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Un livre qui aide à déchiffrer les défis du monde actuel…
Alors que notre Pays s’efforce de faire face à une crise politique et morale qui suscite inquiétude et divisions, comment affronter les défis actuels et préparer un avenir plus serein ?
Le livre « Ces mots qui font la France » nous propose un éclairage solidement documenté des mots sur lesquels s’est construit la France : République, Démocratie, Nation, Souveraineté, Indépendance, Attractivité, Solidarité, et quelques autres.
Ancien professeur d’université, l’auteur s’est attaché à en expliquer le sens, l’histoire, les enjeux et les valeurs dont chaque mot est porteur afin d’aider les lecteurs à envisager l’avenir en disposant de repères solides et objectifs.
Une analyse éclairante des réalités politiques et géostratégiques actuelles . Et , pour les jeunes générations, une incitation à se préparer à maintenir les atouts de la France face aux défis d’un monde dont les tensions et les rivalités fragilisent l’équilibre et la paix.
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Seitenzahl: 494
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Ces motsqui font la France
Par Jean-Marie DEDEYAN
Nation
Démocratie
République
Etat
Solidarité
Démographie
Indépendance
Souveraineté
Espace maritime
Méditerranée
Défense
Recherche
Education
Participation
Discernement.
•Avant-propos
•Au XXIème siècle, quel rôle pour la nation ?
•Le long chemin de la démocratie
•La République, une ambition et un principe d’action
•L’Etat face aux enjeux de notre temps
•Dans l’héritage social du Général de Gaulle, la Sécurité sociale, l’Education, la Formation professionnelle, la Participation, le Sport…
•L’indépendance nationale, un héritage à préserver
•Au XXIe siècle la Souveraineté peut-elle se partager ?
•Si vis pacem, para bellum…
•Les espaces maritimes de la France, une longue histoire et un enjeu majeur
•La Méditerranée, espace et enjeu d’affrontements
•Quel sursaut face à la baisse de la natalité ?
•La Recherche scientifique, une clé de l’indépendance et de l’attractivité de la France
•Les défis de l’intelligence artificielle
•Nos questions à ChatGPT sur l’avenir de l’IA
•La nouvelle dimension de notre espace d’information et de communication incite au discernement
•Des principes d’action à l’épreuve du temps
Les Françaises et les Français ont exprimé en majorité, lors des élections de juin et juillet 2024, leur inquiétude, leur exaspération, leur défiance et leur désir de changement.
La dissolution de l’Assemblée nationale décidée à l’issue des élections européennes par le Président de la République a donné lieu à une campagne électorale inhabituellement conflictuelle, marquée par une polarisation de l’électorat en trois blocs se projetant dans la perspective d’une alternance et par la radicalité croissante des classes populaires et moyennes soucieuses de la baisse de leur pouvoir d’achat, d’une immigration mal contrôlée et d’une insécurité qui s’étend de la périphérie des villes à l’ensemble du territoire, y compris de nombreuses zones rurales…
Alimentée par la confusion des postures, les divisions des formations politiques et le renforcement d’extrêmes peu enclins aux compromis, la crise politique qui sévit en France, précédée par les mouvements sociaux qui ont marqué l’actualité de ces dernières années (gilets jaunes, réforme des retraites, agriculteurs…), est sans doute, pour notre Pays, la plus importante du début du XXIe siècle.
La France et d’autres pays développés vivent à la fois un changement d’époque, une fracturation de l’unité de leur population et un décalage évident entre des élites et un peuple impatient, angoissé, enclin à l’individualisme, qui souffre autant d’une fragilisation des acquis et des repères que d’un sentiment de perte de sens entretenu par une insuffisance d’écoute et de dialogue. L’archipélisation de la société française mise en évidence par l’analyste politique Jérome Fourquet a fissuré le ciment républicain.
La pratique de la gouvernance du Pays et ses réformes successives (instauration du quinquennat, interdiction du cumul des mandats, présidentialisation et verticalité de l’exercice du pouvoir, amoindrissement du rôle des corps intermédiaires, etc.) ont, à l’évidence, contribué au dérèglement progressif du bon fonctionnement de nos institutions.
Comment répondre à ce désarroi ? Comment faire face au décalage entre les besoins du Pays, ses capacités et les attentes de sa population ? Comment être un citoyen au XXIe siècle ? Comment mieux partager et actualiser des valeurs qui constituent le socle de la République et de cette société ouverte et généreuse enviée par tant d’autres populations sur différents continents ? Comment rétablir la cohésion des Françaises et des Français ? Comment raviver le lien social qui les relie d’une génération à l’autre au sein d’une nation épicentre des Lumières et dont la devise « Liberté, égalité, fraternité » orne les frontons de nos écoles et de nos bâtiments publics depuis la Révolution ? Comment envisager la place de la France dans l’Europe ?
