Ubu roi - Alfred Jarry - E-Book

Ubu roi E-Book

Alfred Jarry

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Extrait : "PERE UBU : Merdre ! MERE UBU : Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou. PERE UBU : Que ne vous assom-je, Mère Ubu ! MERE UBU : Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il faudrait assassiner. PERE UBU : De par ma chandelle verte, je ne comprends pas."

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EAN : 9782335002881

©Ligaran 2014

Ubu roi

5 ACTES

CE DRAME EST DÉDIÉ

À

MARCEL SCHWOB

Adonc le Père Ubu hoscha la poire, dont fut depuis nommé par les Anglois Shakespeare, et avez de lui sous ce nom maintes belles tragœdies par escript.

Personnages

PÈRE UBU.

MÈRE UBU.

CAPITAINE BORDURE.

LE ROI VENCESLAS.

LA REINE ROSEMONDE.

BOLESLAS : leur fils.

LADISLAS : leur fils.

BOUGRELAS : leur fils.

LES OMBRES DES ANCÊTRES.

LE GÉNÉRAL LASCY.

STANISLAS LECZINSKI.

JEAN SOBIESKI.

NICOLAS RENSKY.

L’EMPEREUR ALEXIS.

GIRON : Palotin.

PILE : Palotin.

COTICE : Palotin.

CONJURÉS ET SOLDATS.

PEUPLE.

MICHEL FÉDÉROVITCH.

NOBLES.

MAGISTRATS.

CONSEILLERS.

FINANCIERS.

LARBINS DE PHYNANCES.

PAYSANS.

TOUTE L’ARMÉE RUSSE.

TOUTE L’ARMÉE POLONAISE.

LES GARDES DE LA MÈRE UBU.

UN CAPITAINE.

L’OURS.

LE CHEVAL À PHYNANCES.

LA MACHINE À DÉCERVELER.

L’EQUIPAGE.

LE COMMANDANT.

Acte premier
Scène première

PÈRE UBU, MÈRE UBU

PÈRE UBU

Merdre.

MÈRE UBU

Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.

PÈRE UBU

Que ne vous assom’je, Mère Ubu !

MÈRE UBU

Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait assassiner.

PÈRE UBU

De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.

MÈRE UBU

Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?

PÈRE UBU

De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon, que voulez-vous de mieux ?

MÈRE UBU

Comment ! après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ?

PÈRE UBU

Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.

MÈRE UBU

Tu es si bête !

PÈRE UBU

De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?

MÈRE UBU

Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?

PÈRE UBU

Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l’heure par la casserole.

MÈRE UBU

Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?

PÈRE UBU

Eh vraiment ! et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?

MÈRE UBU

À ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues.

PÈRE UBU

Si j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont impudemment volée.

MÈRE UBU

Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.

PÈRE UBU

Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart d’heure.

MÈRE UBU

Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.

PÈRE UBU

Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !

MÈRE UBU à part.

Oh ! merdre ! (Haut.) Ainsi tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.

PÈRE UBU

Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.

MÈRE UBU

Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?

PÈRE UBU

Eh bien, après, Mère Ubu ? (Il s’en va en claquant la porte.)

MÈRE UBU seule.

Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.

Scène II

La scène représente une chambre de la maison du Père Ubu où une table Splendide est dressée.

PÈRE UBU, MÈRE UBU

MÈRE UBU

Eh ! nos invités sont bien en retard.

PÈRE UBU

Oui, de par ma chandelle verte. Je crève de faim Mère Ubu, tu es bien laide aujourd’hui. Est-ce parce que nous avons du monde ?

MÈRE UBU haussant les épaules.

Merdre.

PÈRE UBU saisissant un poulet rôti.

Tiens, j’ai faim. Je vais mordre dans cet oiseau. C’est un poulet, je crois. Il n’est pas mauvais.

MÈRE UBU

Que fais-tu, malheureux ? Que mangeront nos invités ?

PÈRE UBU

Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien. Mère Ubu, va donc voir à la fenêtre si nos invités arrivent.

MÈRE UBU y allant.

Je ne vois rien.

(Pendant ce temps le Père Ubu dérobe une rouelle de veau.)

MÈRE UBU

Ah ! voilà le capitaine Bordure et ses partisans qui arrivent. Que manges-tu donc, Père Ubu ?

PÈRE UBU

Rien, un peu de veau.

MÈRE UBU

Ah ! le veau ! le veau ! veau ! Il a mangé le veau ! Au secours !

PÈRE UBU

De par ma chandelle verte, je te vais arracher les yeux.

(La porte s’ouvre.)

Scène III

PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE et ses partisans.

MÈRE UBU

Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu ?

PÈRE UBU

Me voilà ! me voilà ! Sapristi, de par ma chandelle verte, je suis pourtant assez gros.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes. (Ils s’asseyent tous.)

PÈRE UBU

Ouf, un peu plus, j’enfonçais ma chaise.

CAPITAINE BORDURE

Eh ! Mère Ubu ! que nous donnez-vous de bon aujourd’hui ?

