V.I.T.R.I.O.L - Jean-Pierre Ribat - E-Book

V.I.T.R.I.O.L E-Book

Jean-Pierre Ribat

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Beschreibung

Marcel Fortesse découvre un bien étrange manuscrit, vieux de plusieurs siècles...

Guidé par le testament d’un obscur moine alchimiste, le désormais célèbre – mais toujours aussi caustique – docteur Marcel Fortesse se lance dans une chasse au trésor improbable. L’objet de toutes les convoitises ? Rien de moins que la fortune de l’armée huguenote qu’Henri IV se fit dérober lors de son séjour à Mantes-la-Jolie.

Découvrez sans plus attendre cette nouvelle aventure palpitante du docteur Fortesse !

EXTRAIT

« Aux éléments minéraux et végétaux susnommés,
Il faudra adjoindre les éléments de vie suivants :
Sept gouttes du sang vif d’un supplicié,
Cinq larmes d’un enfant mâle,
Trois gouttes d’urine d’une femme impure,
Une goutte de semence tirée du corps même du préparateur.
Le mélange final devra être réalisé à l’abri de toute lumière
Pendant un Pater Noster dit de la fin jusqu’au début. »

Philopétres soupira en se grattant la tonsure. D’un geste las, il referma le lourd volume qu’il venait de consulter. Sous l’effet dusouffle d’air déplacé, les trois bougies du chandelier s’éteignirent. Il resta dans la pénombre, à contempler la poussière scintillante qui retombait lentement sous la lueur d’un rayon de lune.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Ribat est né en 1961 à Toulouse. D’abord médecin généraliste, il devient médecin urgentiste à l’hôpital de Mantes-la-Jolie, puis consultant au centre de dépistage anonyme des maladies sexuellement transmissibles. Il est par ailleurs médecin-capitaine des pompiers et fut ainsi missionné en Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010. Jean-Pierre Ribat est aussi passionné de rugby, de course à pied et il est le chef de chœur des Copains d’abord, une chorale de quatre-vingts personnes... Fragrance Lila est le quatrième opus de Marcel Fortesse. Après les trois enquêtes Pas d’obstacle ?, Poussière d’anges et V.I.T.R.I.O.L, cette fois il part en quête de l’amour.

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PRÉSENTATION DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Ribat est né le 13 novembre 1961 à Toulouse. D’abord médecin généraliste, il devient médecin urgentiste à l’hôpital de Mantes-la-Jolie, puis consultant au centre de dépistage anonyme des maladies sexuellement transmissibles. Il est par ailleurs médecin capitaine des pompiers et fut ainsi missionné en Haïti après le tremblement de terre. Jean-Pierre Ribat est aussi passionné de rugby, de course à pied et est chef de chœur des Copains d’abord, une chorale de 80 personnes… V.I.T.R.I.O.L est la troisième enquête de Marcel Fortesse, après Pas d’obstacle ? paru en 2012 et Poussière d’anges en 2013, aux éditions ThoT.

RÉSUMÉ

Guidé par le testament d’un obscur moine alchimiste, le désormais célèbre – mais toujours aussi caustique – docteur Marcel Fortesse se lance dans une chasse au trésor improbable. L’objet de toutes les convoitises ? Rien de moins que la fortune de l’armée huguenote qu’Henri IV se fit dérober lors de son séjour à Mantes-la-Jolie.

Visita Interiora Terrae,Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem

Visite l’intérieur de la Terre,et en rectifiant, découvre la pierre cachée

Roman terminé dans la quiétudede l’hôtel Le Clos de Verneuil-sur-Avre.Dans un petit paradis normand,j’ai été accueilli par des hôtes charmants.Qu’ils soient remerciés pour leur hospitalité.

CHAPITRE 11593

« Aux éléments minéraux et végétaux susnommés,Il faudra adjoindre les éléments de vie suivants :Sept gouttes du sang vif d’un supplicié,Cinq larmes d’un enfant mâle,Trois gouttes d’urine d’une femme impure,Une goutte de semence tirée du corps même du préparateur.Le mélange final devra être réalisé à l’abri de toute lumièrePendant un Pater Noster dit de la fin jusqu’au début. »

Philopétres soupira en se grattant la tonsure. D’un geste las, il referma le lourd volume qu’il venait de consulter. Sous l’effet du souffle d’air déplacé, les trois bougies du chandelier s’éteignirent. Il resta dans la pénombre, à contempler la poussière scintillante qui retombait lentement sous la lueur d’un rayon de lune. Il envisagea un instant de faire un peu de ménage dans cette pièce cachée sous le toit de la majestueuse église collégiale de Mantes-la-Jolie. Personne d’autre que lui n’était autorisé à y pénétrer. Épousseter ses grimoires, cornues et alambics ne lui était jamais venu à l’esprit auparavant. Mais à quoi bon ? Les particules retomberont rapidement là d’où on les aura chassées. La propreté, pas plus que la pureté, n’existent… Comme un aveugle, il caressa du doigt le titre gravé en creux dans l’épaisse couverture de cuir :

« Le Livre des Amputations Rituelles »

Il avait passé plus d’un mois à courir le Mantois pour recueillir les « éléments minéraux et végétaux susnommés ». Combien de jours allait-il encore falloir compter pour trouver les derniers ingrédients ? S’il perdait trop de temps, le trésor aurait quitté la ville et il devrait renoncer à son projet de le dérober. Il devait se hâter de terminer cette potion sédative destinée à endormir les gardes.

