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Neuf auteurs et autrices de la collection Entr’Actes se sont donné rendez-vous pour célébrer les 400 ans de la naissance de Molière. Tantôt protagoniste, tantôt sujet des saynètes que vous allez découvrir, Molière et ses pièces inspirent à tour de rôle de courtes comédies, des drames, des réflexions en tous genres, rendant hommage, à travers des univers et des écritures d’une grande variété, à cette plume de talent qui continue de nous inspirer encore aujourd’hui.
De Dom Juan au Malade imaginaire, de l’intemporalité des œuvres de Molière à la grande liberté de ton de ses pièces, de rencontres fantasmées entre Molière et Edmond Rostand ou un Conseiller Pôle Emploi, celui auquel la « maison de Molière » rend hommage chaque 15 janvier devient, sous neuf plumes différentes, matière à réflexions et à dialogues entre Molière et notre époque. Car s’il continue d’être lu, étudié, mis en scène, joué et adapté au cinéma encore à notre époque, il ne cesse pas non plus d’inspirer les autrices et auteurs de théâtre, pour que vive la langue de Molière !9 saynètes, tailles variéesEnviron 2h30
À PROPOS DE L'AUTEURE
Comment présenter 9 caractères en 300 caractères espaces compris ? Des caustiques aux doux rêveurs en passant par les amateurs d’alexandrins, la collection Entr’Actes réunit une vaste palette de plumes. Certaines sont absurdes, d’autres poignantes, douces ou passionnées… Unies par l’amour du théâtre.
Thierry Y. Alves ; Léonor Baumann ; Laura Desprein ; Simon Lecomte ; Ange Lise ; Joël Mansa ; Jean-Pierre Pélaez ; Claire Poirson ; Jean-Philippe Teytaut
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Seitenzahl: 138
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Anthologie
Bon anniversaire Molière !
Recueil de saynètes
Préface : Molière
Anthologie
Bon anniversaire Molière !
Recueil de saynètes
Préface : Molière
Illustrations : Marie-Christine Poirson
Et les auteurs :
Thierry Y. Alves — Léonor Baumann — Laura Desprein
Simon Lecomte — Ange Lise — Joël Mansa —
Jean-Pierre Pélaez — Claire Poirson — Jean-Philippe Teytaut
ISBN : 979-10-388-0487-6
Collection : Entr’Actes
ISSN : 2109-8697
Dépôt légal : décembre 2022
© couverture Ex Æquo
©2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays
Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières Les Bains
www.editions-exaequo.com
Bon anniversaire Molière ! Comment manquer une telle date ? Et surtout, comment la célébrer pour le mieux ? Comment rendre hommage à ce grand homme, qui a tellement apporté à notre théâtre et qui continue de nous enrichir et de nous questionner, 400 ans après sa naissance ? Comédien, metteur en scène et directeur de troupe, l’homme aux mille casquettes artistiques a surtout traversé les siècles en tant qu’auteur de théâtre. Or, l’on sait à quel point le théâtre est un genre peu lu en France actuellement. Le public vient applaudir une tête d’affiche, plus rarement un auteur ou une autrice. Et, sincèrement, qui lit du théâtre aujourd’hui, hormis celleux qui le pratiquent ? Écrire des pièces ou des saynètes est un véritable combat de chaque instant. Molière, lu, étudié, mis en scène, joué, monté sans relâche, et dont la « Maison de Molière » continue de porter l’héritage, est un espoir pour l’écriture théâtrale de demain.
Pour les 400 ans de Molière, il semblait donc logique de rendre hommage à celui qui a contribué si fortement à donner ses lettres de noblesse à ce beau métier en célébrant, par la même occasion, la richesse de l’écriture théâtrale contemporaine. Chaque auteur ou autrice de cette anthologie s’est emparé du thème : « Molière », pour célébrer à sa manière ce grand homme. Qu’il s’agisse de l’inspiration particulière d’une de ses pièces, d’interroger son théâtre de manière plus générale ou de le pasticher, chacun·e s’est emparé·e du thème pour révéler un peu de son rapport à Molière.
