Vannes à L’encre rouge - Jean-Jacques Égron - E-Book

Vannes à L’encre rouge E-Book

Jean-Jacques Égron

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Beschreibung

Une nouvelle enquête pour le commandant Rosko et la détective Stercoz dans le monde de l'édition.

Le commandant Rosko est alerté par une détective privée, Morgane Stercoz, qu’un homme, accidenté de la route, a déclaré au chirurgien le prenant en charge qu’il a kidnappé un enfant de 6 ans, Mario. Le temps presse, il faut le libérer ! Quelques jours plus tard, on retrouve à Theix le cadavre d’une femme : c ’est la mère de Mario ! Étrangement, ce crime est annoncé dans un manuscrit envoyé à une maison d’édition parisienne. Les deux enquêteurs vont essayer de dénouer cette mystérieuse affaire, qui touche les postiers et le monde de l’édition.

Plongez sans plus attendre dans cette mystérieuse affaire aux rebonsissements incessants sur les traces de meurtres prémédités, avec le 4e volet des enquêtes du Commandant Rosko !

EXTRAIT

Rosko se rendit donc au bureau de Morgane Stercoz, sans la prévenir de son arrivée. Les affaires ne devaient pas être florissantes, car le siège du cabinet de la détective privée se trouvait dans un immeuble délabré et l’on y accédait par un couloir tagué de graffitis obscènes. Il sonna, mais dut attendre poliment derrière la porte plus ou moins vitrée où il vit des ombres s’agiter ; il entendit des éclats de voix équivoques derrière la fine cloison. Il sonna.
Une voix un peu couverte lui dit « d’entrer… »
Le spectacle n’était pas loin d’être cauchemardesque, comme si une tornade avait dévasté la pièce où des dossiers multiformes et des feuilles volantes non identifiées s’éparpillaient aux quatre coins ; la poubelle était renversée, ainsi qu’une chaise. Le champ de bataille témoignait du combat acharné qui avait été livré.
Un grand dadais dégingandé, le corps légèrement voûté, reprit place et convenance derrière son bureau, non sans avoir relevé la chaise qu’il présenta au policier. Morgane Stercoz tenta une explication :
— Nous nous entraînons régulièrement au taekwondo, pour le cas où on aurait à connaître des situations à risque.
Elle lui désigna Corentin, le stagiaire. Rosko se fendit d’un sourire.
— Asseyez-vous, Commandant ! Vous auriez dû me prévenir de votre visite.
Le stagiaire s’éclipsa dans une pièce contiguë.
— Vous vouliez m’entretenir de quelque chose d’important ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Paris, Jean-Jacques Égron a passé son enfance dans le Morbihan. Après des études littéraires, il exerce diverses professions ; il est désormais retraité sur la presqu'île de Rhuys. Il a déjà publié neuf romans policiers ; Vannes à l'encre rouge est sont cinquième roman aux Editions Alain Bargain.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

REMERCIEMENTS

À Josiane Bernard, pour sa lecture critique.

I

Anton Combes roulait à vive allure sur la quatre-voies en direction de Nantes. Vitres ouvertes. Musique à fond. Un CD de Louis Armstrong et cette chanson lancinante : What a Wonderful World. En ce début mai, la route était dégagée, non encore envahie par les touristes, l’air empli de parfums de fleurs sauvages : ajoncs, genêts et d’autres senteurs encore, indéfinissables. Il n’y connaissait rien aux plantes, mais il appréciait leurs charmes. Il faisait bon.

Il avait réussi son coup, il allait passer prendre ce qu’on lui devait et il se tirerait en Suisse – après, il verrait bien… N’avait-il pas égaré ce papier avec le nom de l’hôtel où il devait dormir ce soir ? Tout en conduisant, il farfouilla dans la boîte à gants. Il entrevit le panneau : « Traversée d’animaux. » De toute façon, on n’en voit jamais ; en trente ans de conduite, il n’avait pas vu la queue d’un traverser.

« Où était ce foutu papier ? »

Il crut voir un chevreuil… ou une biche… Allez savoir !

Il fit une embardée à la hauteur de la bretelle du Guerno-Muzillac. Terrible. Trois tonneaux, avant de s’immobiliser dans un crissement de pneus, accentué par un bruit de ferraille. La ceinture s’était détachée. La tête d’Anton Combes heurta le pare-brise. Passa au travers. Vitre fracassée. Tête non moins. Du sang partout. Dans les yeux. Son goût sucré salé, collant, dans la bouche. Quant aux oreilles, il ne pouvait pas les voir. Il saurait bien assez tôt si elles saignaient aussi.

Puis le trou noir.

