Trajectoires (saison 2) - Pascal Scimè - E-Book

Trajectoires (saison 2) E-Book

Pascal Scimè

0,0

Beschreibung

Le football, c’est de l’émotion, de l’adrénaline pure. Il provoque rires, pleurs, amusements ou énervements et, bien entendu, des discussions animées et sans fin. Le foot, c’est comme la vie en fait. Il faut l’aimer passionnément et profiter de chaque instant... Ceux qui le pratiquent, comme les joueurs et entraîneurs que vous allez découvrir dans ce deuxième volume de Trajectoires, connaissent aussi la différence entre « taper dans un ballon » et « être footballeur ». En réalité, « être footballeur », c’est l’essence même de la discipline dans ce qu’elle a de plus pur. Tous les acteurs de ce livre, animés d’une même passion, essayent de toucher à la noblesse de ce sport à travers leurs souvenirs, leurs excès, leurs réussites ou leurs échecs...

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 283

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



PASCAL SCIMÈ

Trajectoires

Saison 2

11 récits extraordinaires

de joueurs et d’entraîneurs au destin ordinaire

Merci

À Sabine qui me supporte même quand je l’insupporte. Certains appellent cela de l’amour.

À Luca et Matias, pour leur curiosité du monde qui les entoure... Continuez à me mettre en difficulté avec vos questions sur l’histoire du foot.

Aux protagonistes de Trajectoires.

À Florian Castelli, pour son aide précieuse dans la retranscription.

À Stéphanie, éditrice passionnée.

À Christophe Van Impe et Denis Dasoul partis beaucoup trop tôt. L’absurdité de votre départ ne nous fera jamais oublier votre passion.

Enfin, merci au football et à tous ceux qui l’aiment sincèrement (ils sont nombreux). Ils me permettent de raconter des histoires différentes.

Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

fRenaissance du Livre

l@editionsrl

Trajectoires — Saison 2

Couverture et mise en pages : Philippe Dieu (Extra Bold)

isbn : 9782507056186

© Renaissance du livre, 2018

Tous droits réservés. Aucun élément de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans une banque de données ni publié sous quelque forme que ce soit, soit électronique, soit mécanique ou de toute autre manière, sans l’accord écrit et préalable de l’éditeur.

Ce livre est dédié à la mémoire de Denis Dasoul,

décédé le 5 novembre 2017 à Bali, foudroyé en faisant du surf.

« La rencontre avec Pascal était avant tout humaine pour Denis. Ils s’étaient d’abord rencontrés dans le cadre de la rubrique Trajectoires de la RTBF. Le courant était tellement bien passé entre eux qu’au lieu de durer 30 minutes, l’entrevue s’était prolongée de quelques heures, si je me rappelle bien.

Plus tard, quand Pascal lui a exposé son idée de livre, Denis a tout de suite été emballé. Ayant lui-même vécu un parcours footballistique atypique, il trouvait cela intéressant qu’un journaliste décide enfin de mettre en lumière le footballeur “moyen”, celui à qui il est arrivé des galères et qui, malgré les sacrifices, n’est pas devenu une star. Je pense que Denis en avait marre de ces clichés acidulés sur les footeux, il voulait rétablir la vérité sur l’envers du décor de ce sport que monsieur Tout-le-Monde adule.

Cette expérience lui a énormément apporté. Elle a été le point de départ de beaucoup de discussions avec ses proches : un moyen de peut-être mieux comprendre ses décisions et ses choix de vie. Denis était quelqu’un d’extrêmement humain, pour qui le contact et l’échange étaient primordiaux. S’il avait pu aider ne serait-ce qu’une seule personne en parlant de son vécu, c’était gagné pour lui.

Denis nous a malheureusement quittés il y a peu, mais, si je peux me permettre de parler en son nom, je sais qu’il aimerait remercier Pascal pour sa générosité et son intelligence. Il a beaucoup apprécié les moments avec lui et je suis certaine qu’il serait fier qu’il prolonge l’aventure. Merci pour lui. »

Allison Pellaers, fiancée de Denis Dasoul.

« Pour fuir le Kazakhstan, je me suis caché chez mon dentiste. »

Mickaël Antoine-Curier

Naissance : 5 mars 1983 à Orsay

Poste : avant-centre

Signe distinctif : on l’appelle « the Mac »

Particularité : ne considérait pas le PSG comme un grand club

Évolution : a joué à Alost et à Mulhouse après son passage à l’Union Saint-Gilloise

Te souviens-tu de ton premier contact avec un ballon de football ?