Il avait déjà recueilli les principes mâle et femelle de l’antimoine, ou Mercure de vie. La forme mâle de ce métal aux multiples propriétés – nommé « khôl » – avait été facilement trouvée au marché de Mantes-la-Jolie, où les caravaniers la monnayaient à prix d’or pour les élégantes et les « mignons » qui s’en servaient comme fard à cils.

Le principe femelle, ou Poudre d’Algaroth, tiré du minéral naturel d’antimoine, servait à durcir le plomb. Philopétres avait pu en trouver quelques grammes chez un imprimeur qui se tenait près de la Porte-aux-saints. Une pierre toxique qu’il avait prudemment enfermée dans une fiole en verre épais. L’alchimiste Basile Valentin avait décimé les habitants d’un monastère se nourrissant de pourceaux engraissés avec un broyat d’antimoine. D’où son nom d’après la légende populaire…

Le petit moine avait également réuni les huiles essentielles des diverses plantes nécessaires pour son poison : aubépine, valériane, opium et passiflore, cette étonnante « fleur de la passion » découverte récemment dans les Indes occidentales, multipliant à l’infini les symboles de la souffrance du Christ.

En cette période troublée par les guerres de religion, trouver un supplicié était, hélas, une affaire plus aisée que d’acquérir une miche de pain. L’un d’eux pourrissait depuis trois jours au pilori près du parvis de la collégiale, sans se décider encore à quitter ce monde. Tête et mains entravées dans trois trous situés à un mètre et demi du plancher de l’estrade où cet instrument de torture était fixé, le malheureux ne pouvait ni s’agenouiller, ni se tenir debout. C’était le prieur du couvent des Cordeliers qui y était enchaîné, pour avoir tenté d’ouvrir nuitamment une porte de la ville afin de donner accès aux forces catholiques de la ligue.

Une nuit où la lune était masquée par les lourds nuages noirs des giboulées de mars, Philopétres se glissa près du moine avec lequel il avait souvent échangé des idées sur la théologie :

— Je viens chercher votre bénédiction, mon père.

Le corps martyrisé fut parcouru d’un léger frisson. La tête pendait inerte dans le trou central du pilori, au-dessus d’une flaque de sang séché provenant de ses yeux crevés par le poignard du bourreau. Dans les orbites grouillaient des vers nettoyant les chairs mortes. Les lèvres tuméfiées laissèrent passer le souffle d’une voix :

— Philopétres-le-Nain, au nom de la charité chrétienne, aide-moi à mourir.

— C’est ce que je suis venu faire, Prieur.

— Enfin, Dieu a entendu mes suppliques, fais vite. Je parlerai pour toi au Seigneur.

— Qu’il vous écoute et me pardonne.

D’un geste vif, avec un rasoir, il trancha la gorge du vieil homme en tendant un plat à barbe sous sa tête pour y recueillir le sang. Il sentit avec dégoût ses bras se couvrir du liquide chaud et visqueux. Le corps du prêtre s’affaissa un peu plus et le jet se tarit. Philopétres quitta rapidement la place après un signe de croix. Achever un supplicié était puni de mort. La mort, toujours la mort… La pluie se mit à tomber, comme pour laver son crime.

Tuer un vieux prêtre agonisant, sous le couvert d’un sentiment de charité, ne lui avait pas paru bien difficile. Mais faire pleurer un enfant… Allait-il en avoir le courage ? En approcher ne serait pas bien compliqué puisqu’il avait été nommé maître de chœur de la collégiale, en charge des voix d’anges. Mais il les aimait trop pour leur faire du mal ! Eux qui étaient si semblables à lui, ne serait-ce qu’à cause de sa petite taille.

