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"Autopsie du wokisme" est un essai incisif qui prend résolument la défense du wokisme en dévoilant des facettes souvent occultées de ce mouvement. Loin des simples débats sur la couleur de peau ou les origines, l’auteur met en lumière l’importance cruciale d’écouter les voix qui façonnent et théorisent cette pensée. À travers des chapitres, il dénonce avec force les distorsions véhiculées par les opposants, tout en réaffirmant la légitimité de l’action protestataire du wokisme. Cet ouvrage interpelle, bouscule les idées reçues et incite à une réflexion profonde sur les luttes sociales actuelles.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Joseph Séka, écrivain, philosophe et sociologue, auteur de plusieurs ouvrages tels qu’"Imo Pectore", "Réflexions" et "L’État raciste", s’attache à déconstruire les idées rétrogrades et le déni de réalité entretenus par les politiciens et les élites intellectuelles. Par sa plume, il s’engage à rétablir la vérité sur le wokisme, offrant une analyse éclairée et audacieuse face aux distorsions véhiculées par ces discours dominants.
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Seitenzahl: 228
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Joseph Séka
Autopsie du wokisme
Essai
© Lys Bleu Éditions – Joseph Séka
ISBN : 979-10-422-5147-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À ma nièce Stellar,
pour son 13e anniversaire.
Vous n’avez donc rien fait pour le bonheur public, si toutes vos lois, si toutes vos institutions ne tendent pas à détruire cette trop grande inégalité des fortunes.
Robespierre, Sur le droit de tester
La levée de bouclier que le wokisme reçoit de l’ensemble de l’espace culturel et politique occidental, levée qui ne nous étonne guère, justifie le mouvement à porter les causes qui sont les siennes. Le présent texte s’efforce de faire comprendre qu’il y a, dans les sujets que traite celui-ci, comme dans la lutte qu’il mène, autre chose que matière à anathèmes, à brocards, à quolibets ; et, dans les idéologues qui en théorisent la vision du monde et de la société, également autre chose que la couleur de peau, digne de tous les mépris, ou l’origine ethnique, propre à la condescendance, et qu’il faut pourfendre. Le type caucasien n’est pas dépositaire de l’excellence dans l’humanité ; encore moins de la science et de la technique, qui sont des progrès cumulatifs, dans le temps, de toute la suite des êtres de notre espèce; pas plus que la civilisation occidentale n’est supérieure, la plus ancienne et la plus avancée de toutes. Les idées mêmes que les contempteurs du mouvement invoquent aujourd’hui pour déclamer, a priori, la supériorité indiscutable de leur culture sur les autres, leur ont été apportées précisément par des cultures non occidentales. Telles sont, par ex., les idées de liberté, de bien public, de monnaie.
Contre la raison, à laquelle s’adresse le wokisme quand il soutient ardemment les causes de gauche, réclame des milieux sociaux plus favorables au développement optimum des catégories traitées avec beaucoup d’ignominies, et condamnées aux souffrances, que de tumultes insensés, que de contre-vérités grossières, que de passions violentes ! Et pourtant, à la condition qu’il persévère dans ses propres causes, ou dans les causes qu’il défend en lien avec #MeToo et Black Lives Matter, et que le flot, qu’il a initié, continue de monter, le wokisme s’imposera face aux concerts de vociférations haineuses qui, partant des propres groupes culturels et humains auxquels ses éléments appartiennent, rechignent en réalité de cesser d’en faire les seuls modèles de référence et de les privilégier.
Le wokisme l’emportera en vertu d’une leçon, jamais démentie, que nous tirons de l’histoire, et dont les courants d’opposition, cristallisés autour de leur volonté de contemption, tireraient pour leur part un grand profit à méditer : aussi vieille que l’humanité, cette leçon veut que tous ceux qui se battent pour s’émanciper d’un joug rude, ou pour s’affranchir d’une condition de vie indigne, finissent toujours par triompher ; l’incertitude, à chaque fois, ne porte guère sur quel parti remporte la victoire, mais sur le temps qu’il faut à la lutte pour y parvenir, et sur le prix que l’on consent de payer pour cela. Le wokisme imprégnera inéluctablement les esprits, non par la fureur des épées ni par le son des canons, comme ce fut le cas, au cours des siècles passés, lorsque les sociétés dont émanent aujourd’hui ses plus virulents critiques, s’emparaient du monde et y imposaient la conception ethnocentrique de leur civilisation, mais par l’universalisme qui vient s’ajouter en quelque sorte à la raison historique, par le progrès moral, ainsi que par la portée authentiquement humaniste des idées qu’il défend, et que ses pourfendeurs, formant un collectif d’insupportables réactionnaires, s’emploient à dénoncer de toutes leurs forces.