— Oui, je jouais au foot dans mon quartier, mais aussi à l’école maternelle, en région parisienne… Ensuite, je suis allé vivre aux Antilles et ça n’a pas changé… Le foot était omniprésent.

Tu es né en France, mais, rapidement, tu t’es installé en Guadeloupe… Comment s’est passée ton enfance là-bas ?

— Mes parents, qui se sont séparés assez tôt, sont restés en France. C’est ma grand-mère qui s’est occupée de moi. Je vivais chez elle avec mes deux grands cousins.

Tu étais plutôt bon élève ?

— Je n’allais pas toujours à l’école (rires)… De temps à autre, je faisais l’école buissonnière pour aller à la plage avec mes amis… Souvent, on jouait au football et, souvent, c’était avec des gars plus âgés. J’ai toujours aimé jouer au foot avec des gars plus âgés que moi.

Ma mère ne voulait pas que je sois gardien... J’ai joué ailier droit !

Vraiment ?

— Oui, et c’est d’ailleurs comme ça que tout a commencé. Un jour, l’équipe des moins de 15 ans du PSG se trouvait en stage en Guadeloupe et il leur manquait un joueur. On m’a demandé si je voulais jouer… Je n’avais que 11 ans, mais j’ai foncé ! À la fin de la séance, le coach m’a dit que je pouvais revenir le lendemain. J’en ai parlé à ma grand-mère qui m’a couvert pour que je puisse rater l’école…

Pour toi qui étais né en région parisienne, jouer pour le Paris Saint-Germain, ça devait être un rêve de gosse, non ?

— Même pas… Je ne connaissais rien du PSG. J’étais dingue de Marseille ! Par contre, j’ai toujours désiré devenir footballeur pro. Il arrivait que des enfants et même des adultes me chambrent à cause de ça… Mon arrière-grand-mère, qui a toujours cru en moi, m’a poussé à croire en mes rêves.

Tu as tapé dans l’œil du PSG qui t’a invité à venir en France, c’est ça ?

— Oui, afin d’y suivre une formation. Ça ne s’est pas fait tout de suite. J’ai d’abord commencé à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, ce qui arrangeait bien ma maman car elle bossait à l’usine Peugeot toute proche. À Chanteloup, j’ai commencé avec deux futurs internationaux marocains, Mounir Obbadi et Houssine Kharja. Sur le terrain, je n’avais aucune position définie… J’ai même commencé comme gardien.

Gardien, sérieux ?

— Oui, mais ma mère a pété un câble, elle ne voulait pas que je sois gardien… Alors, j’ai joué ailier droit. N’oublie pas que c’est une maman antillaise… Quand elle veut un truc, tu obéis, un point c’est tout (rires) !

Et ensuite, tu as intégré un centre de préformation ?

— À 11 ans, je devais intégrer celui de Cergy, mais ma mère n’a pas voulu… Elle n’a pas aimé ce qu’elle a vu lors de sa visite au centre et elle pensait que j’allais devenir un voyou… À l’époque, le film La Haine venait de sortir, ça a dû lui faire peur… J’étais donc le seul joueur du PSG à ne pas dormir au centre. J’ai même dû arrêter le foot pendant un an. Mais bon, ça ne m’a pas empêché de faire mon trou au club et de marquer des buts jusqu’en U17.

Arrêter le foot pendant un an ? Tu rigoles ?

— Non, non. J’ai dû aller au catéchisme et faire ma communion (rires) ! Du côté de ma mère, la religion, c’est important… C’est pour cette raison que je n’ai pas pu entrer à l’INF de Clairefontaine.

Après ta communion, tu as enchaîné les clubs : Issy-les-Moulineaux, Troyes, puis retour au PSG où tu t’es fait remarquer par Artur Jorge…

— Il m’a repéré lors d’un match entre les U17 et la réserve, au cours duquel j’ai marqué deux buts alors que je n’avais que 15 ans… À l’époque, lorsque je jouais avec des gars de mon âge, je ne me poussais pas… Par contre, face aux grands, c’était une autre histoire. Contrairement aux autres entraîneurs qui me trouvaient moyen, Artur Jorge a perçu mon potentiel. Le lendemain de ce match, il m’a proposé de venir m’entraîner avec la réserve.

Ta première fois avec un groupe pro ?

— Ce jour-là, j’ai pris mon pied ! Après cet entraînement, Artur Jorge m’a convoqué dans son bureau et m’a dit qu’il allait me suivre car il croyait beaucoup en moi. Il m’a aussi dit que j’allais devoir travailler et patienter parce qu’en équipe première, j’étais barré par des monstres : Raí, Dely Valdés, Simone, Weah, Anelka et même Cyril Pouget…

Comment as-tu perçu ce message ?

