Un souffle d’amour - Sylvia Schwartz - E-Book

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Sylvia Schwartz

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Beschreibung

"Un souffle d’amour - Au-delà des mots" relate le parcours d’une aide-soignante, entre moments de joie intense et périodes de profonde solitude. L’auteure décrit les évolutions récentes dans le milieu hospitalier, marqué par une tendance à l’économie à tous les niveaux. Ce récit aborde également des situations familières que chacun a pu rencontrer, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle.

À PROPOS DE L'AUTRICE


Sylvia Schwartz exerce le métier d’aide-soignante depuis une décennie. Son expérience s’étend du milieu hospitalier jusqu’aux Établissements Spécialisés d’Aide par le Travail. Dans ce livre, elle dépeint avec sensibilité l’envers du décor de cette profession, mettant en lumière la vocation et l’engagement du personnel médical au service des autres.

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Sylvia Schwartz

Un souffle d’amour

Au-delà des mots

© Lys Bleu Éditions – Sylvia Schwartz

ISBN : 979-10-422-2384-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Eugénie, avec tout mon amour.

Je tiens à signaler que les noms des établissements que ma grand-mère a fréquentés ont tous été changés dans cet ouvrage pour des raisons évidentes de confidentialité et pour ne nuire à la réputation d’absolument personne.

I

La vie

La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre à danser sous la pluie.

John Lennon

Présentation d’Eugénie

Je me suis décidée à écrire cet ouvrage pour ma grand-mère Eugénie, qui vit toujours à nos côtés, mais qui, ces dernières années, a sombré progressivement dans la démence sénile. Par ces quelques pages, je voudrais rendre hommage à la merveilleuse femme, mère, grand-mère et arrière-grand-mère, et même arrière-arrière-grand-mère qu’elle est. En effet, du haut de ses quatre-vingt-seize printemps, Eugénie est l’heureuse arrière-arrière-grand-mère de trois petits trésors, un garçon d’un an, Aidan, et deux filles de six et trois ans, Kiara et Victoria.

Eugénie vit dans un petit village tranquille depuis sa naissance, elle y est née et ne l’a jamais quitté. Elle a quatre sœurs, Marie, Célestine, Blandine et Jeannette, elle a eu aussi un frère Marcel, décédé à un jour de vie d’une maladie, qui est aujourd’hui devenue bénigne, et Agnès, décédée jeune elle aussi. Elle évolue au sein d’une famille aimante et d’un papa qu’elle aime par-dessus tout. Toute la famille vit dans une grande maison à laquelle est accolée une grange où est stocké tout le foin. Il y a aussi le poulailler avec un accès sur l’extérieur, et l’endroit où ils élèvent les cochons et les lapins. Dans l’écurie toute proche, ils abritent les deux chevaux de trait de la famille. Hormis ces animaux, la famille élève aussi des oies et des canards. Les poules, les oies et les canards leur fournissent les œufs pour l’alimentation de tous les jours ou pour faire des gâteaux. Les cochons et les lapins et certaines poules leur apportent la viande pour nourrir toute la famille. Parfois, la viande ou les œufs frais sont vendus ou utilisés pour faire du troc avec les voisins.

Eugénie a été évacuée avec sa famille durant la deuxième guerre mondiale dans un village de Charentes, dans une ferme où son père participait activement à la vie de la ferme et aux travaux dans les champs. Il aidait aussi à l’élevage des animaux. Il n’avait pas de salaire propre, mais il recevait de quoi nourrir sa famille. Ils avaient tous le droit de dormir dans la grange, dans la paille au-dessus des animaux, qui leur apportaient un peu de chaleur. Le papa d’Eugénie, Émile, a dû laisser ses chevaux de trait dans le pré, au moment de leur départ, à un voisin, car il ne pouvait pas les emmener dans le wagon à bestiaux. La vision de ses chevaux dans le pré, pendant que le train s’éloignait, a, pendant de très longs mois, silencieusement fait pleurer son père. Ses beaux yeux tout remplis de larmes ont laissé une trace absolument indélébile dans le cœur de ma grand-mère, car comme elle le racontait si souvent, c’est la première fois qu’elle a vu pleurer son papa qui était un roc, courageux et solide, il ne pleurait donc jamais. Il abandonnait dans ce pré deux « enfants », qu’il ne récupérera d’ailleurs plus lors de son retour dans le village.