Quand la propension au déni de réalité d’une part, et les manifestations de sentiments bas, d’idées rances d’autre part, s’appliquant particulièrement d’ailleurs à travestir les faits, trouvent leur héraut dans les hommes politiques en plus des élites intellectuelles avec leur insoutenable infatuation, et qu’elles se répandent, grâce aux médias, beaucoup plus loin qu’il n’est naturel même à la noble impassibilité stoïque de les entendre sans s’en départir, alors il devient nécessaire de s’élever contre les uns et les autres. S’élever, c’est-à-dire mettre sous une forme accessible à toute personne parmi le public qui a besoin d’amples développements philosophiques, la réfutation des arguments avancés contre le jeune mouvement dont nous proposons ici l’examen minutieux et approfondi de l’idéologie, mais aussi de l’action, et l’ambition de les expliciter.
C’est dans ce cadre conjoncturel que s’inscrit le présent essai, en prenant prétexte de l’occasion trouvée dans l’opposition à celui-ci, mais avec l’intention de dépasser l’événement, pour hausser le débat au niveau d’une réflexion philosophique sur les problèmes politiques, moraux et intellectuels généraux : ceci pour la simple raison qu’il n’est pas un seul un esprit engagé dans le combat des idées, pas un seul philosophe et théoricien, si l’un et l’autre méritent ces noms, qui n’admet avec le wokisme l’évidente et, dirons-nous, naturelle intrication de ces questions. En tout cas,le but de notre essai exposé, indiquons au lecteur que les règles en sont de nous placer délibérément en dehors des polémiques allusives, des conflits soit de tendances, soit d’intérêts, ou les deux à la fois. Ces attitudes qui sous-tendent habituellement les débats, y projettent de ce fait des problèmes subjectifs, comme le tropisme identitaire ou le repli qui en relève, sur les problèmes réels, liés notamment aux dysfonctionnements politiques de nos systèmes démocratiques, au conformisme des pouvoirs établis, et à l’ordre existant.
Or, il est indéniable qu’il s’agit là de problèmes cruciaux, et le mouvement réformiste radical, c’est-à-dire qui s’attaque, par définition, aux racines des problèmes, a l’immense mérite de les soulever ; mouvement inventif, présent sur les terrains, qui élève le niveau de conscience des individus, et dont le corpus idéologique aussi bien que l’action protestatrice montre définitivement en quoi il constitue un phénomène social non traditionnel, vigoureux et innovant, qui ne craint pas les conflits avec les puissances existantes. Tout ceci explique d’ailleurs le climat de très grande inquiétude dans lequel il plonge les milieux intellectuels nord-américains et européens (surtout français, singulièrement doués pour se tromper, dans leur vaste majorité, ainsi que pour s’enliser dans l’erreur). Quoi qu’il en soit, on verra ici pourquoi nos républiques sont dénoncées, et surtout pourquoi nos démocraties demeurent fustigées, à juste titre, par le wokisme que redoutent les institutions, et contre lequel bon nombre de nos élites, très présentes dans les médias, tentent de se barricader.
