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Extrait : "Une nouvelle carrière de triomphes et de gloire va s'ouvrir devant Bonaparte. Mes vieux compagnons, vous l'avez tous vu grandir et s'illustrer à la tête de l'armée française ; plus tard vous l'avez vu sur un trône auquel l'avaient appelé la reconnaissance nationale et l'intérêt de la patrie. Mais ce qu'il faut rappeler aujourd'hui, ce sont les commencements de sa haute fortune, les progrès de son génie, et la grandeur de ses services."
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Seitenzahl: 126
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Préparatifs de l’expédition d’Égypte. – Départ de la flotte française (19 mai 1798). – L’armée d’Orient s’empare d’Alexandrie (2 juillet). – État et description de l’Égypte. – Marche sur le Kaire à travers le désert. – Bataille des Pyramides (21 juillet). – L’armée d’Orient s’empare du Kaire. – Desaix envoyé dans la Haute-Égypte. – Bataille navale d’Aboukir ; destruction de la flotte française (1er août). – Établissement de la nouvelle colonie ; Institut d’Égypte. – Déclaration de guerre de la Porte (1er septembre). – Révolte du Kaire (21 octobre). – Conquête de la Haute-Égypte par Desaix (octobre)
Une nouvelle carrière de triomphes et de gloire va s’ouvrir devant Bonaparte. Mes vieux compagnons, vous l’avez tous vu grandir et s’illustrer à la tête de l’armée française ; plus tard vous l’avez vu sur un trône auquel l’avaient appelé la reconnaissance nationale et l’intérêt de la patrie. Mais ce qu’il faut rappeler aujourd’hui, ce sont les commencements de sa haute fortune, les progrès de son génie, et la grandeur de ses services.
Simple lieutenant d’artillerie à la révolution de 1789, il était, en 1793, commandant de l’artillerie en second au siège de Toulon, en 1794 général de brigade, en 1795 général de division, en 1796 général en chef de l’armée d’Italie. Il n’avait alors que 26 ans ! que de grands souvenirs rappellent ses immortelles campagnes dans cette contrée ! il y resta dix-huit mois, et lorsqu’il reparut en France, il rentra dans la capitale, précédé des trophées de dix victoires glorieuses, et apportant un traité de paix qui assurait la supériorité de la république. Aussi à son arrivée, le plus vif enthousiasme se manifesta dans toutes les classes. Le peuple criait : « vive le général Bonaparte, le vainqueur de l’Italie, le pacificateur de Campo-Formio ! » La bourgeoisie et les commerçants disaient : « que Dieu le conserve pour la gloire et la prospérité de la France ». La haute classe courait avec admiration au-devant d’un « jeune héros qui, depuis la bataille de Montenotte jusqu’au traité de Léoben, n’avait connu que des triomphes ». Tous les cœurs s’ouvraient, à l’espérance. Les plaies de la patrie allaient se cicatriser, et un avenir riche de tous les genres de grandeur et de prospérité s’offrait aux regards de la France.
Tout autre que Bonaparte eût été ébloui par l’enthousiasme qu’on lui montrait, mais il portait ses regards sur l’avenir. Il connaissait la jalousie secrète qu’avaient contre lui les directeurs, inhabiles magistrats de la république. Les renverser aurait été un projet hardi, mais dangereux. Il valait mieux attendre que le directoire se perdît par ses fautes. D’un autre côté, que faire dans Paris, au milieu de l’agitation des partis, avec le titre illusoire de général en chef de l’armée d’Angleterre, qui lui avait été récemment donné ? n’y avait-il pas des palmes nouvelles à cueillir dans de lointains climats ? ne pouvait-il pas faire d’autres conquêtes glorieuses et utiles pour la France ? c’est alors que toutes ses idées se dirigèrent vers un projet qui depuis peu occupait son imagination.