La vie en Charentes était très difficile pour la famille, loin de chez eux, loin de tout, loin de leur confort habituel dans leur maison. Ils étaient pauvres et ne dormaient que dans la grange, jamais dans la maison des fermiers qui les accueillaient. Les enfants et leur maman participaient aussi à la traite et au jardinage. La maman, Marie, défaisait les pulls en laine trop petits des plus grandes et elle en faisait des pelotes. Elle retricotait après les mêmes pelotes pour en faire de nouveaux pulls ou robes pour les plus petites. Après quelques longs mois passés dans cette ferme, où les propriétaires n’étaient pas toujours très gentils envers eux et envers les enfants, toute la famille est revenue chez elle. Arrivés à nouveau dans le village, devant leur maison, ils découvrirent que l’intérieur était rempli de fumier, et que tous les meubles avaient été détruits, pillés ou brûlés. Tout ce qui se trouvait dans la maison au moment de leur départ précipité a disparu et il ne reste absolument rien, pas même des tasses, des couverts ou des vêtements. Les Allemands avaient tué leurs animaux pour se nourrir. D’ailleurs, ma grand-mère m’a dit plus tard que même les Américains demandaient à avoir des poules ou des œufs pour se nourrir et changer un peu leur alimentation quotidienne en y ajoutant des produits frais. De temps en temps, ils leur donnaient des chewing-gums et des bonbons, ainsi que des gâteaux qui faisaient partie de leurs rations de survie.

C’était donc un spectacle de désolation, il fallait se relever les manches et tout nettoyer, assécher et reconstruire avec l’aide de la famille et des voisins. Il fallait aussi retrouver et racheter des poules, des oies, des cochons et des lapins pour recommencer à faire de l’élevage. Par la même occasion, il fallait s’approvisionner en graines et en semis pour cultiver le jardin qui a été laissé en friche. La famille comptait déjà quatre filles, et la cinquième était sur le point de montrer le bout de son nez.

Toute petite déjà, Eugénie a éprouvé le sentiment de privation, et de perte de tous ses biens, ainsi que le manque cruel de nourriture qui engendre la faim qui vous tiraille le ventre au point de faire très mal. Ce manque restera d’ailleurs gravé en elle jusqu’à la fin de sa vie et cela malgré sa démence. Pendant les années de guerre, les Allemands leur prenaient quasiment tous les animaux pour les tuer et les manger, ils ne leur laissaient que le strict minimum pour vivre. Pendant ce temps, eux gaspillaient à outrance la viande et les fruits ainsi que les légumes du potager. Difficile de se construire dans un tel contexte, pourtant Eugénie était heureuse et choyée par ses deux parents qui étaient stricts, mais aimants. Eugénie était la chouchoute de son papa qui la faisait souvent monter, aussi jeune qu’elle était, sur ses chevaux. Elle adorait cela et riait aux éclats, ce qui faisait le bonheur de son papa, une très belle complicité et beaucoup d’amour existait entre ces deux-là.

Tout juste l’adolescence passée, Eugénie se marie avec l’homme de sa vie. Elle était très jeune et avait comme tout le monde après la guerre peu d’argent. Pour son mariage, elle portait une jolie robe noire, cousue main, et elle portait un adorable petit voile blanc sur la tête. Elle était rayonnante au bras de son époux, Pierre, dont elle était très amoureuse. Eugénie quitte son village natal après son mariage pour s’installer provisoirement dans le village de son époux, en attendant de revenir habiter dans une maison construite par eux et pour eux dans son village natal. Une de ses sœurs construira d’ailleurs juste à côté d’elle.

Les cinq sœurs vivront ainsi dans le village près de leurs parents. Eugénie et Pierre auront trois enfants ensemble, Raymonde, Yvonne et François. Les enfants grandissent paisiblement auprès d’une maman aimante et très douée de ses mains. Elle leur confectionne de magnifiques poupées en tissus et elle orne les berceaux de ces mêmes poupées. Elle leur tricote aussi des vêtements sur mesure et de toutes les couleurs. C’est aussi une excellente cuisinière et une pâtissière qui n’a rien à envier aux meilleurs pâtissiers actuels. Ses gâteaux, ses biscuits et ses entremets sont une pure merveille pour la vue et pour le palais. La maison embaume régulièrement des odeurs sucrées et parfumées de toutes ces douceurs qu’elle confectionne avec amour.

