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Jules Renard

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Beschreibung

Comme tous les grands écrivains, Jules Renard n'a jamais fait l'unanimité.[interprétation personnelle] Il est, selon Charles Du Bos, « un Montaigne minuscule dont La Bruyère aurait affûté le style. »

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table des matières

Huit jours à la campagne

Pièce en un acte
La pièce a été représentée pour la première fois au Théâtre de la Renaissance, le 5 février 1906.
Personnages

Maman Perrier, 67 ans. Madame Perrier, sa bru. 40 ans. Marie Perrier, sa petite-fille. 16 ans. Georges Rigal, 27 ans. La scène se passe dans un village de l’Yonne.

Une petite cour sèche, un banc, une chaise en fer. – Au fond, sur la rue, une grille à barreaux verts, sans ornement. – À droite, la façade d’une maison de village bourgeoise, blanche et presque neuve. Il faut monter trois marches. – À gauche, une bordure de buis sépare la cour du jardin.

Scène I

Georges Rigal paraît à la grille. Complet de voyageur ; une petite valise ; l’air heureux et parisien. Il cherche vainement une sonnette. Il ouvre la grille et entre.

G EORGES : Pas de sonnette ! C’est bien campagne ! On entre comme chez soi... Personne !... charmant... Quelqu’un, s’il vous plaît ?

Maman Perrier arrive lentement du jardin ; elle est vieille, petite, droite, maigre, soupçonneuse.

G EORGES: Bonjour, madame. ( Maman Perrier ne répond pas.) C’est bien ici la maison de M. Maurice Perrier ?

M AMAN P ERRIER : Non, monsieur. G EORGES : Pardon, madame. Je croyais... M AMAN P ERRIER : C’est la mienne.

G EORGES: On m’avait dit, dans le village, que c’était la maison de M. Maurice Perrier. Il va s’éloigner.

M AMAN P ERRIER: Elle sera peut-être à Maurice, quand je serai morte, mais, pour le moment, elle est à moi.

G EORGES : Ah ! Elle est à vous... Bien, madame. M AMAN P ERRIER: Et moi, je suis la grand-mère de Maurice.

G EORGES : Oh ! Madame !... Je voulais dire : c’est bien ici, chez sa grand-mère, que demeure M. Maurice Perrier ?

M AMAN P ERRIER: Oui, monsieur, il y demeure, pendant ses vacances. Et il n’est pas près d’avoir un domicile à lui.

G EORGES : Moi, je suis Georges Rigal. M AMAN P ERRIER : Plaît-il ? G EORGES : L’ami de Maurice. M AMAN P ERRIER : Quel ami ? G EORGES : Celui que vous attendez. M AMAN P ERRIER : Nous n’attendons personne. G EORGES : N’auriez-vous point reçu ma lettre ? M AMAN P ERRIER : Votre lettre ? G EORGES : Celle que je vous ai écrite hier, de Paris.

M AMAN P ERRIER: Vous m’avez écrit une lettre à moi ? G EORGES : Non, madame, à Maurice.

M AMAN P ERRIER : Je ne m’occupe pas des lettres de Maurice ; c’est possible qu’il ait reçu quelque chose ; je vais demander.

Elle entre à la maison.
Scène II

G EORGES, seul : Quel type remarquable de vieille paysanne ! Naturelle, point gâtée par les usages du monde. Je croyais qu’on était prévenu, mais tant mieux ! j’arrive à l’improviste. Je ne dérange personne, c’est plus drôle. ( Il renifle.) Ça sent l’herbe à plein nez ! Oh ! la coquette maison ! Il ne lui manque qu’un peu de mousse, de lierre. Mon rêve pour mes vieux jours !

Scène III
Maman Perrier, Madame Perrier, George. M AMAN P ERRIER. Elle amène madame Perrier : Voilà ma bru.

G EORGES : Madame, je suis enchanté de faire votre connaissance. C’est bien à la mère de Maurice Perrier que j’ai l’honneur...

M ADAME P ERRIER : Oui, monsieur. M AMAN P ERRIER : Je vous le dis.