L’enjeu est à la fois sociétal, économique et culturel. Les remèdes existent. Mais ils relèvent d’une gouvernance moins verticalisée, dédiée au bien commun, de processus longs et réfléchis, alors que les attentes sont court-termistes et que les politiques à mettre en œuvre doivent être structurées, envisagées sur le long terme en surmontant les clivages partisans accentués par la dissolution et ne pas risquer d’aggraver un déficit des finances publiques qui atteint désormais 3200 milliards d’euros, soit plus de 112 % du PIB du Pays.
L’Etat ne peut limiter son effort à une politique de redistribution qui ne fait qu’augmenter le déficit. Quelles qu’en soient les voies, le redressement passe par un retour à la croissance, aux investissements créateurs d’emploi, à l’innovation, à la productivité et donc à la confiance car les acteurs économiques, qu’ils soient industriels, dirigeants de PME, artisans ou commerçants ne peuvent exercer leur activité dans la confusion. Et c’est en veillant à conserver son attractivité et sa capacité d’innovation que la France pourra tenir son rang dans la compétition économique et demeurer un membre influent de l’Union européenne.
La France a souvent été tiraillée entre sa fierté, son chauvinisme, ses conflits partisans et sa peur du changement. Aujourd’hui, à force de tensions, de revendications, d’atermoiements et de défis sociaux, économiques, politiques et diplomatiques, les fondements de notre nation se trouvent trop souvent relégués à l’arrière-plan et l’on ne met plus assez en valeur l’unité nationale qui demeure le fondement de notre République au drapeau tricolore.
Or, à l’évidence, même si la ferveur olympique a contribué à raviver le soutien patriotique des Français au sport et aux sportifs dont les nombreuses médailles ont suscité des ovations tout à fait méritées, cette unité se trouve aujourd’hui fragilisée. Et si durant la trêve olympique la France a montré l’image d’une nation soutenant joyeusement ses champions et capable de s’unir sur un projet fédérateur, il nous faut veiller à entretenir cette unité en préservant les valeurs qui ont fait de la France ce beau et grand Pays qui, par sa longue épopée, mérite notre fierté et doit rester en mesure de continuer à jouer son rôle en Europe et dans le monde.
Les évolutions de notre société, la coopération européenne, les conséquences de la mondialisation des échanges, les défis géostratégiques, le découplage entre démocratie et gouvernement représentatif, les difficultés de formation d’une alliance pour mettre en œuvre un véritable programme de gouvernement, les effets de la révolution numérique, le développement de l’intelligence artificielle, le changement climatique, les ambiguïtés d’influenceurs cherchant à capter l’attention pour tenter de peser sur nos attitudes et nos opinions incitent chacun de nous à la réflexion et au discernement.
Pour être à la hauteur de la longue et belle histoire de France et pouvoir nous adapter aux nouveaux défis de ce XXIe siècle déjà marqué par l’émergence de nouveaux centres de pouvoir dans d’autres régions du monde, il faut, en fait, se référer aux fondements de notre Nation, relier le débat politique à l’histoire et aux réalités d’aujourd’hui, dépasser les rivalités stériles, reformuler les attentes les plus légitimes et raviver l’adhésion des Français aux valeurs fondamentales de la République en retrouvant une vision et une ambition partagée.
Le système parlementaire « rationnalisé » instauré par les constituants de 1958 pour mettre fin aux errements et aux excès de la IVe République a permis à la Ve République de vivre des périodes d’alternance et trois cohabitations ; c’est-à-dire l’absence de concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002). Mais le résultat des élections législatives qui ont suivi la dissolution du 9 juin 2024 a renforcé la crise politique dès lors qu’aucun des trois blocs constitués de minorités rivales n’est parvenu à réunir une majorité avant l’ouverture des Jeux Olympiques organisés l’été dernier en France.
Il est, ainsi, devenu inévitable d’examiner comment permettre à la République de fonctionner raisonnablement et aux Français de déployer leur ardeur dans un climat plus serein, alors que la Constitution a instauré un système parlementaire rationnalisé qui n’envisage pas l’hypothèse d’une tripartition et fait du Président de la République la clé de voûte des Institutions.
La démarche est d’autant plus nécessaire que nos concitoyens nés sous la Ve République, notamment les plus jeunes, n’ont pas toujours une claire conscience des « jeux, délices et poisons » qui ont caractérisé les pratiques parlementaires de la IVe République et son instabilité gouvernementale. Il serait bien imprudent d’en négliger les réalités et leurs conséquences.
Le passé, porteur de leçons, éclaire toujours le présent. Il permet d’envisager le futur avec pragmatisme afin d’inscrire la continuité de la France et du peuple français dans une modernité faite d’une vision contextualisée de l’avenir et de valeurs avérées qu’il convient d’adapter aux défis et aux réalités de notre époque.
Pour y parvenir, il faut intéresser les jeunes générations, leur transmettre la connaissance et l’éclairage dont elles ont besoin pour s’engager, servir le pays et édifier la France de demain.