— Honnêtement, moi qui venais des Antilles, les seuls noms de footballeurs qui me parlaient, c’était Papin et van Basten(rires)… Je n’avais pas conscience que le PSG était un gros club !

Quelques mois plus tard, Artur Jorge t’a trouvé un club en Ligue 2 pour que tu puisses bénéficier de temps de jeu…

— En effet, il a parlé de moi à l’entraîneur de Nice, Christian Damiano, et ce dernier a accepté de me prendre. Mais à mon arrivée, je n’avais pas de licence pour jouer avec les U17, alors que j’étais repris pour un amical avec le groupe pro face à Preston North End…

Entraîné par David Moyes, c’est ça ?

— Oui. On était menés 0-3 à la mi-temps. Ensuite, le coach m’a fait monter et j’ai marqué quatre buts ! Deux heures plus tard, Moyes faisait une offre et je prenais l’avion pour le nord-ouest de l’Angleterre. Au même moment, Jérémie Aliadière, que je côtoyais en équipe nationale, signait à Arsenal.

Preston, ça a dû te changer de Nice...

— Il pleuvait tout le temps… Honnêtement, j’ai eu du mal à m’adapter à cette petite ville… Mais lors des entraînements, je me donnais à fond et je cartonnais. Comme j’étais le plus jeune dans le vestiaire, les pros m’aimaient bien. J’étais un peu la coqueluche et j’avais un traitement de faveur… Je n’ai jamais dû nettoyer les chaussures des anciens, par exemple !

Avec les autres jeunes, ça se passait comment ?

— Au début, j’étais logé avec eux, mais il y avait beaucoup de jalousies alors le club m’a envoyé vivre chez un joueur plus ancien… Le hic, c’est qu’il était en instance de divorce alors il s’engueulait souvent avec sa femme… C’était pas la joie.

Tu n’es pas resté longtemps à Preston… Nottingham Forest t’a assez vite recruté…

— Le manager de l’époque, David Platt, m’a fait signer à Nottingham. Pour mon premier match avec les U19, j’ai marqué le but de la victoire lors de la finale du championnat. La saison suivante, j’ai intégré l’équipe A, mais Platt a quitté le club pour les U21 anglais.

Et ça n’a pas collé avec Paul Hart, son successeur…

— Dès le départ, j’ai su que je n’allais pas l’aimer. Hart ne me connaissait pas et voulait me renvoyer chez les jeunes. En fait, il voulait seulement me tester, mais je ne l’ai pas accepté… J’ai pris un gros coup au moral. Dans des moments comme celui-là, la mentalité du quartier ressort et deux univers se confrontent… Mais bon, je me suis accroché et j’ai réalisé une belle saison avec les U19.

Le football anglais, c’est dur pour un jeune, non ? Tu as dû enchaîner les prêts de quelques semaines en division 2 ou division 3...

— Oui, mais je ne regrette pas mon départ car souviens-toi qu’à l’époque, en France, il était compliqué pour un jeune de percer.

Tu as joué jusqu’à quelle catégorie d’âge en équipe de France ?

— Mon parcours s’est arrêté en U19. Le directeur technique national, François Blaquart, m’a dit qu’il fallait que je joue dans un club de division 1, comme Djibril Cissé, Anthony Le Tallec ou Florent Sinama-Pongolle, pour rester chez les Bleus… En espoirs, avec des gars comme Nicolas Anelka, Thierry Henry et David Trezeguet, c’était tout aussi bouché…

Tu t’entendais bien avec eux ou tu les considérais comme des rivaux ?

— Non, on se respectait et on était contents de la réussite de chacun. Quand tu les voyais évoluer sur le terrain, tu ne pouvais qu’être admiratif. Voir jouer Le Tallec et Djibril Cissé, c’était un truc de ouf ! Une dinguerie ! L’un organisait le jeu et l’autre allait à 10 000 km/h.

De retour de ton prêt à Brentford, tu as refusé de prolonger à Nottingham…

— Oui. Et ça a été le tournant de ma carrière (amer). Un agent en qui j’avais confiance m’a conseillé de ne pas signer. Paul Hart, lui, n’a pas compris mon choix…

Et là, tu as enchaîné les petits clubs avec des durées de contrat très courtes… Sept clubs en neuf mois !

