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“ Deviens ce que tu es !”, comme disait le poète Pindare, fait écho à : qui sommes-nous ? Cette question, à la fois simple et d’une complexité abyssale, est au cœur de cet ouvrage. Un pan entier de l’histoire de la philosophie ou de la littérature se plonge, depuis l’apparition de la pensée, dans les méandres de l’être et au travers du “ je” raconte notre “alter ego”. Cet autre qui n’est que nous même.
Ce recueil de textes, présenté sous forme d’aphorismes, est une tentative de s’inscrire dans cette lignée du jeu entre le moi et l’autre, et réciproquement, sous la forme d’un kaléidoscope thématique ou d’une peinture pointilliste qui ne révélerait son sens qu’à mesure que nous prenons de la distance dans la durée. Il appartient au lecteur de construire son propre portrait, en miroir, dissimulé dans les liens interstitiels et fragmentaires qui parsèment ces segments, vers une direction et un but ou une ligne de fuite, seules conditions d’une mise en perspective.
Le développement d’une philosophie existentielle concrète est au cœur de cet ouvrage, comme une filiation d’illustres prédécesseurs.
Que signifiait pour ces hommes ou ces femmes, et quel sens donnons-nous aujourd’hui à ces empreintes de mains retrouvées dans les grottes préhistoriques, à des périodes concomitantes dans des lieux différents ? C’est bien le mystère de l’Être qui demeure et, des mêmes interrogations naissent, au fil du temps, des formes différentes. Cette dualité, tant spatiale que temporelle, entre ontogénèse et phylogénèse est au cœur de l’évolution de l’être humain et de l’espèce, dont l’Art est la plus noble des représentations, fil rouge de ce recueil.
“Je pense à ceux qui doivent en eux trouver quelque chose après le désenchantement. ”
- Honoré de Balzac
À PROPOS DE L'AUTEUR
Stéphane Larrieu est enseignant scientifique, en mathématique et sciences physiques en école d’ingénieurs, après une expérience significative dans l’éducation nationale.
Passionné de philosophie depuis sa première rencontre avec cette discipline en classe terminale et de création artistique. Le cinématographe, la musique, la littérature et la peinture sont des refuges.
Il anime régulièrement des ateliers-conférences autour de films en s’appuyant sur l’analyse filmique et son amour pour la transmission et le partage. Son credo est de créer du lien entre des univers qui peuvent paraître disjoints et de montrer que les connaissances ne sont rien dans l’absolu mais constituent un rhizome d’interdépendance qui donnent du sens à nos vies et à notre histoire.
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Seitenzahl: 921
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Stéphane Larrieu
ALTER EGOAXIOMATIQUE CRÉPUSCULAIRE DE L’EXISTENCE
Aphorismes & Pensées
Publishroom Factorywww.publishroom.com
ISBN : 978-2-38454-066-2
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
“Supposez qu’un homme vive autant dans l’amour des arts plastiques ou de la musique, qu’il est entraîné par l’esprit de la science et qu’il considère qu’il est impossible de faire disparaître cette contradiction par la suppression de l’un et l’affranchissement complet de l’autre. Il ne lui reste qu’à faire de lui-même un édifice de culture si vaste qu’il soit possible à ces deux puissances d’y habiter quoique à des extrémités éloignées, tandis qu’entre elles deux les puissances conciliatrices auront leur domicile pourvu d’une force prééminente pour aplanir en cas de difficultés la lutte qui s’élèverait.”
– Humain, trop humain. F. Nietzsche
“L’art et rien que l’art, nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité.”
– F. Nietzsche
Cher lecteur, mon alter, mon ego.
“Une fois que vous commencez à parler de choses qui sont précieuses, vous êtes immédiatement anxieux de la façon dont les gens réagiront à ce que vous avez dit, et vous voulez protéger ces choses, pour les défendre contre l’incompréhension.”
A. Tarkovsky
Le pur plaisir de penser.
Ce recueil est composé de textes fragmenté en douze segments qui s’appuient sur une série de 32 axiomes*.
Essentiellement constitué d’aphorismes*, et autres pensées, dont les intitulés renvoient à des périodes de vie mais surtout d’existence, ou à une terminologie spécifique, cet ensemble n’a que l’ordre que le lecteur voudra lui accorder.
Ainsi, on trouvera des traitements de mêmes thématiques dans les différents segments qui composent un kaléidoscope existentiel, mais dans des contextes de vie particuliers et singuliers.
À la manière d’illustres prédécesseurs, auxquels je rends hommage, j’ai adopté ce choix formel car il correspond à ma façon d’appréhender la pensée et le monde et le monde de la pensée.
C’est au lecteur de (re)construire, par le choix de ses entrées dans le recueil, et de percevoir des résonances ou des oppositions (penser, c’est penser contre soi-même) afin de penser à sa manière le monde qui l’entoure. Il pourrait dès lors rencontrer un autre moi, un alter-ego qui pourra entrer en résonance avec l’essence la plus intime de son être.
Sous le mystère apparent des êtres, nous retrouvons une même essence qui nous pousse vers nous-même, vers ce que nous souhaitons être et devenir depuis un hapax* existentiel. Le cheminement n’est malheureusement pas simple, ni linéaire et ni continu. Il est parsemé d’embûches et de pièges dont notre propre résistance à devenir est la première source, lui conférant une discontinuité troublante à laquelle nous devons nous accrocher. Car la vie et l’existence sont déjà à l’origine d’entraves à notre quête. La continuité de notre fonction existentielle n’est qu’un prolongement vital aux limites de nos discontinuités alors même que notre devenir suit une limite asymptotique.
Ce recueil pourrait en quelque sorte raconter cette frontière entre la Vie et l’Existence et comment nous naviguons entre ces deux étoiles polaires qui guident notre quête.
Toute philosophie est la confession d’un corps disait Nietzsche. Tout écrit est une philosophie corporelle induite par les événements qui jalonnent notre vie pour la transformer (ou pas) en une quête plus singulière.
Guidé par l’incandescence d’un noyau en fusion, ces textes sont des jaillissements éruptifs de la pensée en mots qui fracturent l’écorce ontologique pour faire émerger de nouveaux continents et en faire disparaître d’autres sans que la volition en soit la cause première.
Ces textes ne sont que le sismogramme des mouvements tectoniques d’une âme.
Même si les 32 axiomes introduisent ce recueil, pour des raisons logiques, il est tout à fait possible, même conseillé, de n’en prendre connaissance qu’après s’être imprégné des textes dans les différents segments puis d’y revenir.
Les citations des auteurs qui parsèment l’ouvrage sont identifiables par une couleur de police plus claire en italique.
Leur nombre est conséquent car elles peuvent être l’origine de la gestation d’aphorismes et par-dessus tout pour marquer l’admiration que je porte à leurs auteurs et à leurs idées.
L’origine, donc la conséquence de ce corpus se trouve dans un hapax existentiel qui a donné lieu à une nécessité impérieuse de retranscrire mes “pensées” en mots.
La philosophie a toujours été une compagne fidèle et nourrissante. Ce sont donc des rencontres avec des pensées, des penseurs, des philosophes (concepts*), des scientifiques, des peintures (percepts*), des films, des musiques (affects*), des romans (percepts*), des oeuvres et des rencontres humaines qui sont entrées en frictions avec moi. Je leur dois tout ou presque pour le pur plaisir de penser.
Enfin, et il me semble que ce point est le plus crucial, la lecture de ces textes ne peut se faire que “par delà le bien et le mal”, sans qu’intervienne toute morale (ou plutôt toute “moraline” pour reprendre la terminologie de Nietzsche). On ne peut juger la vie à travers la vie.
De plus, il n’existe pas de vérité ultime mais seulement des interprétations d’interprétations. Je fais référence ici à deux des textes les plus fondamentaux, à mes yeux, de F. Nietzsche, l’un extrait du Crépuscules des idoles (“Ceux qui veulent rendre l’humanité « meilleure »” – voir page 540) et au paragraphe 374, extrait du Gai Savoir (“Notre nouvel « Infini »” – voir page 595). Cette conception généalogique de la morale implique une question que tout lecteur devrait se poser, non pas “Qu’est-ce que tu dis ou écris.” mais “D’où parles-tu ?”.