Il lui sembla que la musique aussi s’était arrêtée. What a Wonderful World. Tout cassé l’autoradio, ainsi que la trompette de Louis. Si ça se trouve. Des cris. Un vent violent ou une brise légère, tout se mélangeait, se télescopait. Des gens hurlaient d’incompréhensibles paroles. Ça ne pouvait pas être lui, Anton, la victime. Aucune douleur, c’était comme s’il marchait dans du coton, « C’est la ouate », une autre chanson. Ça ne pouvait pas être lui, Anton. Il n’était pas comme ça. Quelqu’un était sorti de son corps et regardait la scène. Plutôt la catastrophe, si l’on n’a pas peur des mots, et lui ne les maîtrisait plus du tout. Peut-être avait-il crié : « Maman ! »

Avant de sombrer dans le coma.

Pourtant “manman” était morte il y avait de cela… Dur à dire, depuis très longtemps en tout cas. Sa mémoire lui faisait défaut, comme beaucoup de ses sens, de ses organes, de ses fonctions. Combien de temps au fait ? Plusieurs années. Il s’était quelque peu remis à l’endroit dans le labyrinthe de ses neurones, mais il fallait se concentrer, y mettre de la bonne volonté. Elle s’était suicidée, pendue à un arbre. Hissée sur une basse branche. La branche, sans doute prise de pitié, ne s’était pas brisée sous le poids ni sous le choc. En fleurs ou en fruits, difficile à dire. Lui en pleurs. Mais on ne compte pas dans ces moments-là ; ce qui compte, c’est la mort, la mort de sa vie, à “manman”. Donc, il ne se souvenait plus de la saison. Mais ça n’avait pas d’importance. En surimpression dans le film : « Le père les avait abandonnés à la naissance. » Point.

Après, il y eut des défilés. Les personnes qui étaient sorties de lui dansaient une folle farandole. Il aurait dit qu’elles le houspillaient. « Qu’es-tu allé faire dans cette galère… où nous as-tu entraînés ? »

« Rien. Je n’avais rien à y faire. » Il n’y avait pas eu d’animal à traverser, ce n’était que le fruit de son imagination. Il n’y avait pas eu d’énervement à farfouiller dans la boîte à gants pour trouver ce maudit papier marqué du nom de l’hôtel. Pourra-t-il y aller un jour ? Pas si sûr. Le destin s’était acharné. Rien de tout cela n’aurait dû arriver sans sa monumentale bêtise. Maman disait d’ailleurs souvent : « Anton, arrête de faire la bête ! » Combien elle avait raison.

Anton pleura tant et tant. Il pleura entre ses doigts de la pluie non salutaire. Une rivière prompte à le noyer. Il entraperçut alors des sirènes. Des bruits stridents de secours. Des lumières tournantes jaunes ou bleutées. Elles l’avaient éclaboussé. L’avaient ébloui. C’était ça. Il avait les yeux éblouis.

Il n’aurait pas dû vouloir partir. On meurt souvent de partir. Rester dans sa petite vie étriquée ; elle avait du bon. Dans cet appartement miteux de trente-cinq mètres carrés, dans le quartier de Ménimur à Vannes, « logement social », comme ils disent. Heureusement, de temps en temps, son frère lui prêtait sa maison de Larmor-Baden, « de toute façon, c’est un bien de famille », Anton avait accepté de la lui laisser… avant qu’il ne sombre totalement dans la folie, Yvan. Anton profite de ses largesses. Il passe de trente-cinq à cent mètres carrés. Le luxe.

Que disaient-ils exactement ces gens qui s’agitaient autour de lui ? « Secours… Restez avec nous… Quel jour sommes-nous ? » Il ne savait plus quel jour maman était morte, ça revenait tel un leitmotiv. En boucle dans sa caboche cabossée. Pourquoi s’assommer avec ce genre de mortel souvenir ? D’autres sont tout de même plus agréables. Tiens celui-là, en Italie avec Mathilda. Ils avaient fait l’amour en plein air, sur le contrefort d’une colline, dans l’herbe et les plantes sauvages. À peine cachés par les arbres de la route. Il faisait une chaleur…

Trou noir.

Rien ne bouge…

*

Anton Combes se réveilla avec un visage inconnu penché sur le sien. Une lampe lui éclairait l’œil, le brûlant légèrement. Il n’avait pas les idées claires, plutôt de la bouillie dans le cerveau. Il ne pouvait empêcher une agitation de tous ses membres. Le toubib reposa les questions des premiers secours : « Quel jour sommes-nous ? Où habitez-vous ? etc. » afin de vérifier son état de conscience. À quel degré sur l’échelle de Richter était son état de conscience ? Il n’aurait pu le dire exactement, mais pas très haut, en sens contraire des catastrophes sismiques…

Pierre Nanty, le chirurgien, trouva cet homme bizarre. Par moments, il tenait des propos incohérents, entraînant, il n’aurait pas su dire pourquoi, une certaine angoisse chez le praticien. L’accidenté se mit de nouveau à délirer, le visage noyé de sueurs.