— Je ne l’ai appris que bien plus tard, mais l’agent en question négociait d’obscures clauses avec les clubs… Comme par hasard, après un certain nombre de matchs, mon contrat prenait mystérieusement fin… En plus, c’est l’agent qui me versait mon salaire… À 22 ans, j’étais dégoûté du foot !

Quel était ton sentiment à l’époque ?

— Comme les clubs ne me gardaient pas, je pensais que je n’étais pas assez bon. Je n’imaginais pas que mon agent puisse magouiller. Moi, je ne pensais qu’au foot. Par la suite, il a été puni par les autorités anglaises parce qu’il avait essayé d’escroquer Gaël Givet. Sur six mois, mon agent s’est fait 250 000 euros sur mon dos !

7 clubs en 9 mois, à 22 ans, j’étais dégoûté du foot !

Après plusieurs autres expériences malheureuses, tu as tout lâché et décidé de rentrer à Paris…

— Oui, j’ai fait le vide et j’ai jeté tout mon matos de foot, même ma carte SIM ! Je ne sais par quel moyen, mais un coach norvégien a dégotté le numéro de ma mère… Il voulait me proposer un truc, mais j’ai refusé de lui parler… Le gars a appelé tous les jours. Ma mère a tellement insisté que j’ai fini par lui répondre, elle en avait marre d’être dérangée (rires).

Que voulait-il ?

— C’est lui qui m’a appris les méthodes de l’agent, puis il m’a dit : « Je veux que tu reprennes goût au foot, viens découvrir la Norvège… Même pour trois jours, on ne te force pas… Avec ton talent, tu ne peux pas arrêter le foot. »

Tu y es allé ?

— Oui, mais le premier jour, je ne me suis pas entraîné. C’était à Vard, un petit club où j’ai été super bien accueilli… Le coach m’a dit ces mots : « On est derniers, on n’a pas d’argent, mais je vais me dédier entièrement à toi pour que tu reviennes plus fort… »

Tu étais en demande de ce type de discours…

— Oui, sans doute. Et pour la première fois de ma vie, j’ai négocié moi-même mon contrat. Puis j’en ai bavé, tous les jours, matin, midi et soir : foot, foot, foot… Au bout du compte, j’ai été élu meilleur joueur de division 2, j’ai même gagné le titre de meilleur buteur de Norvège, toutes divisions confondues, et j’ai reçu le soulier « Poussière de neige » !

Après ton expérience en Norvège, tu as découvert l’Écosse et Hibernian…

— J’ai été impressionné par le coach John Collins. Tu imagines… Champion de France avec Monaco et Sonny Anderson… J’ai signé le dernier jour du mercato. Dans l’équipe, il y avait Steven Fletcher et Abdessalam Benjelloun… Que des internationaux, alors que moi, je venais de D2 norvégienne.

C’est aussi à cette époque que tu as été appelé en équipe de Guadeloupe… Tu en as éprouvé de la fierté ?

— Oui, énormément. Pour mes débuts, j’ai marqué un hat-trick en coupe des Caraïbes contre les îles Caïmans. C’est une fierté. Au fond de moi, je me sens plus guadeloupéen que français. Je me sens même plus britannique que français ! J’ai passé seize ans sur les îles Britanniques… Tu sais, quand j’ai marqué ces trois buts lors de mon premier match en sélection, j’ai réalisé le rêve de mon grand-père… Voir la fierté dans ses yeux, c’était beau. Après le match, il m’a dit : « Maintenant, je peux mourir. »

C’est comment, le foot écossais ?

— L’Angleterre, c’est physique et rapide. L’Écosse, c’est physique et technique.

T’as un surnom là-bas ?

— Oui, « the Mac ». Ce sont mes initiales…

Après plusieurs bonnes saisons, tu as quitté l’Écosse car Hamilton, le club où tu étais, avait des problèmes financiers…

— Oui, je suis parti à Chypre où l’on devait jouer le titre avec Ermís Aradíppou, mais deux jours avant le début du championnat, le président, qui était un mafieux, s’est fait arrêter… Son fils a envoyé les joueurs dans des clubs aux quatre coins de Chypre. Et là, je suis tombé sur un coach… Un vrai taré (fâché) ! Par respect, je tairai son nom… En Belgique, lui, faut pas que je le croise… Encore aujourd’hui, je me demande pourquoi il m’a fait subir ce qu’il m’a fait subir… À Chypre, je n’ai pas été payé pendant quatre mois, alors j’ai décidé de rentrer en France… Mon grand-père est décédé… J’ai eu un coup de mou. Ensuite, j’ai reçu une offre du Vietnam. J’ai décidé d’y aller, mais, sur place, c’était n’importe quoi. Je n’y ai même pas joué.