“Cette heure crépusculaire où les formes s’effacent, où le contour des choses lutte contre les ténèbres qui le réduisent à néant.”
H. Hesse
À ma mère, qui m’a mis au monde, m’a donné la vie, m’a élevé, éduqué, aimé et sensibilisé à l’essentiel.
Les axiomes proposent une réflexion sur la manière dont nous percevons et interprétons le monde qui nous entoure. Ils sont basés sur des principes fondamentaux et servent de base à la construction de connaissances et de théories. Les axiomes sont souvent utilisés en mathématiques et en philosophie, mais peuvent également être appliqués à d’autres domaines tels que la psychologie et la sociologie. Ils permettent de poser des hypothèses et de formuler des propositions qui peuvent être testées et vérifiées. Les axiomes sont donc essentiels pour la construction de connaissances et la compréhension du monde qui nous entoure.Une axiomatique se fonde sur un ensemble d’axiomes.
Voici ici une série de 32 axiomes sur lesquels les aphorismes du présent recueil sont fondés.
POSTULAT
“Toute philosophie est la confession d’un corps.”
Extrait de l’avant-propos du Gai Savoir de F. Nietzsche.
Axiome 1 (Aria)
La vie est un ensemble de paramètres biologiques.
***
Axiome 2
L’existence est ce que nous faisons de la vie.
***
Axiome 3
On peut vivre sans exister.
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Axiome 4
L’existence est une deuxième naissance, un hapax.
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Axiome 5
L’existence est ontologique.
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Axiome 6
Des habitudes naissent la nouveauté.
***
Axiome 7
Les rituels sont des habitudes existentielles.
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Axiome 8
On ne peut construire une histoire qu’à partir d’une géographie.
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Axiome 9
La création (artistique) est la condition nécessaire pour trouver son/un mode d’existence.
***
Axiome 10
Le réel est un obstacle.
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Axiome 11
On ne pas exister sans vivre.
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Axiome 12
Toute création est singulière.
***
Axiome 13
Tout être est singulier.
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Axiome 14
La création échappe à toute vérité.
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Axiome 15
Une vie sans existence est sans âme.
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Axiome 16
Le crépuscule est le moment de la contemplation, qui prépare, entre autres, le sommeil, l’activité onirique, la mort et la création.
***
Axiome 17
Les rêves sont notre seconde vie.
***
Axiome 18
L’idée que l’on se fait de la vie n’est jamais adéquate.
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Axiome 19
L’art nous sauve du réel.
***
Axiome 20
La vie est mortelle.
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Axiome 21
L’existence ne meurt pas.
***
Axiome 22
Tout savoir est un héritage.
***
Axiome 23
Ce que nous faisons de cet héritage nous singularise.
***
Axiome 24
Il n’y a que de la transcendance dans l’immanence.
***
Axiome 25
La musique est la forme artistique la plus pure.
***
Axiome 26
La seule quête de l’existence est la grâce.
***
Axiome 27
Le réel n’est pas rationnel.
***
Axiome 28
Le rationnel est réel.
***
Axiome 29
La seule liberté, ou presque, est d’avoir conscience que nous sommes déterminés.
***
Axiome 30
Tout manque n’est pas une lacune mais un excès.
***
Axiome 31
Notre singularité se dévoile dans notre langage.
***
Axiome 32 (Aria)
Tout langage est limitatif.
APHORISMES DES QUATRE SAISONS
Ces ignorants qui croient que la connaissance est une fin en soi, alors qu’elle est une faim en soi.
*
Être attaché au lien, c’est vouloir se libérer de l’emprise du néant.
*
Quelle plus belle demeure que celle où se ferait entendre perpétuellement le second mouvement du 10e quatuor à cordes de LVB ?
*
Il y a toujours de l’inquiétude à redouter avec certitude ce que l’on espère fortement.
*
La pensée d’un être que nous aimons ravive la flamme de nos plus profondes angoisses et attise la plus douce des joies.
*
Le manque que nous ressentons d’un être cher exacerbe au plus haut point notre imagination créatrice, et les images qui s’y déploient nous font croire à cette fiction bien plus fort que la réalité.
*
Il se dégage dans les mouvements lents des quatuors à cordes de ce cher Ludwig Van une immense mélancolie où le temps se dilate dans une inexorable avancée, et où se mêlent des mélodies d’une subtilité jamais atteinte à la dissonance vertigineuse.
*
Nous serions surpris de connaître la déception de ceux qui nous déçoivent à des endroits qui ne sont pas les nôtres.
*
Il y a dans toute addiction un plaisir que l’on cherche à reproduire où se mêlent un sentiment de perte et une injonction liberticide.
*
Je suis effaré de voir combien certains, hélas trop nombreux, n’entendent pas les subtilités que seul le langage permet.
*
La beauté naturelle domestiquée perd de son essence ; lorsqu’elle surgit de l’état sauvage, la beauté est plus belle.
*
Le déplacement territorial, quel qu’il soit, modifie notre référentiel dans ce qu’il possède de plus conservateur et de rassurant.
Une fois franchi, nous augmentons notre sensibilité à la différence et nous sommes enrichis d’une nouvelle vision, d’une inhabituelle expérience, à condition de ne pas rester figés dans nos schèmes, et lorsque nous regagnons notre territoire nous ressentons une forme de nostalgie positive qui a le mérite de nous faire prendre de la hauteur sur notre habituel condition.
*
Être (se sentir) hors du monde, c’est être au monde.
*
Un véritable ami sait autant de choses sur vous que vous en savez sur lui, et même plus.
*
Maturité de l’être, savoir ce qui est bon pour soi.
*
Les grands penseurs existentiels, Pascal, Kierkegaard, Heidegger, Sartre ou Camus attribuent à l’angoisse une vertu.
*
On aime trouver dans les films d’action un synchronisme / une synchronicité dans l’enchaînement des actions qui donne un sentiment de perfection, hélas absent de la vie.
*
Je regrette de ne pas avoir écouté Jean-Sébastien Bach dès l’âge de 1 an. Ma vie aurait été tout autre.
*
Le plus grand malheur humain n’est pas tant de vieillir, mais de constater qu’en prenant de l’âge il retrouve sa jeunesse en pleine conscience.
*
On choisit souvent par manque de choix car la véritable liberté réside dans l’ouverture vers des possibles qui se proposent à nous.
*
Quel plus beau fantasme que de raconter ses fantasmes à une personne que l’on désire !
*
Lorsque l’autre se permet d’être avec nous-mêmes d’une manière telle que ce qu’il dit ou fait n’est pas en phase avec ce que nous ressentons pour lui, nous sommes en droit de nous poser la question de la légitimité de cette relation.
*
L’art nous aide à synthétiser la réalité.
*
D’innombrables détails de la vie, ailleurs que celle qui nous anime, nous en donnent une impossibilité de la vivre si nous devions tous, ne serait-ce que les imaginer, car ils représentent d’infinis détails, d’infinies perspectives, qui dépassent notre seul entendement.
*
Notre vie est une restriction tant spatiale que temporelle à ce que nous vivons qui nous évite de devenir fou.
*
Le cinéma est l’art qui permet d’avoir une vision d’un monde exotique sans que nous ayons été en rapport avec la réalité de ce même monde.
*
Ce sont les expériences que la vie nous offre ou que nous rencontrons qui nous permettent de trouver de nouvelles voies de réflexion
et non l’inverse.
*
Pourquoi faudrait-il toujours être maître de nos pensées quand ces dernières seraient maîtres de nous ?
*
Denis Lavant et Thierry Frémont sont des comédiens extrêmes, extrêmement justes.