Eugénie est une très belle femme, coquette, rieuse, toujours bien habillée malgré le peu d’argent. Au cours de sa vie, elle apprendra une quantité de choses comme la pose de papier peint, le crochet, le canevas, le tricot, la couture et plein d’autres choses encore. Elle sait absolument tout faire et pour ce qu’elle ne sait pas faire, elle demande à ceux qui savent le faire des conseils et elle apprend très rapidement à faire la même chose elle aussi. Le dimanche à l’église, on nous reconnaissait de loin mes trois cousins, mes frères et moi, car nous avions tous les mêmes pulls. Pour mes cousins, c’étaient des pulls d’un beau bleu marine avec des flocons de neige blancs tricotés dessus, et pour mes frères et moi, les mêmes pulls, mais en vert avec les mêmes flocons tricotés, tous identiques et tous si beaux. On était très fiers.

Il faut dire que les deux filles d’Eugénie ont eu des enfants les mêmes années, donc nous avions tous un cousin ou une cousine de notre âge pour jouer avec, et cela durant toute notre enfance. Les enfants de son fils, deux adorables filles, sont nées un peu plus tard.

Eugénie a la joie d’avoir huit petits-enfants, qu’elle aime infiniment, cinq garçons et trois filles, Jean-Marc, Sylvia, Jean-Michel, Vincent, Philippe, Régis, Jennifer et Jessica.

Elle est toujours partante pour un café-gâteau consommé en pâtisserie ou en terrasse, pour une séance de cinéma, pour un petit tour à la piscine malgré le fait qu’elle ne sache pas nager. Elle marche alors dans le petit bassin là où elle sait qu’elle a pied. Elle aime les restaurants, qu’ils soient français, allemands, italiens ou chinois. C’était et c’est toujours un réel bonheur de l’emmener manger. Elle se tient bien, s’émerveille de tout, admire tout et commande et goûte de tout, spécialement des desserts sucrés. Elle boit même un petit verre de vin, mais uniquement au restaurant et elle se met sur son trente et un pour sortir. Boucles d’oreilles, bagues, colliers, bracelets et toujours un léger parfum de lavande. Elle est rayonnante.

Parfois, un simple curry consommé en Allemagne fait son bonheur, elle y sirote toujours un « Malsbier », une bière de malt sucrée. Eugénie s’adapte à tout et partout. Un jour, nous sommes allées prendre un petit déjeuner dans un fast-food en sortant d’une prise de sang où elle devait se rendre à jeun. Elle a observé le système et a bien tranquillement bu son café au lait, qu’elle adore encore aujourd’hui, et mangé sa pâtisserie, son petit pain, et bu son jus d’orange. Un vrai bonheur. Elle cherchait les assiettes et s’est finalement contentée de tartiner son pain avec un couteau en plastique sur un emballage en papier posé sur la table et elle a bu dans le gobelet en carton, avec le couvercle muni d’un opercule à ouvrir, pour boire.

Eugénie aime aussi les glaces prises en dehors de chez elle, surtout en Allemagne dans un Eiscafé, un établissement dédié aux glaces, aux sorbets, aux cafés et aux crêpes en tous genres.

Eugénie et les voyages… c’est une véritable globe-trotteuse… elle est de tous les voyages, les excursions et les pèlerinages. Avec moi, elle est partie trois fois en vacances, une fois à Saint-Raphaël, une fois à Argelès-sur-Mer et une autre fois aux Baléares. « Les voyages forment la jeunesse », disait-elle toujours.

En France, je louais toujours un Mobil-home où elle avait à chaque fois sa propre chambre, nous partagions nos repas, nos moments sur la plage et nos soirées ensemble. Elle aidait volontiers à la cuisine, faisait des confitures ou des marmelades avec les fruits juteux gorgés de soleil qu’elle trouvait sur les marchés du sud. Elle aimait les marchés régionaux et admirait les paysages, qu’ils soient montagneux, boisés ou tout simplement la mer.