Il secoua la tête comme un cheval qui s’ébroue. Non, il ne renoncerait pas à son projet. Il fallait voir dans cette quête une épreuve que lui envoyait le Ciel… à moins que ce ne soit une tentation diabolique ? Rester pur en pratiquant la méchanceté, était-ce possible ? Les alchimistes dont il avait suivi l’enseignement l’avaient prévenu : le magicien noir doit payer les secrets qu’il remonte des Enfers en y abandonnant des fragments de son âme au Malin. Peut-être était-il en train de se perdre…

À la fin de la répétition, il retint Amaury, un gros garçon de huit ans, fils d’un cuisinier du château, récemment arrivé dans la chorale. Philopétres n’avait pas encore noué avec lui de liens d’amitié. Le choisir comme victime de l’accusation injuste qu’il avait préparée lui semblait possible :

— Amaury, l’archange Gabriel m’a prévenu que tu avais volé un des œufs d’or qui sont au pied de la statue de Notre-Dame. Je veux que tu me le rendes et je dois te châtier.

L’enfant ouvrit de grands yeux incrédules. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque c’était son chef de chœur lui-même qui avait commis le larcin et l’avait glissé dans la poche du paletot du gamin ? Sûr de son fait, « l’injusticier » tendit l’index vers le vêtement que l’enfant venait d’enfiler :

— Vide tes poches !

Sans un mot, Amaury s’exécuta et tendit au prêtre ses mains pleines de ficelles, bouts de bois sculptés et cailloux multicolores.

— Tu n’as pas tout sorti. Retourne-les !

Il s’efforçait de conserver une voix courroucée mais sentait monter en lui de la compassion devant la mine contrite de sa victime. Il lui fallait conclure rapidement cette scène pénible. Le bambin tira vers l’extérieur de son manteau les deux sacs cousus où il rangeait ses trésors. La poche où Philopétres avait glissé l’œuf d’or était trouée, et vide…

Il regarda le garçon, en proie à l’indécision. Le gifler quand même, comme il l’avait prévu ? ou remettre à plus tard un nouveau scénario pour obtenir des larmes ? Il vit alors Amaury dandiner son gros derrière en fronçant les sourcils, puis agiter frénétiquement sa jambe gauche jusqu’à ce qu’un petit éclat de lumière s’échappe de ses braies pour rouler sur les dalles de pierres. L’enfant se jeta à genoux et s’accrocha à la soutane du prêtre en le regardant avec effroi :

— Au nom de Dieu qui sait que je suis innocent, ne dites pas à mon père que je chie des œufs d’or, sinon il m’ouvrira le ventre pour y prendre les autres !

Le prêtre leva une main vengeresse pour frapper sa victime mais la drôlerie de sa réflexion figea son geste. Alors, répondant à un instinct plus fort que sa pensée, il se jeta sur l’enfant pour le couvrir de chatouilles :

— Voilà ce que tu mérites pour ta peine, vilain crapaud !

Passé le premier instant de stupeur, l’enfant commença à se tordre en riant aux éclats et cela dura, dura… jusqu’à ce que Philopétres remarque qu’Amaury pleurait de rire. « Mais bien sûr ! » pensa-t-il. Il retrouva aussitôt son sérieux et bloqua la main de l’enfant qui s’apprêtait à essuyer ses larmes. Alors, empoignant le fin flacon de cristal qu’il avait préparé, il recueillit le précieux liquide sur les joues parsemées de taches de rousseur :

— File maintenant. Tout cela restera notre secret.

Le bambin ne demanda pas son reste. Il détala jusque chez lui en oubliant tout très vite, tant il est vrai que l’étrange, le merveilleux et le rire font naturellement partie de l’univers des enfants, sans qu’ils s’en étonnent.

Près du marché au blé, à l’hôtel « Aux deux grelots », se tenait un bordel où les paysans venaient dépenser le produit de leurs ventes. Le petit moine, qui jouissait dans la région d’une flatteuse réputation de guérisseur, y avait ses entrées. Il avait été maintes fois mandé là-bas pour soigner les maladies vénériennes des filles et les malaises des clients. Quand on n’avait pas d’argent pour payer ses potions, il acceptait parfois les services sexuels des prostituées à titre de dédommagement. Le vœu de chasteté était un vœu pieux… que de rares religieux respectaient.

Même l’évêque fréquentait le lupanar. Philopétres avait dû le secourir lors d’une panne sexuelle qui avait jeté le prélat dans une rage inouïe. Heureusement, une décoction d’écorces d’un arbre venue d’Afrique, mélangée à une eau-de-vie de prunes, avait fait retrouver sa vigueur au membre rétif, et trois filles avaient été nécessaires pour qu’il accepte de se reposer enfin. Après un tel exploit, le nain avait acquis une espèce d’odeur de sainteté, au bordel comme à l’évêché…

Il jeta un regard circulaire dans la salle d’accueil, où trois prostituées attendaient, silencieuses, chacune perdue dans ses pensées. Le lieu était toujours fortement chauffé, afin que ces femmes presque nues ne prennent pas froid et que les clients aient soif. Ceux-ci pouvaient y manger, boire, jouer aux cartes et même dormir. Il y régnait une odeur lourde de corps en sueur. Jamais un courant d’air n’en chassait la puanteur car les fenêtres avaient été murées.