M ADAME P ERRIER, aussi étonnée que maman Perrier, mais polie : Nous avons reçu, en effet, monsieur, cette lettre pour Maurice.

G EORGES: C’est la mienne, madame ; je reconnais mon écriture, l’enveloppe et le timbre... j’annonçais dans cette lettre mon arrivée.

M ADAME P ERRIER: Maurice est sorti ce matin, avant le passage du facteur. Il n’a donc point lu votre lettre, et je ne l’ai pas décachetée ; je l’avais mise dans ma poche. Tenez, monsieur.

G EORGES : Vous pouvez la lire, madame. M ADAME P ERRIER : C’est inutile, monsieur, puisque vous voilà.

G EORGES, prenant la lettre : Elle ne renferme aucun secret, madame ; j’écrivais à Maurice. Il pose sa valise sur le banc, ouvre la lettre et lit : « Cher ami, mon congé m’est accordé. Il y a si longtemps que tu me retiens et que je te promets ces huit jours... »

M AMAN P ERRIER, inquiète : Huit jours ! M ADAME P ERRIER, d’un ton insignifiant, pour réparer : Huit jours.

G EORGES: J’ai mis huit jours, pour mettre un chiffre, mais je resterai autant que je voudrai, autant que Maurice voudra, autant que vous voudrez, mesdames... ( Il continue de lire la lettre.) « J’arriverai demain matin jeudi, (c’est aujourd’hui, vous voyez si je suis exact !) par le premier train ; je me fais une joie de bavarder avec toi et de connaître enfin madame ta mère et mademoiselle ta sœur... »

M AMAN P ERRIER: Et la grand-mère, on n’en parle pas ?

G EORGES : Oh ! Madame. M AMAN P ERRIER : Elle ne compte plus ! G EORGES : Pouvez-vous dire, madame ?

M AMAN P ERRIER: Maurice, je parie, m’a déjà donnée à tuer. G EORGES : Non, madame. M AMAN P ERRIER: Ça ne m’étonnerait pas de lui. Vous ne saviez peut-être pas seulement que j’existe ?

G EORGES: Oh ! madame, je sais... je sais de quelle affection Maurice vous aime. Je vous ai oubliée par étourderie. Excusez-moi.

M ADAME P ERRIER, arrangeante : D’ailleurs, à quoi ça sert d’écrire des longues lettres qui n’en finissent plus, quand on va se voir ?

G EORGES : N’est-ce pas, madame ? Vous avez bien raison. Silence. Je reprends donc ma lettre. Il met la lettre dans son portefeuille et laisse tomber une dépêche.

M ADAME P ERRIER : Vous laissez tomber quelque chose. G EORGES. Il ramasse la dépêche : Merci, madame, ce n’est qu’une vieille dépêche bonne à déchirer. Il la met dans son indicateur.

M ADAME P ERRIER: Comme je suis ennuyée que Maurice soit sorti ! mais cela ne fait rien, monsieur, donnez-vous la peine...

Elle désigne la porte de la maison. G EORGES : Rentrera-t-il bientôt, madame ? M ADAME P ERRIER : Ah oui ! sans doute. M AMAN P ERRIER : Est-ce qu’on sait, avec lui ?

M ADAME P ERRIER: J’espère qu’il ne tardera pas. C’est un fait exprès. Maurice ne sort jamais le matin. Et, pour une fois que vous venez, il s’en va. Il doit courir par les champs. Voulez-vous qu’on le cherche ?

G EORGES: J’attendrai un peu, en votre aimable compagnie, mesdames ; et s’il tarde trop, j’irai au devant de lui : cela me promènera, je verrai votre pays, qui m’a paru très joli, mesdames, sans flatterie.

M AMAN P ERRIER : Il est joli comme tous les pays. G EORGES : Madame, j’ai beaucoup voyagé et j’en ai rarement vu de plus plaisant.

M ADAME P ERRIER: Il faudrait le juger par un beau soleil. Ce temps gris le désavantage ; il a même plu cette nuit, dites, maman.