Lors du trajet pour aller en vacances, à l’aller comme au retour, elle commentait les villes et les villages connus où nous passions, aussi bien par l’autoroute que par la route nationale. Il faut dire qu’elle était très cultivée, elle passait ses journées dans les livres et les atlas de la route. Certaines pages de son atlas étaient tellement usées, à force d’être consultées, qu’elles en avaient perdu leur couleur et que l’écriture commençait à disparaître aussi.

Eugénie adorait acheter des cartes postales des endroits et lieux qu’elle avait visités et aimés. Les dernières vacances que j’ai passées avec elle et mes enfants, c’était près des Pyrénées. En partant du camping, elle m’a dit d’arrêter la voiture et elle a dit « Adieu merveilleuses Pyrénées, on ne se reverra plus… Adios… » Je n’ai pas compris ou voulu comprendre, mais j’ai respecté son moment d’adieu et je n’ai rien dit. Elle a souri, elle a levé les mains en prière au ciel et nous sommes reparties vers notre Lorraine natale, la voiture chargée de quelques petites branches d’oliviers qu’elle avait pris sur de grands oliviers voisins afin de les faire pousser chez nous une fois qu’ils auront pris racine. Elle avait pris soin de mettre ses branches dans un mouchoir très humide et entouré de papier aluminium afin qu’elles ne s’assèchent pas.

Le soir, dans les campings où je réservais, il y avait toujours une animation et ma grand-mère était toujours présente, que ce soit pour le karaoké, les danses folkloriques, les soirées pizzas ou crêpes, et pour les paellas géantes. Elle participait aussi aux excursions et aux sorties ainsi qu’aux visites guidées dans les confiseries, les magasins de fromages, la fabrication de miels chez les apiculteurs, et la fabrication des parfums de Provence. Elle aimait visiter les zoos, et les musées de toutes sortes, sa curiosité n’était jamais étanchée.

Aux Baléares par contre, elle n’avait pas besoin de faire la cuisine et la journée se limitait aux repas pris dans l’hôtel, aux visites des sites environnants et aux séances de bronzage sur la plage sur un transat et sous un parasol en chaume. Elle lisait beaucoup ou elle faisait des mots fléchés, des mots croisés ou alors elle faisait des photos souvenirs avec son petit appareil photo. Elle admirait aussi beaucoup la mer, la plage, les couchers de soleil magnifiques sur l’eau. Au retour de la plage, elle aimait flâner dans les boutiques où l’on trouvait souvent des bibelots en forme de sacs remplis de petites choses, de pièces et de légumes. Ces sacs étaient, d’après les habitants de l’île, un symbole de chance et de richesse. À onze heures quarante-cinq tapantes, elle remballait invariablement ses affaires et se dirigeait vers la salle de restaurant où un repas nous était servi. C’étaient toujours des buffets, chauds ou froids. J’adorais la voir regarder toutes les spécialités et choisir celles qu’elle allait savourer. Un régal pour le cœur, pour les yeux et les papilles.

Elle a voulu visiter la fabrique de perles et nous avons fait cette excursion pour elle. Elle a beaucoup aimé. Tous les soirs, nous prenions un verre au bord de la piscine éclairée par des ampoules multicolores dont les reflets donnaient à l’eau bleue des airs de douceur, de bonheur et de fête. Elle aimait savourer un Baileys Irish Cream, une liqueur à base de Whisky irlandais et de crème. J’adorais voir son visage se parer de rouge quand elle commandait, toute timide, sa boisson, comme une petite fille prise en faute. Elle savourait son cocktail avec une paille et mangeait les fruits frais qui étaient accrochés autour du verre avec une délectation, non dissimulée, qui faisait plaisir à voir.

Une fois le verre vide et notre discussion achevée, la soirée s’achevait dans la chambre. Eugénie avait sa propre chambre. Je crois qu’elle a beaucoup aimé ce séjour, même si c’était au mois de septembre. Elle était si belle avec son petit chapeau blanc en tissus genre bob et son tablier bleu ou son joli maillot de bain vert. Une grand-mère moderne, belle, accueillante et si gentille. En ce qui concerne l’avion, elle redoutait un peu le vol, mais tout s’est très bien passé. La photo prise sur le tarmac en sortant de l’avion par un photographe le prouve, elle a un magnifique sourire.