Et si ce n’est avec Molière, avec qui d’autre serait-ce possible ? Qui possèderait une notoriété permettant d’en faire le thème d’une anthologie de théâtre ? Quel·le auteurice a été suffisamment lu·e pour que, sans réfléchir, nous soyons tou·te·s capables, spontanément, d’en citer au moins deux ou trois pièces et pour que la matière et l’inspiration soient si aisées à trouver ? Qui rassemblerait suffisamment pour qu’auteurs et autrices puissent se retrouver autour de son écriture, échanger et se comprendre ? Nous avons tou·te·s un peu de Molière en
nous. Comment pourrait-il en être autrement ? De Victor Hugo, qui admirait Molière au point de faire des séances de spiritisme où il cherchait à entrer en contact avec son esprit, à Mikhaïl Boulgakov, à qui l’on doit Le Roman de Monsieur de Molière, magnifique hommage librement inspiré de la vie de Molière, en passant par Edmond Rostand qui, dans Cyrano de Bergerac, multiplie les clins d’œil à Molière (l’emplacement de la boutique du pâtissier poète étant exactement celui de la maison natale de Molière, pour ne citer que ce détail parmi d’autres), Molière a été encensé et célébré par les siècles suivants.
Nous avons donc souhaité, à notre modeste façon, apporter notre pierre à l’édifice, pour que vive l’écriture de théâtre et pour célébrer le plus illustre représentant de notre beau métier. Chacun·e, nous avons pris la plume pour dire avec notre cœur et nos mots, à notre façon : « Bon anniversaire Molière ! »
Claire Poirson, directrice de la collection Entr’Actes
Lorsque les éditions Ex Aequo m’ont contacté afin d’écrire la préface de ce recueil, j’ai hésité. Je suis censé être mort depuis 349 ans, le lectorat ne va-t-il pas trouver cela curieux ? Et puis je me suis fait la réflexion que, de toute manière, personne ne lit les préfaces. J’hésitais tout de même encore un peu… Et j’ai repensé à cette phrase d’Alphonse Allais : « Shakespeare n’a jamais existé. Toutes ses pièces ont été écrites par un inconnu qui portait le même nom que lui. » Après tout, qui suis-je ? Et qui seriez-vous pour prétendre que je ne suis pas moi et que je n’ai, par conséquent, pas le droit de signer cette préface du nom de Molière ? D’ailleurs, ne devrais-je pas la signer Jean-Baptiste Poquelin ? Nombre de vieux hommes se gratouillent la tonsure, dans toutes les universités de France et de Navarre, pour essayer de déterminer qui j’étais, où j’allais, ce que je mangeais à midi… Voilà donc la première question que je vous pose : qui suis-je pour vous ? Une statuette dorée remise, chaque année, lors d’une cérémonie soporifique, à de célèbres inconnu.e.s ? Un auteur rasoir affublé d’une perruque qui vous a traumatisé pendant vos classes de secondaire ? Non, je ne pense pas, sinon vous ne liriez pas la présente préface. Finalement, j’imagine que je suis différent pour chacun et chacune d’entre vous, mais une chose est sûre : si vous avez décidé d’entreprendre cette lecture, c’est que vous appréciez, d’une manière ou d’une autre, ce que je suis pour vous. Je vous en remercie et vous souhaite une bonne lecture de la présente anthologie.
Molière
Fantaisie franco-chinoise
Personnages
Pierre : metteur en scène, la cinquantaine rayonnante de l’homme accompli, mêlé à un fond d’anxiété chronique de ceux qui doutent en permanence.
Marianne : la femme de Pierre, la cinquantaine éclatante et joyeuse de celle qui est arrivée à l’acmé de sa plénitude sans avoir envie de redescendre.
Anna : la fille de Pierre et de Marianne, 22 ans, zen et positive.
(Pierre travaille à son bureau, comme enchaîné à son écran d’ordinateur. On a l’impression que le monde pèse sur ses épaules. Marianne entre doucement dans la pièce pour ne pas le déranger. Elle s’arrête quelques minutes pour l’observer avant de lancer la conversation.)
MARIANNE
Tout va bien ?
PIERRE
Question de point de vue…
MARIANNE
Tu as besoin d’aide ?
PIERRE
D’un miracle plutôt…
MARIANNE
Ça va aller, ne t’inquiète pas…
PIERRE
MARIANNE
Oui, bon, ça aurait pu être pire. J’avoue que je n’ai pas pris la mesure de ton mal de ventre, mais tu reconnaîtras que ce n’est pas facile de vivre avec un hypocondriaque.
PIERRE
Hypocondriaque ? Tu es gonflée ! J’ai failli y rester cette fois-ci !
MARIANNE
Tu connais l’épitaphe de l’hypocondriaque ?
PIERRE
Non…
MARIANNE
« Je vous l’avais bien dit que j’avais quelque chose ! »
PIERRE
Très drôle !
MARIANNE
Très vrai, monsieur stress.