MÈRE UBU

Voici le menu.

PÈRE UBU

Oh ! ceci m’intéresse.

MÈRE UBU

Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupions de dinde, charlotte russe…

PÈRE UBU

Eh ! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore ?

MÈRE UBU continuant.

Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, choux-fleurs à la merdre.

PÈRE UBU

Eh ! me crois-tu empereur d’Orient pour faire de telles dépenses ?

MÈRE UBU

Ne l’écoutez pas, il est imbécile.

PÈRE UBU

Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.

MÈRE UBU

Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.

PÈRE UBU

Bougre, que c’est mauvais.

CAPITAINE BORDURE

Ce n’est pas bon, en effet.

MÈRE UBU

Tas d’Arabes, que vous faut-il ?

PÈRE UBU se frappant le front.

Oh ! j’ai une idée. Je vais revenir tout à l’heure. (Il s’en va.)

MÈRE UBU

Messieurs, nous allons goûter du veau.

CAPITAINE BORDURE

Il est très bon, j’ai fini.

MÈRE UBU

Aux croupions, maintenant.

CAPITAINE BORDURE

Exquis, exquis ! Vive la Mère Ubu.

TOUS

Vive la mère Ubu.

PÈRE UBU rentrant.

Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu.

(Il tient un balai innommable à la main et le lance sur le festin.)

MÈRE UBU

Misérable, que fais-tu ?

PÈRE UBU

Goûtez un peu.

(Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.)

PÈRE UBU

Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.

MÈRE UBU

Les voici.

PÈRE UBU

À la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j’ai à vous parler.

LES AUTRES

Eh ! nous n’avons pas dîné.

PÈRE UBU

Comment, vous n’avez pas dîné ! À la porte tout le monde ! Restez, Bordure.

(Personne ne bouge.)

PÈRE UBU

Vous n’êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de côtes de rastron. (Il commence à en jeter.)

TOUS

Oh ! Aïe ! Au secours ! Défendons-nous ! malheur ! je suis mort !

PÈRE UBU

Merdre, merdre, merdre. À la porte ! je fais mon effet.

TOUS

Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !

PÈRE UBU

Ah ! les voilà partis. Je respire, mais j’ai fort mal dîné. Venez, Bordure.

(Ils sortent avec la Mère Ubu.)

Scène IV

PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE

PÈRE UBU

Eh bien, capitaine, avez-vous bien dîné ?

CAPITAINE BORDURE

Fort bien, monsieur, sauf la merdre.

PÈRE UBU

Eh ! la merdre n’était pas mauvaise.

MÈRE UBU

Chacun son goût.

PÈRE UBU

Capitaine Bordure, je suis décidé à vous faire duc de Lituanie.

CAPITAINE BORDURE

Comment, je vous croyais fort gueux, Père Ubu.

PÈRE UBU

Dans quelques jours, si vous voulez, je règne en Pologne.

CAPITAINE BORDURE

Vous allez tuer Venceslas ?

PÈRE UBU

Il n’est pas bête, ce bougre, il a deviné.

CAPITAINE BORDURE

S’il s’agit de tuer Venceslas, j’en suis. Je suis son mortel ennemi et je réponds de mes hommes.

PÈRE UBU se jetant sur lui pour l’embrasser.

Oh ! Oh ! je vous aime beaucoup, Bordure.

CAPITAINE BORDURE

Eh ! vous empestez, Père Ubu. Vous ne vous lavez donc jamais ?

PÈRE UBU

Rarement.

MÈRE UBU

Jamais !

PÈRE UBU

Je vais te marcher sur les pieds.

MÈRE UBU

Grosse merdre !

PÈRE UBU

Allez, Bordure, j’en ai fini avec vous. Mais par ma chandelle verte, je jure sur la Mère Ubu de vous faire duc de Lituanie.

MÈRE UBU

Mais…

PÈRE UBU

Tais-toi, ma douce enfant.

(Ils sortent.)

Scène V

PÈRE UBU, MÈRE UBU, UN MESSAGER

PÈRE UBU

Monsieur, que voulez-vous ? fichez le camp, vous me fatiguez.

LE MESSAGER

Monsieur, vous êtes appelé de par le roi.

(Il sort.)

PÈRE UBU

Oh ! merdre, jarnicotonbleu, de par ma chandelle verte, je suis découvert, je vais être décapité ! hélas ! hélas ! !

MÈRE UBU

Quel homme mou et le temps presse.

PÈRE UBU

Oh ! j’ai une idée : je dirai que c’est la Mère Ubu et Bordure.

MÈRE UBU

Ah ! gros P.U., si tu fais ça…

PÈRE UBU

Eh ! j’y vais de ce pas.

(Il sort.)

MÈRE UBU courant après lui.

Oh ! Père Ubu, Père Ubu, je te donnerai de l’andouille.

(Elle sort.)

PÈRE UBU dans la coulisse.