Il pria Marguerite, une solide Beauceronne dont il avait patiemment retiré au couteau les cinquante-sept crêtes-de-coq qui ornaient son sexe, de le suivre dans une chambre :

— Ma fille, j’ai besoin de ton urine pour une de mes préparations magistrales. Je te prie de pisser dans cette cruche.

Il existe peu de fantasmes capables de surprendre une prostituée expérimentée. Elle ne parut pas étonnée par celui-ci. L’ondinisme faisait partie des demandes les plus fréquentes de ses clients. Par contre, sa réponse contenait de quoi effrayer un prêtre pourtant habitué à entendre des faits troublants en confession :

— Tout ce que tu voudras mon petit. Mais ne m’appelle pas « ma fille ». Y’a qu’ mon papa qui m’appelait comme ça et tu peux pas le remplacer. C’était le premier et le meilleur de mes amants.

— Fille incestueuse ! Tu es vraiment l’impure qu’il me faut ! Urine vite là-dedans qu’on en finisse.

Elle releva sa jupe et exposa son sexe velu. En contemplant son pubis, il se souvint des verrues vénériennes qu’il avait excisées. Les multiples cicatrices étaient disposées, autour de la vulve, comme des oculi sur la queue d’un paon qui fait la roue. Une gravure lui revint en mémoire, tirée d’un livre traitant des anciennes légendes grecques : la tête aux multiples yeux du géant Argos, tranchée par un jeune dieu aux pieds ailés, Hermès-le-Trois-fois-grand. Il envoya une pensée reconnaissante au guide tutélaire des alchimistes, qui lui soufflait de poursuivre ses nobles desseins sans s’attarder à de vils plaisirs.

Les lèvres s’écartèrent pour laisser passer le flot clair et odorant des urines. La catin, abreuvée de mauvaise bière, n’eut pas de peine à remplir le broc. Avec un sourire coquin, elle s’essuya avec le bas de sa jupe.

— Tu me le prends mon minou, maintenant, moinillon ? ou tu préfères mon cul ? Je me souviens que la seule partie de toi qui est grande, c’est ton vit. Long et potelé comme le bras d’un bébé. Allez, viens mon mignon, sors ton braquemart. Je m’en vais le cajoler !

— Un grand merci pour ton offre, ma bonne. Cela aurait été avec plaisir mais je dois garder ma semence pour une tâche plus noble. Ce sera pour une autre fois. Voici le salaire de ta peine.

Il jeta sur la table un écu d’or.

— Merci Monseigneur. Tu es bien généreux. Je suis payée pour pisser ! Quel beau métier je fais ! Reviens quand tu veux, prêtre. Si tu aimes les choses sales, tu as trouvé celle qu’il te faut. Je peux faire bien pis que ça.

— Je n’en doute pas. Jusqu’au revoir, donc.

Dans la salle du bas, Philopétres fut arrêté par un client ivre. Convaincu qu’il transportait de la bière dans sa cruche pleine à ras bord, le poivrot demandait la charité et le partage en tendant sa chope vide. Le pieux moine la lui remplit généreusement et déguerpit en ricanant comme un garnement. Pas sûr que le buveur ait trouvé quelque chose à reprocher à ce breuvage, vu son état d’ébriété… En ce temps-là, la bière était servie tiède.

De retour au couvent des Cordeliers, il se jeta sur le lit de sa cellule, en proie à une érection qui devenait douloureuse à force de déformer sans équivoque sa robe de bure. Il avait dû plusieurs fois changer son chemin pour éviter de croiser des passants, dont le regard aurait été attiré par la volumineuse bosse qu’il ne parvenait pas à dissimuler. Son esprit était envahi par l’image de ce sexe de femme aux cent yeux le regardant comme Caïn dans sa tombe. La culpabilité se mêlait à l’excitation pour produire en lui un orage érotique qui ne demandait qu’à éclater.

À peine eut-il caressé sa verge tendue de désir, que le premier éclair jaillit, suivi de plusieurs autres. Il perdit presque conscience sous la violence du plaisir. Après un temps qu’il ne sut évaluer, il rouvrit les yeux en sentant une goutte lui tomber sur le front. Il vit le crucifix accroché sur le mur juste au-dessus de sa couche, recouvert de son sperme qui commençait à se liquéfier…

CHAPITRE 22013

Je n’ai plus que toi de cheminJ’ai mis mon cœur entre tes mains.ARAGON

— Marcel, tu veux un carambar ?

