Voyage en Turquie et en Egypte - Jean Potocki - E-Book

Voyage en Turquie et en Egypte E-Book

Jean Potocki

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Beschreibung

Les écrits échangés par une mère et son fils voyageant en Turquie et en Egypte en 1784.

Recueil de lettres envoyées par l'auteur à sa mère lors du voyage qu'il entreprit en 1784 en Turquie et en Égypte. On y trouve une foule d'observations ethnologiques d'une étonnante originalité.
Le recueil est suivi de quatre apologues (récits) orientaux à la manière de Saadi.

Plongez dans ces échanges épistolaires et profitez d'une multitude d'informations relatives à la Turquie et à l'Egypte de la fin du dix-huitième siècle.

EXTRAIT

Le 20 en mer.
Nous avons passé cette nuit entre les îles Mosconis et l’île de Lesbos, fameuses pour avoir donné naissance à Sapho et à ce genre d’amour que les dames turques ont, depuis, renouvelé des grecques. Vers le midi nous avons passé entre Chio et le port de Cizmé, si fatal à la marine ottomane. Nous y avons trouvé l’escadre du capitan pacha à qui cette vue ne devait pas donner des souvenirs bien agréables.

Le 20 en mer.
Si vous voulez me suivre sur les côtes de l’archipel, il vous faudra d’abord passer entre Samo et Nicari, ensuite entre Nicari et Gatonissi, enfin dans l’île de Cos, où nous arriverons dans un moment. Il n’est pas sûr que nous y descendions, car peut-être la peste y règne comme dans les autres îles. Mais cette lettre sera toujours remise au consul de France et j’espère qu’elle vous parviendra.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1761, grand seigneur polonais d'éducation française, le comte Jean Potocki fut savant, artiste et homme politique. Après une enfance aristocratique, il fit des études en Suisse, en langue française, et connut une jeunesse militaire en Hongrie.
Il fut le fondateur des études de langues et civilisations slaves, publiant une série de travaux importants étayés par des recherches ethnologiques, historiques et linguistiques effectuées sur le terrain. Amateur de voyages, et grand amateur de contes et de traditions populaires, Potocki en écouta et en nota à Constantinople, en Tunisie, en Espagne, au Maroc ou en Europe Centrale. Il publia également des récits de voyage (cf. Voyage dans l'empire de Maroc ; Voyage en Turquie et en Égypte). En 1789, il fonde à Varsovie un club politique progressiste et une « imprimerie libre », et publiera quelques pamphlets. En 1804, la situation politique ayant changé, il offre ses services au tsar, préconisant la conquête, dans un but civilisateur et commercial, d'une grande partie de l'Asie (dont l'Afghanistan). Il écrit dans sa jeunesse un Recueil de Parades, une opérette ( Les Bohémiens d'Andalousie) et quelques contes et apologues, et travaille dès 1797 au Manuscrit trouvé à Saragosse, achevé peu avant sa mort, mais resté inédit. Il se suicide en 1815.

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Couverture

Dans la même collection

LE SIMOUN

Dans la même collection :

1. Reconnaissance au Maroc

2. Le culte des grottes au Maroc

3. Voyage dans l’Empire de Maroc

4. Voyage en Turquie et en Égypte

Charles de Foucauld

Henri Basset

Jean Potocki

Jean Potocki

Titre

Copyright

Tous droits de reproduction, de traduction

Dédicace

A ma mère

Permettez que ces lettres, qui vous été écrites vous soient encore dédiées. Les copies s’en étaient tellement multipliées que j’ai cru devoir prévenir les mauvaises éditions et arrêter des traductions semblables à celles qui en ont déjà été faites en Allemagne. Puissent ces motifs trouver grâce à vos yeux, et m’obtenir l’indulgence de mes lecteurs.

LETTRE PREMIÈRE

A Bukavaya, le 9 avril 1784.

Nous avons quitté hier, à Mirgorod, les frontières de la Pologne : aujourd’hui nous nous trouvons au milieu du pays habité jadis par les Zaporoviens*. J’y ai donné quelques regrets à cette nation belliqueuse, détruite par la simple volonté de l’impératrice de Russie. C’étaient sans doute des voisins incommodes, mais l’association de ces flibustiers célibataires offrait un phénomène singulier et peut-être unique dans l’ordre civil. Ils ont été remplacés depuis par des Russes et des Valaches, dont les maisons éparses ne forment point encore de villages.