Et, de là, tu es parti en Malaisie…

— À Kuala Lumpur, une ville magnifique et un club au top. J’aimerais pouvoir y vivre tellement c’est bien. Sur place, j’ai tout de même marqué treize buts en vingt matchs, dans un championnat difficile et au sein d’un club qui était avant-dernier du classement… Je te passe les détails… Mais il y a eu un changement de sultan et j’ai été obligé de quitter le club.

Tu as débarqué au Kazakhstan, à Atyraw…

— Oui, mon but était simple… Il fallait que ça me serve de tremplin pour pouvoir jouer en Russie.

Mais tu as vite déchanté…

— Je ne savais pas que la ville où j’arrivais était raciste et avait le taux de criminalité le plus élevé du pays. Ça a été le choc : les joueurs ne me calculaient pas, ne me serraient même pas la main. Chaque fois que je visitais un appartement, quand le propriétaire découvrait ma couleur de peau, il se souvenait subitement qu’il venait de louer l’appart à quelqu’un d’autre…

Proche d’un transfert au Standard l’été dernier.

Tu avais un garde du corps sur place ?

— Oui. Quand j’ai signé mon contrat, je pensais que c’était un gars qui allait m’accompagner, m’aider dans la vie de tous les jours, pour la paperasse, pour me conduire, faire les courses… Mais non, c’était un vrai bodyguard qui me protégeait 24 heures sur 24. Il portait un pistolet et dormait devant ma chambre !

Où étais-tu logé ?

— Au final, j’ai occupé une chambre au sein du club… Comme un paria, un pestiféré. Dans ce pays, quand j’allais faire mes courses, les gens ne voulaient pas me servir. C’était dingue…

Et puis ?

— Les menaces verbales et physiques ont commencé. Des personnes proches du fils du président m’ont fait comprendre que je devais dégager et que si je ne le faisais pas, elles s’occuperaient de moi ! On a volé mes vêtements, ma montre, mes lunettes… J’ai retrouvé mes affaires éparpillées un peu partout… On voulait ma peau !

Une histoire de dingue ! Tu en es sorti comment ?

— Grâce à mon dentiste. Il m’a caché pendant plusieurs jours. Le club a même tenté de soudoyer la police et ma banquière afin de vider mon compte. Bref, si je suis parvenu à quitter le pays, c’est grâce au dentiste !

Qu’as-tu fait ensuite, tu es retourné à Hamilton ?

— C’est ça, dans ce club que j’avais quitté quand je jouais en Premier League écossaise. J’y ai retrouvé Alex Neil, mon ancien capitaine qui était devenu entraîneur-joueur… Tout s’est bien passé, le club visait la montée en division 2… J’ai marqué beaucoup de buts et j’ai retrouvé la joie de vivre, la joie de jouer au football ! On est monté grâce aux play-offs en battant mon ancienne équipe, Hibernian, aux tirs au but ! Je n’oublierai jamais la joie que j’ai ressentie à ce moment-là. Tu sais que j’ai marqué mon tir au but alors que la pression était énorme… Mes anciens supporters me sifflaient et me chambraient... C’est pourtant dans cette ambiance surchauffée qu’on est montés en Premier League.

Quelle est ta plus grande fierté ?

— Dundee, Hamilton, Hibernian, partout où je suis passé en Écosse, on trouve mon portrait accroché dans le couloir, mais je retiens surtout le fait d’être monté et d’avoir joué en Premier League. C’est ça ma fierté, je me dis que j’ai laissé une empreinte.

Tu as battu le Celtic Glasgow à Celtic Park…

— Ils étaient invaincus à domicile depuis deux ans, même le Barça s’y était cassé les dents. Et moi, j’ai marqué et on les a battus... Un truc de dingue. Mais les vrais frissons, c’est plutôt face aux 87 000 spectateurs des Rangers à Ibrox que je les ai ressentis, sans oublier la Gold Cup durant laquelle nous avons joué contre le Mexique devant 110 000 spectateurs.

Tu vas bientôt être papa, non ?

— Oui, et ça me procure une joie immense. Durant ma carrière, ma compagne a consenti de gros sacrifices. Je ne le lui ai jamais dit, mais je lui tire mon chapeau. Elle est ma première supportrice… Je ne la remercierai jamais assez pour ça.

Femme de footballeur, c’est compliqué ?