Oh ! merdre ! tu en es une fière, d’andouille.

Scène VI

Le palais du roi.

LE ROI VENCESLAS, entouré de ses officiers ; BORDURE ; les fils du roi, BOLESLAS, LADISLAS et BOUGRELAS. Puis LE PÈRE UBU.

PÈRE UBU entrant.

Oh ! vous savez, ce n’est pas moi, c’est la Mère Ubu et Bordure.

LE ROI

Qu’as-tu, Père Ubu ?

BORDURE

Il a trop bu.

LE ROI

Comme moi ce matin.

PÈRE UBU

Oui, je suis saoul, c’est parce que j’ai bu trop de vin de France.

LE ROI

Père Ubu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme capitaine de dragons, et je te fais aujourd’hui comte de Sandomir.

PÈRE UBU

Ô monsieur Venceslas, je ne sais comment vous remercier.

LE ROI

Ne me remercie pas, Père Ubu, et trouve-toi demain matin à la grande revue.

PÈRE UBU

J’y serai, mais acceptez, de grâce, ce petit mirliton.

(Il présente au roi un mirliton.)

LE ROI

Que veux-tu à mon âge que je fasse d’un mirliton ? Je le donnerai à Bougrelas.

LE JEUNE BOUGRELAS

Est-il bête, ce Père Ubu.

PÈRE UBU

Et maintenant, je vais foutre le camp. (Il tombe en se retournant.) Oh ! aïe ! au secours ! De par ma chandelle verte, je me suis rompu l’intestin et crevé la bouzine !

LE ROI le relevant.

Père Ubu, vous estes-vous fait mal ?

PÈRE UBU

Oui certes, et je vais sûrement crever. Que deviendra la Mère Ubu ?

LE ROI

Nous pourvoirons à son entretien.

PÈRE UBU

Vous avez bien de la bonté de reste. (Il sort.)Oui, mais, roi Venceslas, tu n’en seras pas moins massacré.

Scène VII

La maison du Père Ubu.

GIRON, PILE, COTICE, PÈRE UBU, MÈRE UBU, Conjurés et Soldats, CAPITAINE BORDURE.

PÈRE UBU

Eh ! mes bons amis, il est grand temps d’arrêter le plan de la conspiration. Que chacun donne son avis. Je vais d’abord donner le mien, si vous le permettez.

CAPITAINE BORDURE

Parlez, Père Ubu.

PÈRE UBU

Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement le roi en lui fourrant de l’arsenic dans son déjeuner. Quand il voudra le brouter il tombera mort, et ainsi je serai roi.

TOUS

Fi, le sagouin !

PÈRE UBU

Eh quoi, cela ne vous plaît pas ? Alors que Bordure donne son avis.

CAPITAINE BORDURE

Moi, je suis d’avis de lui ficher un grand coup d’épée qui le fendra de la tête à la ceinture.

TOUS

Oui ! voilà qui est noble et vaillant.

PÈRE UBU

Et s’il vous donne des coups de pied ? Je me rappelle maintenant qu’il a pour les revues des souliers de fer qui font très mal. Si je savais, je filerais vous dénoncer pour me tirer cette sale affaire, et je pense qu’il me donnerait de la monnaie.

MÈRE UBU

Oh ! le traître, le lâche, le vilain plat ladre.

TOUS

Conspuez le Père Ubu !

PÈRE UBU

Eh, messieurs, tenez-vous tranquilles si vous ne voulez visiter mes poches. Enfin je consens à m’exposer pour vous. De la sorte, Bordure, tu te charges de pourfendre le roi.

CAPITAINE BORDURE

Ne vaudrait-il pas mieux nous jeter tous à la fois sur lui en braillant et gueulant ? Nous aurions chance ainsi d’entraîner les troupes.

PÈRE UBU

Alors, voilà. Je tâcherai de lui marcher sur les pieds, il regimbera, alors je lui dirai MERDRE, et à ce signal vous vous jetterez sur lui.

MÈRE UBU

Oui, et dès qu’il sera mort tu prendras son sceptre et sa couronne.

CAPITAINE BORDURE

Et je courrai avec mes hommes à la poursuite de la famille royale.

PÈRE UBU

Oui, et je te recommande spécialement le jeune Bougrelas.

(Ils sortent.)

PÈRE UBU courant après et les faisant revenir.

Messieurs, nous avons oublié une cérémonie indispensable, il faut jurer de nous escrimer Vaillamment.

CAPITAINE BORDURE

Et comment faire ? Nous n’avons pas de prêtre.

PÈRE UBU

La Mère Ubu va en tenir lieu.

TOUS

Eh bien, soit.

PÈRE UBU

Ainsi vous jurez de bien tuer le roi ?

TOUS

Oui, nous le jurons. Vive le Père Ubu !

Acte II
Scène première

Le palais du roi.

VENCESLAS, LA REINE ROSE MON DE, BOLESLAS, LADISLAS et BOUGRELAS.

LE ROI