PIERRE
Parce que je n’ai pas de raison de stresser, là ? Je te signale que je suis censé partir à Shanghai dans un mois pour monter une pièce de Molière, que je n’ai pas lu depuis le collège, avec une troupe de théâtre composée de Français qui parlent mal le chinois, de Chinois qui parlent mal le français, dans la joyeuse ambiance d’une Alliance Française qui me laisse une latitude de poisson rouge dans son bocal et me donne une carte blanche bien encadrée par les codes culturels et un interprète imposé en guide rapproché…
MARIANNE
Posé comme ça… Mais tu as fait bien pire ! Tu as quand même réussi à adapter Le Cid en version tamouré à Tahiti pendant la saison des tempêtes. C’était très réussi d’ailleurs.
PIERRE
Tu dis ça parce que tu as passé deux mois à faire le tour des lagons en sirotant des noix de coco.
MARIANNE
À chacun sa vision de la culture ! J’étais là pour te soutenir, je te signale.
PIERRE
Merci du soutien, Marianne. Mais pourquoi est-ce que ça tombe sur moi ce projet à la con ! Qu’est-ce que je vais aller faire dans cette galère ?
MARIANNE
Tu devrais être flatté qu’on ait pensé à toi pour la mise en scène.
PIERRE
Mais tout le monde sait que je suis un spécialiste de Novarina. Molière, ça me déprime d’avance.
MARIANNE
C’est marrant, je suis plus volontiers déprimée par Novarina.
PIERRE
On monte un Molière quand on manque d’imagination…
MARIANNE
Ou quand on a compris son génie et son intemporalité.
PIERRE
Je ne te savais pas si adepte de Molière… C’est marrant, mais depuis vingt ans qu’on va au festival d’Avignon tous les deux, je ne t’ai jamais vu te précipiter pour aller voir une pièce de Molière. L’intemporalité s’arrête aux bonnes paroles, madame Tartuffe !
MARIANNE
Les langues ont toujours du venin à répandre… J’ai passé toute mon adolescence avec Jean-Baptiste, à le relire la nuit avec une lampe de poche sous la couette. J’avoue que je le consulte encore en douce de temps à autre. Les mises en scène d’aujourd’hui ne lui font pas toujours honneur, hélas. Et beaucoup de comédiens ont oublié que le jeu passe par le corps autant que par la langue.
(Pierre prend le temps de la regarder avec tendresse et se lève de son fauteuil pour aller la serrer dans ses bras.)
PIERRE
Tu ne veux pas m’accompagner à Shanghai ? On partagerait nos nems entre deux pantomimes…
MARIANNE
Toi, tu as toujours su me faire rêver ! Bon, je te laisse travailler.
(Elle s’éclipse en riant sans laisser le temps à Pierre de répondre.)
PIERRE
Lâcheuse !
MARIANNE
(En voix off.)
« Plus grand est l’obstacle, et plus grande est la gloire de le surmonter. »
PIERRE
Les Femmes savantes ?
MARIANNE
(Une sonnerie provenant de son ordinateur rappelle Pierre à son actualité.)
PIERRE
Ah, merde, l’Alliance Française. On devait faire un point sur le projet. Et je n’ai toujours rien à leur présenter. Je le sens mal là.
(Pierre prend une grande respiration et décroche en prenant une attitude de sérénité posée.)
PIERRE
Francis, bonjour ! J’attendais votre appel ! Comment allez-vous ?
FRANCIS
(En voix off.)
Bonjour Pierre ! Bien merci ! Et vous ?
PIERRE
Très bien. Merci.
FRANCIS
(En voix off.)
PIERRE
Mais naturellement. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureux de participer à cette aventure théâtrale. Merci de me l’avoir proposée !
FRANCIS
(En voix off.)
Nous avons tout de suite pensé à vous. Une de nos comédiennes connaissait bien votre travail.
PIERRE
Ah, oui ?
FRANCIS
(En voix off.)
Elle était en vacances à Tahiti quand elle a découvert votre mise en scène incroyable du Cid.
PIERRE
Ah, oui ? Bon, je suis tout de même plus contemporain que je n’en ai l’air…
FRANCIS
(En voix off.)
Personne n’est parfait !
PIERRE
Ah, oui ! Alors pour revenir à notre projet, j’ai beaucoup réfléchi. Je voudrais faire de cette initiative un moment rare… qui montre tout le génie et l’intemporalité de Molière.
FRANCIS
(En voix off.)
Oui, naturellement !