Or, selon un sondage OpinionWay paru le 7 janvier 2024 dans La Tribune Dimanche, 46 % des jeunes Français de 16 à 24 ans disent ne pas savoir que la Révolution française a commencé en 1789, 60 % ne savent pas quand a eu lieu la chute du mur de Berlin, 63 % sont indécis sur l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, 59 % sur la « rafle du Vel d’hiv », 69 % sur le droit de vote des femmes en France, 77 % sur l’abolition de la peine de mort.
Des résultats qui, selon les spécialistes de l’opinion, montrent la nécessité d’un soutien à l’apprentissage de l’Histoire et qui peuvent s’expliquer par le mode d’information actuel des jeunes dont seulement 8 % s’informent par la presse écrite et pour 45 % desquels les réseaux sociaux constituent la première source d’information, avant les chaines de télévision.
L’engagement ne pouvant exister que s’il est librement consenti et volontaire, il faut que les jeunes se sentent à la fois pris en compte et utiles socialement pour pouvoir s’engager à servir, à leur tour, le bien commun, à déployer leur énergie et à bâtir pour demain une société meilleure donnant du sens à leur vie.
Il nous a donc paru utile d’envisager les enjeux et les défis auxquels doit faire face la France du XXIe siècle en proposant à celles et à ceux qui savent que le passé éclaire le présent quinze mots-clés qui se distinguent par leur importance, leur histoire, leur signification.
Même si une partie des jeunes n’apprécie guère les contraintes, les générations à venir, n’en doutez pas, auront besoin de bien connaitre ces mots pour continuer à développer leur capacité d’imagination et à promouvoir une ambition collective conforme au destin de notre Pays et à son histoire.
Ces quinze mots sont des joyaux. Chacun d’eux a déjà résonné dans de grandes œuvres littéraires et dans d’éminents discours évoquant une facette de notre identité nationale, l’histoire qui lui est attachée, les fondements de notre société et le renouveau d’un peuple en quête constante de progrès et d’espoirs…
Puissent chacun de ces mots aider à comprendre comment continuer à faire vivre la République qui nous rassemble en tant que peuple, son âme, sa culture, son caractère laïc, démocratique et social, dans le respect des valeurs qui nous réunissent et de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » à laquelle les Français sont très attachés
Puissent-ils aider à affirmer un légitime attachement aux droits de l’Homme, à la souveraineté du peuple français, au progrès social, à la coopération européenne et à l’indépendance de la France dans un monde exposé, au Nord comme au Sud, à des rivalités, à des tensions préoccupantes et à l’émergence de nouveaux centres de pouvoir dans d’autres régions de notre planète.
Puissent-ils aider tous ceux qui ne sont pas indifférents au destin de notre pays à mieux en appréhender les défis actuels, à les contextualiser, à préserver les valeurs qui ont façonné la grandeur de la France et à bâtir son avenir dans le souci du Bien commun pour que nos enfants et petits-enfants puissent continuer à dire tous ensemble : Vive la France !
Puissent-ils, ainsi, contribuer à éclairer notre perception des enjeux et des défis contemporains tout en rappelant à chacun la valeur de son existence et l’importance de la cohésion qui, au-delà des tensions passagères qui jalonnent son parcours, fait des Françaises et des Français des fils et des filles de Marianne et, dès lors, un peuple libre, solidaire, résilient, inventif, toujours attentif aux évolutions du monde et aux périls qui peuvent menacer l’intégrité de la Nation et celle de ses alliés.
La notion de nation n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. A l’époque médiévale, le concept de nation correspond à un groupe d’hommes ayant une commune origine et ses frontières ne sont pas encore fixées. Au XVIIIe siècle, Jean-François Lambert, inspecteur des apprentis de l’Hôpital général, qui se cache en province pendant la Terreur, publie en 1792, un ouvrage intitulé « Qu’est-ce qu’une nation, un corps politique, un Etat ? ». La France révolutionnaire est alors, depuis le mois d’avril, en guerre face aux monarchies européennes qui désirent rétablir Louis XVI dans ses droits monarchiques.
A la suite de l’abolition de la monarchie et de la victoire des troupes révolutionnaires à Valmy, le 20 septembre 1792, la République est furtivement proclamée par la Convention nationale le 22 septembre, sur proposition de Danton. Puis les députés prêtent serment de fidélité à la République décrétée « une et indivisible ». En à peine quatre ans les Français sont ainsi passés d’une monarchie de droit divin, vieille de près de mille ans, à un régime républicain.
Un travail constitutionnel est alors engagée par la Convention. Royalistes, modérés et radicaux vont s’affronter jusqu’à la prise du pouvoir par les députés montagnards, déterminés à contenir les contestations des royalistes, des girondins et des modérés.
