Venise - Luisa Ballin - E-Book

Venise E-Book

Luisa Ballin

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Beschreibung

La Sérénissime n’est pas une île. On l’oublie, mais Venise est indissociable de son arrière-pays. Elle est l’enchanteresse de la Vénétie, une région aussi flamboyante que les palais longeant les canaux. La Vénétie a ses traditions, sa langue, son architecture, sa gastronomie, son identité. Souvent elle défie le reste de la péninsule et refuse, sourcilleuse et orgueilleuse, les exigences de Rome, cette lointaine capitale. Elle regorge de personnages et de lieux qui témoignent des liens indissociables entre la lagune et sa terre ferme.

Ce petit livre nous transporte dans les coins les plus insolites de cette région trop méconnue. Vous êtes passionnés de Venise ? Vous allez adorer cet écrin qu’est la Vénétie. 

Un grand récit suivi d’entretiens avec Rodolfo Bonetto (enseignant), Tiziana Lipello (rectrice de l’Université Ca’Foscari), Antonia Sautter (styliste) et Elia Romanelli (anthropologue).


À PROPOS DE L'AUTRICE

Luisa Ballin est une journaliste italo suisse qui travaille en français, anglais, espagnol et italien. Depuis avril 2013, elle est la correspondante à l’ONU (Genève) du bimensuel suisse La Cité. Elle collabore également avec le Club suisse de la presse à Genève aux Lundis de la gouvernance.
Elle s’est installée à Genève en 1981 pour y acquérir une expérience professionnelle dans les domaines journalistique et institutionnel. Luisa Ballin est journaliste RP (Registre professionnel suisse). Ses articles les plus récents ont été publiés dans les quotidiens suisses Le Temps, Le Courrier, le bi-mensuel suisse La Cité, le magazine UN Special et sur le site de l’agence Infosud et celui du Club suisse de la presse.

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Couverture

Page de titre

Carte

AVANT-PROPOSPourquoi Venise ?

En 2019, l’acqua alta (« la marée haute ») a submergé le centre historique de Venise. La cité des Doges, fleuron de la Vénétie, était-elle menacée de disparaître ? Il était temps d’y revenir. Pour retrouver, après une absence et des voyages, l’atmosphère de cette ville envoûtante, phare d’une région au sortilège constant. Dans son poème Venise, rédigé en 1888, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche n’avait-il pas affirmé : « Quand je cherche un autre mot pour musique, je ne trouve jamais que Venise. »

Revenir à Venise. Tantôt sur les pas de Giacomo Casanova, libertin charmeur, seul homme, paraît-il, à s’être évadé de la prison des Plombs de la ville marine, tantôt à la recherche de Hugo Pratt, dessinateur, baroudeur et aquarelliste vénitien de cœur, qui fit de sa vie une œuvre graphique iconique et de son héros Corto Maltese, marin mystérieux et aventureux, le guide imaginaire idéal pour se perdre plaisamment dans la Fable de Venise.

Revoir la Vénétie, la plus séduisante des régions d’Italie qui offre une palette de richesses exceptionnelles : mer, lac, fleuves, plages, thermes, montagnes, collines, vallées, parcs, cités d’art, ville venete (« villas vénètes »), artisanat et tradition œno-gastronomique d’excellence. Pour mieux saisir l’impact du rayonnement régional, national et international de Venise, quelques escales agrémentent le séjour : Vicence et la magnifique villa La Rotonda, œuvre de l’architecte Palladio qui laissera son empreinte dans d’autres lieux ; Padoue et sa célèbre université où Galilée enseigna et Copernic étudia ; Trévise l’élégante où fut créé le tiramisù, dessert apprécié sous toutes les latitudes ; et Cortina d’Ampezzo, station de sports d’hiver qui organisera avec Milan les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver en 2026. Sans oublier Asolo, l’un des bourgs les plus suggestifs du Bel Paese, terre d’exil de Catherine Cornaro qui fut reine de Chypre, de la divine Eleonora Duse, comédienne et muse du Vate Gabriele D’Annunzio, et de Freya Stark, écrivaine, photographe, voyageuse et diplomate, qui, tout comme son compatriote et homme de lettres britannique Robert Browning avait élu domicile dans ce lieu de villégiature enchanteur.

Parcourir les lieux emblématiques de cette Vénétie qui peut vanter un patrimoine artistique, historique, mémoriel et culturel exceptionnel, est inspirant. Se laisser séduire par le charme du lac de Garde, le romantisme de Vérone, la chaleur du sable à Jesolo, le scintillement de la mer au Lido ou se perdre entre collines, vignes et cimes est grisant. Admirer la beauté d’une nature généreuse est apaisant. Retrouver la saveur de la gastronomie locale ou siroter un cocktail au mythique Harry’s Bar est stimulant. Déguster du bout des doigts un cicchetto dans un bacaro, avaler un caffè ristretto ou corretto au comptoir d’un bar, ou mordre à belles dents dans une tranche de pastèque sous une pergola illuminée au crépuscule sont autant de réminiscences d’adolescence et de vacances.

