Voyages et aventures de François Pyrard de Laval - Auguste-François Anis - E-Book

Voyages et aventures de François Pyrard de Laval E-Book

Auguste-François Anis

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Beschreibung

À la recherche de la route des Indes

Sous le règne du roi Henri IV, les richesses que les Portugais et les Espagnols rapportent des pays éloignés poussent les Français à suivre leur exemple. En 1601, la Compagnie des marchands formée entre des négociants de Saint-Malo, de Laval et de Vitré entreprend de chercher la route des Indes. Cette première association obtenant des privilèges arme deux navires, le Croissant et le Corbin qui partent de Saint-Malo le 18 mai 1601 avec le concours d’un pilote hollandais. C’est sur ce dernier bateau que François Pyrard embarque. Après dix années de péripéties, François Pyrard réussit à rejoindre La Rochelle le 5 février 1611.

Le récit inédit du voyage d'un navigateur du XVIIe siècle !

EXTRAIT

Pyrard revenait à peine de voir quelques amis, entre autres un jeune homme de Laval à bord du Croissant, que le danger parut imminent. D’autres passagers du Corbin, attardés dans leur visite au vaisseau amiral, se précipitèrent dans un galion. L’on parvint à les recueillir sur Le Corbin, mais le galion battu par les vagues fut coulé à fond.
Au demeurant, ajoute le vieux narrateur, j’estime qu’il est malaisé à ceux qui ne l’ont point expérimenté de concevoir l’horreur et la furie de cette tempête ; car ce que nous avions éprouvé auparavant n’estoit que jeu au prix. Il faisait si obscur en plein midy qu’on ne pouvait voir le ciel, ni s’apercevoir l’un l’autre.
D’ordinaire si sec et si froid, Pyrard s’émeut à cette occasion. Quand elle gronde, la mer a de si épouvantables accents ! Elle évoque de si poignants souvenirs !

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CLAAE

France

Auguste-François Anis

Voyages et aventuresde François Pyrard de Laval

CLAAE

© CLAAE 2014

Tous droits réservés. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

EAN e-book 9782379110443

Au lecteur

J’offre au public ce que Pyrard m’a baillé : récits, études, observations, rien de mon cru.

Approuve ou désapprouve ; applaudis ou conteste, lecteur, je n’en ai cure.

Prends garde pourtant.

L’on dit qu’en ce vieux livre, où pour toi j’ai puisé, tout, jusqu’à l’invraisemblable, est vrai et sincère. Nos pères l’ont pensé ; des voyageurs anglais l’ont reconnu. Pour y contredire ne manquestu point de grâce et d’autorité ?

Préface

François Pyrard, de Laval, ne nous est guère connu que par le Voyage publié à son retour. Ce fut le président Jeannin qui décida notre compatriote à livrer ce récit au public. L’avocat général, Jérôme Bignon, obtint de lui des détails encore plus circonstanciés, les confia à Bergeron qui les mit en ordre et les publia, en y ajoutant le Vocabulaire de la langue des Maldives. (M. Louis Brière, François Pyrard de Laval et son éditeur anglais, in-8º, 13 p. Mamers 1892). C’est de cette deuxième édition, Paris, Dallin, 1615, que nous nous sommes surtout servi pour ce résumé. Nous devons aussi de précieux renseignements à la savante introduction de M. Albert Gray. (Cf. The Voyage of François Pyrard of Laval to east Indies, the Maldives, the Moluccas and Brazil, 3 vol. in-8º, London). – Un auteur belge a voulu contester l’origine de Pyrard. C’est en vain. M. Jules Le Fizelier (Études et Récits) a fait justice de cette prétention à l’érudition. Et Dieu merci, Pyrard n’en est pas resté pour cela moins lavallois. (M. Émile Moreau, introd. à Voyages de Daniel le Hirbec, in-8º, Laval, 1890). – M. Bérangerie donna dans l’Annuaire de la Mayenne, année 1841, une notice sur Pyrard, avec une bibliographie des éditions de ses voyages. L’on devra recourir à ces différents travaux pour avoir de plus amples renseignements. Pour nous, nous ne prétendons qu’à faire de la vulgarisation.

Chapitre Premier

Départ de Saint-Malo. – Les chefs de l’expédition. – Alerte en mer. – Les Canaries et la Guinée reconnues. – Passage de la Ligne. – L’île d’Annobon. – Il y est fait relâche. – Hostilité des insulaires. – Voyage pour Sainte-Hélène. – L’équipage se refait là. – En route vers le cap de Bonne-Espérance. – Les Abroilles doublés. – Une fête à bord des navires.

C’était en 1601, Henri IV régnait en France, et Guy XX, dit François de Coligny, était comte de Laval.

Des marchands de Saint-Malo, Laval et Vitré résolurent de chercher le chemin des Indes, pour le montrer aux François1. Ils équipèrent deux navires, Le Croissant et Le Corbin.