Eugénie partait aussi avec ses copines dans un centre de vacances pour les familles de mineurs à la montagne à Praz-sur-Arly, des moments de détente qui lui faisaient du bien. Elle faisait de longues balades en montagne et a visité un peu l’Italie. Elle nous envoyait à tous des cartes postales choisies avec soin. Quand elle rentrait, malgré son petit budget, chacun d’entre nous avait droit à son petit cadeau.

Les pèlerinages : Eugénie est très pieuse. Elle se rendait souvent à Lourdes en famille avec ses sœurs et ses neveux et nièces. Elle en garde un souvenir intact. Souvent, elle me parlait de la procession du soir, de l’élan d’amour et de la spiritualité qui se dégage de la foule des malades et des pèlerins qui y participent. J’ai vécu pour mes quarante ans pour la première fois ce bonheur et durant la procession, j’ai appelé ma grand-mère en lui faisant écouter « l’Ave Maria » chanté en chœur et avec ferveur par la foule des fidèles et des malades. J’ai entendu sa voix trembler, ses mots avaient du mal à sortir de sa bouche. Puis, au fond du combiné, au loin, j’ai entendu les mots « merci, merci du fond du cœur », ces mots étaient dits avec tellement de ferveur et de joie que j’en ai pleuré de bonheur. Jamais je n’oublierai cet instant de partage de notre foi commune. Eugénie a des médailles miraculeuses dans tous les recoins de sa maison, elles sont rangées soigneusement, il y en a même une sur le porte-clés de la boîte aux lettres.

Elle se rendait aussi à Saint-Judes à Metz, à Lisieux et aux différents pèlerinages au départ du village. Elle a même eu un très beau cadeau de son fils, un chapelet bénit par le Saint-Père en personne, à l’époque c’était Jean-Paul II, c’était un cadeau d’une valeur inestimable à ses yeux et elle y tient beaucoup.

Eugénie a une passion pour les chouettes et les hiboux. Dans sa maison, on en trouve de toutes sortes, en bibelots, des grands des petits, en montre, en miroir, en canevas, en cadres, en tasses. Elle a aussi fait beaucoup de coloriages de chouettes. Elle s’est acheté toute sorte de bijoux en forme de chouettes (broches, colliers).

Ma grand-mère est une personne très accueillante, elle offrait le café et du gâteau à tous ceux qui franchissaient le seuil de sa porte. Sa maison était toujours impeccablement rangée et il y faisait bon vivre. Les rideaux, les nappes, tout était assorti et impeccable. Dans sa cuisine trônait un canevas « des glaneuses » de Jean-François Millet. Elle l’a fait elle-même toute seule. Elle glissait dans le cadre ses documents précieux et des photos récentes. Sa maison était vivante partout, il y avait de petits gadgets.

Le pot de confiture oublié

Par une belle journée d’été, Eugénie décida de faire de la confiture. Elle alla cueillir les fruits frais, les lava, les coupa et les mit à cuire avec la quantité de sucre correspondante. Il s’agissait de jolis abricots à la belle couleur orangée. Elle se prépara ensuite pour aller rendre visite à une de ses sœurs qui vivait au village. Elle avait préparé des salades du jardin pour elle et elle lui avait confectionné un beau gâteau à la crème qu’elle avait l’intention de savourer avec elle en toute tranquillité comme à son habitude. Elle se coiffa, mit de beaux habits d’été, car elle était très coquette et prit son panier rempli de belles salades de son jardin pour descendre à pied la rue qui menait jusque chez sa sœur Célestine.

Elle y arriva dix minutes plus tard, car elle avait le pas rapide. Elle prit avec son beau-frère et sa sœur le café tout en discutant des nouvelles du village, comme les naissances, les maisons à vendre, les projets pour la vente annuelle de l’association qui aide au chauffage et à l’entretien de l’église. Célestine a sorti sa boîte avec les photos en noir et blanc qui les faisaient instantanément voyager au temps de leur jeunesse, leur mariage, la naissance de chacun des enfants, les décès. Cette boîte contenait des trésors et suscitait toujours beaucoup d’émotions et de rires lorsqu’elles l’ouvraient.