La chute de Robespierre, guillotiné le 28 juillet 1794, met fin à l’épisode de la Terreur. Une période marquée, cependant, par deux novations inspirées des droits de l’Homme : l’instauration du premier suffrage universel masculin et la première abolition de l’esclavage par la constitution de l’an I (24 juin 1793) qui, en définitive, ne sera pas appliquée.
La notion de nation fait surtout débat au XIXe siècle : pour les uns, la nation fait l’objet d’un consensus sous la forme d’un « plébiscite du quotidien » (Renan) ; pour les autres, c’est un regroupement d’hommes de culture commune (Fichte), ce qui conduit aux dérives du nationalisme allemand (1). Le XIXe siècle européen connait à cette époque une lutte entre les « nationaux » et les Empires. La France y constitue un espoir et un soutien pour les premiers (Italie et Pologne).
Au début du conflit franco-prussien de 1870, l’historien Fustel de Coulanges considère, dans un écrit intitulé « L’Alsace est-elle allemande ou française ? », que « ce qui distingue les nations, ce n’est ni la race, ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà qui fait la patrie ».
La conférence d’Ernest Renan
Douze ans plus tard, l’historien et philosophe Ernest Renan répond à la question « Qu’est-ce qu’une nation ? » à l’occasion d’une désormais célèbre conférence prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882 :
« Une nation est une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie ».
« Depuis la fin de l’Empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation de l’Empire de Charlemagne, l’Europe occidentale nous apparaît divisée en nations, dont quelques-unes, à certaines époques, ont cherché à exercer une hégémonie sur les autres, sans jamais y réussir d’une manière durable. Ce que n’ont pu Charles-Quint, Louis XIV, Napoléon Ier, personne probablement ne le pourra dans l’avenir. L’établissement d’un nouvel Empire romain ou d’un nouvel Empire de Charlemagne est devenu une impossibilité. La division de l’Europe est trop grande pour qu’une tentative de domination universelle ne provoque pas très vite une coalition qui fasse rentrer la nation ambitieuse dans ses bornes naturelles.
Une sorte d’équilibre est établi pour longtemps. La France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie seront encore, dans des centaines d’années, et malgré les aventures qu’elles auront courues, des individualités historiques, les pièces essentielles d’un damier, dont les cases varient sans cesse d’importance et de grandeur, mais ne se confondent jamais tout à fait….
La nation moderne est donc un résultat historique amené par une série de faits convergeant dans le même sens. Tantôt l’unité a été réalisée par une dynastie, comme c’est le cas pour la France ; tantôt elle l’a été par la volonté directe des provinces, comme c’est le cas pour la Hollande, la Suisse, la Belgique ; tantôt par un esprit général, tardivement vainqueur des caprices de la féodalité, comme c’est le cas pour l’Italie et l’Allemagne. Toujours une profonde raison d’être a présidé à ces formations. Les principes, en pareils cas, se font jour par les surprises les plus inattendues.
Nous avons vu, de nos jours, l’Italie unifiée par ses défaites, et la Turquie démolie par ses victoires. Chaque défaite avançait les affaires de l’Italie ; chaque victoire perdait la Turquie ; car l’Italie est une nation, et la Turquie, hors de l’Asie Mineure, n’en est pas une.
C’est la gloire de la France d’avoir, par la Révolution française, proclamé qu’une nation existe par elle-même. Nous ne devons pas trouver mauvais qu’on nous imite. Le principe des nations est le nôtre. Mais qu’est-ce donc qu’une nation ? Pourquoi la Hollande est-elle une nation, tandis que le Hanovre ou le grand-duché de Parme n’en sont pas une ? Comment la France persiste-t-elle à être une nation, quand le principe qui l’a créée a disparu ? Comment la Suisse, qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation, quand la Toscane, par exemple, qui est si homogène, n’en est pas une ? Pourquoi l’Autriche est-elle un État et non pas une nation ? En quoi le principe des nationalités diffère-t-il du principe des races ?…
Ce n’est pas la terre plus que la race qui fait une nation. La terre fournit le substratum, le champ de la lutte et du travail ; l’homme fournit l’âme. L’homme est tout dans la formation de cette chose sacrée qu’on appelle un peuple. Rien de matériel n’y suffit. Une nation est un principe spirituel, résultant des complications profondes de l’histoire, une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol…
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis…
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie… » Ernest Renan(2).
La nation, une communauté unie, solidaire et souveraine
La nation est, ainsi, une « conscience morale » d’appartenance à une communauté dont la force dépend non seulement de l’histoire, de la langue, du territoire, de la culture, d’une volonté d’union, de cohésion, mais aussi d’une capacité de renoncement de chacun des individus au profit de la communauté, de son idéal et de ses droits légitimes.
La notion d’ordre identitaire (la nation établie sur un territoire délimité et définie en fonction des individus qui se considèrent liés entre eux, lui conférant sa légitimité) coïncide, en France, avec une notion d’ordre politique et juridique (l’Etat).
