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Le genre humain est riche ; pourtant la plupart d’entre nous sont pauvres. Un paradis en puissance s’ouvre à nous ; au lieu de cela, nous nous opprimons les uns les autres avec une grande cruauté rendant peu à peu notre planète invivable. Nous avons laissé se privatiser le bien commun et permis à ses nouveaux propriétaires d’en faire ce que bon leur semble, que la ressource soit renouvelable ou non. L’argent appelle l’argent, la concentration des richesses a désormais atteint un niveau grotesque, grippant l’économie. La mécanisation est un progrès pour le genre humain tout entier ; or l’emploi disparaît et le propriétaire de la machine s’enrichit davantage. Voici le monde tel qu’il est. Changeons de cap aujourd’hui même : soyons riches, puisque nous le sommes en réalité ; transformons la terre en paradis. La mécanisation systématique nous libère ; vivons cette liberté dans le loisir que la gratuité autorise. Il ne s’agit pas là d’un choix, puisque dans un monde déboussolé par le chacun pour soi et le démantèlement de la solidarité, la seule alternative au paradis réalisé ici et maintenant est la disparition à court terme du genre humain. Le moment est enfin venu pour Un nouveau monde. Seuls manquaient notre enthousiasme et notre détermination. Ils sont là désormais ! Créons le monde tel qu’il doit être. À travers son analyse approfondie de la société actuelle, le sociologue et anthropologue Paul Jorion nous appelle à réfléchir à un autre monde pour demain. Ce livre est le premier d’une collection portée par les mutualités socialistes-Solidaris qui a comme objectif de perpétuer un esprit démocratique, social, éthique et politique.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Anthropologue, expert en intelligence artificielle et spécialiste de la formation des prix,
Paul Jorion jette depuis plusieurs années un autre regard sur l'économie ; il annonçait ainsi dès 2005 ce qui allait devenir la crise des subprimes.© photo : DR
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Seitenzahl: 147
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Paul Jorion
Vers
un nouveau
monde
Ce texte ne serait pas ce qu’il est
sans mes conversations quotidiennes
avec Madeleine Théodore.
Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo
www.renaissancedulivre.be
fRenaissance du Livre
l@editionsrl
Vers un nouveau monde
Illustration de couverture : © Julie Joseph
Couverture et mise en pages : Philippe Dieu (Extra Bold)
Corrections : Catherine Meeùs
isbn : 9782507055455
© Renaissance du Livre, 2017
Tous droits réservés. Aucun élément de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans une banque de données ni publié sous quelque forme que ce soit, soit électronique, soit mécanique ou de toute autre manière, sans l’accord écrit et préalable de l’éditeur.
Paul Jorion
Vers
un nouveau
monde
Les mutualités socialistes-Solidaris comptent plus de 1300000 bénéficiaires en Wallonie et sont actives dans cinq domaines : l’assurance maladie obligatoire, l’assurance complémentaire, l’aide, l’information et la défense des droits des affiliés et enfin les activités d’un réseau associatif et socio-sanitaire. Les valeurs fondamentales des mutualités s’articulent autour de l’implication dans la société, la solidarité, la proximité, le respect de l’individu, l’innovation, le service et la qualité. Ces valeurs sont au cœur de l’engagement de leurs missions et de leurs métiers. Outre leur rôle de gestionnaire de l’assurance maladie-invalidité, elles sont un acteur social, citoyen et politique qui se positionne sur les questions sociétales actuelles.
Printemps 2017, un titre dans le quotidien Le Monde annonce «Keynes, valeur en hausse». On peut y lire un extrait de la «Lettre à nos petits-enfants» que l’auteur a publiée en1930, à la sortie de la crise de 1929:
«Trop longtemps on nous a formés pour l’effort et contre le plaisir. […] Quand accumuler des richesses n’aura plus grande importance pour la société, d’immenses changements se produiront dans notre code éthique. […] Nous oserons assigner à la motivation financière sa vraie valeur. L’amour de l’argent pour l’argent […] apparaîtra pour ce qu’il est: un penchant morbide et assez répugnant, l’une de ces pulsions mi-criminelles mi-pathologiques qu’on laisse en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales. Toutes ces coutumes sociales, toutes ces pratiques économiques […] si détestables et injustes soient-elles, parce qu’elles contribuent prodigieusement à promouvoir l’accumulation du capital, nous serons libres, enfin, de les éliminer1.»