Une heure plus tard, une épaisse fumée noire s’échappa de la véranda d’Eugénie, où elle avait l’habitude de cuisiner en été. Ma maman, qui vit dans la maison juste à côté, courut chez elle, alertée par l’odeur de brûlé qui se répandait autour de la maison. Cette fois, ma grand-mère a eu de la chance. Une fois le gaz coupé sous le confiturier et la porte ouverte en grand, il n’y a pas eu plus de dégâts. Il faut dire que le gaz était allumé sur son niveau le plus bas et qu’il y avait une grande quantité de confiture. Donc il n’y a pas eu de dégâts supplémentaires pour cette fois et c’est tant mieux. Ma maman a attendu patiemment le retour de ma grand-mère et lui a demandé si elle n’avait rien oublié. Elle a répondu que « non » et puis elle s’est souvenue avoir commencé à préparer de la confiture, et comme elle est sortie par la porte de devant, elle a oublié qu’elle l’avait mise sur le gaz qui se trouvait à l’arrière de la maison sous la véranda près de la porte de derrière.

Elle a tout de suite paniqué, mais en voyant que les seuls dégâts étaient une confiture brûlée et une odeur tenace et âcre de brûlé, elle a été rassurée. À la suite de cet incident, nous lui avons enlevé la cuisinière au gaz afin d’éviter d’autres surprises et problèmes de ce genre à l’avenir.

Elle a été vraiment contrariée à propos du fait qu’elle n’ait plus de cuisinière, mais pendant les premières semaines, elle n’a pas trop exprimé son mécontentement, ce n’est venu que par la suite lorsqu’elle a voulu faire d’autres confitures avec des fruits qui lui ont été offerts par sa sœur.

Examen et pose du diagnostic

Pour voir s’il y avait peut-être un souci au niveau de la mémoire, son médecin lui a fait prescrire une I.R.M. cérébrale (Imagerie à Résonance Magnétique), elle avait alors quatre-vingt-cinq ans.

L’examen est effectué rapidement, car ma grand-mère a été très coopérante. Le diagnostic est tombé, il s’agit d’une démence sénile. Le médecin nous a expliqué que les connexions ne se faisaient plus correctement au niveau de son cerveau, ce qui explique qu’elle oublie des choses et que ce n’est pas du tout de l’étourderie. Le médecin nous conseille alors de mettre des activités en place à l’extérieur de la maison et prise en charge par des professionnels afin de continuer à stimuler au maximum sa mémoire et éviter qu’elle ne s’altère trop rapidement.

 

 

 

 

 

Qu’est-ce que la démence

et quelle est son évolution ?

 

 

 

Comment écrire sur la démence de ma grand-mère, ses signes, ses symptômes et son évolution à des personnes qui ne connaissent pas cette maladie dont on ne parle d’ailleurs pas forcément beaucoup et qui est souvent associée à la folie et à l’évolution normale de la personne âgée, voire parfois à la seule maladie d’Alzheimer.

 

 

Lorsque l’on n’est pas directement concerné par cette maladie, ou que l’on n’a pas de proches dans son entourage qui en souffre, il est normal de ne pas en savoir grand-chose. Dans notre monde moderne, il y a tellement de préoccupations diverses chaque jour que même si l’on est concerné par le sujet, on ne fait pas forcément de recherches, on vit au jour le jour.

 

Je vais essayer en quelques lignes d’expliquer ce qu’est cette maladie et les conséquences qu’elle a pour le malade comme pour la famille qui l’entoure. À l’aide de ces explications, il vous sera plus facile de comprendre le récit de la vie de ma grand-mère Eugénie qui suit, et qui commence à partir du moment où la démence a été détectée jusqu’à son évolution ultime. Le récit est le résumé fidèle du quotidien que nous avons tous vécu à ses côtés. D’ailleurs, je suis persuadée que beaucoup de personnes aidantes trouveront ces faits et situations conformes à ce qu’elles ont vécu, ou vivent encore, au contact d’une personne démente.

 

Devenir dément c’est perdre la raison. La démence n’est pas une composante normale du vieillissement.