Sur les routes vénitiennes

La Vénétie, c’est aussi suivre la route du Prosecco, de Valdobbiadene à Conegliano, après avoir déjeuné avec les participants de la Centomiglia, course automobile dédiée à des oldtimers racés, avec étapes dans des chais accueillants pour faire honneur aux vins du terroir appréciés jusque dans cette Chine autrefois explorée par le Vénitien Marco Polo. Atteindre ensuite les Dolomites pour rejoindre Cortina d’Ampezzo, station de haute montagne prisée du gotha politique et artistique de la Péninsule permet de mieux comprendre les enjeux de la Vénétie constituée des provinces de Belluno, Padoue, Rovigo, Trévise, Venise, Vérone et Vicence, sur plus de 18 345 km², peuplée de 4 841 193 habitants recensés fin octobre 2022.

La reine millénaire de l’Adriatique n’est pas en voie de disneylandisation. Elle est vivante et innovante, bien que devenue presque inaccessible aux bourses des Vénitiens moyens peinant à trouver où se loger à des prix décents pour cause de location ou vente d’habitations à des visiteurs de passage séduits par son passé glorieux. L’idée que Venise, idéalisée ou fantasmée par les quelque trente millions de touristes qui la visitent chaque année – chiffre estimé avant la pandémie de Covid-19 – puisse être engloutie par la marée haute, émeut. Et prier Saint Marc pour que le MOSE puisse la sauver des eaux est plus qu’un vœu pieux.

Inoubliable Vénétie. La comprendre. L’aimer. Et en saisir les subtilités. Comme Rodolfo Bonetto, enseignant et directeur d’établissements scolaires aujourd’hui à la retraite, résidant dans la province de Trévise, qui synthétise le propos de ce livre : « Venise est en Vénétie et dans une large mesure elle est la Vénétie. »

Vivre à Venise. Avoir envie de s’y installer ou la quitter pour mieux y revenir. Telle est l’aspiration de nombreux Vénitiens de cœur ou de souche, comme la designer Antonia Sautter, créatrice des somptueux costumes du Ballo del Doge qu’elle organise chaque année pendant le traditionnel carnaval de Venise ; comme Tiziana Lippiello, première femme élue rectrice de la prestigieuse Université Ca’ Foscari ; comme l’anthropologue et réalisateur Elia Romanelli qui vit entre le Lido et Turin. Ces personnalités évoquent, en deuxième partie de ce récit, les points forts, les défis et les difficultés que Venise et la Vénétie, région distinguée à plusieurs reprises par l’UNESCO, doivent affronter.

Dans cette ville, des choses incroyables arrivent, affirme Corto Maltese en s’éclipsant des pages de la Fable de Venise dessinée par Hugo Pratt. Et lorsque le séduisant marin fait un signe de la main, comment ne pas le suivre…

La Vénétie est une fable

« Bien des années avant 1830, dans le temps où nos armées parcouraient l’Europe, le hasard me donna un billet de logement pour la maison d’un chanoine : c’était à Padoue, charmante ville d’Italie ; le séjour s’étant prolongé, nous devînmes amis », écrivait Stendhal dans son roman La Chartreuse de Parme. Shakespeare l’avait tout aussi bien dit avant lui : « Fair Padua, nursery of arts. » Située dans la plaine du Pô, à une quarantaine de kilomètres de Venise, Padoue, haut lieu de culture, foi, sciences et idées nouvelles, compte des édifices fameux comme la basilique Saint-Antoine et le Palazzo Bo, siège, depuis 1493, de la deuxième plus ancienne université italienne (après celle de Bologne), fondée en 1222.

L’Università degli Studi di Padova est connue pour sa faculté de médecine et son théâtre anatomique, premier dans son genre, construit en 1594, doté d’une structure en bois en forme de cône ellipsoïdal renversé. Composé de six étages concentriques pour les gradins, il était utilisé à l’époque pour assister aux autopsies et le sera à des fins d’enseignement jusqu’en 1872. L’une des plus belles salles du Palazzo Bo accueille des étudiants en médecine ou venant d’autres facultés pour y soutenir leur thèse. Anciennement, elle était dédiée aux cours théoriques d’anatomie. Le scientifique Nicolas Copernic, né de père polonais et de mère allemande, y fit ses études de médecine et de droit. Mais les véritables fondateurs de cette université réputée furent des professeurs et étudiants visionnaires, dont nombre d’entre eux avaient quitté la plus conservatrice Université de Bologne. Dès la fin de la République de Venise en 1797, après l’occupation des troupes napoléoniennes et au moment de l’unité de la péninsule italienne entre 1860 et 1871, l’Université de Padoue joua un rôle primordial grâce à des enseignants et étudiants qui prirent part au Risorgimento, mouvement prônant l’indépendance de l’Italie.