Le wokisme, dont le point de départ est expressément critique, est un courant de pensée progressiste, originaire des États-Unis d’Amérique ; il présente, du moins dans une première acception, une vaste conception de la justice sociale à travers la défense de causes extrêmement variées, et que les partis de gauche s’honoreraient d’épouser.En ce premier sens, il englobe plusieurs luttes autour des questions d’égalité, de droits des minorités, de sexisme, etc., luttes qui sont parfois perçues comme attentatoires au postulat d’universalisme rattaché à la république par certaines personnes, surtout au sein des démocraties occidentales ; celles-ci étant censées reposer sur le principe d’assimilation des individus, et où, par suite, l’identité ethnique, en clair : la couleur de peau, la race, et la communauté religieuse, etc., ne constituent nullement, du moins en théorie, des éléments sociaux déterminants. On peut dire, en ce sens, que le mot qui désigne le mouvement est assez ancien, aussi vieux peut-être que le mouvement américain des droits civiques (en anglais : Civil rights movement). Nous entendons par là que, dès les années 30, puis les années 60, il renvoie aux diverses luttes et manifestations contre la ségrégation raciale, menées par les Afro-Américains et des Blancs américains, pour que les premiers puissent bénéficier, comme tout autre citoyen du pays, des droits civiques inscrits dans la déclaration d’indépendance et garantis par la constitution des États-Unis. C’est en ce sens que, en 1965, Martin Luther King (1929-1968) appelait ses jeunes concitoyens à rester éveillés face aux injustices sociales, et les exhortait, de ce fait, à une prise de conscience des problèmes qui est loin, hélas, d’être une attitude spontanée de l’esprit humain.
Le mot Wokisme dérive d’un autre mot : en l’occurrence du mot « woke », et du suffixe – isme. Woke, formé à partir du participe passé du verbe anglais « wake » qui signifie « (s’)éveiller », veut dire « éveillé », et, par extension, « conscient » ; conscient non pas dans le sens des phénomènes psychiques dont le sujet, totalement présent à lui-même, à ses états, à son expérience vécue, a une prise claire, mais conscient des choses sur le plan intellectuel et moral, c’est-à-dire dans le sens du sujet qui a pleine et claire connaissance de la réalité politique et sociologique dans laquelle il évolue. Ainsi, dans l’argot des Afro-américains victimes, en tant que Noirs, d’une ségrégation légale, d’une mise à l’écart intentionnelle et institutionnalisée sur la base de critères racistes les plus longs et les plus effroyables de toute l’Histoire de notre ère, woke prend-il le sens spécifique de lucide face aux problèmes sociaux que rencontre leur communauté.Le terme qualifiant un sujet ouvert aux inégalités sociales et luttant pour un monde plus juste, le wokisme découlera conjointement du contexte spécifique d’exacerbation de la souffrance morale des Noirs et de l’extraordinaire fermentation des esprits, et il s’appliquera, du moins à la base, au fait d’être conscient des préoccupations liées à la justice sociale et l’égalité raciale. Mais, en un autre sens, le wokisme est un mouvement radical, critique de la société moderne, qui milite contre les injustices, les discriminations liées à la race, aux origines culturelles ou aux appétences sexuelles, les souffrances et les inégalités plus discrètes subies par toutes minorités sociales et ethniques, en plus des épreuves sans commune mesure1 infligées aux Noirs américains.
En ce second sens, celui où convergent les luttes, et qui nous intéresse surtout ici, le wokisme, expression polémique inventée par ses adversaires idéologiques pour stigmatiser la vision radicale de justice sociale et de défense des groupes minoritaires qui s’en rattache, est un mouvement d’origine beaucoup plus récente : il a émergé aux États-Unis, suite à celui, en 2013, des Black Lives Matter. Quel que soit le sens dans lequel on l’entend, le wokisme, relevant du sujet sensible, sujet qui, par définition, fait réagir émotionnellement, sert de prétexte aux intolérances et aux intempestivités racistes et xénophobes, est au centre de nombreuses controverses. Dans nos démocraties occidentales censées se proposer à l’adhésion de l’humanité tout entière par-delà les distinctions de races, de peuples, de sexes, de conditions sociales, la pensée woke tend un miroir aux sociétés, afin que celles-ci découvrent la noirceur de leurs âmes et qu’elles s’engagent à se regarder droit dans les yeux. Autrement dit, concernant ces sociétés, le wokisme touche à la hantise du mauvais démon civilisationnel : il y touche par la contrainte de la nécessité, tout mouvement, comme toute philosophie, ne se développant jamais en vase clos. En effet, comme cette dernière, le mouvement est toujours plus ou moins en rapport avec l’ensemble de la civilisation où il voit le jour.