Keynes n’était pas seulement un économiste de la relance par l’augmentation du pouvoir d’achat, il avait ce génie de savoir articuler l’économie et la philosophie morale et politique. À l’heure où la barbarie néolibérale fait des ravages, cet auteur ressuscite de l’intérêt dans les bancs citoyens et intellectuels. Dans le présent ouvrage, Paul Jorion, sociologue et anthropologue, s’inspire de ce courant de pensée pour alimenter le débat démocratique actuel, il nous propose des outils pour faire advenir l’horizon keynésien.
En tant qu’acteur social et politique défenseur de la citoyenneté, la mutualité ne doit pas perdre son objectif fédérateur qui consiste à réduire les inégalités sociales en matière de santé. Or, aujourd’hui, le gouvernement entame un vaste projet d’assèchement de notre système de sécurité sociale et, qui plus est, sous couvert d’enfumages anesthésiants tels que le tax shift ou la loi sur la flexibilité du travail (qui n’ont d’ailleurs pas créé le taux d’emplois annoncé). Par les différentes politiques qu’il mène (pension à 67 ans, attaque de la dotation d’équilibre dans le financement de la sécu., réduction des recettes dans les soins de santé…), ce gouvernement affiche ouvertement sa volonté de casser les droits sociaux acquis. En outre, au-delà du niveau national, les traités de libre-échange internationaux sont particulièrement dangereux pour le maintien des règles qui protègent la santé des citoyens, leurs signataires considérant qu’elles constituent une entrave au commerce. Plus que jamais, nous devons rappeler à nos responsables politiques qu’ils ont le devoir non pas de créer des instruments visant à alimenter les poches d’une fraction de nantis, mais bien d’assurer la protection de l’ensemble des citoyens, de faire respecter les droits de l’homme et de garantir le maintien de l’intérêt général et partagé.
Notre époque est, comme l’a souligné l’enquête «Noir Jaune Blues», caractérisée par des changements essentiels qui constituent une mutation sociétale profonde. Citons notamment la confiance à l’égard des institutions et des élites qui s’est effondrée. La société est ébranlée par des acides qui la déstructurent: une sphère financière «non régulée» au cœur de l’économie globalisée, le développement des réseaux sociaux qui participent à alimenter l’entre-soi des groupes sociaux et une tendance historique à l’affranchissement par rapport à des appartenances et des identités héritées (Église, partis politiques, rôle de la famille, nation, la femme…). C’est, en fait, la verticalité, le rapport hiérarchique qui est mis en cause. Citons également l’identitaire qui a tout envahi. Faute de sociétés fonctionnelles pour se protéger, l’individu se replie alors sur le connu, sur les communautés «organiques», derniers porteurs d’une certaine rassurance.
La cristallisation de ce vécu de victime va s’exprimer pour certains dans le rapport à l’altérité, que ce soit en termes de peur, de méfiance, de rejet (eux et nous) ou d’essentialisation de l’identité qui domine.
Ce qui est aussi fondamental, c’est qu’à une problématique socio-économique (accroissement des inégalités, de la précarité, de la pauvreté…), on a apporté une réponse identitaire, faisant de l’autre potentiellement un danger, une menace et fissurant ainsi la cohésion sociale, ciment de toute société progressiste.
Dans cette période de mutation sociétale, on constate que les besoins des citoyens ont évolué par rapport au moment de la création de l’État-Providence. Effectivement, le vieillissement démographique, la crise de l’éducation et des savoirs, celle du logement qui touche particulièrement les jeunes, l’évolution des familles, les désastres écologiques, les inégalités homme-femme… sont autant d’enjeux de société qui, selon nous, appellent à plus d’État-Providence et non l’inverse, comme prétendent ses détracteurs. Faut-il rappeler que, loin de constituer un coût pour la collectivité, ses principes représentent un investissement sociétal d’une ampleur sans précédent? Pour ne donner qu’un exemple parmi tant d’autres, l’espérance de vie a été augmentée de 35 ans dans le courant du XXe siècle grâce à l’avènement de l’État-Providence.