L’Angleterre était l’ennemie mortelle de la France. Elle avait armé la moitié de l’Europe contre notre révolution, et pendant ce temps elle n’avait cessé de s’agrandir en Orient. Pour la frapper au cœur, il fallait l’atteindre dans ses riches possessions des Indes. L’Égypte était sur la route ; des flottes pouvaient sortir de la mer Rouge, et porter le drapeau tricolore et des soldats français sur les rivages de l’Indostan. Une fois conquise, les plus vastes espérances devenaient légitimes. Cette grande pensée d’une expédition en Égypte ne quitte plus Bonaparte : réparer les malheurs de nos colonies perdues ou ravagées, ouvrir de nouveaux débouchés à nos manufactures, dans l’Afrique, l’Arabie et la Syrie ; fournir à notre commerce les productions de l’ancien monde, frapper au cœur le commerce de l’Angleterre, en attirant en Égypte celui de l’Orient ; rendre à cette contrée, berceau des sciences et des arts, sa première splendeur ; enfin marquer sa place entre les plus illustres conquérants, tels sont les immenses résultats qu’il voit dans la victoire et la conquête. Le Directoire, séduit par ces grandes vues, lui accorda les moyens de les accomplir. Le secret fut convenu, pour ne pas éveiller l’attention de l’Angleterre et du continent. Bonaparte s’occupa des préparatifs, avec cette activité extraordinaire qu’il apportait à tout.
Une commission formée sur-le-champ fut chargée de parcourir les ports de la Méditerranée, et d’y préparer tous les moyens de transport. Provisions, troupes, artillerie, tout fut organisé avec une merveilleuse rapidité par Bonaparte, qui surveillait lui-même à Paris l’exécution de ses ordres. Les détachements de l’armée d’Italie qui rentraient en France furent dirigés vers Toulon et Gênes, principaux points de départ. Ce n’était pas assez pour Bonaparte d’avoir des guerriers ; il eut encore l’heureuse pensée d’associer à son expédition des savants, des ingénieurs, des géographes, des artistes et des ouvriers de toute espèce, afin de porter en Égypte les lumières, les bienfaits et les arts utiles de notre civilisation. Les hommes les plus illustres de l’époque s’engagèrent dans l’entreprise. C’étaient les savants mathématiciens ou chimistes Monge, Berthollet, Fourier, Dolomieu ; les habiles médecins et chirurgiens Desgenettes, Larrey et Dubois. Cette commission savante comprenait plus de cent personnes.
Parmi les généraux étaient les noms rendus célèbres surie Rhin et en Italie : Desaix, Kléber, Berthier, Regnier, Lannes, Murat, Belliard, Menou, Bon, Vaubois, Dugua, Andréossy, Baraguay d’Hilliers, et quelques autres moins éclatants. Le brave et savant Caffarelli-Dufalga, qui avait perdu une jambe sur le Rhin, commandait le génie. L’amiral Brueys commandait l’escadre ; Villeneuve, Blanquet-Duchayla, Decrès et Gantheaume en étaient les contre-amiraux.
La France et l’Europe retentissaient du bruit des préparatifs qui se faisaient dans la Méditerranée. On s’épuisait en conjectures. « Où va Bonaparte ? » disait-on ; « quel est le but de cette expédition à la fois guerrière et savante ? » Les uns parlaient de la Grèce, les autres de l’Inde, de l’Égypte ; mais le Directoire et Bonaparte observaient toujours un profond secret. L’Angleterre inquiète de ces préparatifs mystérieux et redoutables, et persuadée qu’elle en était l’objet, augmentait ses flottes dans l’Océan et la Méditerranée, et chargeait l’amiral Nelson de surveiller la marche des Français.
Tout étant disposé pour l’embarquement, Bonaparte, nommé, au milieu d’avril, général en chef de l’armée d’Orient par arrêté secret du Directoire, quitta Paris et arriva à Toulon le 9 mai. Ses vieux guerriers d’Italie furent saisis d’enthousiasme en le revoyant après une absence de huit mois. Ils commençaient à craindre qu’il ne fût pas à la tête de l’expédition. Sans leur en expliquer le but, Bonaparte leur adressa la proclamation suivante :
« Soldats !
Vous êtes une des ailes de l’armée d’Angleterre. Vous avez fait la guerre de montagnes, de plaines, de sièges ; il vous reste à faire la guerre maritime.
Les légions romaines, que vous avez quelquefois imitées, mais pas encore égalées, combattaient Carthage tour à tour sur cette mer et aux plaines de Zama. La victoire ne les abandonna jamais, parce que constamment elles furent braves, patientes à supporter la fatigue, disciplinées et unies entre elles.