— Oui. Avec moi, elle en a bavé. Au départ, elle n’aimait pas le foot… Aujourd’hui, elle est calée. Elle me suit, elle vient aux matchs et même en rééducation…

Tu prends cher, quand t’es mauvais ?

— Oui.

Avant l’Union, tu devais aller à Saint-Trond en D1. Pourquoi ça ne s’est pas fait ?

— Je me suis entraîné plusieurs jours avec le club et je m’y sentais très bien. Je m’entendais bien avec Edmilson, Dompé et Boli. Je me voyais vraiment jouer à Saint-Trond. Mais ensuite, l’attaquant HilaireMomi est revenu alors qu’il devait quitter le club et plus personne ne m’a calculé…

C’est vrai que tu aurais pu signer au Standard ?

— J’ai été invité à suivre Standard-Molde en loge… J’ai rencontré Daniel Van Buyten et je lui ai un peu raconté mon histoire… Le lendemain, il m’a proposé de venir m’entraîner au Standard. En arrivant, j’ai tout de suite songé à l’Angleterre. Cela ressemblait à Nottingham Forest. Mon test s’est bien passé… Je me suis senti très bien à l’entraînement, je me suis vraiment lâché…

C’était le dernier jour du mercato d’été, ou je me trompe ?

— Oui, et le Standard a pris, légitimement, ses renseignements via Yannick Ferrera, avec qui je m’entendais bien… Qu’a-t-il dit ou pas au Standard ? Ça reste une énigme. Au final, le Standard n’a pas signé avec moi. Yannick m’a dit qu’il n’y était pour rien… Moi, je me suis senti comme un mort de soif à qui un milliardaire refuse un peu d’eau. J’avais l’impression qu’on venait de briser mon rêve. Franchement, j’aurais aimé signer au Standard, mais ça ne s’est pas fait… Ce n’est pas grave, c’est la vie.

Et une semaine plus tard, Yannick Ferrera a signé au Standard…

— Exact. Dans mon cœur, c’est comme si je venais d’apprendre que ma femme m’avait trompé. L’été précédent, j’avais refusé des clubs de division 1 écossaise et là, je me retrouvais sans la moindre offre concrète… Les clubs intéressés en D1 ne voulaient pas inclure dans mon contrat une clause de départ en janvier. Alors, j’ai signé en D3 écossaise, à Dunfermline, avec l’idée de revenir en Belgique au mois de janvier. Dunfermline avait été rétrogradé en D3 à cause de problèmes financiers… Le club a survolé le championnat et remporté le titre… En quelque sorte, ça m’a fait trois montées en trois ans (rires).

Ensuite, tu as remplacé Cédric Fauré à l’Union Saint-Gilloise…

— Je suis content de jouer ici, où j’ai été très bien accueilli. Mes agents ont tenu parole, ils m’ont trouvé un bon club en Belgique ! Je veux remercier mon entourage qui ne m’a pas lâché.

À l’Union, tu as retrouvé une ambiance un peu british… Mais tu t’es blessé au genou lors de ton premier match…

— À la suite d’un contact, j’ai senti un craquement dans mon genou après dix minutes… Verdict : opération du genou et saison terminée… Mais je m’accroche… L’histoire ne peut pas se terminer comme ça. Je veux revenir plus fort pour rendre au club la confiance qu’il m’a accordée. Je te promets que je trime en revalidation… Et mentalement, c’est dur. Moi, je souhaite que l’Union devienne un club encore plus grand qu’il ne l’est déjà… J’ai vraiment envie d’écrire l’histoire avec le club au sein du top 8.

Penses-tu être quelqu’un de chanceux ?

— Oui, j’en prends conscience. Des milliers de personnes voudraient être à ma place. Je ne me plains pas de ma carrière, je sais que j’ai fait certaines bêtises… C’est pour ça qu’aujourd’hui, j’essaie d’orienter les plus jeunes (perplexe)… Mais les générations d’aujourd’hui, c’est difficile de les orienter… Certains jeunes ne veulent pas écouter et se croient plus forts que les autres ! Faut les laisser vivre, mais bon, il y a des limites…

Jusqu’à présent, es-tu fier de ta carrière ?

— Oui, je suis fier de ce que j’ai accompli. Si ça n’était pas le cas, je ferais mieux d’arrêter le foot tout de suite. J’espère aussi, et surtout, que ma famille est fière de moi…

« À Lima, la capitale, ils ont tellement foutu le “bordel” qu’il y a eu un mini-séisme. »

Yahya Boumediene

Naissance : 23 mai 1990 à Liège

Poste : ailier

Signe distinctif : spécialiste de la virgule

Particularité : unique Belge à avoir joué au Pérou

Évolution : est rentré en Europe après son séjour au Pérou et a joué à Dordrecht, aux Pays-Bas

Te souviens-tu de ton premier contact avec le ballon ?