Assise à côté de moi dans le véhicule du SMUR, Ana-Maria, l’infirmière, me propose une de mes friandises préférées ainsi qu’un charmant sourire agrémenté de deux jolies fossettes. Impossible de résister à la tentation alors que le stress d’une action médicale urgente inonde mes veines d’hormones toutes plus hyperglycémiantes les unes que les autres. Médecin certes, mais humain également, donc faible :

— Oh oui, volontiers ! Justement, j’avais prévu de perdre quelques kilos…

À l’intérieur du papier qui enrobe le bonbon : LA devinette. Depuis toujours. C’est-à-dire au moins depuis que je suis en âge de manger un carambar. Et depuis que je suis en âge de lire, je commence par déchiffrer l’énigme avant de sucer le caramel. « Qu’est-ce qui fait MEUH et qui est vert ? » « La vache kiwi »… Mouais… c’est délicieusement débile.

Je positionne le bâton de pâte sucrée entre mes lèvres comme une cigarette. Je vais essayer de le faire durer jusqu’au terme de l’intervention médicale qui s’amorce. Sinon, elle va m’en proposer un autre, que je n’aurai pas le cœur de refuser.

Étonnante cette expression quand on y pense… « Cœur », ici, signifie courage. Pendant que nous prenons de la vitesse au sortir de l’hôpital, je m’absorbe dans la constitution de mon dictionnaire personnel qui n’est écrit que dans ma tête :

Cœur, siège des sentiments, des passions, de l’amour…

Cœur, pour le centre (« être au cœur »), pour une bûche (« tu me fends le cœur »), pour un fardeau (« j’ai le cœur lourd »), pour un amoureux (« bonjour mon cœur ! »), pour la bonté (« avoir bon cœur »), pour un paysage (« avoir le cœur dévasté »), pour…

— Vas-y le chat ! Chope-le ! Bouffe-le !

En même temps que retentit ce cri dans le 4x4 du SMUR lancé à tombeau ouvert, celui-ci pile brutalement. Mon visage s’arrête à un centimètre du pare-brise. Le carambar s’incurve contre la vitre. Il m’a sauvé la vie en m’évitant le choc. Le carambar ET la ceinture de sécurité aussi, un peu, c’est vrai.

À cette heure du soir où les familles sont réunies autour du repas et du journal télévisé, tous les habitants des HLM de cette rue tranquille du Val Fourré se sont précipités aux fenêtres en entendant le crissement des pneus sur l’asphalte.

Sur le siège voisin, Ana-Maria, les joues décolorées par la peur, aussi blanche que sa blouse, regarde avec effarement le conducteur, un nouveau dont on ne connaît pas encore le prénom. C’est lui qui vient de hurler cette invective guerrière tout en écrasant sa pédale de frein.

Il est désormais silencieux, immobile, les deux bras posés sur son volant, le regard pointé vers l’avant de sa calandre.

Il nous fait quoi, là ? Une crise d’épilepsie ? Un accident vasculaire cérébral ? Un accès de démence ?

Nous cherchons dans la pénombre du soir la scène vers laquelle ses yeux sont dardés : il n’y avait dans la rue déserte qu’un chat poursuivant un rat. Mais le chat, en voyant notre voiture tout irisée de gyrophares lui foncer dessus, s’est tassé sur lui-même avec la ferme intention de s’enfoncer dans le macadam du plein milieu de la route. Le rat, lui, a continué sa course et vient de disparaître dans une bouche d’égout.

Nous ne sommes pas encore revenus de notre stupeur lorsque l’ambulancier ouvre brutalement sa portière et fonce sur le pauvre greffier, de plus en plus recroquevillé sur lui-même. C’est plus fort que moi, je me laisse glisser dans le monde imaginaire que m’inspire irrésistiblement cette scène ; et si j’étais le chat ?

Je vais tenter d’imiter le hérisson. Je l’ai vu hier soir à la télé. Mon maître avait branché, pour une fois, une chaîne animalière. C’était pour plaire à une fille aux opinions écologistes qu’il recevait. Ça m’a beaucoup intéressé, ce reportage sur « les stratégies de défense dans le monde animal ». Bien plus que les films pornographiques qui représentent l’essentiel de ses choix habituels. J’ai regardé l’émission jusqu’au bout, alors que le propriétaire des lieux rejouait les scènes principales de ses films cultes avec son invitée, dans sa chambre. La technique de « la boule de piquants » m’a bien plu et je la mets actuellement en pratique. Sauf que je n’ai pas de piquants. Et que le grand abruti qui m’invective en me demandant à-quoi-je-suis-bon-si-je-ne-suis-même-pas-foutu-d’attraper-un-rat est chaussé de rangers. Il s’apprête à me botter les fesses. Ça va faire mal…

Le coup de pied a donné au chat l’élan qu’il fallait pour atteindre le trottoir d’en face. Et me ramène à la réalité. Chaque fois que je m’évade au pays de l’imagination effervescente pour fuir une situation qui me dépasse, j’en reviens honteux de mon inaction. D’autres auraient déjà ceinturé ce forcené. C’est une de mes stratégies de défense à moi, piètre animal, face à la brutalité de la vie.

