1 heure : La Bourse - Gabriel Mourey - E-Book

1 heure : La Bourse E-Book

Gabriel Mourey

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Beschreibung

Extrait : "La Bourse ! le cœur du Paris moderne, comme les Halles en sont le ventre. La Bourse ! la cathédrale des temps nouveaux, le temple de la seule religion vraiment florissante et sincèrement pratiquée. Et quelle religion ! aussi sauvage, aussi sanguinaire, aussi mystérieuse que les cultes les plus barbares, avec ses rites étranges, sa langue spéciale, ses sacrifices, ses catégories d'initiés, ses collèges de prêtres."

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La Bourse ! le cœur du Paris moderne, comme les Halles en sont le ventre.

La Bourse ! la cathédrale des temps nouveaux, le temple de la seule religion vraiment florissante et sincèrement pratiquée. Et quelle religion ! aussi sauvage, aussi sanguinaire, aussi mystérieuse que les cultes les plus barbares, avec ses rites étranges, sa langue spéciale, ses sacrifices, ses catégories d’initiés, ses collèges de prêtres.

Les agents de change en sont les pontifes suprêmes. Le prestige de détenir le privilège dont est faite leur force les revêt aux regards des masses d’une splendeur redoutable. Tout gravite dans leur lumière ; tout s’abaisse devant leur majesté. Ils forment une caste omnipotente aux mains de qui est confié le sort de la fortune publique. Ils sont, dans le sanctuaire où trône la divinité, des sacerdotes environnés de gloire, de richesse et d’orgueil, et nul n’ose porter atteinte à leur souveraineté sacrée : entre la puissance que l’on adore ici et la multitude, ne sont-ils pas les intermédiaires obligatoires ? Peut-on se passer de leur intercession ?

Protégés par de fortes barrières où viennent se briser la rage et la concupiscence de la foule affolée d’or, ils exercent le monopole de leur ministère. Une cohue avide se rue autour du sanctuaire ; la fureur de l’assaut ondoie, hurle, bouillonne, ce pendant que s’accomplit l’âpre rite. Il monte dans l’air une clameur chaude qui sent la bestialité et le sang et que perce parfois comme un cri d’animal blessé.

Eux-mêmes, dans l’enceinte, close aux profanes, se tordent en frénétiques gesticulations, et l’écho qui, des murailles et du plafond de la vaste église, rebondit sans cesse, sonne haut comme le bruit des vagues à l’équinoxe, roule et houle comme la fureur déchaînée d’une révolte.

C’est à l’heure, 1 heure, où Paris, lassé de sa lutte matinale – car Paris se lève plus tôt que les autres capitales – se repose un moment et s’étire, que les fidèles de l’or tiennent leur assemblée.

Une accalmie rend les rues presque désertes : dans la fièvre d’activité de la Grande Ville, il se produit une détente ; l’effort s’apaise ; on emmagasine de nouvelles forces pour le reste du jour. Eux accourent ; de toutes parts, avidement ils se hâtent ; dans les rues qui débouchent sur la Place c’est une presse de fourmis humaines vers la proie. Par centaines, de tout le quartier aux alentours, les grands immeubles les vomissent, peuple affairé gagnant un but précis à une heure précise.

Les restaurants avoisinants regorgent. On s’y donne des rendez-vous, on s’y interpelle en liberté, on s’y prépare à la bataille prochaine. Elle commence ici déjà : on se transmet des ordres, on se passe des tuyaux, on se tâte mutuellement, on évalue les forces de résistance de chacun, on démasque des plans, on perce à jour des manœuvres. Des déjeuneurs solitaires, mélancoliquement échoués devant des tables desservies, se consument dans l’attente vaine de quelqu’un qui doit venir, et de la porte sans cesse battante à l’œil inexorable du cadran promènent un regard d’angoisse. D’importants personnages groupent auprès d’eux une cour perpétuellement renouvelée de curiosités anxieuses. Plus loin, deux compères, à voix basse, se font des confidences intéressées. Des doigts fiévreux ouvrent, en les froissant, des télégrammes ; d’une table à l’autre, on échange des feuilles de carnet, griffonnées à la hâte.

L’heure va sonner ; trois minutes encore, le temps de traverser la rue. Les restaurants se vident ; des attardés grimpent les marches quatre à quatre, s’engouffrent sous la colonnade, s’évanouissent dans les trous d’ombre des portes.

L’heure sonne ! Des cris éclatent là-haut, partent tout à coup comme une pièce d’artifice, forment une rumeur qui durant trois heures ne cessera plus un instant. La bataille est commencée.

Avant de pénétrer dans la mêlée, jetons un coup d’œil sur le monument qui l’abrite.

Il n’en est point de plus banal ni de plus laid. Il tient à la fois de l’église désaffectée, de la gare et de la halle ancien modèle. Ce pourrait être aussi un théâtre : assez de drames y ont leur prologue et leur dénouement. Pourquoi pas un palais de justice ? Il en a l’austérité, le puritanisme glacial. Dans le terre-plein qui le supporte, que de geôles on établirait ! Actuellement même, le panier à salade stationnant devant les grilles n’en déparerait point l’aspect ; d’un tri peu sévère parmi ses hôtes quotidiens on le remplirait sans peine chaque soir.