*
Des souvenirs enfouis dans des profondeurs insoupçonnées remontent à la surface et modifient notre perception de l’instant et celle de notre passé, par la seule mise en présence d’une image, d’un mot, d’un son ou d’une évocation. C’est tout notre Être qui se trouve alors bouleversé et affecté par ces altérations qui influent sur notre existence et nous retrouvons un rapport à notre sensibilité défiguré. L’oubli n’est qu’une mise à l’écart, consciente ou inconsciente, de certains événements de notre vie qui demeurent endormis, prêts à être révélés.
*
Il est si difficile de sortir de la seule contemplation pour passer à l’acte singulier de création, qui devrait en être une résultante, et nous succombons, par facilité, à la banalité dans l’action, incarnée dans une habitude.
*
Lorsque la tristesse nous envahit, c’est toute notre histoire qui remonte à la surface.
*
Le rien est/devient tout si nous passons notre vie sans aimer alors qu’il n’est rien si nous la passons à aimer.
*
Sans amour, le rien est tout au crépuscule de l’existence.
*
Tout le malheur des hommes vient du fait qu’ils ne vivent et n’existent pas seuls.
*
Sortir de l’ordinaire devrait mener nos vies et remplir nos existences.
*
Chercher et trouver l’extraordinaire dans le quotidien et alimenter nos habitudes d’une telle quête est la condition de la rencontre avec l’exception.
Cette dernière est la source de la joie la plus haute.
L’homme ne s’élève qu’en fixant de son regard la cime de ses rêves puis en suivant le parcours qui l’y mène.
Cette élévation n’est possible que par une traque de l’inédit, une attention à la nuance, une curiosité scientifique, un sens commun du partage, que seule l’amitié permet, et enfin, et c’est là le point crucial, une faculté à la contemplation, en particulier celle que nous offre la Nature.
C’est dans la simplicité la plus élaborée que nous trouvons notre salut.
*
L’impossible solitude
L’homme du ressentiment est essentiellement animé par l’autre en lui, celui qui coexiste avec son moi, et notamment à ce que cet autre représente, sait, possède ou fait. En même temps, c’est l’action rétrospective et introspective puis projective des mots ou des actes qui prédominent en lui dans un tourment dont l’âpre résonance induit une vision fictive déformée, source principale de son inquiétude.
C’est bien cet autre en nous qui éveille tous ces soupçons et dont nous ne pouvons nous défaire. Il observe sans cesse un écart entre ce qui subsiste de trivialité pour nous-même et ce qui nous semble différentiable.
Les vacances en groupe ne sont que des occasions de constater l’exacerbation des incompétences de certains et de nos impuissances.
*
Nous nous sentons comme différents de ce que nous sommes habituellement au sein d’un groupe, nous réalisons que cet écart n’est qu’une adaptation sociale, même si nous espérons que certains perçoivent la réalité de notre “moi”.
*
J’ai toujours eu une extrême préférence dans les rapports humains interpersonnels, même si je dois avouer trouver un certain charme à être au sein d’un groupe d’amis.
*
Le groupe n’apporte strictement rien sur le plan intellectuel et il ne faut pas espérer y trouver de liens privilégiés sur ce plan, si ce n’est qu’occasionnellement.
*
Pour être accepté ou intégré dans un groupe, il faut posséder soi-même une singularité qui, malgré tout, n’aille pas jusqu’au travers du bouc émissaire ou bien trouver un équilibre qu’une tierce personne apporte, soit par son extériorité au groupe, soit par une particularité qu’elle posséderait à notre endroit.
*
La conciliation devrait toujours se faire par et pour ceux qui possèdent le plus d’exigences.
*
Les poètes sont les sauveurs de l’Humanité, les âmes qui ressentent le monde avec l’acuité perceptive la plus fine, ceux qui expriment le monde pour (à la place de) les autres. Ils demeurent de toute éternité, dans l’étreinte du Temps, les amoureux secrets des mystères de l’Existence, et resteront, au-delà du temps, au-delà de tout, comme le témoignage du passage de la beauté, qu’elle soit d’ordre naturelle ou humaine, sur Terre.
*
Comprendre que nous sommes Humains, c’est accepter que nous puissions ressentir et vivre la joie la plus intense, et dans le même flux existentiel, la souffrance (une souffrance) la plus aiguë ; c’est comprendre que toute la dualité de l’Homme est contenue dans un même monde, une même réalité.
*
L’enfant vibre, à un instant donné, à l’unisson d’un même sentiment.
*
Au-delà des événements inattendus que la vie nous réserve, ce sont bien les révélations humaines qui nous offrent les surprises les plus symptomatiques. Des êtres que nous croyons connaître sont l’origine et la fin d’un même sentiment double.
*
Peu de personnes sont capables d’entendre toutes les nuances que nous avons à exprimer lorsque notre conscience est obscurcie par les aléas de la vie et de l’existence. Un chagrin d’amour, une déception amicale, ou tout autre événement qui altère notre jugement mais que nous ne montrons pas nécessairement à tout le monde, à n’importe qui.
*
Nous pensons être entourés des êtres adéquats alors que nous nous adaptons à eux.
*
J’ai toujours eu le sentiment dans les différents groupes humains que j’ai côtoyés et que j’ai autour de moi, de m’être plus souvent adapté aux autres que les autres se sont adaptés à moi.
Est-ce l’impression que chacun de nous possède ?
*
Le monde moderne nous conditionne à fragmenter notre mémoire qui, de ce fait, ne se construit plus de la même manière.
*
Je me sens plus silencieux en groupe que tout seul.
*
L’acuité perceptive que l’on développe à l’égard des autres et du monde est le sens le plus important et le plus sous-estimé.
C’est le seul qui nous laisse entrevoir des arrière-mondes aux multiples possibles et qui permet à la fois de côtoyer mystère et intuition, révélation et certitude.
*
Il est très désagréable et même néfaste, lors de discussions, de ne pas être compris et de se rendre compte que l’autre n’est pas suffisamment attentif aux mots que nous employons, qui permettent d’exprimer notre pensée. Nous décelons dans sa reformulation des manques ou des lacunes, mais surtout une volonté de suivre les éléments de son raisonnement sans considérer les nuances que nous avons pu apporter. De là naissent les malentendus qui se reportent le plus souvent sur l’aspect affectif, voire passionnel, au lieu de se fonder sur des éléments tangibles, rationnels autant que faire se peut, et raisonnables.
Il y a des personnes avec lesquelles toute discussion sur le fond des idées est compliquée à mettre en œuvre.
*
La plupart des personnes ne savent pas discuter, c’est-à-dire écouter les arguments de l’autre tout en exprimant les leurs en construisant un raisonnement adapté.
*
Les gens aiment trouver sans avoir pris le temps et le plaisir de chercher. Chercher c’est faire appel à plusieurs sens aussi bien intellectuels que sensitifs ou instinctifs en vue d’établir des liens ou des connexions qui permettent de défricher ou retrouver un chemin qui nous mène vers un but. Se priver de cette quête, c’est se priver de ce pour quoi l’esprit humain est conçu et en conséquence de prendre l’habitude de la facilité. C’est éviter la frustration et vouloir éviter l’affrontement au Temps et à soi-même. C’est nier le travail de la mémoire, socle de la constitution de l’être. Comprendre que la quête est au moins (si ce n’est plus) aussi importante que le but naît d’une éducation.
*
“Et encore une fois, qu’est-ce que ça veut dire, mourir ? Mourir ça ne veut dire qu’une chose : c’est que les parties qui m’appartenaient sous tel ou tel rapport sont déterminées du dehors à entrer sous un autre rapport qui ne me caractérise pas, mais qui caractérise autre chose. […] Expérimenter que je suis éternel c’est expérimenter que “parties” au sens intensif coexiste et diffère en nature de “parties” au sens extrinsèque extensif. J’expérimente ici et maintenant que je suis éternel, c’est-à-dire que je suis une partie intensive ou un degré de puissance irréductible aux parties extensives que j’ai, que je possède, si bien que lorsque les parties extensives me sont arrachées (= mort), ça ne concerne pas la partie intensive que je suis de toute éternité. J’expérimente que je suis éternel.”