— Il faut le délivrer… Je dois sortir… Laissez-moi sortir… Délivrez-le du mal… Il a 6 ans… Je ne suis pas un assassin.

Le chirurgien eut beau le sommer de se calmer, rien n’y fit, il était de plus en plus agité. L’homme de l’art réussit à lui pratiquer une injection lors d’une période d’accalmie, d’ailleurs plutôt connotée phase léthargique. La piqûre eut l’effet inverse de celui désiré, ça le réveilla. Le patient sursauta. Pierre Nanty en profita pour lui dire :

— Je dois vous opérer de toute urgence. C’est une question de… Il ne finit pas sa phrase – vie ou de mort – vous avez un œdème au cerveau que nous devons résorber, vous avez eu une importante commotion cérébrale.

— Et quand pourrais-je sortir ? Je dois sortir absolument !

Il voulut descendre du brancard.

— Une nouvelle fois, je vous le demande : calmez-vous ! Je vais répondre à toutes vos questions, mais calmez-vous. Je dois vous prévenir, il est de mon devoir de médecin de vous prévenir. (Anton pensa : « Pourquoi toutes ces précautions oratoires ? ») C’est une opération très risquée, il peut y avoir des séquelles et même pire encore.

— Vous voulez dire que je peux rester paralysé ou même y rester, ne pas me réveiller.

Le chirurgien, malgré l’affirmation précédente, se garda bien de répondre.

Anton ferma les yeux, ses paupières étaient lourdes, le produit anesthésique commençait à faire de l’effet.

— Pas possible… Ce n’est pas possible. J’ai kidnappé un enfant de 6 ans, je l’ai enfermé, il ne peut pas sortir. Je dois aller le délivrer. Si je meurs, il mourra avec moi. Que moi qui sais où il se trouve, faut pas compter sur l’autre… le laissera mourir.

Le toubib mit ce délire sur le compte du choc car, pour lui, ce n’était qu’un délire d’accidenté, de salement amoché. Il n’avait pas entendu parler récemment de disparition d’enfant, pas d’alerte enlèvement, rien dans les médias.

Le patient sombrait dans une sorte de folie passagère, avec hallucinations, il avait l’impression de choses qui n’existaient pas, le cerveau perturbé par l’intensité du traumatisme. Il l’avait souvent vérifié lors d’accidents de la route. Celui-là ne dérogeait pas à la règle.

Grave état de choc. Agitation. Délires. Hallucinations. Il noterait tout ça dans le dossier, voire dans une publication prochaine. Il connaissait bien ces symptômes. De toute façon, il n’avait pas le choix. Il devait opérer, sans être sûr de l’issue.

Anton Combes comprit qu’il allait s’endormir, qu’il ne se réveillerait peut-être pas après l’opération ; il disposait de trente secondes pour répéter, pour persuader le chirurgien qu’il lui disait la vérité. Il se leva sur les coudes, à moitié dans le coaltar et reprit à l’infini :

— Je ne suis pas un assassin. Je ne veux pas que le gamin meure. Ne veux pas… Veux pas…

Puis sa voix diminua d’intensité, la langue ne laissa plus passer l’air, la glotte demeura inefficace.

Pierre Nanty essaya une dernière fois de le rassurer, même si c’était peine perdue.

— Ne vous inquiétez pas. Personne ne vous accuse. Dans quelques heures, vous allez vous réveiller et vous aurez tout oublié de cette histoire que vous nous racontez, que vous vous racontez. C’est arrivé à d’autres avant vous et ça arrivera encore. À votre réveil, nous démêlerons le vrai du faux. Il ne faut pas vous en faire.

Et Anton reprit, dans un leitmotiv sans fin :

— Un enfant… 6 ans… J’ai fait une grosse connerie… Je l’ai enfermé. Il en a pour quelques jours… Pas plus… Après… Je dois le délivrer. Je ne peux pas mourir avant de l’avoir libéré. L’autre ne bougera pas le petit doigt…

Puis il entra en délire total et sa voix finit par s’éteindre complètement.

Anton Combes, à partir de ce moment-là, était entre les mains d’une équipe médicale chevronnée.

***

Mario commence à éprouver une peur intense. Parfois, du haut de ses 6 ans, il a l’impression que son géniteur l’a abandonné avant la naissance ; alors, il ressent le manque, le vide avant la sortie à l’air libre. Sa mère lui disait-elle la vérité ? Où est-elle en ce moment ? se demande-t-il, tandis qu’il arpente la maison à la recherche d’une issue qui n’existe pas. Il aperçoit de temps en temps des rais de soleil qui passent par les persiennes, mais le ciel s’assombrit vite, au rythme de ses pensées moroses.