Soldats, l’Europe a les yeux sur vous ! Vous avez de grandes destinées à remplir, des batailles à livrer, des dangers, des fatigues à vaincre ; vous ferez plus que vous n’avez fait pour la prospérité de la patrie, le bonheur des hommes, et votre propre gloire.
Soldats, matelots, fantassins, canonniers, cavaliers, soyez unis ; souvenez-vous que le jour d’une bataille, vous avez besoin les uns des autres.
Soldats, matelots, vous avez été jusqu’ici négligés ; aujourd’hui la plus grande sollicitude de la république est pour vous ; vous serez dignes de l’armée dont vous faites partie.
Le génie de la liberté qui a rendu, dès sa naissance, la république l’arbitre de l’Europe, veut qu’elle le soit des mers, et des nations les plus lointaines. »
Ce noble langage d’un général environné de tous les prestiges de la gloire, électrisa toutes les âmes. Généraux, officiers, soldats, tous ne virent que des lauriers nouveaux à cueillir, sans songer aux dangers et aux fatigues de l’entreprise. L’armée attendait avec impatience le moment du départ, sans connaître encore sa mystérieuse destination.
Elle s’élevait à trente-six mille hommes environ. Le général Berthier était chef de l’état-major-général. Caffarelli-Dufalga commandait l’arme du génie, le général Dommartin celle de l’artillerie. Elle avait neuf généraux de division, illustrés par leurs exploits d’Allemagne ou d’Italie, Kléber, Desaix, Regnier, Bon, Menou, Vaubois, etc. ; onze généraux de brigade, Lannes, Lanusse, Murat, Vial, Rampon, Davoust, etc. : la cavalerie n’était que de 2 500 hommes, choisis parmi les hussards et les dragons. On n’emmenait pas de chevaux ; on comptait sur ceux des Arabes et des Mamelucks.
La flotte se composait de treize vaisseaux de ligne, de quatorze frégates, et de beaucoup de corvettes.
Le vaisseau amiral, l’Orient, était de 120 canons. Un nombre infini de chaloupes, de petits navires, de convois de transport, devaient accompagner les vaisseaux de ligne. C’étaient 500 voiles qui allaient flotter à la fois sur la Méditerranée. Depuis un siècle, jamais un aussi magnifique armement n’avait paru sur les mers. Que d’espérances de triomphes et de conquête !
La veille du départ, une scène attendrissante eut lieu sur le vaisseau l’Orient. Prête à se séparer d’un époux chéri, la femme de l’amiral vint le trouver à son bord. Ses yeux étaient mouillés de larmes : elle conduisait avec elle son fils, gage unique d’une tendresse mutuelle. Brueys prit cet enfant entre ses bras, et le contemplant avec attendrissement : « Adieu, mon fils, lui dit-il, adieu, mère aimable et chérie ! peut-être pour la dernière fois je vous presse sur mon cœur ! » Triste et douloureux pressentiment, qui devait se réaliser trop tôt !
Ce fut le 19 mai 1798 que la flotte mit à la voile. Un soleil magnifique éclairait l’horizon. Au milieu des cris de joie et d’enthousiasme, des décharges d’artillerie partant de la terre et des vaisseaux, elle sortit lentement du port de Toulon, et suivit la côte de Provence jusqu’à Gênes, pour rallier le convoi réuni dans ce port. Elle cingla ensuite vers la Corse et la mer de Sicile, pour prendre deux autres convois de transport. Toutes ses forces réunies, le général en chef se dirigea sur l’île de Malte qui, commandant la navigation de la Méditerranée, était un poste important à conquérir, afin, d’avoir, à tout évènement, un vaste entrepôt pour la marine militaire et la marine marchande de la France.
Cette île appartenait, depuis 1530 à l’ordre religieux et militaire des chevaliers de St.-Jean de Jérusalem, auxquels Charles-Quint en avait fait don. Elle avait été successivement fortifiée depuis cette époque, et passait pour imprenable. La cité la Valette, sa capitale, est assise sur une presqu’île qui occupe le milieu du port, et environnée d’admirables fortifications. Les chevaliers avaient des biens considérables dans les diverses parties de l’Europe, et auraient pu entretenir une marine considérable pour garantir les nations chrétiennes des pirateries barbaresques. Ils n’avaient que de vieilles frégates et quelques galères, et les dignitaires de l’ordre dévoraient, dans le luxe et l’oisiveté, les riches revenus de leurs domaines.