G. Deleuze
*
Toute erreur que nous commettons a des répercussions jusqu’au (re)commencement.
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Les siestes sont de fabuleux moments réparateurs et d’une rare intensité lorsqu’il s’agit de s’immerger dans le sommeil.
*
Parfois se réveiller d’une sieste fait ressentir tout le poids de l’existence et l’angoisse de mort avec une acuité exceptionnelle.
La sieste est un sommeil interrompu.
*
Les sensations liées aux souvenirs innervent notre mémoire et notre présent, comme un jaillissement spontané, lorsque nous sommes mis en leur présence.
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Nous nous retrouvons alors immergés dans un passé géographique dont la présence occulte notre moment actuel.
*
Les naissances, l’évanescence, l’apparition, le commencement, l’origine sont autant de vocables qui désignent l’émergence ou le retour de quelqu’un, de quelque chose, dans l’ordre du monde et dans l’intimité de notre existence.
*
Il y a un temps où nous utilisons notre mémoire comme une ressource de connaissances, c’est le premier niveau qui sert à l’écolier, au collégien ou au lycéen principalement, mais que l’on continue à utiliser adulte de manière plus ponctuelle.
Le second niveau de mémoire, plus élaboré, nous sert à établir des connexions et des liens entre les apports emmagasinés au cours de notre formation intellectuelle. Il est évident que nous continuons de ce fait à apprendre et à intégrer de nouvelles connaissances qui vont nous servir plus immédiatement pour avancer sur un raisonnement précis, une résolution de problème.
J’ai constaté que ce que l’on gagne en évoluant sur le plan des liens, en augmentant la complexité des problèmes, on le perd dans des pans entiers de connaissances mémorisées.
*
Toute page qui se tourne est un futur qui commence, un passé qui s’intègre et un présent qui agit.
*
La bourgeoisie est une forme courtoise d’ouverture au monde sans réelle profondeur, sans réelle consistance.
*
Être bourgeois est une attitude, une posture qui met, en réalité, le monde et les autres à distance, où un certain conservatisme est de mise.
*
Il est très difficile de se sentir différent au sein de sa propre famille et surtout que cette même différence soit constamment stigmatisée, souvent de manière détournée, comme un défaut majeur, qui ne trouve pas de résonance, aux yeux de certains d’entre eux, comme filiation attendue, prévisible et identique à un modèle.
*
Nous nous rassurons et réconfortons avec autrui, et en particulier chez des amis ou autres êtres sensibles qui perçoivent dans cette différence une singularité et non une étrangeté. Mais c’est l’art, le cinéma, la philosophie, la littérature puis l’écriture, qui m’auront sauvé et auprès desquels j’ai rencontré des “pères”.
J’ai toujours vécu, notamment depuis l’adolescence, avec ce fardeau qui trouve une origine paternelle malveillante d’une maladresse à faire pâlir les plus coriaces.
Lorsqu’une attitude qui débouche sur une décision chez quelqu’un, qui plus est chez un proche, nous déplaît, soit parce qu’elle n’est pas en accord avec nos valeurs, soit parce qu’elle ne correspond pas à nos convictions, soit parce qu’elle est insensée pour nous, nous souffrons de l’incommunicabilité qui résulte de ce choix et par-dessus tout, de toute la bêtise qui peut jaillir des mots familiers et qui nous fait honte.
*
Je ne suis pas rancunier, mais j’ai une très bonne mémoire !
*
Combien de personnes ne sentent et ne ressentent pas l’autre dans une dimension psychologique mais seulement dans une perspective factuelle ou utilitaire ?
Ils ne mesurent pas la profondeur des âmes et la vastitude de la surface existentielle. Ce sont des êtres de la “technique”.
*
La connaissance nous parvient presque malgré nous, à notre esprit et ce don que certains possèdent, pour qui la vie est une affaire de sensibilité pure, sont des victimes qui ne peuvent partager leurs ressentis, ou seulement à de rares occasions, alors qu’ils sont les médecins de l’autre, les curateurs de l’âme, et en premier lieu de la leur, ceux qui pourraient parvenir à une juste harmonie. Mais ils sont craints et redoutés à la fois.
Leur pouvoir est le plus grand qui soit, le plus dual aussi. Apprenez à refréner vos ressentis et à ne pas les exprimer, car vous atteignez l’autre dans sa fragilité la plus ténue, celle qui la fait vaciller dans l’Existence.
Votre don devra être silencieux et efforcez-vous de paraître trivial et factuel, vous ne serez que plus admis et accueilli dans le regard et l’intimité de cet autre.
L’autre est le seul danger pour votre sensibilité, il n’est que votre allié le plus redoutable et votre ennemi le plus affectueux dans le même temps.
Nous recherchons dans des livres des mots que nous avons en nous. Nous recherchons dans les livres des mots que nous avons en nous.
*
Lorsque nous sommes assaillis par des aspects matériels, il est compliqué d’être heureux.
*
Je ne me souviens pas, enfant, d’avoir eu cette sensation d’être toujours comblé et que les adultes m’apportaient une pleine satisfaction même si certains exerçaient sur moi une vive admiration, principale source de mon éducation existentielle.
*
Pourquoi suscite-t-on des animosités alors que nous pensons en être dépourvus ?
*
Les lecteurs qui ne recherchent dans les livres que des histoires n’aiment pas la littérature, comme ceux qui ne recherchent qu’un scénario dans un film ne sont pas des cinéphiles. Du reste ils ne recherchent rien, si ce n’est que de l’identification ou le pur plaisir de la fiction, donnant l’impression d’être restés enfants.
Être adulte face à une œuvre c’est rechercher une rencontre avec un style, une musique, une poésie singulière au cœur d’une histoire particulière. L’histoire est la partie visible d’une œuvre, la plus séduisante à priori et dont nous ne pouvons faire l’économie, mais si elle tient c’est grâce à ce qui est caché, cette partie immergée, la plus importante, sans laquelle l’histoire s’effondre.
*
C’est par la somme de nos incertitudes que s’élabore l’esquisse de notre rapport aux autres. Il nous en éloigne ou nous en rapproche mais consolide notre lien à la nature et au monde.
*
Ne t’empêche pas de penser que les autres et surtout des proches ne sont là pour toi, pour ce que tu es et encore moins pour ton bonheur. Ils n’espèrent que ta chute, ils n’attendent que ta détresse, ton désespoir. Mais qu’en connaissent-ils exactement ? Rien si ce n’est juste le trouble qui peut s’immiscer de temps à autre dans les regards. Et si même tu ne perçois pas une lueur au fond “du leur”, c’est qu’il n’y a que vide et néant. Poursuis ta route humblement vers d’autres crépuscules, vers d’autres mystères.
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La douce plainte quotidienne n’aura de cesse de vous obnubiler et la force salvatrice aura eu votre peau. Je tremble de peur à l’idée de perdre ce qui m’est le plus cher et il ne se passe pas un jour, une heure, une minute, une seconde sans que cette idée ne s’insurge dans mon esprit comme une mutinerie autophage.
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J’ai longtemps imaginé que les autres étaient bons, que leur attitude n’était mue que par un intérêt altruiste. Comment ai-je pu me tromper autant ? Au cours de mon existence, un seul être aura échappé, malgré tout, à ce constat, ma mère.
Elle seule m’aura transmis cette force positive qui m’anime de jour en jour et me laisse cet espoir en la vie et en l’autre. Elle est la plus belle rencontre de mon existence, la plus affectueuse. L’éducation maternelle représente, pour ma part, la pierre angulaire de mon être et de mon lien aux autres. Elle continue à me déterminer.
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Il m’est arrivé de croire, et il n’y a pas de verbe plus adéquat pour le traduire, que j’étais envahi par une force obscure qui agissait contre moi. C’est à la croisée de mon destin que j’ai pu constater qu’il s’agissait en réalité d’un faisceau de forces convergentes, dont l’origine n’a de cause que dans notre imaginaire, qui forgeait ma résistance aux frottements que la vie créée, par la seule nécessité, aux fragilités de l’esprit.