Le conducteur remonte dans le véhicule. Je tâche de contrôler le tremblement de colère qui fait vibrer ma voix :

— Tu sais qu’on est en route pour une intervention urgente, là ? Une douleur thoracique ?

Chez les urgentistes, le tutoiement est de rigueur, même envers un inconnu, pourvu qu’il soit vêtu de blanc. L’autre ronchonne :

— C’est bon, on y va. T’inquiète.

Je n’ai pas fini :

— Et la vieille dame que t’as failli écraser tout à l’heure ? T’aurais pas pu freiner comme tu viens de le faire pour le chat, plutôt que de passer à dix centimètres d’elle ? Elle est peut-être morte de trouille à l’heure qu’il est.

— Ben quoi, j’ l’ai pas touchée ! Alors ? Non mais c’est quoi c’ délire ? J’ pouvais pas écraser le minou, quand même, si ?

L’infirmière, qui aime les chats, les chiens, les hamsters, les oiseaux (sauf les vautours) et les dinosaures, est bien obligée de témoigner d’un signe de dénégation de la tête que non, il ne pouvait pas écraser le minou. Les gens qui préfèrent les animaux aux humains m’ont toujours paru suspects, même si… au cours de quelques-unes de mes crises de misanthropie… l’idée a pu me traverser… qu’un chien vaut mieux que deux tueurs de rats. Un jeu de mots minable digne d’un carambar.

Bon, on ne va pas se voler dans les piquants maintenant. On a un type dont le cœur est sur des charbons ardents et qui compte sur nous pour le soigner. Mais il a intérêt à se tenir à carreau, le nouveau. Qui s’appelle Cédric, renseignement pris. Sinon nous arriverons au clash avant la fin de la soirée. Or je préfère les rigolades aux engueulades…

Le GPS nous conduit au pied de la « dalle » du Val Fourré, vaste esplanade surélevée, cernée par de hauts immeubles, où se déroule deux fois par semaine le plus coloré des marchés de la région. Grâce à ses gyrophares, nous repérons l’ambulance des pompiers au fond d’une vaste cour enceinte de fortes grilles, encombrée de véhicules utilitaires des services communaux.

Nous stoppons devant le portail d’un entrepôt. Un guerrier du feu nous attend et nous accueille par un énigmatique :

— Bienvenue à Fort Knox.

Cédric dresse l’oreille :

— Fort Knox, c’est là où qu’y’a les lingots d’or des amerloques ?

Je fais mon savant :

— On y conserve aussi des bibles éditées par Gutenberg.

Il hausse les épaules avec dédain :

— C’est nul de mettre des bouquins dans un coffre-fort ! Moi, si j’arrivais à y pénétrer un jour, je piquerais l’or et je laisserais les bibles de machin-truc, là.

À la réflexion, moi aussi… Je me tourne vers le pompier :

— Pourquoi tu parles de Fort Knox ?

Il désigne le boîtier du digicode qui commande l’ouverture d’une porte en métal épais :

— Pour arriver sur les lieux de l’intervention, il va nous falloir franchir trois autres portes comme celle-là. Avec des codes différents. La responsable des lieux m’a tout noté sur un papier. Suivez-moi.

Chargés de nos sacs d’intervention, nous nous laissons conduire par notre guide le long d’un couloir de béton descendant en pente douce sous la place du marché. Nous écarquillons les yeux devant les dimensions de cette rue souterraine généreusement éclairée par de nombreux néons. Un camion y circulerait sans difficulté.

Cinq minutes et trois portes blindées plus tard, nous parvenons dans une vaste salle encombrée d’armoires métalliques. Près de l’entrée, un espace nu a permis aux pompiers de déployer leur matériel. Un homme d’une quarantaine d’années est étendu sur leur brancard.

Au premier coup d’œil, nous comprenons qu’il souffre comme un damné. Couvert de sueur, la respiration superficielle et rapide, le corps et le visage figés dans une crispation douloureuse, il a l’aspect d’un homme qui est en train de vivre un calvaire.

Pendant que mes coéquipiers installent l’électrocardiogramme sur son thorax, j’interroge le patient : survenue brutalement il y a une heure, la douleur persiste encore. Elle lui écrase la poitrine comme dans un étau et irradie dans les mâchoires. Je me dis, in petto, que si ce n’est pas un infarctus du myocarde, ça y ressemble beaucoup… Quand j’étais jeune médecin, je disais : « Si ce n’est pas un infarctus du myocarde, je me les coupe ! » En parlant de mes cheveux, bien sûr… Depuis, ils ont repoussé et je suis devenu plus prudent avant de proposer un diagnostic…

Entre deux larges épaules de pompiers, je découvre la jolie frimousse d’une jeune fille que je connais bien. Les cheveux noirs, une peau de neige immaculée, un regard vert intense comme la frondaison d’une forêt. Elle observe avec attention nos moindres faits et gestes, tout en restant discrètement en retrait.