M AMAN P ERRIER : Il n’a pas plu assez. M ADAME P ERRIER : Qu’est-ce qu’il vous faut ?

M AMAN P ERRIER: Il me faut de la pluie... Je n’appelle pas ça pleuvoir. Le jardin meurt de soif. Après une sécheresse de trois mois, cette petite ondée lui mouille à peine la peau.

G EORGES : C’est étonnant, madame, car il a plu très fort jusqu’à notre arrivée en gare. Je craignais même de recevoir l’averse sur le dos.

M AMAN P ERRIER : Les pays d’où vous venez ont de la chance. Tout pour les autres, rien pour nous. G EORGES: Votre tour viendra, madame ; après le beau temps, la pluie. M ADAME P ERRIER: Mais, j’y songe, personne ne vous attendait à la gare.

G EORGES : Il y avait le chef de gare, et puis c’est si proche. D’ailleurs, quoi de plus agréable que ce voyage ? On s’endort à Paris, on se réveille dans un pays inconnu, à une heure matinale. On est seul, libre. On a laissé là-bas les soucis quotidiens. On se croit une vie nouvelle et l’on se sent fier de se lever avec le soleil.

M AMAN P ERRIER : Il est frais, le soleil, aujourd’hui. G EORGES : Oh ! madame, qu’importe un nuage de plus ou de moins à la campagne ? M ADAME P ERRIER : Je ne vous ai même pas entendu ouvrir la grille. G EORGES: En effet, comme c’est nature ! Il n’y a pas de sonnette à votre grille. M AMAN P ERRIER : Si fait, il y en a une, elle est chez le serrurier. M ADAME P ERRIER : Il ne finit plus de la réparer.

M AMAN P ERRIER: Sans moi, le monsieur prenait racine dehors ; j’étais dans le jardin ; je désherbais les carottes ; j’entends appeler ; je lève la tête et qu’est-ce que je vois ? Je vois le monsieur planté là, avec son colis.

G EORGES : Ah ! j’ai dû vous surprendre. M AMAN P ERRIER : Oui. G EORGES : C’est bien plus drôle. (Il rit seul.) M ADAME P ERRIER: Et ce Maurice qui ne revient pas ! Entrez donc vous reposer, monsieur, vous asseoir. G EORGES, qui commence à être gêné : Oh ! merci, madame, je ne suis pas fatigué.. M AMAN P ERRIER: Monsieur s’est assis tout son content dans le train. M ADAME P ERRIER : Mais il a peut-être besoin de se passer de l’eau sur la figure ?

G EORGES: Volontiers, madame, quoique à la campagne... (Fausse entrée.) M AMAN P ERRIER : Alors, monsieur déjeune ?

M ADAME P ERRIER : Naturellement. Croyez-vous qu’il aura fait cinquante lieues pour nous dire bonjour et repartir sans prendre quelque chose ?

G EORGES: Madame, vous êtes mille fois trop obligeante. Surtout que je ne vous dérange pas ! M ADAME P ERRIER: Et quand vous nous dérangeriez ! M AMAN P ERRIER : Sommes-nous des sauvages ? M ADAME P ERRIER: Mais, vous savez, il y aura ce qu’il y aura.

G EORGES: Et que faudrait-il de plus, madame ? Je me régalerai d’œufs à la coque et de fromage à la crème.

M AMAN P ERRIER: Si vous comptez là-dessus, mon pauvre monsieur, vous vous brosserez le ventre ; il ne suffit pas de dire : Amen ! pour qu’une poule ponde et que le lait se mette à cailler.

G EORGES: J’ai bon appétit, je mangerai de la viande ; elle doit être de première qualité dans cette contrée ; j’ai vu, par vos prairies, des troupeaux de bœufs magnifiques.

M AMAN P ERRIER : Oui, mais on ne les tient pas, et, d’ailleurs, les bœufs magnifiques, comme vous dites, on les envoie à Paris. Notre boucher ne garde que les vieilles vaches, et encore il ne tue que le samedi ; nous aurons de la veine s’il lui reste un morceau présentable.