La création de nouvelles branches de sécurité sociale soutenant les personnes qui n’entrent pas dans les cases du régime néolibéral est un projet d’avenir et rassembleur. Il doit s’adapter aux besoins spécifiques liés au contexte social contemporain. Non pas dans une dynamique de rupture avec le dispositif de sécurité sociale passé, mais bien de reconfiguration. Aujourd’hui, par exemple, un nombre important de jeunes fraîchement sortis des études sont à la recherche d’un emploi et se retrouvent sans logement faute de moyens pour le financer. Non seulement ces jeunes devraient avoir droit à des allocations de chômage, mais en plus, le logement (qui est un minimum vital) devrait être mutualisé (au même titre que la santé ou la pension) et donc rendu accessible à ceux qui n’en ont pas. Il devient dès lors urgent de mettre en lumière ces problématiques sociales structurelles et la société doit pouvoir accompagner ceux qui en sont les victimes. Certains diront que le contexte économique ne permet pas de réaliser un tel projet. Nous leur répondons que cela dépend de choix politiques et du principe de mutualisation des richesses qui guide ceux-ci. Comme le souligne l’économiste Éloi Laurent, «plus la création de richesses d’un pays est accaparée par un petit nombre, plus le reste de la population aura besoin de compenser cet accaparement par un surcroît de développement économique. Le besoin de croissance économique sera donc inutilement gonflé par l’inégalité2». Ce n’est donc pas le PIB d’un pays qui fait le bien-être général de ses citoyens, mais bien son degré de répartition des richesses. Enfin, pour faire advenir ce projet de société, il faut refuser de se soumettre à cette logique des lois «naturelles» de l’économie.
Le sociologue Gøsta Esping-Andersen rappelle que «la trame de fond du dogme libéral est que l’État n’a pas de raison valable d’altérer les conséquences de la stigmatisation produite sur le sacro-saint marché. Celle-ci est juste parce qu’elle reflète l’effort, l’adaptabilité, la motivation et l’indépendance3». C’est parce que la social-démocratie accepte de se soumettre à ce dogme qu’elle perd la confiance du citoyen, qu’elle perd ses vraies valeurs. De nouveaux chemins de pensée et de résistance sont donc à tracer. Nous devons réfléchir, proposer, créer et nous relier à d’autres, c’est-à-dire organiser des coalitions pour répondre en masse à ces attaques qui cherchent à nous diviser. Ce texte de Paul Jorion, texte parmi d’autres qui nous manquent tellement aujourd’hui et qui nous poussent à poursuivre notre réflexion en profondeur, propose une version analytique de l’état du monde ainsi que différentes réformes pour le transformer vers plus de progrès social. Il doit être lu comme une ouverture au débat démocratique, à l’esprit critique et réflexif. Chacun pourra s’approprier ces idées, les défendre, les contredire, les argumenter, les critiquer. Car rappelons-nous sans cesse que la dynamique de l’État-Providence est une articulation entre la capacité démocratique des citoyens et la capacité de l’État à répartir lesrichesses.
Cet ouvrage n’est que le premier d’une collection. C’est pour perpétuer cet esprit démocratique, social, éthique et politique que nous nous lançons dans ce projet de diffusion d’idées nouvelles. Qu’elles puissent nous inspirer et nous former au plaisir de vivre dans une communauté de semblables, de cohésion sociale forte plutôt que dans la quête dogmatique de l’effort du plus méritant qui empêche de s’unir pour la cause commune de l’intérêt général, comme le disait si bien Keynes.
Jean-Pascal Labille et Michel Jadot
Secrétaire Général et Président de Solidaris-Mutualités socialistes
1Le Monde, 11 mars 2017.
2Éloi Laurent, Le bel avenir de l’État Providence, Paris, Les liens qui libèrent, 2014, p. 59.