On observe à cet égard une continuité entre la Monarchie et la République. L’Etat-nation se caractérise par une autorité fondée sur la souveraineté du peuple qui s’exprime, après la Révolution, par ses représentants élus par les citoyens. Il convient de distinguer l’Etat-nation de l’Etat multinational (par exemple : le Royaume-Uni, la fédération de Russie, l’Empire austro-hongrois…).
Pour le général de Gaulle, la nation est la collectivité première, définie par son cadre de frontières, son histoire, soudée par l’intérêt, sa culture et ses héros. A ses yeux, la nation française est une et indivisible (une seule France, une seule République).
Dans son discours de Bayeux (16 juin 1946), ses interventions télévisées de 1958 à 1969, et dans différents ouvrages, le fondateur de la Ve République a eu l’occasion d’exposer sa pensée et d’évoquer ses conceptions de la nation française (3), des institutions et de l’exercice du pouvoir à la tête d’une France unie et indépendante (4). « L’Etat en répond » et s’attache, pour ce faire, à faire coïncider ordres politiques et juridiques, et sentiment commun d’appartenance. A ses yeux « la France est une nation exceptionnelle que la providence voue à la grandeur, à un destin hors du commun, dans le succès comme dans l’échec » (5).
Charles de Gaulle apporte une notion supplémentaire : la souveraineté du peuple français. Et cette souveraineté est indissoluble. C’est pourquoi il l’incarne, lance son célèbre Appel du 18 juin et l’ « emporte » en 1940, aussi modestes soient ses moyens. Jusqu’à sa démission à l’issue du referendum du 27 avril 1969 puis dans ses Mémoires, il ne cessera de souligner que la souveraineté repose aussi sur une capacité à rayonner et à peser.
Deux citations portées en lettres de bronze sur le mur de granit de la Croix de Lorraine monumentale érigée à Colombey les deux églises après la mort du Général rendent hommage au De Gaulle universel, humaniste et libéral :
« En notre temps la seule querelle qui vaille est celle de l’homme… C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer »
« Il existe un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde »
Un atout essentiel de la nation française
Cette conception humaniste a, non seulement, inspiré le général de Gaulle en politique intérieure comme en politique extérieure mais elle fonde également l’attention qu’il portait aussi aux départements et territoires d’Outre-Mer. Les pourtours de la France ne se réduisent pas à l’Hexagone !
L’outre-mer français n’est pas seulement un héritage. Ses 2,7 millions de citoyens français sont une composante essentielle de la nation. Dans un contexte de continuité territoriale, dans l’Atlantique, le Pacifique, l’Océan indien et l’Antarctique, les départements, régions et collectivités territoriales de notre outre-mer contribuent à faire de la France une grande puissance maritime (6) entretenant des relations de voisinage dans plusieurs régions du monde et dotée, aujourd’hui, d’une Zone Economique Exclusive (ZEE) de près de 11 millions de Km2. S’ajoutant aux ZEE des autres pays membres de l’Union, cette immense superficie permet à l’Europe de disposer du premier domaine maritime mondial à l’heure d’une prise de conscience de l’importance des enjeux océaniques pour l’avenir de notre planète et de ses habitants.
Les espaces ultra-marins sont donc, à l’évidence, appelés à tenir leur place au sein de la République et à jouer un rôle important face aux grands enjeux économiques, énergétiques, biologiques, climatiques de notre époque. La vie est née il y a quatre milliards d’années dans les profondeurs de nos océans. Il est donc essentiel de continuer à étudier les composantes du milieu marin et des ressources qu’il est en capacité d’apporter aux générations futures.
Une philosophie d’organisation et de fonctionnement
Forgée au fil de l’histoire, la nation n’est pas seulement une conception politique. Il en résulte, en effet, une philosophie d’organisation et de fonctionnement enrichie par la Constitution de 1958 et fondant à la fois la légitimité du pouvoir et l’équilibre de la cohésion sociale.
La nation est nécessaire à la liberté car il ne peut y avoir de liberté sans solidarité du corps social et, hors circonstances exceptionnelles, c’est la loi votée par une majorité issue elle-même d’un vote démocratique qui permet le « gouvernement de la liberté » par l’acceptation de l’autorité issue de cette majorité.
Cette solidarité nationale doit être solide car notre liberté est subordonnée à l’indépendance de la France et au respect de sa souveraineté par des voisins, des partenaires et des puissances mondiales qui ne nous apportent leur soutien ou leur aide que dans la mesure où nous leurs sommes utiles.
Michel Debré, ancien Premier ministre du général de Gaulle, soulignait, ainsi, qu’il « est de notre intérêt et conforme à notre indépendance d’avoir avec les Etats-Unis des relations d’alliance et avec l’Union Soviétique des relations de bonne entente… La qualité de l’alliance et de la bonne entente est fonction de notre aptitude à nous diriger nous-mêmes sans que ni l’une ni l’autre de ces superpuissances puisse nous considérer comme alignés sur l’une ou l’autre ».