Il trouve bizarre toute cette histoire. Surtout depuis qu’il a trouvé l’arme – un jouet. D’ailleurs, il l’a examinée sous toutes les coutures et il a joué avec. C’était une fausse, naturellement. Il a alors repensé au déroulé des événements. Il venait de quitter Romuald. Romuald est son meilleur copain, à la vie comme à la mort, ils ont craché dans leurs mains et le crachat a scellé le pacte. Ils partent souvent à l’aventure, à la conquête de contrées mystérieuses, magiques. Bref… Romuald venait de partir. Mario s’amusait avec des morceaux de bois qu’il jetait dans le caniveau. Il pleuvait encore très fortet la pluie avait fabriqué des ruisseaux.

Il se trouvait à côté d’un magasin et d’une banque, celle où ses parents viennent souvent pour retirer de l’argent… Soudain, il a vu cet homme avec un masque de clown, il ne le connaissait pas ; le masque, peut-être, il l’avait vu à la télé. Si son père avait été là, il lui aurait expliqué. Il ne lui a jamais lâché la main. Combien il l’aime ! Combien il aime ses parents, ça lui chauffe le cœur d’y penser, même si eux… entre eux… Bon… Il l’a menacé avec une arme en lui demandant de le suivre – il ne savait pas que c’était un jouet à ce moment-là. Mario a eu juste le temps de regarder son bout de bois bateau s’enfuir dans les égouts, que l’autre l’a pris par le bras. Après l’avoir entraîné dans une voiture, il a enlevé son masque. Mario ne connaissait pas plus celui qui était en dessous, mais il lui avait fait des grimaces. Il avait éprouvé de la peur à ce moment-là.

Mario se dit qu’il avait eu peur pour rien, l’arme n’était qu’un jouet. Pourtant, il lui avait dit de la boucler dans la bagnole et « Tais-toi ou je te bute ! » Il avait deviné rapidement que c’était un gangster, comme ceux qu’il voyait de temps en temps dans les films qu’il regardait en cachette, à la télé. Ils avaient roulé longtemps. Et ils étaient arrivés dans cette maison en pierre, isolée en bord de mer. Il avait entendu des oiseaux et le bruit de la mer ou du vent, il n’avait jamais su exactement les distinguer. L’homme l’avait conduit à l’intérieur, où c’était sombre, même avec la lumière. Ça sentait le pourri. Ilavait tout refermé et dit : « Quand je serai loin, je te fais libérer… »

Et depuis, personne, rien. Le monde s’était refermé sur lui.

***

Pendant que Pierre Nanty, le chirurgien, opérait, les paroles de l’opéré l’obsédaient. Mais quel choix avait-il ? Aucun. La seule chose qui comptait, c’était de sauver cet homme, il avait prêté le serment d’Hippocrate. Ses gestes ne devaient pas s’en affecter, il essayait de se contrôler. Si cet homme avait fait du mal au gosse, il bougerait le scalpel d’un millimètre et le gars s’en irait ad patres brouter les herbes du silence. « Oui, mais où il était ce gamin ? Comment le trouver ? » Il était coincé, à la merci du patient. Paradoxalement. Il ne devait pas commettre d’erreurs. Maintenant, c’était lui qui transpirait, il allait faire un malaise, toute l’équipe allait le prendre en charge ; des pros, son équipe. Il fit signe à l’infirmière du bloc de lui éponger le front. Myriam. Myriam est une bonne copine si l’on peut dire, ils avaient essayé un moment d’être ensemble, mais ça ne l’avait pas fait. Elle était bonne à baiser, mais ça s’arrêtait là, insuffisant. D’ailleurs, il en avait eu pas mal du service ; elles voulaient toutes se “faire” le chir’, c’est la rançon de la gloire.

Myriam Poux ne l’avait jamais vu dans cet état, on aurait dit que ce n’était pas lui. D’ordinaire, c’était un bon, le meilleur, au-dessus de tout, au-dessus des autres. Dans bien des domaines. Cette fois, il aurait sans doute fallu qu’on le remplace, mais elle ne pouvait prendre l’initiative. L’anesthésiste ? C’était un gros con, imbu de lui-même et surtout carriériste. De toute façon, il n’y en avait pas d’autre de garde, « les 35 heures, elles ont tout perturbé, surtout dans le milieu hospitalier ». De guerre lasse, elle décida de lui faire confiance. Encore et encore.