Sur ce dernier monta François Pyrard, non moins désireux de voir et apprendre que de conquérir des biens. Nous verrons s’il y réussit.

Les chefs de l’expédition étaient le sieur de la Bordelière, capitaine du Croissant avec le titre d’amiral, et son lieutenant François Grout, capitaine du Corbin, tous deux de Saint-Malo.

De cette ville partirent nos voyageurs le 18 du mois de mai.

À peine sont-ils à neuf ou dix lieues que le mât de misaine du Corbin, se rompt. On le raccommode. Mais c’est mauvais signe, disent les marins ignorants et superstitieux.

Le 21, neuf vaisseaux hollandais apparaissent en mer. La méprise d’un artilleur de cette flotte, qui tire à boulet, amène l’échange de quelques coups de canon. L’erreur est vite reconnue, et tout s’arrange.

Le Corbin et Le Croissant reprennent leur marche.

Le 3 juin, ils passent en vue des Canaries, et le 12 du même mois, ils voient les îles du Cap-Vert. C’étaient alors de grands entrepôts d’esclaves, d’où les Portugais expédiaient de malheureux Noirs aux Antilles, au Brésil et même en Portugal.

Le 29, les marins du Corbin reconnaissent la Croix du Sud.

À cette latitude se trouve une grande quantité de poissonsvolants, qui ont des ailes semblables à celles des chauves-souris. On en prend à volonté et leur chair est un régal.

Le 14 juillet, une terre apparut à l’est. C’était la côte de Guinée.

Le 24 août, les deux navires traversaient la Ligne. Ce fut laborieux. Chaleur étouffante, perte de provisions qui se corrompent, développement rapide de toutes espèces de vers dans l’eau potable, inconstance de la température, qui fait qu’on passe soudain d’un calme profond à d’épouvantables tempêtes et réciproquement ; voilà un faible aperçu des souffrances et des difficultés éprouvées.

Aussi ressent-on un véritable soulagement, quand, le 29 août, le pilote du Corbin, monté sur la hune, s’écrie : « La terre, la terre ! ».

L’île d’Annobón se montrait à dix lieues 2.

Le lendemain les navires y sont en rade.

L’accueil fait aux Français par les Portugais insulaires est d’abord courtois – trop courtois même. – Plusieurs passagers et marins, s’y laissent prendre, qui, conduits à l’écart, tombent dans une embuscade et sont mis à rançon.

Thomas Pépin, lieutenant du Corbin, est l’un deux. Il veut se défendre et reçoit une blessure dont il meurt. Ce n’est qu’à grand’peine et au péril de la vie que les équipages font quelques provisions d’eau, la nuit, dans une vallée où les habitants tirent sur eux à coups d’arquebuse.

Cependant l’île, verdoyante et fraîche, fournit des fruits succulents. Ses côtes sont d’ailleurs peuplées d’une multitude d’oiseaux et la mer du rivage est très poissonneuse. Les navires profitent de ces avantages pour se ravitailler ; et, après six semaines, quittent sans regret cette terre peu hospitalière.

Le 16 octobre, l’amiral donne l’ordre de lever les ancres, et fait voile pour Sainte-Hélène.

La provision d’eau était insuffisante, et les maladies commençaient à s’attaquer aux passagers.

Un mois après, Le Croissant et Le Corbin stoppaient en rade de cette île, où l’on trouve des eaux salubres, un air pur et frais.

Les voyageurs rafraîchis et refaits, après une halte de trois semaines, firent route pour le cap de Bonne-Espérance, distant d’environ six cents lieues.

Trois jours plus tard, ils doublaient les Abroilles, écueils dangereux, par 18º de latitude australe.

Heureux de s’en être tirés, passagers et marins font des fêtes à la manière des Portugais. Ils élisent un roi de circonstance, qui y préside, et l’on distribue une double ration de vin. C’est tant pis, écrit Pyrard. De cette façon on enivre les mariniers, qui après n’en font pas leur devoir.

__________________

1. À cette époque la route des Indes orientales était pratiquée presque exclusivement par les Portugais et les Hollandais. – Pyrard semble du reste ignorer le voyage des frères Jean et Raoul Parmentier, de Dieppe, qui visitèrent les Maldives et atteignirent Sumatra dès 1529. On ne connaissait pas les Voyages des frères Parmentier qui n’ont été publiés qu’en 1832. – L’on croit aussi que Paulmier de Gouville, parti de Honfleur, en 1503, doubla le cap de Bonne-Espérance et parvint jusqu’à Madagascar.

2. L’île d’Annobón par 1º 30’ de latitude sud. (Mér. ang.) fut découverte par Martin Fernandez en 1471, et cédée à l’Espagne au xviiie siècle.