PIERRE
Le point d’ancrage serait un travail qui met en valeur un jeu qui passe par le corps autant que par la langue.
FRANCIS
(En voix off.)
Oui, naturellement. C’est très bien.
PIERRE
Une expérience qui transcende le barrage de la langue.
FRANCIS
(En voix off.)
Oui, ça me semble bien. Mais, juste un détail, avez-vous déjà choisi la pièce de Molière sur laquelle vous souhaitez travailler ?
PIERRE
Oui, naturellement… Mais ne vaudrait-il pas mieux en discuter avec tous les comédiens dans une voie démocratique de l’assentiment du plus grand nombre ?
FRANCIS
(En voix off.)
Démocratique, naturellement… Je vous propose de nous arrêter sur L’Avare.
PIERRE
L’Avare
FRANCIS
(En voix off.)
Cela vous convient ?
PIERRE
Ah, mais naturellement. Ça me fait faire un bond en avant d’un seul coup dans mon plan de travail.
FRANCIS
(En voix off.)
Oui, la politique du grand bond en avant…
PIERRE
Naturellement. Et pourquoi l’Avare d’ailleurs ?
FRANCIS
(En voix off.)
Vous savez certainement que Molière n’a été découvert qu’au XIXème siècle en Chine.
PIERRE
Ah, oui, évidemment.
FRANCIS
(En voix off.)
Et la première pièce à avoir été traduite en chinois a été L’Avare. Les Chinois adorent cette pièce.
PIERRE
FRANCIS
(En voix off.)
Il me paraît judicieux et symbolique de la faire jouer par une troupe franco-chinoise.
PIERRE
Je vous rejoins tout à fait.
FRANCIS
(En voix off.)
Je n’en doutais pas ! Merci Pierre. Je sens que notre collaboration va se faire sous les meilleurs auspices.
PIERRE
Je n’en doute pas non plus Francis ! Pourriez-vous me transmettre le profil des comédiens pour que je puisse me projeter davantage ?
FRANCIS
(En voix off.)
Je vous envoie ça dans la journée.
PIERRE
Dans la nuit donc pour moi.
FRANCIS
(En voix off.)
Voilà, décalage horaire oblige.
PIERRE
FRANCIS
(En voix off.)
Merci Pierre. A très vite
(Pierre raccroche et pousse un soupir entre soulagement et désespoir.)
PIERRE
Putain, L’Avare ! C’est rude !
(Pierre fait les cents pas dans son bureau au petit matin, une tasse de café à la main. Il semble absorbé par l’écoute de L’Avare interprété par la troupe du Français. Il commence à jouer pour lui en prenant des poses et en faisant des mimiques. Anna apparaît dans l’embrasure de la porte et observe son père, amusée par son jeu. Au bout d’un moment, elle rompt le silence.)
ANNA
Fais gaffe, t’es bien parti pour avoir un Molière, là !
(Pierre, pris en flagrant délit de théâtre, sursaute et se fige.)
PIERRE
Tu m’as fait peur !
ANNA
Oui, je vois ça. Maman m’a dit que tu ne quittais plus ton bureau.
PIERRE
Je prends racine. J’aurais tellement préféré le mettre en scène d’ailleurs.
ANNA
PIERRE
Mais rien, rien ne va, Anna ! On me propose un projet que je me sens obligé d’accepter, on m’impose le choix de l’auteur, de la pièce, avec des comédiens dont j’épluche le profil depuis plusieurs jours sans savoir quoi en faire. Je suis censé partir dans quinze jours et j’ai l’impression de faire du surplace et de ne pas savoir où je vais.
(Anna s’apprête à répondre mais Pierre la coupe.)
PIERRE
Et si tu me dis, comme ta mère, que ça va bien se passer, je te ferme la porte au nez !
ANNA
Ah, ah, ok ! Donc, si je comprends bien, tu aurais préféré monter un Racine plutôt contemporain, mais avec une troupe du Périgord dans la Creuse ?
PIERRE
Voilà, tu résumes bien la situation.
ANNA
C’est marrant que tu n’accroches pas avec Molière.
PIERRE
Ce n’est pas que je n’accroche pas… mais c’est que je décroche vite.
ANNA
Tu sais, j’ai accompagné une classe à une représentation du Bourgeois gentilhomme il y a dix jours.
PIERRE
Une représentation pour les scolaires, tu as dû souffrir !
ANNA
C’est ce que je pensais aussi ! J’y suis allée en traînant la patte. Et en fait, j’ai adoré.
PIERRE
Tu n’exagères pas un peu, là ?
ANNA