Alcide Plomb, l’anesthésiste, se dit qu’il allait finir par tout stopper, il allait remettre. Il détestait ce Pierre Nanty qui gueulait tout le temps ; pourtant, lui, faisait bien son boulot. « Ce type soupe au lait, s’il commet une erreur, il ne le ratera pas ; sa carrière sera finie ou alors il devra changer d’hosto. »

Pierre regarda Anton Combes, ce devait être un patient comme les autres, ni plus ni moins. Et pourtant, ça ne l’était pas, loin de là. Il était dépositaire d’un secret ou alors c’était un fabulateur. En tout cas, il y avait risque de dommage collatéral, un enfant qui n’y était pour rien. Peut-être un terrible secret. Son accident l’avait complètement perturbé, il avait souvent vécu de ces cas… Le patient serait alors sorti de lui-même, inventant une histoire, une fable. Non, c’était différent. Pierre sentait que c’était différent. Ce gars avait l’air tellement inquiet, tellement sincère.

« Ne pensons plus à tout ça, pensons à l’opération. Point. »

***

L’intervention dura plusieurs heures ; on ne savait qui, du patient ou du chirurgien, allait y laisser sa peau. Mais quelqu’un allait mourir. Il ne pouvait pas en être autrement. Des idées noires assaillaient Pierre Nanty, qu’il devait rejeter, remettre à plus tard. Et puis, au bout du compte, il se reprit en main, comme il l’avait toujours fait. Se reprendre en main. Elles ne tremblaient pas. Il avait pensé à une chose terrible et implacable : il devait sauver cet homme pour sauver cet enfant. S’il existait une chance sur cent qu’il ait dit vrai, il devait faire aboutir cette chance, lui donner corps. Il ne devait plus penser qu’à ça. Se concentrer de nouveau. Un maximum.

Tout se terminait.

Au petit matin, épuisé, le chirurgien se lava les mains, enleva sa casaque, son masque et ses gants. Le patient était dans le coma, mais l’œdème s’était résorbé. Il allait falloir attendre pour juger du résultat, de la réussite ou de l’échec. Ses antécédents ne plaidaient pas en sa faveur : gros fumeur, alcoolique, hypertendu. Mais c’était déjà une victoire. Difficile certes, mais une victoire quand même.

Alors qu’il se regardait dans la glace, une peur affreuse et rétrospective, ayant donc énormément plus de force, le peupla, l’envahit, lui laboura la tête. Il avait fini par l’oublier. À cause de cette concentration extrême sur l’objectif – sauver le patient, réussir l’opération —, il avait fini par oublier quelque chose de primordial : l’enfant.

Ça lui fila une angoisse au creux de l’estomac, une trouille bleue, presque une diarrhée, au moins une lourdeur sur le ventre. De celle qu’il avait connue mille fois dans sa vie, quand une vie justement était en jeu et qu’elle dépendait de lui. Uniquement de lui. Quand il avait peur de se rater, un instant, un accroc et hop : la mort ! « Donner la mort au lieu de laisser la vie. »

Et l’idée de cet enfant lui tarabustait les méninges à faire éclater son cerveau, sa boîte crânienne. Du sang, des larmes et des lambeaux de substance étalés sur les murs, sur le carrelage. Son rythme cardiaque augmentait, ses mains étaient moites. Il avait besoin de repos. Il rentra chez lui et se coucha après avoir pris une douche. Mais son esprit ne pouvait sommeiller. Il se releva. Il vit le gamin en sang, ou noyé, broyé, écrasé. Mort certainement maintenant. Par sa faute. Il appela son service. L’autre avait été remonté, il avait quitté la salle de réveil. Il était toujours dans le coma.

*

Il fallait qu’il bouge, qu’il sorte ; chez lui, il se sentait comme un fauve en cage. Il devait faire quelque chose. Il descendit au garage, fit démarrer sa voiture. Passé les dernières maisons de la ville, il roula à une vitesse folle. La Fiat n’avait pas besoin d’être dirigée, elle savait où elle allait. Elle se rua à l’hôpital. Il en descendit en trombe. Il ne salua personne dans le hall d’accueil. Il monta à la chambre d’Anton Combes. Ce dernier était toujours dans le coma. Ce n’était pas anormal. Il resta à le veiller des heures. Jusque tard dans la nuit, jusqu’au petit matin. Le chirurgien passa par des phases de somnolence qui voulaient l’entraîner dans les abîmes, le faire tomber du fauteuil, mais il se révoltait. Il ne voulait pas leur céder. Il devait rester vigilant. Jusqu’à ce qu’il se réveille. Car il se réveillerait. Il ne pouvait en être autrement. Myriam Poux lui proposa d’aller se reposer en salle de pause. Elle viendrait le prévenir en cas de réveil.