— Je devais avoir 4 ou 5 ans. Je suis issu d’une famille nombreuse. Derrière ma grande sœur, on était cinq garçons… Tu imagines cinq mecs qui jouent au ballon dans la maison ? On cassait des lampes et des vitres (rires). Ces souvenirs sont gravés en moi.

Tu es né à Sclessin, quasiment à l’ombre du stade.

— Oui. J’y suis né, j’y ai grandi et ma famille y vit encore. Sclessin, c’est mon quartier, mes racines. J’habite à 300 m du Standard.

Et tu n’y as jamais joué…

— Jamais. Tout le monde me le dit. Même mes amis qui y jouent me le disent : « T’es le prince de Sclessin, mais tu n’as jamais joué au Standard ! » (Il rit.)

C’est tout de même surprenant…

— Mon père était assez strict et voulait qu’on se concentre sur les études. Du coup, le foot n’était pas vraiment sa priorité. Alors je me suis débrouillé dans des petits clubs de ma région, comme le DC Cointe. À 16 ans, j’ai eu la chance d’être repéré par le FC liégeois où je suis resté deux saisons. Un jour, lors d’un amical contre Chaudfontaine, une équipe de deuxième provinciale, le club m’a proposé de signer en équipe première et j’ai accepté. Pour moi, c’était nouveau. Jouer en équipe première contre des adultes, gagner un peu d’argent, je n’avais jamais été habitué à ça !

Comment ça s’est passé ?

— Au début, j’étais sur le banc. Là-bas, ce n’était pas mon football (il rit)… Les terrains sont boueux, le foot ressemble à de la bagarre alors que moi, je suis un joueur technique. Ensuite, j’ai rejoint Hamoir en promotion avec Stéphane Huet comme coach. Un gars super et un super coach. C’est lui qui m’a lancé en équipe première. J’y ai joué trois saisons avant de me déchirer les ligaments croisés.

Pour un jeune, une telle blessure, c’est un coup dur…

— Je ne faisais pas trop attention à mon hygiène de vie. Moi, je suis un gars de la rue, ce qui veut dire que je combinais foot et futsal. Le mardi et le jeudi, je m’entraînais à Hamoir ; le mercredi et le vendredi, je jouais au « mini » en deuxième nationale où je gagnais un petit peu ma vie aussi.

Tu avais une sorte d’insouciance, voire d’inconscience, non ? Tu savais que tu n’aurais pas dû, mais tu en avais envie…

— Oui, c’est exactement ça. Je jouais avec mes amis partout, même en rue. Je jouais du lundi au dimanche parce que j’aimais ça, peu m’importait le niveau. Tu sais, tu ne peux pas renier tes origines… Dans le quartier d’où je viens, ce sont nos codes.

« Quand je sors d’ici, je vais être sérieux et me concentrer sur un objectif ! » Et cet objectif, c’était de réussir dans le foot.

À quel moment et comment est arrivée cette prise de conscience ?

— (Pensif) Je vais te confier un truc que je n’ai jamais raconté. Un jour, j’avais 19 ans, j’ai fait une bêtise. J’ai été pris dans une bagarre qui a mal tourné et je me suis retrouvé en prison pendant deux mois. À l’époque, je jouais à Hamoir. Pendant ces deux mois, j’ai beaucoup réfléchi sur ma vie et mon comportement. Je me suis dit : « Quand je sors d’ici, je vais être sérieux et me concentrer sur un objectif ! » Et cet objectif, c’était de réussir dans le foot.

Tu sentais que tu devais prendre ta vie en main…

— Oui, j’avais déçu mes parents et beaucoup de monde. Je devais me rattraper. J’ai arrêté de jouer au futsal pour me concentrer uniquement sur le football. Je suis parti en division 3, à Maasmechelen, où j’ai découvert l’ordre, la rigueur flamande. Je m’entraînais tous les jours et je prenais ça au sérieux.

Tu avais besoin de ça…

— Oui, et j’ai énormément progressé. En plus, on a fait une belle saison en terminant deuxième derrière le Virton de Renaud Emond. J’ai terminé meilleur donneur d’assists de la série. Jürgen Baatzsch, le président de l’Union Saint-Gilloise, m’a proposé un contrat pro avec un beau projet sportif à la clé.