— Bonjour ma sorcière bien-aimée. Qu’est-ce que tu fais ici, Ariane ?

J’ai droit au plus beau sourire du monde. D’elle qu’on croyait autiste il y a peu d’années.

— Salut Parrain-de-mon-cœur. Je fais mon stage pour valider la première année de mon école de journalisme. Tu te souviens pas que tu t’es fendu pour moi d’une lettre de recommandation pour le service « Communication et Relations publiques » de la mairie de Mantes-la-Jolie ?

— Ah bon ? Parce qu’il est situé dans ce bunker, le service de la com ? Elle doit pas en sortir souvent, l’info…

— Non, ici, ce sont les réserves non exposées du musée de la ville. Mais je suis devenue copine avec Haïm Gozal. C’est le monsieur qui souffre, là. C’est le chef du service « Patrimoine et Tourisme ». Je suis restée avec lui ce soir parce que je sentais qu’il allait lui arriver un malheur. C’est moi qui ai appelé les secours. Lui, il en aurait été bien incapable tellement il avait mal.

Ariane est très sensitive. Elle perçoit l’impalpable. Elle subodore les évènements imminents. C’est une devineresse. Rien d’étonnant à cela : elle s’est éveillée au monde à l’âge de seize ans grâce aux bons soins d’une vieille dame un peu magicienne qui était une de mes patientes, et une amie. Lorsque celle-ci est décédée tragiquement, j’ai pris son élève sous mon aile. Je suis devenu son tuteur jusqu’à sa majorité, que nous avons célébrée il y a sept mois.

On me présente l’électrocardiogramme du patient : c’est bien un infarctus du myocarde. Je prends sa main moite pour lui expliquer la situation : nous sommes à une heure du début de la crise. Et par conséquent, dans des délais très favorables pour déboucher l’artère nourricière de son muscle cardiaque qui est occluse. Chaque minute compte pour limiter les dégâts. Il bat des paupières pour me signifier qu’il a compris et murmure en me fixant d’un regard suppliant :

— J’ai mal…

J’aurais dû m’en inquiéter plus tôt. L’infirmière ayant déjà posé une perfusion, je lui demande d’injecter de la morphine contre la douleur. Ainsi que de l’atropine pour stimuler son rythme cardiaque que je trouve anormalement lent. Puis je préviens par téléphone le régulateur du SAMU. Sa tâche sera de chercher une unité de soins intensifs cardiologiques (USIC dans notre jargon) pour accueillir mon patient. Bien compris. Il me rappellera dès qu’il aura trouvé une place. En attendant notre destination, nous complétons le traitement du patient par de l’aspirine et un anticoagulant. Cinq minutes plus tard, Cédric, l’ambulancier, me tend un téléphone.

— C’est le SAMU qui veut te parler.

— J’écoute.

— Vous êtes attendus en salle de coronarographie à la clinique cardiologique d’Évecquemont.

— Cool. Ce sont des bons.

— Mais…

— Mais ?

— Ils ont deux coros à faire avant ton patient. C’est la soirée des infarcts. C’est le bordel partout. Les autres USIC du département m’ont proposé des délais rédhibitoires. Y doit y avoir un truc dans les astres ou un film d’horreur à la télé ou ch’ais pas. En tout cas, si t’as des courses à faire, t’as qu’à y aller maintenant et livrer ton patient plus tard.

Heureusement que je connais l’énergumène, toujours partant pour une plaisanterie. Sinon, j’aurais pensé qu’il était mûr pour les psychiatres. J’enchaîne…

— Bon, t’as ma parole d’honneur que j’ai pissé de rire. Maintenant t’arrêtes de déconner et t’expliques.

— Ben voilà, quoi ! Comme y z’ont deux patients à faire avant le tien, ils demandent que tu le thrombolyses tranquillou sur place avant de rouler vers eux.

— Ok. Là j’ai compris. Je te préviendrai quand on quittera les lieux.

Je m’approche du patient qui a fermé les yeux sous l’effet sédatif de la morphine. Je lui reprends la main. Il me fixe avec inquiétude. Je ne veux pas augmenter son stress avec cette histoire de délais. L’angoisse, c’est mauvais pour le cœur. Et dans sa situation actuelle, un rien peut conduire à la catastrophe, la démission cardiaque.

— J’ai quelque chose d’important à vous expliquer. Pour ne pas perdre de temps, avant de nous mettre en route, nous allons injecter dans vos veines un produit pour dissoudre le caillot qui bouche votre artère coronaire. C’est un peu comme du Destop.

— D’accord.

Je passe en revue avec lui les contre-indications de la technique : allergie, traumatisme ou chirurgie récente… Tout est OK. On peut y aller. Je fais signe à Ana-Maria de préparer le produit. Il ne me rend pas ma main. Je le regarde au fond des yeux. J’y découvre la lueur trouble d’un sentiment que je connais bien.