G EORGES : Ne vous tourmentez pas, je vous prie. À la fortune du pot ! Maurice m’a tant parlé de vous que je m’imagine déjà être de la famille.

M AMAN P ERRIER: C’est curieux, il ne nous parle jamais de vous.

M ADAME P ERRIER : Oh ! si maman. M AMAN P ERRIER : Non, non.

M ADAME P ERRIER: Si, quelquefois. Monsieur étudie sa médecine, comme Maurice.

G EORGES : C’est-à-dire, madame, que je suis plutôt clerc de notaire. Oh ! cela se vaut, nous avons fait les mêmes classes. J’ai connu Maurice au lycée Charlemagne ; je l’ai perdu de vue, puis je l’ai retrouvé, un soir d’automne, à la musique du Luxembourg. Nous nous voyons fréquemment et nous nous aimons beaucoup.

M ADAME P ERRIER : Oui, oui, je me souviens. M AMAN P ERRIER : Moi, je ne me souviens pas.

M ADAME P ERRIER: Vous vous rappelez, maman, que Maurice nous disait...

M AMAN P ERRIER: Je ne me rappelle rien du tout. D’ailleurs, Maurice ne nous parle ni de ce monsieur, ni d’un autre ; il ne desserre pas les dents.

M ADAME P ERRIER : Il est de sa nature peu bavard et il n’a guère de distractions dans ce pays. Mais ses études nous coûtent si cher qu’il nous est impossible de le faire voyager pendant ses vacances.

G EORGES : Madame, je vous assure que Maurice ne s’ennuie pas auprès de vous. M AMAN P ERRIER : Il ne manquerait plus que ça.

G EORGES: Il me disait en m’invitant : « Tu verras comme on s’amuse chez moi. » À maman Perrier : Chez vous, madame. « D’abord, nous parcourrons nos propriétés... »

M AMAN P ERRIER : Ses propriétés ! G EORGES : Les vôtres, bien entendu, madame.

M AMAN P ERRIER: Quelles propriétés ? Cette bicoque et deux ou trois mouchoirs de terre autour ? J’ai soixante-sept ans, monsieur !...

G EORGES : Vous ne les paraissez pas, madame.

M AMAN P ERRIER: Oh ! mon âge ne me fait pas honte ; ne devient pas vieille qui veut ! J’ai soixantesept ans sonnés, monsieur, j’ai toujours vécu de mon travail et je travaille encore pour n’être à la charge de personne et pour reculer le plus possible l’époque où les gaspillages de Maurice nous mettront sur la paille. Si monsieur se croit chez des gens riches, il s’abuse.

G EORGES: Madame, je me crois chez de braves gens et ça me suffit.

M AMAN P ERRIER: Maurice est un vantard et un orgueilleux. La mort de son père a été un grand malheur. ( Georges s’incline.) Ses propriétés ! il en a, de l’aplomb !

G EORGES: Il n’a fait qu’exagérer un peu, et c’est bien naturel. Nous sommes tous fiers de notre village et moi-même, qui suis né à Paris, je m’en vante ; mais calmez-vous, madame, il ne me faut pas tant de terrain à parcourir ; au contraire, je déteste la marche, j’ai horreur de la chasse.

M AMAN P ERRIER: Ça se trouve bien, toutes les chasses du pays sont gardées. G EORGES : Je me contenterai d’aller m’asseoir avec une ligne au bord de la rivière.

M ADAME P ERRIER : C’est une belle promenade. M AMAN P ERRIER : Oui, il y a une trotte. G EORGES : Elle est loin, la rivière ? M ADAME P ERRIER : Oh ! tout près. M AMAN P ERRIER : Tout près, à neuf kilomètres.

G EORGES: Je n’en aurai, madame, que plus de plaisir à m’asseoir. Marie Perrier entre par la grille.
Scène IV
Les mêmes, Marie. M ADAME P ERRIER: Voici ma fille, monsieur, qui revient de chez l’institutrice. G EORGES: Mademoiselle, mademoiselle... Marie, n’est-ce pas ?

M AMAN P ERRIER: Qu’est-ce que tu attends ? Monsieur t’interroge, réponds, au lieu de te cacher derrière mes jupes.