Le militant ne peut faire totalement abstraction des problèmes qui affectent la société ni des dissensions qui la traversent, il en est lui-même tributaire et, comme chez le philosophe, l’on ne manque pas de retrouver dans son militantisme des échos de ces dissensions. Il est bien évident encore que l’idéologie militante, quelle qu’en soit la nature, ne peut se détacher complètement des conceptions morales ni des conceptions politiques de son temps. L’état des rapports intercommunautaires dans la société où il vit et surtout, de façon plus générale, la structure politique de cette société exerce aussi une large influence sur la pensée militante. Parmi les principaux opposants idéologiques au wokisme, tandis que bon nombre, habitués à voir certains groupes sociaux subir les diverses formes plus ou moins perceptibles que prend la xénophobie à l’embauche, à la location de logement, à l’enseignement scolaire, etc., ne mettent même pas en question les discriminations dans les faits, ni les inégalités qu’elles causent ; d’autres opposants, entraînés par la force de leur naturel, préconisent l’ignorance de tous ces préjugés, et le mépris de leurs dénonciateurs, arguant qu’ils sont totalement dénués d’intentions morales de la part des populations, surtout blanches, que le wokisme a pour objectif de sensibiliser.
Or, comment des actes de la vie en société (et en particulier des actes de cette nature) peuvent-ils être étrangers à la morale ? La morale courante qu’ils s’emploient ainsi à escamoter, et l’amoralisme méprisable qu’ils essaient là de nous bailler belle, ne laissent pas de faire de chacun d’eux des hommes, c’est-à-dire des êtres moraux, étant donné qu’ils vivent en société, et puisque la moralité consiste précisément à se montrer solidaire d’un groupe, et qu’elle varie comme cette solidarité, ainsi d’ailleurs que l’a soutenu, en 1893, Émile Durkheim (1858-1917) dans sa Division du travail social. Otons de la morale, par la pensée, toute intention, quel esprit ou sérieux, ou bien formé, irait croire que la vie collective, assimilée de façon spécieuse par le scepticisme moral à la vie dans l’état de nature, ne s’effondrerait pas du même coup, n’ayant plus d’instance directrice sur laquelle s’appuyer ! Au reste, qu’est-ce que ce mauvais démon civilisationnel, inspirant tout l’Occident, et auquel nous faisions allusion ci-dessus ?Nous n’avons pas mis longtemps à établir un constat : les millions de morts sur le sol européen, causés directement par le postulat selon lequel il n’existerait pas d’équivalence de valeur entre les êtres humains en tant qu’êtres, sont l’expression d’un mal profond. Ces massacres, perpétrés non pas contre des populations de teint foncé vivant dans des contrées lointaines, mais contre des communautés de couleur blanche, issues du voisinage culturel et géographique immédiat, ont eu lieu au cours du 20e siècle. Ces communautés provenaient des mêmes villes, quartiers, unités d’habitation et cellules familiales. Face à ces morts, les peuples européens ont peu à peu appris à garder le silence, parfois par indifférence, souvent par lâcheté, et généralement par abdication de leur libre arbitre. Ces silences témoignent de ce que nous pourrions appeler le mauvais Démon Civilisationnel de l’Occident. D’une part, la nature profonde de cet Occident – que certains qualifieraient d’ADN – reste ancrée dans le racisme et la xénophobie, basés sur la couleur de peau. D’autre part, sa doctrine morale, foncièrement téléologique, conçoit le monde essentiellement comme un système de rapports entre moyens et fins.