Nous avons été suivis pendant plus d’une heure par une troupe de chèvres sauvages qui semblaient nous observer avec curiosité sans vouloir cependant se laisser approcher. On trouve dans le même pays, vers l’embouchure du Bog, des chevaux sauvages qui passent pour être indomptables. Vous voyez que mes lettres prennent déjà un air de relation. Je souhaite qu’elles vous intéressent assez pour me faire pardonner mon voyage.

Le 11 à Kerson.

J’arrive à Kerson, avec le plaisir qu’il y a à trouver un lieu habité lorsque l’on a traversé des déserts, car la population, quoique fort diminuée par la peste, paraît encore assez considérable aujourd’hui que les fêtes ont fait sortir tous les habitants de chez eux. L’ivresse même du peuple russe semble ajouter en ce moment au mouvement du tableau. Plusieurs bâtiments vont charger à Oczakow pour Constantinople et ma première lettre sera écrite dans les États du Grand-Seigneur.

LETTRE II

Le 19 à Gluboka.

Nous sommes partis ce matin. Nos amis m’ont accompagné jusqu’au port, et fait des signes d’adieu aussi longtemps que nous avons pu les apercevoir. Aussitôt après, nous sommes entrés dans ce labyrinthe d’îles qui servait jadis de refuge aux flottilles des Cosaques. Nous apercevions, au-delà, des coteaux fertiles où s’élevaient déjà des villages et des maisons de campagne, dans un pays où l’on ne voyait, il y a peu d’années, que des tentes et des troupeaux.

A six heures nous sommes arrivés à l’entrée du liman. On appelle ainsi un golfe où se jette le Dnieper, ou plutôt c’est le fleuve lui-même, qui a dans cet endroit plus de trois lieues de large. La maladresse de notre pilote, qui avait oublié de prendre du lest, et son incroyable ignorance des côtes et de la manœuvre nous ont obligés de nous retirer dans le port de Gluboka, où l’on m’a donné pour retraite une zemlanka, ou cabane souterraine. Je me félicite cependant d’y être, car le vent fraîchit et les vagues que le liman roule par-dessus mon asile m’auraient fait passer une très mauvaise nuit si j’avais continué ma route.

Le… à Stanslava.

Je n’ai pu partir hier matin, parce que nos matelots n’ont jamais eu l’esprit de gagner le vent et, le soir, parce qu’ils étaient ivres. Nous sommes enfin partis aujourd’hui par un vent favorable et un assez beau temps. Au bout de deux heures de navigation le temps s’est couvert, la mer a grossi et le vent soufflant par grains et rafales annonçait un orage prochain. Les matelots voulaient continuer leur route, mais je les obligeai d’entrer dans le port de Stanslawa. Bien nous en prit, car à peine eûmes-nous pris terre que le vent est devenu si fort qu’il nous lançait contre le visage le sable et même le gravier avec assez de force pour nous empêcher d’avancer. Enfin, c’était une espèce d’ouragan, et nous avons eu bien de la peine à gagner les premières maisons du village.

Le 25 à Oczakow.

Je suis arrivé le 22 à Oczakow. Je voulais me loger en ville, mais j’y ai trouvé plus de difficultés que je ne croyais : elle est actuellement remplie d’une milice venue d’Asie, à qui on est obligé de donner beaucoup de liberté, pour l’empêcher d’y retourner. Le pacha, afin d’éviter les querelles, a fait défendre aux étrangers de sortir de la partie basse de la ville où sont les magasins et le port ; c’est aussi là que se bornent mes promenades : j’y passe mon temps dans un café où je vois beaucoup de Turcs qui fument et ne disent mot. J’y vois quelquefois des Tartares venus de Crimée. On les reconnaît aisément à leur physionomie.

Les Turcs ont beaucoup de mépris pour eux. Ils viennent de le témoigner en défendant aux Janissaires de porter le colpak, qui est la coiffure distinctive de cette nation.