M ARIE : Oui, grand-mère ; oui, monsieur.

M AMAN P ERRIER : Oui, quoi ? Monsieur te demande si tu t’appelles Marie. T’appelles-tu Marie ou Jacquotte ?

M ARIE : Marie. G EORGES: Je le savais, mademoiselle, je vous connaissais par votre petit nom. Mon ami Maurice ne fait que me parler de vous. M ADAME P ERRIER: Tu ne l’as pas aperçu, ton frère ?

M ARIE : Non, maman. M ADAME P ERRIER : Où diable peut-il être !

M ARIE: Je n’en sais rien, je rentre tout droit de l’école. G EORGES : Vous terminerez prochainement vos études, mademoiselle ; ça manque de charme, hein ? M ARIE: J’aime mieux aller chez mademoiselle Moreau... M ADAME P ERRIER : C’est son institutrice. M ARIE: ...Que de rester à la maison du matin au soir. G EORGES : Je vous comprends, mademoiselle. M ADAME P ERRIER : Elle dit ça, parce qu’à la maison elle aide au ménage. M AMAN P ERRIER : Et mademoiselle trouve que c’est dur. M ARIE : Dame ! on me fait laver les assiettes.

M AMAN P ERRIER: Et ça gâte tes mains fines. Ne faut-il pas que tu travailles comme tout le monde ? Te figures-tu, toi aussi, comme le monsieur, que nous sommes riches et qu’on te donnera une dot ?

M ARIE : Je n’en ai pas besoin. M AMAN P ERRIER: Oui-da ! On t’épousera pour tes beaux yeux ?

M ARIE : D’abord, moi, je ne me marierai jamais. G EORGES : Oh ! mademoiselle ! Ce serait un crime.

M AMAN P ERRIER : Tu feras comme les autres, petite prétentieuse ! Tu te marieras si tu peux, si on te demande.

G EORGES : Oh ! madame ! il ne tiendra qu’à elle.

M AMAN P ERRIER: Je te conseille de te fourrer en tête des idées saugrenues ; fais-moi plutôt le plaisir d’aller dans ta chambre et de commencer tes devoirs..

G EORGES : Madame, je réclame pour elle un jour de congé, en mon honneur.

M AMAN P ERRIER : Ça n’en vaut pas la peine, allez ! Si je vous prenais au mot, vous seriez vite embarrassé d’elle.

Elle rentre à la maison et s’arrête sur la troisième marche de l’escalier, d’où elle domine. G EORGES: Je proteste, madame, je proteste ; n’en croyez rien, mademoiselle.

M ADAME P ERRIER: Écoute, petite, va faire tes devoirs, et si tu es sage, je te donnerai la permission de l’après-midi ; allons, va, moi je m’occuperai du déjeuner. Entrez-vous, monsieur ?

G EORGES, fixé : Oh ! merci, madame ; réflexion faite, je préfère attendre Maurice dehors, respirer l’air pur.