Certes la Russie, la Chine, le totalitarisme de certains responsables dans différentes parties du monde, l’action de mouvements terroristes et l’évolution des forces en présence sur la scène mondiale conduisent aujourd’hui les hauts responsables à la concertation entre alliés ou partenaires. Mais la politique gaullienne de recherche d’autonomie, de liberté aussi grande que possible au sein du camp occidental est moins difficile qu’on ne le pense. Ainsi, en 1962 la Grande Bretagne rechigne à soutenir les Etats-Unis lors de la crise de Cuba. Le Général de Gaulle, lui, y reconnait un enjeu de souveraineté pour le président américain Kennedy.
La pluralité de la France, son histoire, ses capacités dans bien des domaines en font une nation apte à rayonner dans le monde et à porter son message de liberté. Cette politique extérieure adaptée à la défense de ses intérêts « exige une économie compétitive et des finances saines. Elle exige également une classe politique et, en tous domaines, des responsables qui ne cherchent point à plaire à l’une ou à l’autre pour des raisons personnelles ou de politique intérieure » (7).
Quelle souveraineté pour la France dans l’Europe d’aujourd’hui ?
Pour ceux qui préconisent un renforcement de la politique européenne, il parait utile de souligner qu’il est de notre intérêt d’instaurer, à l’exemple du Général de Gaulle, du Chancelier Adenauer et de leurs successeurs, des relations approfondies avec l’Allemagne et des relations suivies avec nos autres partenaires européens, notamment en matière économique, scientifique, technologique et culturelle.
Mais, si différentes perspectives de coopération positive s’offrent aux nations européennes dans ces domaines, il faut rester conscients que « les aspirations et les convenances profondes de chacune d’elles demeurent séparées, parfois antagonistes et, pour le moins, souvent divergentes. ». Malgré de nombreuses déclarations d’intention, l’actualité nous en apporte presque chaque jour l’incontestable démonstration !
En fait, la nation n’est pas le refus d’une coopération durable avec d’autres pays européens. Mais, depuis son élargissement, nous voyons que l’organisation européenne se fait trop souvent au bénéfice des nations les plus résolues à profiter des dispositifs mis en œuvre à Bruxelles tout en venant concurrencer chez eux leurs partenaires européens avec des pratiques salariales qui déséquilibrent la libre concurrence sur plusieurs marchés nationaux.
Même si dans différents domaines la coopération parait désormais utile et efficiente, même si la pandémie de Covid 19 a fait l’objet d’une opportune approche concertée, même si les grands pays européens ont pris conscience d’une trop forte dépendance à l’égard des fournisseurs asiatiques pour l’approvisionnement en produits indispensables aux entreprises (santé, agro-alimentaire, composants électroniques nécessaires aux industries automobile, aéronautique, télécoms…), dans plusieurs autres domaines il faut bien constater que des intérêts divergents ont vu le jour, aussi bien depuis le fort engagement des pays de l’Est dans l’OTAN, au détriment d’une défense européenne, qu’à l’occasion des longues négociations avec le Royaume Uni sur le Brexit.
Or la nation est le fondement de la souveraineté. Dans l’article 3 de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » il est précisé que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation : nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
C’est donc le peuple qui détient la souveraineté et en délègue le pouvoir d’exercice à l’autorité étatique qui en émane en application de la Constitution.
Nation et Etat
La conception élective de la nation est, ainsi, l’utile complément démocratique de sa conception initiale. Et la nation s’identifie à l’Etat dès lors que ses responsables se font « l’instrument explicite et efficace de son autodétermination » (8). Il en résulte une forme de pacte social entre le peuple et le pouvoir étatique chargé d’assurer sa sécurité, de garantir ses droits individuels et collectifs et de veiller au respect de ses devoirs.
Le recul actuel de la compétitivité française donne lieu, en cette période de campagnes électorales, à la présentation de différents projets de redressement. A l’évidence une croissance forte et responsable peut permettre de soutenir à la fois le pouvoir d’achat, la transition écologique et notre modèle social. Encore faut-il que les conditions d’une reprise de la croissance soient réunies.
C’est à la lumière de ce pacte social et de notre héritage national qu’il faut envisager la coopération européenne. Une association d’Etats en fonction d’objectifs correspondant à des intérêts communs est la voie de la réalité et de l’efficacité. « Si une approche confédérale d’une Europe respectant la souveraineté de chacun des pays membres s’inscrit bien dans la conception gaulliste, une Europe fédérale ne pourrait que porter atteinte à nos intérêts, à l’identité nationale et donc à l’indépendance et à la souveraineté de notre Pays. Ce que les Français ne feront pas aujourd’hui, demain, pour la France, nul ne le fera à leur place », affirmait fréquemment Michel Debré.