La possession de cette île était importante pour le succès de l’expédition. Sans aucun doute, l’Angleterre s’en fût emparée, si Bonaparte ne l’eût prévenue. Plusieurs mois auparavant, il avait pratiqué des intelligences pour gagner quelques chevaliers, et diminuer la résistance à laquelle il s’attendait. Il fallait enlever la place par un coup d’audace, et obliger les chevaliers à se rendre.
Après avoir demandé au grand-maître l’entrée du port pour l’armée navale, chose qui lui fut refusée, Bonaparte ordonna aux troupes de débarquer sur plusieurs points. La Valette fut investie de tous côtés. L’artillerie canonna les forts, et les chevaliers ayant fait une sortie, il y en eut un grand nombre de pris. Le désordre et l’effroi se répandirent dans l’intérieur. Une partie de la population et les chevaliers français demandaient que la ville se rendît. Le grand-maître, vieillard faible et sans talents, ne songea plus qu’à sauver ses intérêts du naufrage. Après quelques négociations, l’Ordre abandonna à la France la souveraineté de Malte. Le drapeau tricolore fut arboré sur les forts de la Valette ; la flotte s’établit dans le port, qui est si vaste, que les 500 bâtiments de convoi n’en remplissaient que la moindre partie (12 juin.).
Bonaparte consacra quelques jours à régler l’administration civile et militaire, et après avoir laissé dans l’île une bonne garnison pour la défendre, il remit sur-le-champ à la voile pour cingler vers la côte d’Égypte. Il était impatient d’arriver. Il sentait bien qu’au bruit de la conquête de Malte, les vaisseaux anglais parcourraient dans tous les sens la Méditerranée, pour attaquer ou du moins retarder la flotte française. En effet, l’amiral Nelson, avec une flotte de treize vaisseaux, avait déjà paru, le 1er juin, devant Toulon, visité le midi du royaume de Naples, le 20 juin, et recherchait avec la plus grande ardeur la flotte d’expédition. Soupçonnant enfin qu’elle voguait vers l’Égypte, il cingla droit vers Alexandrie, et ne l’ayant pas trouvée, se dirigea vers les côtes de Syrie.
Pendant ce temps, le général en chef et l’armée voguaient paisiblement vers l’Égypte. Après avoir échappé par un rare bonheur à la recherche des Anglais, la flotte arriva vers le soir en vue d’Alexandrie (30 juin). C’était le 43e jour depuis le départ du port de Toulon. La colonne de Septime-Sévère annonçait de loin la vieille terre d’Égypte et la célèbre ville d’Alexandrie. Ce fut alors que Bonaparte, pour dévoiler le secret de l’expédition, adressa à l’armée cette belle proclamation :
À bord de l’Orient, 12 messidor (30 juin).
« SOLDATS,
Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l’Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort.
Nous ferons quelques marches fatigantes ; nous livrerons plusieurs combats ; nous réussirons dans toutes nos entreprises, les destins sont pour nous. Les beys-mamelucks qui favorisent exclusivement le commerce anglais, qui ont couvert d’avanies nos négociants, et qui tyrannisent les malheureux habitants du Nil, quelques jours après notre arrivée n’existeront plus.
Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans ; leur premier article de foi est celui-ci : « Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète. » Ne les contredisez pas ; agissez avec eux comme nous avons agi avec les Juifs, avec les Italiens ; avez des égards pour leurs muphtis et leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques ; ayez pour les cérémonies que prescrit l’Alcoran, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvents, pour les synagogues, pour la religion de Moïse et de J.-C.
Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différents de ceux de l’Europe : il faut vous y accoutumer !
Les peuples chez lesquels nous allons entrer traitent les femmes différemment que nous ; mais dans tous les pays, celui qui viole est un monstre.
Le pillage n’enrichit qu’un petit nombre d’hommes, il nous déshonore, il détruit nos ressources, il nous rend ennemis des peuples qu’il est de notre intérêt d’avoir pour amis.
La première ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre ; nous trouverons à chaque pas de grands souvenirs digues d’exciter l’émulation des Français. »
Le lendemain 1er