M AMAN P ERRIER, du haut de l’escalier : Monsieur n’est pas venu pour étouffer dans les maisons. G : Ensuite j’irai, en me promenant, à la recherche de Maurice. M P : Vous le rencontrerez sans doute par là. G : Par là ? M P : Oui, à droite, du côté du château. M P : Oui, à gauche, du côté du moulin. G : Bien ; merci, madame. M P : Oh vous le trouverez ; il n’est pas perdu. M P : À tout à l’heure, monsieur ; vous permettez ? G : Faites, mesdames. seul. G . Mademoiselle... G : Votre grand-mère, mademoiselle ? elle est d’une prévenance... Je n’ai pas peur du pain frais. G : Voulez-vous que j’y aille, mademoiselle ? M : Oh ! monsieur ! M : Je les aurai à la Saint-Martin. M : Des fois il me taquine. G : Oh ! le vilain ! mais vous avez bon caractère ? M : Il n’en sait rien ; il ne me voit presque jamais. M : Il n’y a pas de danger qu’il me laisse toucher à ses affaires. Il est bien trop regardant. G : Vous vous promenez ensemble, vous faites de la bicyclette ? M : Oh ! non, monsieur ! M : Il faut d’abord en avoir une. G : C’est juste, mademoiselle. Demandez-en une à votre généreuse grand-mère. M : Elle me recevrait bien. G : Et Maurice ? Il a peut-être des économies ; voulez-vous que j’en parle à Maurice ? M : Le Beau Danube Bleu. G : Je le savais. Il me dit tout. Vous êtes une musicienne très distinguée au piano. M : Oh ! guère, monsieur. G : Vous devez jouer le Beau Danube Bleu à ravir. M : Je ne l’ai pas encore déchiffré. M : Alors je peux lui dire que vous aimez le pain rassis. G : Mademoiselle, je vous en serai très obligé. puis et puis G : Pour moi, madame. M P : Oh ! que j’ai eu peur. M P : Que dites-vous là ? M P : Eh bien ? G : Aujourd’hui, madame ; l’ordre est formel et maître Tabuteau ne badine pas. M P : Aujourd’hui ?... Ce soir. G : Tout de suite, madame. Hélas ! tout de suite, s’il y a un train. M P : Il n’y en a qu’un, celui d’onze heures. G : Je le prends. M P : Quoi ? Vous partiriez dans une demi-heure ! C’est fou. G : Oh ! madame ! vous ne connaissez pas maître Tabuteau. Il est terrible. M P : Vrai ? M P : Il vient de recevoir une dépêche. G : On me rappelle à l’étude immédiatement. M P : Pour une affaire urgente, dit-il. Hein ! croyez-vous, maman ? comme c’est fâcheux ! G : Impossible, madame, je me fourrerais dans de beaux draps. G : Je n’ai aucun mérite, madame, mettezvous à ma place. G : Je n’en revenais pas non plus quand l’homme m’a remis la dépêche. M P , La vieille Honorine est malade. M P : Ah ! Au moins, prenez un autre train que celui d’onze heures. M P : C’est le plus rapide. M P : Va voir, Marie ; tu feras un petit paquet. G , à part : Elles m’attendrissent. Il suffit de savoir les prendre. G : Des cerises ! ne faites pas cela, madame ! M P : N’ayez pas peur, mon cher petit monsieur, l’échelle est solide. G : Rien du tout, madame. G : Soyez tranquille, madame, je réponds d’eux. M , Quoi, maman ? M P : Tu sais, les fleurs qui trempent dans un pot sur la cheminée ? M : Sur la cheminée de ta chambre ? oui maman. M P : Je les destinais à monsieur Georges. Ficelle-les donc et descends-les. G : Oh ! madame, quelle attention délicate ! mais je déteste me charger... G : Je suis confus, madame ; je mets toute votre maison sens dessus dessous. M P , : Tenez, monsieur, voilà une poignée de belles cerises. G : Au moins, je ne serai pas venu pour des prunes. M P : Elles sont mûres et juteuses, quoiqu’on les appelle des cerises aigres. M P : Oh ! déjà ? Mon Dieu ! Seigneur ! G : D’ailleurs, j’ai mon billet ; j’avais pris un aller et retour. M P : C’est commode pour s’en retourner. G : Il est valable huit jours, mais qui vaut le plus, vaut le moins. M , Voici, monsieur, le petit paquet et les fleurs. G : Merci, mademoiselle. C’est bien tout, mesdames. M P : Et votre valise, sur le banc. M : C’est peut-être le fromage, monsieur. M P : Que va-t-il dire ? Il sera furieux. M P : Vous êtes capable de le rencontrer d’ici la gare. G : Je n’ai pas encore eu le temps de l’oublier. Adieu, mesdames. M P : Vous n’avez qu’à suivre tout droit l’allée des acacias. G : Je sais, madame ; il y a un fil télégraphique pour se guider. M P : Au revoir ; vous nous reviendrez, j’espère. G : Plus tôt peut-être que vous ne pensez. M P : Mais que cette fois, ça vaille la peine. M P , C’est ça ! T : C’est ça, c’est ça !