.

53En ce qui concerne la violence, le juge luxembourgeois a estimé que la contrainte exercée par un créancier sur une société-mère pour que celle-ci se porte caution au profit d’une filiale sous peine de refuser à cette dernière un crédit indispensable pour éviter d’être mise en faillite ne constitue pas une menace illégitime rendant le cautionnement nul du chef de violence95.

54Enfin, s’agissant de la lésion, en vertu de l’article 1118 C.civ., elle doit prendre la forme d’une disproportion évidente au moment de la conclusion du contrat entre la prestation promise par l’une des parties et la contrepartie de l’autre et que cette disproportion a été introduite dans le contrat par exploitation d’une position de force, en abusant sciemment de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérience de l’autre partie.

3) Objet

55Le cautionnement peut être consenti à titre gratuit ou onéreux. Un cautionnement consenti au profit d’un créancier pour arrêter les poursuites dirigées par ce créancier contre son débiteur n’a pas le caractère d’un acte à titre gratuit et ne peut dès lors être annulé comme constituant une obligation contractée en fraude des créanciers de la caution durant la période suspecte qu’autant que celui en faveur duquel il est intervenu avait connaissance de la fraude96.

56L’objet doit être déterminé ou déterminable en fixant des limites aux sommes ou aux obligations. Le cautionnement d’une dette non encore née est parfaitement possible. L’article 2016 C.civ. traite du cautionnement indéfini ou illimité, c’est-à-dire du cas où la caution s’engage dans les mêmes termes que le débiteur principal et, partant, s’étend à tous les accessoires de la dette. Les obligations accessoires correspondent à celles qui sont la conséquence normale ou prévisible de l’obligation principale garantie. Par exemple, l’obligation faite à la caution de payer au créancier les intérêts en sus du principal ne saurait au regard des dispositions claires de l’article 2016 C.civ. être mise en doute, étant précisé que les intérêts qui sont dus par le débiteur principal sont un accessoire normal du principal97. En revanche, Le cautionnement, même indéfini, ne s’étend pas aux obligations étrangères au contrat ; spécialement, le cautionnement donné pour sûreté d’une créance ne s’étend pas aux droits d’enregistrement du titre de cette créance98. À noter que la réforme introduite par la loi du 8 janvier 2013 a introduit deux paragraphes pour limiter les cautions consenties par des personnes physiques99.

57En ce qui concerne la durée, le cautionnement dure conformément au terme qui est fixé ou sinon, en l’absence de terme stipulé, sa durée sera en principe celle de l’obligation principale. Un cautionnement n’est pas résiliable du seul fait qu’aucun terme n’est stipulé. Le caractère accessoire au contrat principal inhérent au cautionnement, écarte la faculté de résiliation dès lors que le contrat principal comporte un terme100.

C. Régime

1) Cautionnement simple ou solidaire

58En cas de cautionnement commercial, la solidarité est présumée, contrairement au cautionnement civil où la solidarité doit être stipulée expressément. Le régime applicable à la caution solidaire se différencie de celui applicable au débiteur solidaire101