En effet, la dictature totalitaire et expansionniste, notamment allemande, imbue de ce postulat biologique, s’est plu à hiérarchiser sans ambages ni circonlocutions les origines ethniques parmi les populations du vieux continent. Celles-ci seraient divisées en « races », dont le peuple allemand, incarnant la « race aryenne », représenterait le sommet, et où non seulement les populations juives, slaves, tziganes, mais aussi tous les peuples répartis hors des frontières de l’Europe, représenteraient les races inférieures, et formeraient ensemble la classe des « sous hommes ». Se fondant sur cette doctrine politique accompagnée d’une attitude systématique et des rôles sociologiques de simple servitude, à caractère téléologique, assignés aux innombrables communautés linguistiques distribuées à travers la planète, l’on n’a pas craint de proposer, surtout contre les Juifs, les Tziganes, etc., des mesures particulièrement discriminatoires de persécution, suivies bientôt des camps de concentration destinés à leurs exterminations systématiques et bureaucratiques. Sans tomber dans la Shoah (qui demeure, après tout, factuellement un épiphénomène du mauvais démon civilisationnel occidental), et en se gardant de certains des excès du nazisme hitlérien et de ses collaborateurs à travers toute l’Europe, mais en soutenant implicitement, de fait, que certains peuples, et par suite certains hommes, sont inférieurs aux autres, il est évident qu’il n’est objectivement point de nation occidentale ni d’ailleurs de nation de l’ancien bloc soviétique, dont la vision du monde, la conception de la vie, les idées sur la place de son peuple dans le monde et le rôle qu’il est appelé à y jouer, ne tient pour le moins directement de la même doctrine que celle du nazisme.
Nous n’avons pas à nous appesantir icisur le sujet, qui institue l’Occident comme une civilisation qui ne peut pas s’empêcher d’agir de façon discriminante et raciale, persécutant, torturant, tuant, pillant et exilant les peuples qu’il choisit d’éliminer ; nous y reviendrons plus tard. Ce que nous devons surtout retenir pour le moment, c’est que, pour nous faire une idée juste de ce mauvais démon en question, il nous faut le replacer dans l’ensemble de la culture européenne. Par suite des excès du régime nazi, nous considérerons donc le racisme, qui progresse partout, comme un boomerangque subissent les démocraties occidentales où l’antisémitisme dirigé contre les juifs en tant que groupe ethnique ou religieux demeure seul puni en France par la loi, et reste condamné par la réprobation sociale. C’est d’ailleurs, à notre connaissance, l’unique forme de racisme et de discrimination qui semble peser sur les consciences, et qui soit, de ce fait, contrée par des mesures légales, destinées à la réprimer dans une république où, grâce à l’impunité la plus totale, Maghrébins et Noirs continuent d’être battus par les forces de l’ordre, s’ils ne sont pas abattus simplement comme des bêtes sauvages ; où les emplois se ferment à eux (ainsi que nous l’évoquions plus haut) ; où ils n’ont accès ni dans les cercles culturels ni dans les lieux de pouvoir ; enfin où ils doivent renoncer à des carrières et se contenter des postes subalternes, après avoir passé brillamment les examens d’admission.
Quoi qu’il en soit, ces dernières considérations nous ramènent au wokisme et expliquent pourquoi le mouvement, au centre des controverses, demeure un sujet extrêmement sensible. En effet, la plupart de ses contempteurs (peut-être tous), gros du passif de la Shoah, se refusent à son antiracisme, et ils insistent sur cette idée que le mouvement masquerait derrière ce facile humanisme une réalité beaucoup moins louable : il s’agirait, selon eux, d’une hostilité implicite envers la communauté blanche d’Occident, sous le prétexte que celle-ci renâclerait par tradition philosophique à admettre l’humanité des autres peuples autour du monde, et que, s’étant rendue coupable des plus grands crimes parmi ces derniers, elle incarnerait l’archétype universel de l’ethnocentrisme et des atrocités liées au racisme, commises à l’échelle de l’humanité, dans toute l’Histoire, du moins depuis le Moyen Âge. Autrement dit, les adversaires contestent au wokisme son antiracisme affirmé pourtant avec force, et ils lui reprochent de n’être, à proprement parler, qu’un racisme se retournant contre eux : un racisme anti-blanc, que, par-delà tout le fatras d’arguments spécieux et le chorus réprobateur, ils peinent cependant à mettre en lumière. On voit ainsi apparaître un problème insupportable, loin d’être de grande portée, à vrai dire ni de dépassionner malheureusement le débat, et qui est le problème des wokes et des anti-wokes se rejetant mutuellement l’opprobre du racisme, chacun accusant l’autre de ce dont il reste lui-même accusé.