« S’il se réveille. »

Ces quatre mots le tracassaient mortellement. « Et s’il ne se réveillait pas ? » Alors il aurait eu deux morts sur la conscience. Celle d’Anton Combes et celle de ce gamin qu’il ne connaissait pas. Il voyait déjà les titres des journaux et la mort étalée.

Il fit le 17, « allô la police », pour savoir s’il y avait eu un rapt d’enfants. Évidemment, on ne lui répondit pas, on ne répond pas à ce genre de question au téléphone. On le prit pour un dérangé, on lui demanda ses coordonnées, qu’il refusa de donner. Il alluma le poste de télévision, zappa sur les chaînes d’info en continu et regarda les incrustations qui défilaient en bas de l’écran. Y avait-il eu un enlèvement d’enfant ? C’était l’omerta, le silence total, on se liguait contre lui, personne n’en parlait. Pourtant Anton Combes lui en avait parlé. Alors, qui mentait ? Il n’avait pas pu inventer une telle histoire. Ça ne s’invente pas. Il pensa que l’on cachait le rapt de cet enfant. Pour ne pas alerter le ravisseur. Mais le ravisseur, il était là, endormi, on pouvait le cueillir sans coup férir et lui faire avouer l’endroit où il cachait sa petite victime. Il avait envie de le crier aux flics, aux médias, à la terre entière.

« Il est là ! Il va se réveiller ! Venez et interrogez-le ! »

Non, la police, ce n’était pas une bonne idée. On allait lui rire au nez. On sait comment ils sont ceux-là. Arc-boutés sur leurs certitudes. Faut pas déroger. Ils ne diligenteraient même pas une enquête de routine.

II

Après avoir cogité tant et plus, pesé le pour et le contre, il ne lui restait qu’une solution. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ? Pourquoi cherche-t-on des complications, alors qu’il existe des idées toutes simples ? Il était resté trop centré sur lui-même. Imbu de son importance. Replié autour de son ego. Son orgueil lui jouait des tours. Et puis, ce métier qui bouffe tout et tout le temps. Toute énergie. Qui prend toute la place alors que, autour, la vie continue d’exister. Il allait falloir remédier à ça.

Revenir à l’idée simple à laquelle il n’avait pas pensé : Morgane Stercoz… Son amie… La détective privée.

« Il faut que je te voie rapidement. Une affaire urgente. Si tu peux te libérer. Il n’y a pas d’argent à la clé, mais je suis prêt à te défrayer. Rappelle-moi le plus vite possible ! »

Elle rappela et ils convinrent de se rencontrer.

Morgane accourut dans les plus brefs délais. Elle s’était montrée très étonnée de cet appel… au secours. « Pas son genre ; d’habitude, il maîtrise. Il n’a besoin de personne, comme dans cette chanson, la chanteuse ? Ah oui, Véronique Sanson. » Il avait l’air tout ébouriffé dans le téléphone. « Il perd rarement les pédales. En général, il est d’un calme plat. Il prend le temps de la réflexion. »

Il aurait pu y avoir une histoire d’amour entre eux ; c’est un beau garçon, ajoutée à cela l’aura du chir’. Mais il avait trop tardé. Elle s’était impatientée. Ça s’était transformé en amitié. Il avait dit : « Je regrette : c’est cette amante lierre qui me bouffe la sève. » Son métier. Chirurgien.

Morgane était toujours aussi belle. Non, belle n’est pas le mot, plutôt mignonne. Elle renvoyait du charme. Il avait failli succomber. Il aurait pu y avoir une histoire d’amour entre eux. Mais finalement, il préférait les aventures. C’est moins de contraintes. Il avait la réputation de s’être fait toutes les femmes du service. « C’est exagéré. »

Elle arborait un tee-shirt blanc qui lui moulait les seins bien formés. Il mettait en valeur les courbes de son visage à l’ovale parfait, casqué de cheveux courts châtains. « Et ses yeux. Ah ses yeux… verts… immensément ouverts… Toujours prêts à sonder. À faire de l’inquisition. Elle dégageait de l’énergie… comment dire… vitale. » Un petit bout de femme, pleine d’entrain et de joie de vivre, elle entraînait tout sur son passage. Son jean bistre soulignait ses cuisses parfaitement ciselées. Il divaguait. Il devait s’attacher aux faits, rien qu’aux faits. Pour ne pas se perdre dans la forêt des détails. Les derniers l’avaient complètement chamboulé.

Il entraîna Morgane Stercoz à la cafétéria. Lui servit un café infâme. Pour lui, ce serait un verre d’eau. Il avait la gorge sèche.

— Raconte… C’est quoi cette histoire ? Je n’ai rien compris.