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C’est dans cette croyance que se sont exaltées mes plus grandes angoisses, à l’abri de tout réconfort, me consumant jusqu’à l’os. Cette radicalité m’a toujours subordonné à l’emprise du mal, au-delà des mots, au-delà des autres, dans le seul espoir de rencontrer un insolite regard, qui, me sentant désespéré, aurait pour moi l’empathie du condamné, accusé à tort, victime d’une erreur judiciaire. Mais que peut la justice face à une croyance ? Absolument rien. Tout s’y oppose. Aucune rationalité n’aura gain de cause sur ses méfaits et sur la tromperie de ses bienfaits.
Supercherie ! Nos esprits sont ainsi constitués qu’ils ne peuvent s’empêcher d’y trouver un salut.
Il y a des événements dans la vie où l’on ne peut s’empêcher de penser à un coup du sort.
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Avoir une imagination fertile nous ouvre d’infinis horizons mais aussi de terribles angoisses.
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Il faut se réjouir des petits tracas quotidiens. Que sont-ils face aux drames de l’existence ?
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Cherchez au fond de vous les raisons pour lesquelles vous faites ce que vous faites et ce que vous ne faites pas, vous saurez qui vous êtes.
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Si nous avons tant de difficultés à entendre certaines personnes parler des œuvres que nous aimons et connaissons, c’est parce qu’elles semblent nous appartenir.
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La vie n’est qu’une affaire de rencontres.
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Les rencontres nous émerveillent et les rencontres amoureuses nous enivrent.
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Seuls les êtres doués pour la Vie rendent la vie plus belle.
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Les êtres doués pour la vie sont ceux dont nous admirons la vitalité.
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Il est toujours plus aisé d’exiger des autres ce que l’on n’a pas su exiger de et pour soi-même.
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Enseigner, c’est aussi avoir conscience des manquements que nous avons pu manifester au regard de ce qu’exigeait notre rôle d’élève et ce que nous demandons à notre tour aux élèves.
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Nous mesurons les drames de l’existence à l’aune de la persistance de notre souffrance.
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Il existe des drames dans l’existence dont nous mesurons l’impact à posteriori, sans se rendre compte, lorsque nous les vivons, des conséquences qu’ils auront sur nous, alors même qu’ils ont pu passer pour des moments heureux, et les drames que nous anticipons, ceux dont nous connaissons déjà l’impact qu’ils auront en nous et donc celui qu’ils génèrent, au présent, sur notre être.
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La légèreté est une perversion à condition de s’y adonner avec lourdeur.
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Le rapport que nous entretenons avec l’Amitié est rarement partagé ; fût-ce pour cela que les amis et donc les amitiés sont rares.
Il n’existe pas d’amitié de groupe mais des amitiés individuelles, interpersonnelles, singulières. Elles seules nous guident vers la force de la “radicalité” du rapport humain. Ceux qui prétendent à l’amitié sans cette dimension ne sont que dans la camaraderie.
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Mais où sont les véritables goûts de certains ?Et je ne parle point d’un lieu au hasard,Mais de celui qui est en nous,En notre âme.Un goût nous détermine, nous sculpte et nous construit.Il est inscrit dans le temps et en profondeur.À croire qu’ils n’élaborent leur goût que par mimétisme social,Dans un temps court.
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Rien ne ressemble plus à de l’hypocrisie dans les relations humaines que l’apparente sympathie. L’hypocrisie est, (mal)heureusement, le ciment des relations humaines.
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“La photographie, c’est la véritéet le cinéma,c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde…”
J. L. G.
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S’il a pu développer une telle philosophie du refoulement, c’est bien parce que Nietzsche était un platonicien…
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Une des plus belles choses de la vie :ce que peut éveiller en nous comme sentiments une personne.
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La conception que nous avons du souvenir détermine notre rapport au monde.
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Le présent n’est pas une accumulation de faits qui se stockent dans la mémoire.
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La mémoire possède un présent, un passé et un futur qui coexistent.
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Certaines choses de la vie sont malheureusement impossibles à partager si l’on ne possède pas de preuves tangibles pour l’autre, d’autres dont il n’est pas possible d’obtenir une quelconque trace, si ce n’est celles enfouies dans notre esprit, comme les rêves par exemple, demeurent inexorablement en nous, comme mortes, pour les autres, à jamais.
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Les penseurs qui me touchent, comme les artistes, sont ceux qui produisent une pensée ou un art qui pensent contre eux-mêmes, mais à partir d’eux-mêmes.
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Nous sommes tous imprégnés et forgés par notre culture, notre éducation ou nos rencontres, et il est plus difficile de se positionner contre, non par principe, mais pour “chercher à devenir ce que nous sommes,” plutôt que de prolonger ce que les autres ou le monde auront voulu faire de nous. Ainsi, fonder une philosophie, c’est rechercher en soi les raisons profondes qui nous poussent à penser comme nous pensons pour déterminer ce que nous pourrions penser à l’aune de ce constat. C’est retrouver une justesse et une justice en accord avec l’Être que nous devenons.
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Avant de penser par nous-mêmes, essayons de penser pourquoi nous pensons à ce que nous pensons.
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L’origine de toute pensée se trouve dans la pensée de l’origine.
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L’origine de notre pensée se trouve dans la pensée de notre/nos origine(s).
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Les longues et douloureuses pénitences que l’on peut s’infliger lors de certains épisodes ou états mélancoliques sont une protection qui suit notre humeur afin d’éviter de s’exposer à ceux qui nous entourent et de nous donner l’illusion de rassembler notre “moi” dans l’antre familier.
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Dans le film de John Huston Passions secrètes (Freud: The Secret Passion) on entend les premières notes de La planète des singes de F. J. Schaffner.
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On ne mesure pas l’immense chance d’être libre et de pouvoir avec peu, réaliser beaucoup.
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J’ai toujours attribué au facteur humain, peut-être à tort, une haute importance, mais je dois mal m’y prendre avec les autres.Enfin je veux dire certains autres….
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Entre amis, les différences de visions du monde peuvent s’accentuer au fil du temps et éclater un beau jour et s’il n’existe pas un lien affectif puissant, socle transcendantal, alors elles seront la cause d’un inéluctable éloignement.
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Le plus important est de rester fidèle à ce que nous sommes et reconnaître chez l’autre cette qualité permet d’atténuer certaines divergences. La fidélité à soi ne consiste pas à rester identique à soi au fil du temps mais de conserver les mêmes valeurs premières qui nous animaient, tout en s’élevant vers d’autres horizons qui sont l’aboutissement d’une quête personnelle, spirituelle, intellectuelle ou professionnelle. Le paradoxe du changement est bien de rester le même tout en conservant ce que l’on est, tout en étant autre. Il existe un très beau substantif allemand pour définir ce concept, “Aufhebung”, employé notamment par Hegel, qui signifie à la fois conservation et dépassement dans sa théorie de la dialectique.
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Les écarts croissants de statuts sociaux ne devraient jamais intervenir dans les relations entre amis. Pourtant c’est bien ce que l’on constate.
Ils éloignent les amis et sépare les âmes, ils corrompent la nature humaine dans un bain d’hypocrisie.
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La lumière pour un artiste provient de la tentative d’adéquation entre un idéal et la transformation qu’il fait du réel, c’est-à-dire de cette quête à tendre vers un absolu sans jamais l’atteindre mais en ayant par endroits ce sentiment de l’avoir approché, touché.