Au reste, il s’en faut que, même plaidant pour eux-mêmes et faisant l’avocat de leur propre cause, l’accusation des anti-wokismes ramenant le mouvement essentiellement aux effets des actes inqualifiables, perpétrés mécaniquement par leur propre civilisation, et se retournant contre elle, soit recevable comme telle. Afin de comprendre ce point, songeons au terme utilisé par les sociologues, pour désigner toutes les formes de discrimination, comme celles qui visent, au quotidien, les minorités dans toute société donnée, et notamment dans la société française, par ex. On sait que le terme Oppression, usité dans la discipline de ces derniers,renvoie notamment au mauvais traitement, à la discrimination systématique d’un groupe social, avec ou sans le soutien des structures de la société. Or, demandons-nous ce que comporte ce mauvais traitement. – 1° Que l’oppression, en tant que violation répétée et systématique des principes constitutionnels et spécialement des principes qui protègent les droits publics individuels, n’est pas nécessairement un fait inscrit dans la loi ni un fait nécessairement et ouvertement assumé par les structures du pouvoir ; – 2° que c’est, au contraire, un phénomène protéiforme, fort diffus, qui peut se manifester par les discriminations (notamment celles déjà indiquées par nous ci-dessus), mais aussi par des injures, par de la violence, voire même par le fait de diffuser certains préjugés, fussent-ils apparemment inoffensifs.
Ainsi, vue sous l’angle proprement sociologique, seul qui compte ici, et exposée de façon objective dans ses multiples formes de manifestation, l’oppression du quotidien relève, au final, de la même nature que celle organisée par l’État sous les régimes totalitaires. Est-ce à dire cependant, pour en revenir au grief formulé par les anti-wokes contre le mouvement américain, que le groupe social, en Occident, qui dispose à lui seul de l’ensemble des formidables leviers rattachés aux pouvoirs publics, groupe dominant démographiquement, et qui appartient à la race blanche, ferait l’objet d’oppression, qui serait organisée par les autres groupes, tout minoritaires et tout composés d’humbles gens qu’ils soient ? D’abord, il est bien évident que nul ne peut soutenir une telle thèse ; enfin on n’ignore pas que certaines oppressions restent parfois niées par ceux-là mêmes qui s’en rendent coupables : cela advient quand une catégorie dominante, qui établit les normes de la société, accapare les privilèges, croit être oppressée par une autre, et qu’elle en vient à percevoir la propre oppression qu’elle exerce sur cette dernière comme de la légitime défense. Toutefois, l’analyse du vécu, ainsi que l’examen, par la sociologie et la Psychologie sociale, des causes et des effets des oppressions permettent de rejeter sans ménagement, partout où elle est adoptée, cette posture qui peut procurer sinon émoi, au moins bonne conscience.
Quel que soit le sens que certains voudront donner à cette notion, pour l’aborder sans prévention et s’en faire une idée juste, il nous faut rappeler d’emblée quelques vérités premières : oui ou non la vie collective se développe-t-elle dans des cadres préétablis : représentations collectives, rites, commémorations, avantages matériels ou honorifiques, etc., qui s’imposent avec force plus ou moins contraignante aux individus ? Oui ou non, suppose-t-elle des institutions : procédés techniques, systèmes monétaires, crédit, écoles, etc., héritées du passé, auxquels ces derniers, en tant que citoyens, ne peuvent guère faire autrement que se soumettre ?Né parmi les Afro-Américains, le wokisme n’a été, avons-nous noté, à l’origine, qu’un mouvement de revendications tourné en premier lieu vers les concernés eux-mêmes, c’est-à-dire vers ces derniers, victimes des violences policières et des discriminations. Lorsque, à partir de 2014, apparut le premier tournant qu’on y observa, le wokisme se présenta comme un mouvement dont l’idéologie, sans s’offusquer des intérêts divergents éventuels des différents groupes sociaux que l’on y recense, dorénavant se mit à aborder le problème des oppressions bien au-delà de celles, fort historiques, que l’on sait, frappe sa communauté initiale, et qui venaient jusque-là au premier rang des préoccupations.