J’ai vu à Kerson un de leurs princes nommé Bahatyr Guerai, frère aîné de Sahin Guerai et le légitime successeur du trône. Il s’était rendu aux Russes à condition qu’ils le renverraient à Constantinople. On le lui promit, mais, au lieu de tenir parole, on lui fit faire le tour de la mer Noire et on le mena à Kerson, où il est retenu prisonnier avec son fils Selim et quelques-uns de ses sujets qui ont voulu suivre sa fortune.

Le 27 à Oczakow.

Nous avons vu arriver aujourd’hui deux frégates russes dont l’une, appelée le Borysthène, portait de nouveaux colons italiens dont l’histoire est bien malheureuse. Ayant appris dans l’archipel que leurs prédécesseurs étaient morts de faim et de misère, ils s’étaient révoltés, avaient tué leur capitaine et voulaient retourner chez eux. Mais, quelques matelots ayant coupé les palans du gouvernail, le vaisseau avait dérivé des sur galères turques qui avaient saisi les rebelles et les avaient remis aux Russes. Leur procès a été en Crimée et on les transporte à présent à Kerson pour y être knoutés en présence de leurs malheureux compatriotes.

LETTRE III

Le 2 mai en mer.

Nous avons profité ce matin d’une brise de nord-est pour sortir du liman. Les courants rendent ce passage très dangereux, nous ne pouvions en douter en voyant, sur le rivage de l’île d’Adda, deux bâtiments qui y avaient fait naufrage le jour même où je m’étais retiré si à propos dans le port de Stanslava. Aussi avions-nous toujours la sonde à la main. Enfin, nous nous en sommes tirés heureusement, et bientôt la terre a disparu à nos yeux. Je vous avouerai que ce n’est pas sans plaisir que je me suis retrouvé en pleine mer. Ce spectacle uniforme du ciel et de l’eau qui afflige tant de voyageurs ne produit point cet effet sur moi. Au contraire, il me semble que la vue de cet espace illimité allume l’imagination et y élève plus vivement le désir de le parcourir. Tout me plaît dans cet élément, jusqu’à son inconstance. J’aime à penser qu’elle peut facilement déranger tous mes projets de voyages et qu’il suffit d’un coup de vent pour me porter sur les côtes presque inconnues de Guriel ou de Mingrélie, ou chez les féroces Abassas. Vous trouverez peut-être ces idées bien folles, mais mon plaisir est de vous les dire telles qu’elles me viennent, sans prétendre les justifier. Le seul projet auquel je tienne est celui de vous revoir cet hiver.

Le 9 en mer.

Notre navigation sur la mer Noire a été longue et fâcheuse. Nous avons été battus pendant trois jours par des bourrasques continuelles qui, se succédant rapidement, ne nous laissaient pas un instant de repos. Quand l’une, après avoir beaucoup tourmenté notre petit bâtiment, allait porter plus loin ses ravages, un nuage noir se détachant d’un ciel enflammé nous en annonçait une autre. Et quelquefois un point obscur, à peine élevé sur l’horizon, nous menaçait d’une troisième qui ne tardait guère à arriver jusqu’à nous. Pendant ce temps là, notre situation a été plus désagréable que dangereuse, hors une fois que la rafale nous prit avec toutes nos voiles larguées et que la maladresse et la lâcheté des matelots russes pensèrent nous faire périr.

A ces orages ont succédé des calmes longs et ennuyeux, qui, joints aux courants, nous ont fait perdre notre route et nous ont obligés de réduire nos portions d’eau à un verre par jour ; ce qui était d’autant plus désagréable qu’il faisait déjà très chaud et que, n’ayant pas assez d’eau pour préparer d’autres aliments, nous n’avions pour toute nourriture que du biscuit sec qui nous altérait beaucoup, et qu’enfin, malgré toute notre économie, nous n’en avions plus que pour un jour et demi lorsque nous avons aperçu l’embouchure du détroit de Constantinople. Déjà nous y sommes entrés, les eaux de l’Euxin nous portent lentement entre le rivage de l’Europe et celui de l’Asie. Dangers, fatigues, ennui, tout est oublié.

Le 11 de Buiukdéré.

Nous avons abordé hier à Buiukdéré, village charmant composé des maisons de campagne des Francs. Notre dragoman, chez qui je suis logé, veut que j’y passe quelques jours avant que d’aller à Constantinople, mais je doute fort que j’aie cette patience.

LETTRE IV

Le 12 à Constantinople.