3Gøsta Esping-Andersen, Les trois mondes de l’État-Providence. Essai sur le capitalisme moderne, Paris, Presses universitaires de France, 1999, p. 83.
Le monde tel qu’il est
En tant qu’individus aussi bien qu’en tant que membres de l’espèce humaine, nous vivons une grande révolution planétaire, mais nous sommes à la fois vaincus et vainqueurs de ce grand mouvement qui nous traverse sans que nous puissions y exercer, comme il le faudrait, notre responsabilité.
Fragilisés par une défaillance des institutions jadis structurantes, nous avons tendance à confier notre vie et à la partager sur la base du choix individuel plutôt que sur celle d’habitudes passées et répétées, comme c’était le cas autrefois. Cependant, cette voie n’est pas sans écueil puisqu’elle nous ramène souvent à la solitude de notre particularité individuelle.
Cet isolement au milieu de la foule, nous en retrouvons les marques dans nos journées: nous aimerions que leur durée s’allonge car, rivés à notre travail, nous n’avons pas pu partager des moments revivifiants avec nos proches.
Ces moments qui pourraient être ceux de retrouvailles se transforment régulièrement en un tacite partage de tâches à effectuer, parodiant sur ce point et prolongeant la journée que nous avons vécue à assurer notre subsistance. Celle-ci nous semble de plus en plus difficile à gérer et à prévoir: avant de pouvoir respirer et profiter de notre labeur, il nous faut assumer des charges de plus en plus lourdes et contraignantes, dues au progrès technologique d’une société en recul cependant sur le plan humain et solidaire.
Nos enfants considèrent comme un luxe un moment de présence de notre part. Ce qu’ils auraient pu apprendre de nous, susceptible d’en faire des êtres humains à part entière, ils ne le recueilleront jamais de manière directe. Ils ne l’obtiendront pas davantage de nos propres parents, relégués dans une institution qui ne pourra pas assurer, du fait des contraintes bureaucratiques de son fonctionnement, la transmission des valeurs qui étaientlesleurs.
Nul ne s’étonnera de voir notre époque peinte sous le signe de la rentabilité et de la visibilité criarde du strass et du clinquant.
Reléguant nos enfants et nos parents en des lieux confinés pour nous permettre à nous-mêmes d’être productifs, nous nous soumettons à cette injonction car nous n’y voyons pas d’alternative. C’est bien la loi de la jungle, dans laquelle cependant l’effort paie, mais bien trop peu par rapport à ce qu’il nous en coûte.
Nous travaillons pour produire des objets que nous consommerons, mais c’est le regard d’autrui porté sur nous qui déterminera la manière dont nous voudrons nous les approprier. Le monde ressemble ainsi à une immense vitrine qu’au cours d’une vie nous explorerons des deux côtés: vue par l’acheteur en puissance de la rue et vue par le manutentionnaire à l’intérieur du magasin. La consommation s’est étendue à tous les domaines de notre vie, provoquant en nous un sentiment d’attente indéfinie qui ne mobilisera qu’irrégulièrement et imparfaitement nos propres ressources en créativité.
Ce que nous attendons désormais de nos enfants, ce n’est pas qu’ils deviennent des êtres autonomes capables d’affronter les aléas de l’existence, mais bien qu’ils puissent occuper le poste le plus lucratif possible pour se prémunir d’une précarité toujours plus menaçante. Ce faisant, nous les poussons évidemment à se renier eux-mêmes dans le culte du Veau d’Or.
À mi-parcours de notre vie, nous nous disons qu’elle aurait pu être autre. Nous avions tout à portée de la main, mais nous n’avons eu ni le temps ni l’occasion d’en jouir. Ce que nous volent nos maîtres, c’est précisément ce qui au départ faisait de nous des égaux: un temps sur terre dont pas plus eux que nous ne maîtrisons la durée. Nous nous consolons de notre sort de bouchons dérivant à la surface de flots indifférents à notre existence en nous disant que nos enfants comprendront mieux la vie que nous. Mais nous savons qu’il s’agit là d’une illusion: c’est la plénitude qu’ils attendent en héritage.