 

Le cerveau est un organe qui remplit deux ordres de fonctions :

1°) C’est le centre qui règle la mécanique des mouvements et des sensations ;

2°) C’est le siège de la pensée, de l’humeur, de la régulation de certaines fonctions automatiques (température, respiration, etc.).

 

La démence est un terme général désignant un déclin des aptitudes mentales assez grave pour interférer avec la vie quotidienne. Les pertes de mémoire en sont un exemple. (Source : www.org)

La démence se caractérise aussi comme étant un syndrome évolutif de l’altération des fonctions cognitives : mémoire, résonnement, orientation, compréhension, calcul, langage, capacité d’apprentissage, jugement. La conscience n’est pas touchée, elle reste longtemps préservée. C’est un traumatisme qui affecte le cerveau. Cette maladie est très éprouvante pour le malade, mais aussi pour la famille et l’entourage.

 

Les conséquences de cette pathologie sont diverses :

– Physiques ;

– Psychologiques ;

– Sociales ;

– Économiques.

 

Les conséquences physiques sont d’ordre de la motricité, la personne peut perdre ses capacités de motricité fine et de coordination. Même si elles comprennent et savent ce qu’elles veulent faire, il se peut qu’elles ne soient plus en mesure de le faire.

 

Les conséquences psychologiques de la démence sont des symptômes comportementaux qui peuvent résulter de modifications fonctionnelles comme l’inhibition réduite des comportements inappropriés (exemple les personnes peuvent se déshabiller dans des lieux publics). Il y a aussi une mauvaise interprétation des signaux visuels et auditifs.

 

Au niveau social, les conséquences sont une exclusion, les personnes démentes de par leur inaptitude à converser avec leur entourage à cause de leurs absences momentanées ou encore de leur comportement agressif parfois réactionnel à l’impossibilité de communiquer correctement sont isolées. Ces réactions sont inappropriées en public et se manifestent par des cris, des mots vulgaires, des tendances à jeter des objets. Ces personnes sont déjà considérées comme « mortes » socialement alors qu’à force de patience des échanges sont encore possibles, et ces échanges permettent un ralentissement, certes relatif, de l’avancée de la maladie.

 

La démence a un coût, qui comprend les soins dispensés par les aidants ou les membres de la famille, le matériel qui devient indispensable au fur et à mesure de l’évolution de la démence, les protections, le déambulateur ou le fauteuil roulant, le lit médicalisé, la chaise de douche, parfois une douche plus adaptée à la toilette des personnes âgées.

 

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la démence est l’une des causes principales de handicap et de dépendance parmi les personnes âgées dans le monde. (Source Passeport Santé)

 

 

Les signes sont :

– Des problèmes de concentration, de communication et de compréhension ;

– Des changements d’humeur et de comportement ;

– Une désorientation dans le temps et l’espace ;

– Des difficultés dans les taches de la vie courante.

Il existe différents types de démence :

 

Les principaux types sont :

– La maladie d’Alzheimer (la plus répandue), les symptômes sont une perte de mémoire, une désorientation, un changement de comportement, des difficultés dans l’expression orale et écrite ;

– La démence à Corps de Lewy : elle provoque des hallucinations, des troubles de l’humeur et du comportement. La cause des troubles neurocognitifs est inconnue, mais les démences à Corps de Lewy ont une protéine que l’on observe également dans la maladie de Parskinson ;

– La démence fronto-temporale : les symptômes sont la modification de la personnalité, une négligence physique, un comportement inapproprié et le désintérêt pour ses proches ;

– La démence vasculaire : elle est provoquée par un accident vasculaire cérébral (A.V.C.) et entraîne une perte des fonctions cognitives et exécutives et entraîne une perte d’autonomie ou une multitude de micro-accidents (« ramollissement cérébral »).

 

Ces démences dégénératives représentent la majorité des maladies neurologiques, ce qui entraîne une altération de capacités cognitives.

 

En clair, une maladie neurologique c’est un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique.

 

Les capacités cognitives sont les capacités qui nous permettent d’être en interaction avec notre environnement. Ces capacités permettent de percevoir, de se concentrer, d’acquérir des connaissances, de résonner et d’interagir avec les autres.