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La réflexion et l’écriture passent par de longues périodes creuses, vides ou ennuyeuses et il est souvent difficile de les accepter. Il y a chez moi un paradoxe profond entre une nécessité volontaire d’action, de contemplation et de retranscription du réel qui se fait essentiellement par le biais de la réflexion, puis de la pensée et de l’écriture, mais aussi entre l’activité professionnelle et le “statisme” ou passivité (vécue) que je peux vivre à domicile (“chez moi”, au sein de mon moi). Car finalement, je suis tiraillé sans cesse dans ma solitude entre un désir d’accomplissement qui passe par l’écriture notamment et une tendance à la vacuité, au vide, au repos, à la méditation. Depuis plusieurs années, en particulier depuis que j’enseigne, de nombreux week-end sont de lourds fardeaux foudroyés par l’ennui et le doute. Fatigué par une semaine de déplacements et de travail, je sombre souvent dans la facilité de l’inaction, et la période la plus austère de l’année, de l’automne au début du printemps, reste pour moi des moments endormis, des mois d’affaiblissements. Et c’est de ce point de gravité que toute la pesanteur de l’être prend son sens et la transformation qui s’y opère. La semaine, pris dans la dynamique du mouvement, je ne ressens pas l’ennui. Je recherche paradoxalement et par-dessus tout des moments pour moi, du temps à moi.
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C’est lorsque le devoir nous appelle que nous devrions oser partir.
Partir en voyage pendant nos vacances manque de panache !
Un jour je partirai pour exister, laissant derrière moi le superflu et rejoindre l’essentiel qui m’attend.
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“Le plus difficile, quand on écrit une lettre, c’est d’abord qu’il faut élaguer et qu’on n’a pas le courage de s’appesantir sur les petits désastres qui, à nos yeux pourtant, ont énormément d’importance, qu’il faut donc endosser une personnalité qui n’est pas la vraie. Quand je vous écris par exemple, à vous que je n’ai pas vu depuis 11 ans, j’adopte invariablement un mode enjoué, sans doute parce que c’est un masque commode ; or les masques – précisément parce que je suis écrivain – me pèsent.
Maintenant que je suis vieille, je ne veux plus avoir à m’encombrer de superflu, je veux former des mots à la crête des vagues de mon esprit – redoutable entreprise.”
V. Woolf
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Dans les tableaux des grands maîtres on se rend compte à quel point le fond, qui du reste ne se voit pas en tant que tel, a une importance capitale dans le rendu des couleurs du tableau.
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C’est en noircissant le fond que l’on obtient les lumières les plus profondes.
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Changer de lieu de travail implique de faire de nouvelles connaissances et pourquoi pas des rencontres, chose qui n’est pas sans me déplaire. On quitte toujours dans ce cas un environnement familier où “le travail était fait”, c’est-à-dire où nous avions nos repères et où nous étions identifiés et acceptés comme les autres pour nous-mêmes. Cette acceptation est le fondement de notre épanouissement tant sur le plan professionnel qu’humain.
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En changeant de lieu, nous créons un déséquilibre et l’impression de repartir à zéro émerge spontanément. Il faut posséder une énergie interne importante pour créer à nouveau un cercle familier, et de nouveau se faire appréhender et accepter prend du temps.
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Des films de Philippe Harel se dégage toujours une extrême douceur qui me fait penser à ceux de François Truffaut.
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Devenu nomade, je suis ex-sédentaire.
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La maturité affective n’a pas d’âge.
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24 septembre : un temps comme aujourd’hui est le temps parfait, Soleil, ciel bleu et fraîcheur de l’air.Ma vitalité est à son comble.
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Sonate No 32, Op 111 R. Serkin (DG) 2e mouvement…Une interprétation pour l’éternité…Ce que je voudrais atteindre dans l’écriture…
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Les mots me manquent pour dire toute ma peineLes mots me manquent pour exprimer mon angoisseTous les mots du monde ne suffiront pas à dire mes mauxJe ne sais plus que faire.
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Aujourd’hui, 27 septembre, je pourrais rentrer dans un musée, non comme visiteur, mais comme objet !
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Lorsque notre vitalité est intacte, c’est-à-dire lorsque nous sentons cet accord parfait entre notre corps et le monde qui nous entoure, tout semble possible, même la mélancolie.
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Les dogmes sont l’antidote à l’émerveillement.
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S’émerveiller, c’est être en réflexion avec le monde. Cette attitude active nécessite une grande attention à ce qui nous entoure et de savoir se décaler de sa vie, des nécessités inhérentes que les habitudes exigent.
La liberté, peut-être la seule finalement avec les rêves, qui s’offre à notre existence prend alors tout son sens et nous pouvons toucher du doigt la joie spinoziste.
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La passion pour la raison versus la raison dans la passion
La pensée de la fin comme la pensée de l’origine sont des énigmes insolubles pour l’esprit humain. Nous nous perdons dans cet obscur infini fait de conjectures à la fois rassurantes et inquiétantes, où nous tentons de trouver des causes et des raisons à ces questions métaphysiques pour tenter d’obtenir des solutions rationnelles mais aussi irrationnelles, comme la foi et la croyance. Dans les deux cas ce ne sont que des leurres car ni la science, ni la religion ne peuvent et ne savent répondre à ces questions cruciales. Il est même surprenant de constater que l’on trouve un réconfort dans l’irrationnel, où soudain la réponse devient lumineuse, et de l’angoisse dans le rationnel, car la solution demeure insatisfaisante. L’Homme est ainsi fait qu’il préfère croire à des chimères qui inhibent toute frustration plutôt que de tenter d’expliquer l’insurmontable par des réponses certes frustrantes car incomplètes, mais qui sollicitent la raison raisonnante.
Je préfère souffrir dans la rationalité plutôt que de trouver un bonheur illusoire dans la croyance.
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Je ne peux m’empêcher de penser à Pascal…
La rationalité doit toujours être pensée et expérimentée jusqu’à son paroxysme, et l’esprit doit sans cesse s’approcher de cette frontière, limite entre l’explicable et l’inexplicable. On doit faire confiance à la raison et à la science qui finissent toujours par “triompher”. C’est bien ce que l’Histoire nous enseigne. Ce qui nous semblait obscur et inexpliqué jadis est maintenant entré dans les normes de la rationalité et il ne nous viendrait pas à l’esprit de remettre en cause certains phénomènes ou toute autre chose qui apparaissaient comme magiques.
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La seule raison fait évoluer les connaissances et les scientifiques sont les guides de cette même Raison. Elle permet même dans certains cas de remettre en cause des pensées philosophiques que l’on croyait immuables, ce que Maurice Merleau Ponty nomme des “découvertes philosophiques négatives”.
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Laissons à la raison tout un pan de l’explication du monde pour se consacrer aux véritables mystères et explorer les chants (champs) de l’âme, constitutifs de l’être.
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La pensée et le verbe
Il faut du temps pour devenir soi-même, et quand nous croyons l’avoir atteint, en sommes-nous toujours certains ? Rien n’est moins sûr. En tout état de cause, nous sentons que nous appréhendons le réel autrement et nos relations avec les autres dans notre imaginaire rejoignent celles que nous développons dans le réel. Il nous semble qu’il y a un plus grand accord entre la perception idéelle des relations et la manière dont nous les vivons dans la pratique. Elles sont certes plus rares, au fil du temps, mais tout ce que nous avons développé en silence s’exprime à des moments particuliers. Émerge alors du fond de notre être une vérité que nous côtoyons depuis longtemps en nous-mêmes, qui nous paraissait familière et s’esquissait malgré nous et qui, au travers de la friction altruiste ?, du dialogue et surtout de la discussion, se révèle comme une nouveauté encore différente. Être surpris par nos pensées exprimées se révèle alors comme un paradoxe constitutif de l’élaboration de ces mêmes pensées. C’est dans cet écart que nous mesurons le chemin parcouru, et l’accouchement des mots qui littéralement sortent de notre esprit par notre bouche est une découverte inouïe. Elles alimentent à leur tour la réflexion et le peaufinement / raffinement de la pensée, la sculpture et le polissage des idées. Sans l’autre nous ne pouvons évoluer et expérimenter notre réflexion, c’est la confronter, l’exposer, la faire grandir et l’éduquer pour la rendre autonome et singulière à défaut de rester dans le solipsisme.
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Toute réflexion est d’abord un embryon qui se développe en nous, puis grandit, se développe en idée fœtale, et dont on accouche.