— J’ai peur de ne pas revoir mes enfants.

Il n’a pas tort. Moi aussi j’ai peur pour lui. Mais je ne peux pas le lui dire. Je sais que mes moyens d’action sont limités. À Mantes, une de nos collègues s’appelle Théo, ce qui signifie « Dieu » en grec. Heureusement, elle est fort modeste. Mais je la plains souvent. C’est une grande malchance pour un thérapeute que d’être pris pour une divinité. Mais il y a pire encore : que le médecin lui-même se croie omnipotent.

Je tente de dédramatiser les évènements par une fanfaronnade lourdement appuyée par un clin d’œil :

— Vous savez que vous avez une chance folle ! Vous avez en face de vous la meilleure équipe SMUR du monde !

Il sourit. Vas-y mon gars. Ça dilate les artères, de se marrer. Exactement ce qu’il te faut.

— J’ai envie de vous croire…

— Je comprends. Sérieusement, vous et moi, nous jouons une partie importante, mais croyez-moi, nous avons pas mal de cartes en main. Ils ont quel âge, vos enfants ?

— Deux et quatre ans.

— Vous voulez que je prévienne votre épouse ?

— Oui merci. Moi, je pourrais pas. Prenez mon portable dans ma poche. Appuyez sur la touche numéro un, vous tomberez directement sur elle.

J’appelle et j’informe sa compagne qui, après quelques instants de silence, me demande de transmettre sa tendresse à son mari. D’une voix tremblante mais décidée, elle me dit qu’elle va trouver un moyen pour faire garder les enfants afin de se rendre à son chevet. Je lui recommande de ne pas se presser et de ne pas griller les feux rouges. Elle me rassure. Elle a l’habitude de gérer des situations difficiles. Ben oui… Deux enfants…

— Elle vous embrasse et vous rejoindra à la clinique.

L’infirmière a connecté la seringue de la thrombolyse à la tubulure de la perfusion. Elle attend mon ordre pour injecter :

— On y va.

Le patient m’informe :

— J’ai beaucoup moins mal.

— Parfait. C’est l’effet de la morphine. Dites, y’a quoi dans toutes ces armoires métalliques ?

La vaste salle où nous travaillons est aux trois quarts encombrée de rayonnages fermés par des panneaux métalliques. Haïm sourit franchement en me lançant un clin d’œil puis tourne sa tête vers la jeune fille dont le visage attentif se profile entre deux pompiers.

— Tu lui montres, Ariane ?

Elle fait oui de la tête et m’invite d’un signe à la suivre. Elle ouvre en grand une porte et un assortiment de pipes de toutes formes et de toutes époques apparaît. Plus loin, ce sont des objets provenant de Chine, en jade et en ivoire, soigneusement étiquetés. Puis ce sont des estampes japonaises. Puis de nombreux objets funéraires égyptiens de la période des pharaons. Puis une riche collection de faïences de Delft, de Moustiers et de Rouen.

— Mais ces objets sont merveilleux ! Pourquoi est-ce qu’ils ne sont pas exposés ?

— Il n’y a pas assez de place au musée de l’Hôtel-Dieu.

Je n’arrive pas à détacher mes yeux de ces trésors.

— D’où proviennent ces splendeurs ?

— L’essentiel vient de la donation de Victor Duhamel, l’oncle de l’écrivain Georges Duhamel. Il habitait à Mantes-la-Jolie. Il a beaucoup voyagé en Europe, en Asie et en Afrique. Comme il était curieux de tout, il a ramené un bric-à-brac incroyable. Dans la salle d’à côté, on a entreposé des meubles Art Déco. Viens, je vais te montrer le clou de la collection.

Elle me conduit deux rangées d’armoires plus loin et libère un large tiroir. Je découvre une dizaine de cœurs en plomb larges comme des assiettes. Certains sont gravés d’un nom et d’un prénom ainsi que d’une date. Ariane s’empare de l’un d’eux en mettant un doigt sur sa bouche pour me prier de me taire.

— Écoute.

Elle secoue le cœur de métal qui produit un son de grelot. Il y a quelque chose de dur à l’intérieur. Elle a le regard gourmand d’un enfant qui agite le paquet d’un cadeau avant de le déballer.

— Tu entends ? Il y a un vrai cœur dedans, tout sec.

— Petite ?

C’est notre patient qui l’appelle. Elle repose le cœur dans le tiroir et part en courant comme une biche aux abois. Je la suis. Je contrôle rapidement la fréquence cardiaque de son patron, qui ne me rassure pas. Elle ne s’est pas accélérée malgré les drogues, au contraire. Je n’aime pas ça.

— Ariane, tu peux me montrer mon Luce préféré avant qu’on parte ? On ne sait jamais, si je ne revenais pas…