Les Français doivent rester les acteurs de leur destin
Alors que la compétition mondiale se joue sur des terrains en pleine évolution et qui ne sont pas seulement géographiques, les françaises et les français doivent, par conséquent, même si différents domaines de coopération sont évidemment utiles, être en mesure de rester les acteurs authentiques et solidaires de leur destin.
Philippe Seguin, ancien Président de l’Assemblée Nationale, a souligné à juste titre que « La République moderne ne présuppose aucun retour en arrière ; elle suppose seulement de privilégier la préservation et le rayonnement de l’Etat et de la nation. Et la réhabilitation de la République commence donc par celle de l’Etat, dès lors que c’est par l’Etat que s’exprime cet intérêt général qui est consubstantiel à l’idée de la République » (9).
L’Europe n’est bénéfique et souhaitable qu’à condition de s’y investir de manière réfléchie et volontaire (comme le font les Allemands à Bruxelles) et non de la subir par découragement ou indifférence. Est-il besoin de souligner aussi que le couple franco-allemand est une construction permanente où il faut être fort pour être respecté comme pour faire valoir sa vision. A l’heure où quelques différences apparaissent entre l’Europe du nord et l’Europe du Sud, il convient, en outre, d’entretenir un dialogue confiant avec nos voisins méditerranéens membre de l’Union européenne.
Face aux enjeux géostratégiques, aux défis technologiques et scientifiques, au défi climatique, aux rivalités commerciales et à l’intérêt de préserver ses valeurs culturelles la France doit continuer à jouer son rôle. Le développement de la coopération entre les nations européennes passe dès lors par l’affirmation du rôle des Etats et non par une supranationalité irréaliste et à visée fédéraliste quand les services de la Commission européenne ou le parlement européen s’évertuent à préparer ou à voter des mesures (et des normes) dont la pertinence et l’équité font encore trop souvent l’objet de critiques et, même, de fréquentes contestations dans différents pays-membres.
(1) Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) est un philosophe allemand adepte d’un pangermanisme exaltant la prédestination de l’Allemagne au gouvernement du monde. Il est l’auteur de 14 célèbres discours à la nation allemande et, avec Friedrich List, d’un programme politique préconisant la constitution d’une « Europe du centre » sous influence culturelle allemande.
(2) Quatre ans plus tard, Paul Déroulède (1846-1914) va prononcer le discours de Buzenval, passage du nationalisme ouvert au nationalisme fermé (« libérer la France avant de libérer l’Alsace-Lorraine », qui pèsera lourdement sur le nationalisme français (cf le Maurice Barrès des débuts et les dérives du nationalisme français pendant l’Affaire Dreyfus).
(3) Le 13 mai 1958, il déclare : « Ce n’est pas la gauche, la France ! Ce n’est pas la droite, la France ! Naturellement, les Français, comme de tout temps, ressentent en eux des courants. Il y a l’éternel courant du mouvement qui va aux réformes, qui va aux changements, qui est naturellement nécessaire, et puis, il y a aussi un courant de l’ordre, de la règle, de la tradition, qui, lui aussi, est nécessaire. C’est avec tout cela qu’on fait la France. Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, c’est une erreur nationale impardonnable ».
(4) Le 31 janvier 1964, lors d’une conférence de presse à l’Elysée, après avoir souligné que « la nation française est en paix », à l’intérieur comme à l’extérieur, il évoque sa conception de la constitution, du fonctionnement de l’Etat et son propre rôle de « garant du destin de la France et de celui de la République ».
(5) Mémoires de guerre, Charles de Gaulle (PLON)
(6) Cf. mon article sur « Les espaces maritimes de la France, une longue histoire et un enjeu majeur » paru dans la Lettre d’information périodique de la Fondation Charles de Gaulle (N°28, 24 mai 2021).
(7) La Lettre de Michel Debré N° 4 paru en Mai 1977.
(8) Emilie Tardivel, dans la revue Etudes, parue en Octobre 2016.
(9) « Discours encore et toujours républicains » (Editions Denoel . page 52).
Tirant son origine du grec « dêmokratia » formé de « dêmos », le peuple, et de « kratein » commander, exercer le pouvoir, la démocratie est le pouvoir ou le gouvernement du peuple par le peuple. Le terme est utilisé pour qualifier un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans distinction de naissance, de richesse ou de compétence (principe d’égalité de parole à l’assemblée).
Si le XXe siècle marque l’essor de la démocratie, celle-ci demeure fragile sous l’effet de l’action de forces contestataires soucieuses de monopoliser le pouvoir (comme c’est le cas dans des pays où l’alternance n’est pas assurée), ou de défense d’intérêts pouvant aller jusqu’à la colère sociale mettant en danger les institutions face à l’injustice ou l’humiliation (comme c’est le cas dans des pays confrontés à la montée du populisme et à une radicalisation du débat génératrice de violences antirépublicaines susceptibles de saper la cohésion nationale).