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De l’invisibilité
Je me suis toujours posé la question suivante : “Existerait-il des auteurs qui, ayant produit une œuvre, que ce soit dans les arts ou dans le domaine de la pensée, sont demeurés invisibles et inconnus aux yeux du monde ?”
La fascination que nous pouvons avoir pour un artiste ou un auteur est le seul fait de sa notoriété qui n’est finalement que le reflet de la reconnaissance qu’il a pu avoir au fil du temps, et malheureusement notre attrait pour des auteurs émergents reste marginal. J’ai même le sentiment qu’un auteur non reconnu par d’autres ne possède aucun poids vis-à-vis de la seule notoriété d’un autre qui suffira à propager son œuvre. Cette reconnaissance est une convergence multifactorielle dont l’une d’elle est de correspondre à l’ère du temps et de pouvoir s’inscrire dans une mode c’est-à-dire à s’inscrire dans un modèle qui soit existe déjà, soit vient combler un manque. Je ne mets pas de côté, dans ce raisonnement, l’importance du style qui est l’objet d’une autre analyse.
Tant d’auteurs restent méconnus et/ou inconnus, tant d’artistes sont passés inaperçus aux yeux du monde. Je souhaiterais dédier ces quelques lignes aux oubliés de l’histoire, aux silencieux et autres passionnés qui n’ont jamais pu être lus, vus, entendus ou touchés. Ils sont demeurés dans l’ombre du monde et des idées ou des formes. Ils n’existent pas aux yeux du monde et n’existeront jamais à moins qu’ils aient laissé des traces que l’on découvrira un jour… Et j’admire par-dessus tout ceux qui sont volontairement restés dans l’ombre du monde sachant qu’ils développaient, pour certains, des idées ou des œuvres majeures pour l’histoire de la pensée ou des arts. Cette invisibilité n’est pas la preuve d’un talent amoindri mais une vision du monde dans lequel la visibilité est, malheureusement, la seule façon d’exister et d’être reconnu.
La lecture à haute voix de textes faits de mots qui nous parlent agit en nous comme peut agir une phrase musicale, créant en nous une émotion comparable à celle que nous éprouvons à l’écoute d’une œuvre musicale.
Toute vie se détermine autour d’habitudes qui rythment notre quotidien. Demandez-vous quels éléments aux caractères non provisoires seraient les seuls à pouvoir cesser cette inexorable cadence si tant est que vous viviez vos habitudes comme une contrainte et non comme un tremplin ?
Malgré tous les efforts que l’on peut développer au fil du temps par la seule raison pour atténuer notre inclination, somme toute ontogénétique, à l’idéalisme, des résidus hautement nocifs continuent d’émerger dans notre conscience qui, lorsque nous sommes exposés à des situations nouvelles ou anxiogènes, font apparaître cette force imparable, ancrée au plus profond de notre être qui se méprend de toute rationalité.
Les rapports humains sont imprévisibles. Partons du constat que les relations qui nous séduisent sur le long terme, en dehors de toute amitié, sont celles pour lesquelles nous n’espérions rien. Entre l’image que nous nous faisons d’une relation et la réalité de la relation il existe un monde qui n’est jamais conforme à notre conception. On devrait croire aux relations improbables et favoriser leur émergence, et ainsi ne pas se fier à notre soi-disant ressenti et plonger vers l’inconnu, vers la difficulté, et ne pas attendre de signes favorables ou que nous croyons nous être destinés, mais plutôt nous précipiter vers l’antipathie pour laquelle nous devrions développer la plus grande des sympathies. Les frictions sont plus à même de catalyser une véritable relation, sur le plan ontique, existentiel et philosophique, centrée sur des divergences ou des différences, plutôt que de rechercher sans cesse la similitude et l’identique. Ces derniers critères sont faits pour nous rassurer et nous choyer, nous conforter ou nous endormir. Il faut apprendre à être réveillé et sortir de notre torpeur pour se confronter à l’autre dans sa dimension la plus hostile. Laissons cette chance nous guider et utilisons notre intuition à bon escient, nous constaterons que les plus belles relations naissent de l’imprévisibilité.
Tous les manques que nous possédons ne sont que partiellement comblés et pour ceux pour lesquels nous ne trouvons de satisfaction, nous adoptons des mécanismes compensatoires qui prennent différentes formes. La première est de trouver des dérivatifs et accéder par d’autres moyens à une satisfaction, certes d’un autre ordre, mais qui pourra nous combler. Freud a beaucoup développé cette idée sur laquelle, à des degrés différents, nous pouvons constater une efficience certaine.
Lorsque vous discutez avec un passionné, imaginez-le enfant…
La vie est ainsi faite que vous avez beau croire que votre sort est en partie scellé (et qu’il existe des issues), alors qu’il l’est beaucoup plus que votre simple croyance !
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Seuls les rescapés de l’existence ont un accès particulier à la révolte.
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Pour que la pensée ne soit pas onanisme il faut qu’elle rencontre une autre pensée et qu’elle en tombe éperdument amoureuse.
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Une pensée a une naissance, une jeunesse, une adolescence, une maturité puis un déclin. Seules des transformations lui confèrent une forme d’immortalité.
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Emprisonné depuis des siècles dans ce paysage, je regarde ce ciel gris, gris âgé.
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Je n’aime pas les bourgeois au sens noble du terme, ni les autres. Il y a des êtres qui nous accompagnent tout au long de notre existence, ils vivent en nous, nous pensons à eux… et pourtant nous ne les voyons que très rarement, ou ils ne sont plus là.
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Les faux-semblants
Lorsque de faux-semblants nous trahissent dans l’immédiateté d’une situation, il est improbable de se rendre à l’évidence que la vérité n’apparaisse qu’à posteriori. Elle surgit plus tard par comparaison entre les faits et l’analyse qui s’opère en nous, même si elle est vaine et dépassée (temporellement), et ne fait que renforcer notre sentiment de trahison. La réalité, lieu de l’immanence de la vérité, dès lors apparaît à nos yeux comme factice.
Contrairement à l’art qui se nourrit du faux-semblant pour exprimer du vrai-semblant, ou du “faux faux-semblant”, c’est de l’attitude ou du comportement de certains humains dont il est question. Il en est qui sont des experts du vrai faux-semblant et leur rapport au réel ne passe que par un déni de cette même réalité et donc de leur rapport à l’autre. Observez autour de vous, dans vos relations les plus proches, combien agissent de la sorte, se trahissant d’abord eux-mêmes, pour dévoyer le réel et pour se sauver de leur impuissance, excellent dans une (re)transcription déformée de la vérité.
L’intentionnalité du faux-semblant n’est rien d’autre que le manque de respect de l’intelligence de l’autre sous couvert d’une apparence qui brise peu à peu la confiance. Certains se coupent ainsi, volontairement ou pas, de liens singuliers plus profonds préférant se contenter de ne donner à l’autre qu’une partie de leur être. Si la partie émergée de cet iceberg qu’est la conscience intègre une dimension affective, on peut alors passer outre, même si la relation sera irrémédiablement tronquée c’est-à-dire faussée par ces faux-semblants. Nous pouvons constater également qu’on ne peut considérer sur le même plan celui ou celle qui agira en toute conscience, c’est à dire lucide sur le fait qu’elle est dans l’illusion avec elle-même et donc avec l’autre et ceux pour qui le faux-semblant est un système récurrent, presque une pathologie. Ces derniers que je nommerais mythomanes sont convaincus du bienfondé de leurs propos et de leur véracité quels que soient les arguments que l’autre lui oppose. Pour ces derniers une forme d’indulgence s’impose et nous savons d’ores et déjà qu’il sera impossible de construire une relation de confiance, une véritable amitié, car incomplète. En revanche, pour les premiers, aucune indulgence n’est permise car ils sont parfaitement conscients de leurs mots, de leurs propos et de leurs conséquences. La seule question qui devrait les animer est de savoir s’ils sont à même de changer et de prendre conscience qu’ils nous font perdre toute confiance en eux. J’ai remarqué qu’il est souvent impossible d’avoir de véritables discussions avec ces personnes et qu’ils s’obstinent, coûte que coûte, à maintenir les mêmes faits par les mêmes mots.