— Moi non plus. C’est une histoire à dormir debout, un mauvais conte. Figure-toi…

Maladroit, il renversa le gobelet sur le jean de Morgane. Elle rit :

— Ce n’est rien…

Il voulut l’essuyer avec un mouchoir en papier qui se délita. Rires nerveux des deux.

— Laisse tomber, ce n’est que de l’eau, camarade. Tu vas accoucher à la fin ?

Il n’était pas sage-femme, mais parfois il se dit qu’il aurait dû changer de spécialité. Il en avait marre de réparer souvent l’irréparable, faisant fi de ses réussites. Donner la vie, c’est plus gratifiant, plutôt que couper, scier, coudre, greffer… Il avait repoussé l’échéance le plus possible, par peur sans doute de ce qu’il allait annoncer, des réactions de la détective. Mais maintenant, il était prêt. Il en arriva au fait. « Il faut dire… »

— Figure-toi qu’un mec, avant d’être dans les vapes, m’a raconté une fable farfelue s’il en est, mais elle est tellement grosse que j’y vois un fond de vérité. Tu dois y croire toi aussi. Sinon je suis perdu. Si elle est vraie et elle l’est, je ne peux rester sans rien faire. Tu dois me servir de tête chercheuse. Il faut que tu trouves.

Il se planta dans ses yeux.

— Mais quoi, doux Jésus ? questionna-t-elle.

— Un enfant dans les 6 ans. Sa vie serait en jeu. Il parle aussi d’une autre personne, mais ce n’est pas clair… Tu dois vérifier. Il faut que tu ailles voir de quoi il retourne. Comme je te l’ai dit, je suis prêt à te défrayer. Je me sens un devoir moral, tu comprends ? Je peux même te payer, si c’est le prix pour le salut de mon âme.

Elle le trouva complètement absorbé, blessé, bouleversé. Elle ne l’avait jamais vu comme ça, pensa-t-elle une nouvelle fois.

— Il est où, ce gosse ?

— Je n’en sais rien.

— Le malade… L’opéré…

Il hésita un moment. Son code de déontologie ne permettait normalement pas de révéler l’identité du patient. Mais il s’agissait d’une urgence. Il s’arrangerait avec sa conscience.

Morgane Stercoz n’hésita pas un instant. Elle allait aider son ami. Elle allait retrouver l’enfant dont il ne cessait de parler. « Elle va… »

***

Mario tourne et retourne, tel un lion en cage. Des yeux grands ouverts où se perdre. Se noyer. Il arpente sempiternellement.

« Il a dit qu’il reviendrait. Mais il ne revient pas. Pourquoi ? Pourtant, ce n’est pas un menteur. Il afait des grimaces, mais je n’avais pas très peur de lui. J’aimerais bien qu’il revienne, je commence à avoir faim et froid. Le soleil n’arrive pas à entrer, les volets sont mis. La maison est fermée de partout. Comme une prison. J’ai essayé d’ouvrir les volets, mais impossible. Il m’a dit : « Tu peux crier autant que tu veux, personne n’entendra, on est en pleine campagne, en bord de mer. Il n’y aura que les oiseaux à t’entendre, ne fais pas le malin ! » C’est un drôle d’homme. Je préfère papa.

Je pense souvent à maman et papa. Je voudrais qu’ils soient là, dans un coin. J’aime grimper dans leurs yeux et m’y asseoir pour me reposer. Ils ont pris un mois de vacances en Australie, pour se retrouver, ils ont dit… Ils n’ont pas pu m’emmener, à cause de l’école. Je passe mon temps à les embêter. J’essaie aussi de les rapprocher, car ils gueulent tout le temps les uns sur les autres. Ils parlent de divorce, alors les vacances ensemble, ça leur fera du bien. Ils m’ont mis en pension chez la tante Agathe. C’est une bonne femme, mais elle est toujours dans la lune à cause de ses peintures et de ses pinceaux. Elle passe son temps à peindre des étoiles et des paysages où l’on se perd, car il n’y a pas de route, ou alors elles vont nulle part quand il y en a. Elle n’a pas dû se rendre compte que je ne suis plus là. Elle fume cigarette sur cigarette et l’on dirait qu’elle s’envole dans la fumée et disparaît dedans. Le docteur Titus est venu nous voir à l’école et il nous a dit que ce n’est pas bon pour la santé, çaétouffe les poumons ; il nous a dit aussi de nous brosser les dents. Moi, j’ai une brosse à dents électrique en Batman. Il nous a prévenus qu’il faut se protéger contre les microbes entre les garçons et les filles. Moi, je n’aime pas trop les filles, sauf Esméralda, que j’ai inventée pour m’accompagner dans la forêt et ne pas avoir peur du Grand Méchant Loup. On se mariera quand on sera grand. Si j’y arrive. Je ferai attention aux poumons, aux dents et à la quéquette, si je ne meurs pas ici, dans cette maison où personne ne vient me voir. J’en ai fait plusieurs fois le tour, mais c’est toujours le même et ça me fatigue, sauf que je n’arrive pas à dormir. J’entends des bruits et j’ai peur parfois, alors je me cache dans une armoire qui sent des odeurs bizarres. Mais ça ne dure pas, car j’invente des histoires dans ma tête. Mario, c’est moi, je suis le roi de la terre et des animaux, et je suis plus fort que n’importe qui.