J’ai voulu démarrer ce livre à Padoue parce que la sublime Venise est aussi, d’abord, le fruit de cette Vénétie qui constitue son écrin. Mon retour dans la cité des Doges se fait d’ailleurs par la mer, depuis Padoue en descendant la rivière Brenta à bord d’un bateau à moteur. Plaisir des yeux, atmosphère des lieux. « Aucun coin de la terre n’a donné lieu plus que Venise à cette conspiration de l’enthousiasme », notait l’écrivain Guy de Maupassant à propos de cette cité née dans la lagune il y a plus de 1600 ans, devenue puissance maritime et commerciale entre Occident et Orient. Et l’enthousiasme est intact.

Venise, mot d’origine étrusque qui signifie ville des canaux, a de tout temps fasciné. L’UNESCO, qui l’a inscrite à son patrimoine mondial, atteste sur son site internet de sa valeur exceptionnelle. Fondée au cinquième siècle après J.-C., Venise s’étend sur 118 îlots et devint une grande puissance maritime au dixième siècle. La ville tout entière est un extraordinaire chef-d’œuvre architectural au sein duquel même le plus petit monument renferme des œuvres de certains des plus grands artistes, tels Giorgione, le Titien, le Tintoret ou Véronèse parmi d’autres.

Dans cette lagune qui s’étend sur 70176,4 hectares, nature et histoire sont indissociables depuis le cinquième siècle, lorsque les populations vénètes se réfugièrent sur les îlots sablonneux de Torcello, Jesolo et Malamocco pour échapper aux incursions barbares, lit-on. Ces habitats précaires devinrent progressivement des établissements permanents et ce qui n’était qu’un refuge pour les paysans et les pêcheurs à pied se mua en puissance maritime. Au fil des siècles, pendant toute la période de son expansion où elle dut défendre ses comptoirs contre les entreprises des Arabes, des Génois et des Ottomans, Venise ne cessa jamais de consolider sa position sur la lagune.

Celle qui est aussi appelée la cité des Doges est une réalisation artistique unique. Les privilégiés de la Belle Époque arrivaient à Venise à bord de l’Orient-Express, le « roi des trains », inauguré en 1883, qui avait transporté têtes couronnées et personnalités du monde artistique et politique. En attendant de pouvoir, peut-être un jour, monter à bord de ce train de légende s’il devait être relancé, je plonge dans l’ouvrage de Blanche El Gammal, L’Orient-Express raconté par les écrivains.

« Je suis un vieux fanatique de la Vénétie et c’est ici que je laisserai mon cœur. » C’est ainsi qu’en 1948, Ernest Hemingway exprimait toute son affection pour la Vénétie dans une lettre à Bernard Berenson. Un amour qui avait commencé au printemps 1918 lorsque, en tant que volontaire de la Croix-Rouge américaine (ARC), il était parti de Schio, dans sa Fiat, pour gravir la montagne du Pasubio et recueillir les soldats blessés. D’autres écrivains rendront hommage à la Vénétie et à ses villes. « La Vénétie est ma patrie. Bien qu’il existe une République italienne, cette expression abstraite n’est pas ma patrie. Nous, Vénètes, avons parcouru le monde, mais notre patrie, celle pour laquelle, s’il fallait se battre, nous nous battrons, est uniquement la Vénétie. Quand je vois écrit à l’embouchure des ponts sur le Piave sacré pour la patrie, je suis ému, non pas parce que je pense à l’Italie, mais parce que je pense à la Vénétie », affirmait l’écrivain italien Goffredo Parise (1929-1986), cité dans un extrait d’Il Grande Libro del Veneto, édité par Enrico Sturani (Mondadori, 1985, reprise par le site le-citazioni.it).

Après le confinement dû à la pandémie de Covid-19, les visiteurs de nombreux pays sont revenus à Venise, notamment lors de la fête du Rédempteur (Festa del Redentore) qui se tient chaque année les troisièmes samedi et dimanche du mois de juillet pour commémorer la fin de l’épidémie de peste qui ravagea la ville et sa région en 1575-1576. Le doge Alvise II Mocenigo avait promis de construire une église splendide si la peste prenait fin. Le célèbre bâtisseur Andrea Palladio, assisté de l’architecte et ingénieur Antonio Da Ponte, la dessina et l’édifia en 1576.

Pendant la Festa del Redentore, un pont éphémère était autrefois constitué de barques. Il est aujourd’hui construit avec des pièces de bois reposant sur des structures flottantes, allant des Zattere à l’église du Rédempteur sur l’île de la Giudecca. Cette fête est l’occasion de banquets, danses, chants et décorations de bateaux aperçus depuis une altana