Ils ont cette tendance à glisser au travers de nos arguments et “retomber sur leurs pieds” comme si de rien n’était. Nous obtenons par moments quelques avancées, mais il est rare de constater un réel changement de paradigme. C’est leur discours qui s’adaptera à la situation et ils parviennent à nous convaincre de leur sincérité que nous savons feinte. Ils veulent nous maintenir dans l’illusion de leur faux-semblant tout en sachant que nous ne sommes pas dupes mais en étant convaincus qu’ils ont raison. C’est un drame de la relation humaine lorsque celle-ci revêt les habits de la noblesse de l’Amitié et une déception profonde s’en suit pour laquelle, maintenant une attitude constante et immuable, ils n’ont pas réalisé l’impact sur nous-mêmes et donc, et c’est le plus dramatique, des fondations d’un lien qui nous anime. Sont-ils dignes d’une amitié ?
Nous nous détournons des autres comme ils se détournent de nous-mêmes.
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Comment peut-on imaginer la représentation que l’autre a de l’amour quand la nôtre occupe une place cardinale ?
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Il existe de tels sentiments qui agissent en nous pour un être qu’il est parfois préférable de les taire, de les garder pour soi comme le plus intime des secrets, sans pour autant s’empêcher de les vivre, de peur qu’ils soient sans commune mesure avec d’autres qui les ressentent pour ces mêmes êtres.
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J’ai remarqué dans les tourments et les joies que la vie nous octroie que les situations de manque ou de perte sont les plus enclines à la création, celles qui favorisent et catalysent l’expression de nos sentiments dans une forme qui vise leur sublimation.
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Les aphorismes ne sont que le reflet d’une âme.La lumière provient de la forme, et non du fond, obscur et limité.
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Les basses nécessitées de la vie tordent toutes nos aspirations jusqu’à l’épuisement de notre nature et nous contraignent, malgré notre sauvagerie latente et profonde, à une apparente sociabilité que la politesse met hors d’état de nuire.
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Il faut savoir sortir de soi dans certaines circonstances. Vous constaterez une nette amélioration dans vos rapports aux autres qui, paradoxalement, vous considéreront avec un tout autre regard.
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Les mutations affectives et la persistance du lien
Lorsque nous regardons dans le passé et en particulier dans celui de nos amitiés, il nous apparaît un double sentiment de regret et de nostalgie, sentiments pour lesquels nous adoptons une étrange position, faite d’irrévocables conclusions et d’irréversibles attitudes. Certes, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles des liens se sont rompus, liens auxquels nous étions très attachés, même si les causes principales sont, la plupart du temps, d’origines géographiques, mais il est toujours temps de constater que certaines amitiés continuent à vivre en nous. Le plus troublant est que certaines amitiés continuent d’agir en nous, malgré nous. Elles hantent nos rêves, comme pour nous signifier qu’elles ne se sont jamais achevées, du moins pour ce qui nous concerne. Il y aura toujours un mystère dans les ruptures sentimentales, quelles qu’elles soient, amicales ou amoureuses, qui ont en nous une répercussion profonde et inaltérable. Elles forgent notre rapport au monde et nous interrogent sur nous-mêmes plus que tout.
Fort de ces analyses nous ne devons pas nous plaindre ou avoir à l’encontre de nos amitiés révolues une quelconque animosité ou même de justifiables remords, mais au contraire raviver en nous la flamme d’une amitié, trop tôt rompue, d’un amour prématurément achevé, est la preuve qu’une amitié passée reste immortelle et certaines peuvent être éternelles, gravées dans le sceau de l’amour.
L’amitié et l’amour sont les deux faces d’une même médaille.
Le refus et l’empêchement traumatisaient le cours de son existence. Sur le plan matériel, s’en remettre nécessitait beaucoup de résignation, mais dès que cette frustration touchait l’humain son affection était tout autre, plus profonde et pérenne, obsessionnelle et parasitaire, elle l’empêchait de vivre avec sérénité. Il songeait parfois, au milieu de sa solitude, à ces événements et ces rencontres qui n’avaient jamais trouvé de réciprocité, tant sur le plan sentimental qu’amical. Des mots, des visages, des regards, un regard, une espérance, puis du silence, du fantasme et une souffrance. Tels étaient les affronts que la vie lui imposait.
Être empêché est une composante que seuls certains êtres peuvent ressentir, ceux dont les aspirations sont trop élevées pour leur condition, ceux qui ne se satisfont pas de ce qu’ils peuvent obtenir. Ils regardent au-delà de la limite du réel, au-delà de leur ligne d’horizon. La beauté est ailleurs dans cet au-delà réservé à certains qui n’ont conscience de ce franchissement puisqu’ils appartiennent à cet horizon qui leur sourit et duquel ils jouissent sans être empêchés.
Il faut être l’ermite de son existence, en dehors du monde et, fort de ce cruel constat, trouver un nouvel horizon qui coïncide avec qui nous sommes, car certains de nos désirs entravent notre existence bien plus qu’ils ne la libèrent.
Les jugements que l’on peut porter sur une œuvre, une peinture, un film, ou toute autre forme créé “de la main d’un autre” ne signifie rien, si ce n’est la superficialité de notre goût dans l’éphémère temporalité d’une subjective émanation que l’on prend pour vraie, au regard de la profondeur que l’artiste aura pu solliciter pour la concevoir et le temps qui aura été nécessaire pour l’élaborer dans la vérité de son être.
C’est en songeant à certains actes du passé, qui peuvent paraître anodins, qu’il nous semble que le temps s’est arrêté, comme figé au moment même de leurs réalisations et marqués du sceau de l’incomplétude et que leur prégnance et leur rémanence dans notre mémoire, en lieu et place d’un acte inachevé, pour lequel nous imaginons plusieurs futurs possibles induisent qu’un présent s’est immortalisé pour l’éternité en nous, nous laissant dans l’expectative infinie d’un possible irréalisé.
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K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A H I A S C H I F F H A S K I L A R R A U K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A H I A S C H I F F H A S K I L A R R A U K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A H I A S C H I F F H A S K I L A R R A U K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A H I A S C H I F F H A S K I L A R R A U K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A H I A S C H I F F H A S K I L A R R A U K L E M P E R E R B E R N S T E I N A B B A D O B O U L E Z R E I N E R K A R A J A N S O L T I G O U L D R I C H T E R B R E N D E L B E N E D E T I M I C H E L A N G E L I C A S A L S P E R A
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Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche…
Enfant déjà, les (certains) jours de la semaine, dans ce qu’ils ont de plus récurrent et répétitif, laissaient en moi une sensation particulière, un goût indélébile que le rythme de la vie d’écolier, de lycéen puis d’étudiant et enfin d’homme ne faisait qu’accentuer : parfois un sentiment de protection, souvent une sensation d’oppression quant à un lendemain contingent et incertain, enfin ce rapport intime au bonheur que de se savoir dans la projection d’un Possible dont la liberté était souvent, à tort peut-être, le principal ressort. Mais c’est surtout de se dire que de profiter de ces instants présents faisait partie d’un Tout qui n’avait aucune origine et aucune finalité mais simplement un inexorable tournoiement cyclique du temps.
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Les rêves sont ma seconde vie
Chaque nuit je suis dans le monde d’ailleurs où mes diverses et nombreuses pérégrinations instillent à ma vie diurne une énergie particulière, une rémanence mystérieuse. On dit souvent que les rêves sont des résultantes de notre vie accomplie et en devenir mais pourrait-on imaginer que ce soit le contraire ? Et si nos vies n’étaient que le fruit de nos rêves, qu’elles ne résultaient que de l’influence nocturne. La vie onirique serait ailleurs, tout autre, inattendue et pourtant si prégnante dans le creux de notre âme.
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