Chapitre 2

Le Cap. – Il est franchi. – Rencontre de Hollandais. – Tempête. – Souvenir de Camoëns. – Erreur d’un pilote. – Autre tempête pendant quatre jours et quatre nuits. – Nacelle coulée à fond.

Cependant les navires poursuivirent leur course dans la direction du cap de Bonne-Espérance.

Bientôt l’approche du Cap se fait reconnaître à des signes certains : de grands roseaux flottent en mer, et des oiseaux blancs tachetés de marques noires, les Mangas de velludo1 , apparaissent en grand nombre.

Le 27 décembre, à minuit, Le Corbin longeait la terre. Un marin qui s’en aperçut, donna l’alarme, et vite le bâtiment fut remis à la haute mer.

On venait ainsi d’échapper au danger de se briser sur cette côte hérissée de rochers énormes, et de doubler le cap de Bonne-Espérance. On le reconnut au point du jour.

L’attention de nos navigateurs s’était portée plutôt sur le cap des Aiguilles, qui pousse sa pointe dans l’Océan quinze lieues plus en avant que celui de Bonne-Espérance.

Sur ces entrefaites, deux navires hollandais, sous les ordres d’un capitaine appelé Spilberg, se montrèrent venant de la rive où ils s’étaient rafraîchi.

De part et d’autre on désirait vivement approcher bord à bord et se parler. Un gros temps ne le permit pas ce jour-là. Le lendemain, les Hollandais et les Français se visitèrent et se fêtèrent.

Spilberg avec ses Hollandais se rendait aussi aux Indes ; mais il dut prendre un chemin différent de celui de nos Malouins. Quand ceux-là s’en allaient relâcher dans la baie de Formosa, sur la côte de Mélinde, ceux-ci se dirigeaient par l’est de l’île de Saint-Laurent 2.

Le 6 juin 1602, chacun se réjouissait à crier : « Le roi boit ! » lorsque s’éleva soudain une de ces violentes tempêtes, fréquentes en ces parages.

Quelque voyageur lettré se souvint peut-être des Lusiades. La mer ténébreuse faisait songer aux vers immortels de Camoëns, et rappelait à l’imagination troublée la terrible figure d’Adamastor :

Un spectre immense, épouvantable, s’élève devant nous. Son attitude est menaçante, son air farouche, son teint pâle, sa barbe épaisse et fangeuse. Sa chevelure est chargée de terre et de gravier ; ses lèvres sont noires, ses dents livides ; sous de noirs sourcils, ses yeux roulent étincelants…

Il parle : sa voix formidable semble sortir des gouffres de Neptune. À son aspect, à ses terribles accents, nos cheveux se hérissent ; un frisson d’horreur nous saisit et nous glace 3.

Comme jadis devant les vaisseaux de Vasco de Gama, la mer soulevée par les vents sembla pousser un long gémissement, puis elle s’apaisa.

Le 30, le sieur de la Bordelière se douta de l’erreur de son pilote. Contrairement aux ordres donnés, Le Croissant voguait entre la côte d’Afrique et celle de Madagascar. L’on passa à l’est, et le 4 février, apparut cette dernière île. On s’était donc trompé.

L’amiral fit revenir ses navires en contournant les rives, et reprendre son chemin par le côté est. On n’avait pas encore doublé la pointe sud, lorsqu’une nouvelle tempête assaillit les deux bâtiments. Par un calme parfait, ceux-ci glissaient doucement et sans précaution sur une mer d’huile. L’occasion fut même jugée bonne pour se visiter d’un navire à l’autre.

Pyrard revenait à peine de voir quelques amis, entre autres un jeune homme de Laval à bord du Croissant, que le danger parut imminent. D’autres passagers du Corbin, attardés dans leur visite au vaisseau amiral, se précipitèrent dans un galion4. L’on parvint à les recueillir sur Le Corbin, mais le galion battu par les vagues fut coulé à fond.

Au demeurant, ajoute le vieux narrateur, j’estime qu’il est malaisé à ceux qui ne l’ont point expérimenté de concevoir l’horreur et la furie de cette tempête ; car ce que nous avions éprouvé auparavant n’estoit que jeu au prix. Il faisait si obscur en plein midy qu’on ne pouvait voir le ciel, ni s’apercevoir l’un l’autre.

D’ordinaire si sec et si froid, Pyrard s’émeut à cette occasion. Quand elle gronde, la mer a de si épouvantables accents ! Elle évoque de si poignants souvenirs !

« O flots, que vous savez, de lugubres histoires !« Flots profonds, redoutés des mères à genoux !« Vous vous les racontez en montant les marées,« Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées« Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous. » 5

Cela dura quatre jours et quatre nuits, les 7, 8, 9 et 10 février ; et pour lors tous ceux qui avaient du jugement songeaient à leur conscience. Quant aux marins, comme les