Quand il reviendra le mec, je lui sauterai dessus pour me sauver. En attendant, j’ai tout fini le pot de Nutella, il me reste des brioches, des corn-flakes Nintendo et du lait. Mais après, je sens que je vais mourir de faim et ça, ça ne doit pas être très beau à voir. »

III

Morgane Stercoz avait réfléchi longtemps et puis elle avait fini par accepter l’étrange mission. Pierre Nanty la conduisit auprès du malade. Ce dernier était dans le coma. Elle resta seule à le garder. Des minutes lourdes de silence. Lui entre la vie et la mort, elle entre le doute et l’ennui. Son esprit gambergea pendant ce temps. Elle essayait de deviner de quoi était fait cet inconnu, de percer son âme.

« T’es quoi, mon gars ? T’es qui ? D’où tu viens ? Vers où tu vas ? T’es en bois dont on fait les pipes ? T’es un mort-vivant qui fout le bordel ? T’es un affabulateur ? T’es un éjaculateur précoce qui force le destin ? T’es en or ou t’es en tôle ? Il va falloir être plus précis, mon garçon. J’ai besoin de savoir. De bonnes réponses aux questions. »

Voulant aider son ami chirurgien, elle resta ainsi, suspendue, des heures et des heures. Elle avait apporté un bouquin : Gros-Câlin, d’Émile Ajar. Elle adore. Elle dévore. Elle apprécie les possibilités qu’il offre. S’embarquer avec lui. Sur l’onde. Sur les ondes. Son radeau. Elle raffole d’autres écrivains aussi : Gabriel García Márques, Erik Orsenna, Prévert. Mais lui, c’est son préféré, un cran au-dessus des autres. Quelqu’un qui la fait bander. De belle façon. Qui d’autre ? Léna, la demandeuse d’emploi pour l’instant, une âme d’artiste, ses élucubrations lunaires la fascine, elle appareille avec elle pour ne plus toucher terre. Parfois, elle a envie de femme. Parfois, elle a envie d’homme. C’est à la mode, la bisexualité. Une tendance actuelle. Elle veut faire un bout de chemin avec Léna.

Elle en était là de ses cogitations quand Anton se réveilla. Il était dans le cirage, mais un peu de clairvoyance l’éclaira. Il dit en la voyant, comme s’il avait perdu son français :

— Qui vous z’êtes ?

Il poursuivit :

— Peu importe. Il vous faut le délivrer. Je vous donne l’adresse.

Elle était conne, elle aurait mieux fait de laisser tomber, le mec avait reçu un cheval sur la tête, ça l’avait encombré. Mais quelque chose la retint, du domaine de la lutte. Ce chirurgien peut-être, ils avaient couché ensemble… deux ou trois fois… ou moins. De ce fait, celui-ci s’était cru autorisé à l’investir d’une mission. Elle avait accepté. Conne de chez conne !

Elle nota l’adresse :

« Anton Combes

18, rue des Libellules à Ménimur, à Vannes. »

***

Mario trouve le temps long de chez très long, il s’étire comme une pelote de laine de maman quand elle tricote. Il imagine un tas d’histoires dans sa petite tête, dont la moindre n’est pas la mort en fin de “conte”. Et si le monsieur à la grosse tête ne revenait pas. Il a dû dire : « je vais revenir », uniquement pour lui faire plaisir. Il tourne en rond dans cette maison aveugle. Il a fini le pot de Nutella. Il n’aura bientôt plus à manger ; à boire si, l’eau du robinet. Il a lu des trucs, on tient une semaine et puis on meurt. Aïe ! Il essaie de téléphoner en imaginaire à ses parents, il paraît que ça existe. Il a lu ça dans le “Dimoitou” de Ouest-France. Mais l’Australie, c’est trop loin par-dessus la mer. Il n’y a plus que tante Agathe. Elle va prévenir les flics et ils vont venir le délivrer. Mais il ne faut pas trop compter là-dessus, car elle est absorbée dans sa peinture et par la fumée de ses cigarettes. Un jour, elle en mourra, c’est sûr ; il espère, pas avant qu’on le retrouve…

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