Entre vivre et survivre
Ce que nous vivons au quotidien, le ressenti constant d’une pression maximale sans pouvoir en identifier clairement les causes ni y trouver de vraies solutions, de nombreux individus pareils à nous-mêmes le partagent et c’est probablement notre appartenance commune qui va disparaître: celle d’une population pour laquelle les termes «liberté», «bonheur de vivre» ont encore un sens, mais jusqu’où? Cette communauté formant la plus grande partie de la population, nous l’appelons «classe moyenne» sans soupçonner que le terme même qui la désigne pourrait être en peu de temps anéanti.
Nous consentions à des efforts, certes de plus en plus grands, parce que nous avions la conscience de progresser: si ce n’était pas pour nous-mêmes, c’était pour nos enfants. Au-delà du nécessaire, nous pouvions jouir d’un sentiment d’aisance en ne dépensant pas l’intégralité du fruit de notre travail. Cette marge de liberté nous permettait de nous adonner à quelques plaisirs de l’existence, de faire face à des situations difficiles et souvent de joindre l’utile à l’agréable en recourant au crédit hypothécaire pour acheter notre maison. Cette situation qui nous procurait un peu d’aisance s’apparente aujourd’hui à un mirage, nos salaires rétrécis réduisant sans cesse notre capacité de choisir notre vie, pour plusieurs raisons.
La première est bien sûr la raréfaction de l’emploi, jointe à l’absence d’indexation régulière et cohérente de notre salaire et à la probabilité qui va s’amoindrissant que les deux partenaires d’un ménage travaillent.
Une autre raison en est que le désir de maintenir notre image sociale nous pousse à recourir au crédit pour compenser notre insuffisance salariale. Parce qu’il hypothèque notre avenir, ce geste contraint considérablement notre capacité à forger notre destin, tout en permettant à une élite de moins en moins nombreuse de le faire à notre place.
Par ailleurs, notre responsabilité individuelle est limitée par de nombreux frais contraignants liés aux systèmes d’abonnement et de fidélisation dans des domaines incontournables, tels ceux de la communication et de l’énergie, cette précontrainte représentant jusqu’à plus d’un tiers du budget d’un ménage.
Enfin, le crédit immobilier est devenu de plus en plus cher et long, créant parfois plus d’acrimonie que d’entente entre nous-mêmes et nos descendants. Voulant restreindre ce crédit pour survivre, nous acceptons d’éloigner notre lieu de résidence de celui de notre travail, subissant ainsi une avalanche de conséquences néfastes comme la difficulté de transport, la réduction de notre temps libre, la nécessité d’une garde adaptée à nos enfants.
En conclusion, notre vie se transforme de plus en plus en simple survie, l’élément de la nécessité écrasant chaque jour davantage notre capacité à déterminer nos directions d’existence. Le plus pernicieux de cet engrenage est que nous le vivons de manière atomisée, bien que tous logés à la même enseigne: le faible taux de plaisir restant, souvent lié à la consommation, nous empêche de voir que notre voisin subit un sort pareil au nôtre.
C’est là que le cadre de notre vie nous a broyés et leurrés: il nous a affaiblis sans que nous ayons pu nous rendre compte ni de l’ampleur des dégâts ni du sort commun qui nous lie.
À court terme, nous pouvons tomber dans le déplaisir mais à long terme, c’est le désespoir qui nous menace en nous empêchant d’apercevoir le moindre début d’une éclaircie.
Dépassant notre désappointement, nous pourrions revoir à la baisse la très fragile frontière séparant les plus démunis et nous-mêmes afin de nous unir à tous ceux dont la survie est devenue l’unique perspective.
Nous pourrions discerner que sous la pointe émergée de l’iceberg se cachent des sources considérables d’inquiétude pour beaucoup d’entre nous. Certains survivent en acceptant dans leur travail un taux de flexibilité inhumain, des contrats déterminés aux prestations minimes ou l’exploitation pour du travail en miettes de certaines ressources leur appartenant, tel leur logement ou leur véhicule.