L’idée centrale qui y apparut alors, et que l’on défend âprement depuis, c’est l’idée selon laquelle la société consisterait en un système de privilèges qui bénéficierait aux uns et exclurait les autres : les premiers appartenant au groupe des oppresseurs, les seconds à celui des opprimés. Or, où que nous regardions, et quelque sujet d’étude que nous examinions, avec quelle facilité n’avons-nous constaté que, des différentes catégories sociales existantes, l’homme blanc, hétérosexuel, des classes supérieures, représente la catégorie qui détient à elle seule l’intégralité des privilèges ! On s’explique ainsi aisément pourquoi le wokisme, en se fondant sur les faits sociologiques pour dénoncer et pour combattre les injustices dont restent victimes à ses yeux les minorités, n’hésite pas à désigner cette dernière la catégorie des oppresseurs et des auteurs d’injustices. Y a-t-il à la vérité, comme l’indiquent les idéologues du mouvement radical américain, une catégorisation sociologique propre de la domination, corrélative de l’idée des strates de privilèges qui y correspond au sein des sociétés occidentales et, dans l’affirmative, peut-on mettre en doute, même sans nécessairement reconnaître pour vrais d’autres points de leurs dogmes, que l’oppression systémique, ou, si l’on préfère : la domination structurelle, la domination ancrée dans les rouages de la vie collective, est l’apanage de la population historiquement blanche, le pouvoir, également l’apanage historique des hommes blancs, quand la norme sexuelle a été historiquement l’hétérosexualité, et les privilégiés, ceux qui bénéficient des normes sur lesquelles sont construites ces sociétés, historiquement les riches ?
Voilà les problèmes que l’on commença à se poser, et où l’on s’inscrivait en faux contre la théorie marxiste, laquelle voit en l’économie l’infrastructure de la société, et ramène l’exercice de la domination à des bases économiques, les propriétaires capitalistes incarnant la figure des dominants face aux prolétaires qui, eux, restaient les figures dominées. Dans la vision woke du monde, il nous semble indiscutable que la position économique ne détermine nullement à elle seule le statut de dominant ni celui de dominé : ce qui fonde l’une ou l’autre situation de fait dans la société, relève selon cette analyse plutôt de la position sociologique ; et l’on sait que celle-ci comprend à la fois le sexe, le statut social, l’appétence sexuelle, voire même les capacités physiques, etc. Aussi bien, appartenir à une catégorie minoritaire, surtout dans les sociétés multiculturellesoù, par définition, les normes en vigueur proviennent des groupes majoritaires, c’est être en proie – et comme par nature –, de fait à une oppression systémique. On s’explique maintenant pourquoi quiconque s’écarte de la norme, tombe aussitôt dans la situation de minorité, laquelle l’expose de manière structurelle, nous dit le wokisme, à l’oppression dont la xénophobie, l’homophobie, le sexisme, la transphobie, etc., constituent malheureusement quelques exemples dans les sociétés occidentales et même dans la plupart des sociétés du monde, régies qu’elles sont notamment par les règles historiques d’une part de l’endogroupe, et d’autre part par les règles de l’hétérosexualité.
Si nous voulons voir clair dans la xénophobie, par ex., ou dans l’homophobie, nous devons admettre que la psychologie de l’endogroupe d’un côté, et le principe de l’hétéronormativité de l’autre, agissant de manière systémique, condamnent l’individu qui appartient à une autre identité culturelle que la nôtre propre, et la personne d’une appétence sexuelle autre que celle dont nous jouissons nous-mêmes, à subir des discriminations, dont les propres auteurs seraient bien embarrassés à rendre compte, tant ces actes surgissent, comme la plupart des actes de même nature, indépendamment des intentions des sujets concernés. Que ce soit, en effet, dans une communauté ethnique donnée, ou que ce soit dans une société hétéronormée, pour des raisons psychologiques, bien faciles à comprendre, la pensée woke soutient que la xénophobie, par exemple, et l’homophobie, sont structurelles, toute norme tendant, par une loi logique bien connue, à exclure tout ce qui dévie d’elle. On peut donc dire avec les wokes :
1° que les membres de nos deux sociétés peuvent ne pas avoir l’intention délibérée d’exclure qui que ce soit, il n’empêche qu’ils le font inconsciemment ; 2° qu’il existe un inconscient culturel