L’Union, c’est un club qui te parle ?

— Oui, clairement. Un premier contrat pro dans un club de tradition et emblématique comme l’Union, avec un président ambitieux, c’était le rêve. On a fait une grosse saison, mais on a raté la montée. En finale du « tour final », on a perdu contre Maasmechelen que je venais de quitter. Franchement, pour un gars qui, trois ans plus tôt, jouait en deuxième provinciale, j’avais réalisé une belle saison et j’ai reçu quelques offres intéressantes.

Comme celle de Brescia, en Serie B italienne…

— Oui, c’est Gilbert Bodart qui s’est chargé du deal1. En match de préparation, j’ai joué contre le Bayern Munich qui venait de remporter la Ligue des Champions. Tu imagines ? J’avais perdu le tour final contre le Patro et, un mois plus tard, je me retrouvais sur une pelouse à affronter des stars mondiales ! Pep Guardiola venait de reprendre l’équipe et comme il avait joué à Brescia, il avait aligné ses meilleurs joueurs. J’ai même échangé mon maillot avec Ribéry. Après le match, on a discuté pendant une trentaine de minutes. C’est vraiment un super gars.

Mais le transfert ne s’est pas fait…

— L’entraîneur Marco Giampaolo2 m’adorait. Le hic, c’est qu’il s’est fait virer en préparation alors que je n’avais pas encore signé. Mon transfert prenait du temps, ça traînait un peu trop à mon goût… On m’a demandé d’attendre, mais je suis un impatient. Alors j’ai signé à Seraing en division 2.

Et au moment où tu t’engageais avec Seraing, Brescia t’a rappelé…

— Oui (il soupire), mais c’était trop tard. À Seraing, il y avait un grand projet, une belle équipe et un excellent entraîneur, Arnaud Mercier. D’ailleurs, je suis sûr qu’un jour, il coachera en division 1. Ce n’est qu’une question de chance et de temps. On avait vraiment une belle équipe avec Dufer, Tirpan, Stevance, Bojović et Didillon comme gardien de but. On a loupé le tour final de quelques points, mais on a affolé les stats ! Stevance a été sacré meilleur buteur de la série, et j’ai terminé, avec Greg Dufer, meilleur donneur d’assists.

Une belle saison qui t’ouvrait enfin les portes de la division 1.

— Oui, Roland Louf, à qui je dois beaucoup, m’a fait venir à Mouscron. Je suis arrivé au Canonnier avec l’étiquette de bon joueur de D2. Même si je n’avais pas l’expérience du haut niveau, j’étais persuadé que j’allais casser la baraque après un temps d’adaptation. Durant le premier tour, j’ai reçu du temps de jeu mais, après la trêve, les dirigeants m’ont informé que je devais quitter le club. L’Excel était géré par des agents, dont Pini Zahavi, et on m’a fait comprendre qu’il fallait faire de la place pour les joueurs de leur réseau afin qu’ils puissent être revendus.

Tu t’es pris un coup sur la tête, je suppose ?

— Bien sûr, car j’avais refusé d’autres offres pour aller là-bas. Mais je ne l’ai pas ressenti comme un échec car, comme d’autres joueurs, j’ai subi le changement de propriétaire.

À la fin de ta seule et unique saison en D1, tu as résilié ton contrat et tu as signé au Maroc…

— Oui, à l’IRT, à Tanger, un club qui allait jouer la Ligue des Champions africaine. Tanger, c’est une ville magnifique : le soleil, la mer… On m’a proposé un gros projet sportif et un contrat auquel je n’aurais jamais songé dans mes rêves les plus fous !

À peine arrivé, les supporters t’ont adopté.

— J’étais un peu le chouchou du public. Au Maroc, les fans adorent les joueurs techniques et les dribbles. Ils ont adoré mon style, mais, en octobre, je me suis blessé au genou et je suis resté sur la touche pendant quatre mois. À mon retour, tout s’est précipité dans le mauvais sens. Le coach s’est fait virer, on s’est fait éliminer de la Ligue des Champions et il y a eu des retards de salaire. Les trois derniers mois, c’était la galère. Au Maroc, c’est un peu comme en Grèce ou en Turquie… Quand tout se passe bien, la vie est rose, les supporters t’adulent et tu es payé en temps et en heure. Mais quand t’es dans une mauvaise passe, c’est le début des problèmes.

Là-bas, les supporters sont chauds, non ?

— Très chauds. Je me souviens d’un match au Raja Casablanca3