L’histoire du monde montre que le chemin de la démocratie est à la fois long et difficile.
Les prémices
A l’origine, Athènes est une oligarchie. Capitale et plus grande ville de la Grèce, elle forme, avec la région de l’Attique qui l’entoure, une cité, c’est-à-dire une communauté politique autonome dont les réalisations culturelles vont constituer l’une des sources importantes de la civilisation occidentale. La cité est gouvernée par un chef unique ou par d’influentes familles. Mais le peuple athénien revendique les mêmes droits que les aristocrates au côté desquels les citoyens soldats ont combattu contre les Perses et contre Sparte.
A cette époque, les citoyens ne représentent que 10 % de la population d’Athènes. Pour devenir citoyen il faut être fils de citoyen athénien et avoir effectué un service militaire de deux ans, soit être naturalisé ; les rares naturalisations récompensent des services rendus à la cité par des étrangers (“métèques”).
Les prémices démocratiques apparaissent au VIIe siècle avant JC avec la mise en œuvre par Dracon d’un code pénal équitable en 621 avant JC, à Athènes. Jusqu’alors, chaque clan, chaque famille aristocratique avait sa propre façon de régler ses comptes sans recourir à un juge et la vengeance était une obligation absolue en cas de meurtre pour éviter que l’âme de la victime rôde sans pouvoir être jugée.
Soucieux de remédier aux violences de l’époque, Dracon considère qu’il faut retirer aux familles le désir de vengeance en leur donnant l’assurance que le coupable sera plus sévèrement puni par la société que par elles-mêmes (par des règles qualifiées de draconiennes par les praticiens).
Solon, initiateur de la première constitution
Cette réforme permet aussi aux pauvres de ne plus être jugés par les membres d’une famille bien née (eupatride). Mais elle suscite de nombreuses tensions et, en 594 avant JC, Solon (640-558 avant JC), qui a repris Salamine aux habitants de Mégare, est choisi comme arbitre des conflits, puis élu archonte (gouvernant) et investi de pouvoirs pour réformer un système politique et social devenu inadapté au regard des réalités athéniennes.
Solon supprime la menace de mise en esclavage pesant sur les paysans endettés, étend la notion d’héritage aux filles et à leurs enfants (même naturels) et répartit les citoyens en quatre classes censitaires en fonction du niveau de leur richesse. Les citoyens les plus riches ont davantage de droits et participent aux choix politiques, aux fêtes civiques, au financement des services publics et doivent servir dans l’armée. Les citoyens les plus pauvres ne sont pas soumis à l’impôt et sont exemptés de service militaire.
Dans le même temps, reformulant les principes du gouvernement d’Athènes, Solon procède à des ajustements institutionnels. L’assemblée ecclésiale réunissant l’ensemble des citoyens sans distinction de patrimoine se réunit désormais quatre fois par an sur la colline du Pnyx.
Elle discute des projets de lois et, après l’intervention des orateurs, les adopte en votant à main levée. Elle décide si nécessaire de déclarer une guerre. Chaque année elle délègue une partie de ses pouvoirs en élisant pour un an les stratèges et les archontes chargés de gouverner la cité. Ceux-ci doivent venir en fin de mandat lui rendre compte de leur action et peuvent alors être sanctionnés.
L’Ecclésia désigne les magistrats en procédant à un tirage au sort parmi les volontaires issus de la classe la plus riche. Elle procède également au tirage au sort, parmi les citoyens, sans distinction de revenus, des membres d’un nouveau tribunal (l’Héliée) chargé d’examiner en appel les décisions des tribunaux aristocratiques afin de limiter les risques de décision, arbitraire d’une première instance.
Les réformes de Solon soulèvent des contestations et tandis que les tensions se développent, Athènes se divise en trois partis : les Paraliens (commerçants de la côte), les Pédiens (grands propriétaires terriens de la plaine) et les Dacriens.
Pisistrate (600-527 avant JC) prend la tête de ces derniers et s’impose en 560 après deux tentatives face aux Eupatrides (les aristocrates athéniens). Sans revenir sur les institutions de Solon, Il confie les plus hautes charges politiques et judiciaires à ses soutiens les plus proches et mène une politique d’aménagement et de développement principalement rural et commercial. La Grèce lui doit aussi l’aménagement de l’Acropole et de nombreux apports culturels et cultuels.
A sa mort, les deux fils de Pisistrate s’efforcent de poursuivre l’œuvre de leur père. Mais Hipparque est tué par deux membres du parti démocratique et son frère Hippias, qui est favorable aux Perses, renonce au pouvoir. Un régime aristocratique soutenu par Sparte, célèbre cité située au sud du Péloponnèse, tente de lui succéder mais échoue rapidement.
Clisthène, développeur le la démocratie
L’aristocrate Clisthène (570-508 avant JC), issu d’une famille influente (les Alcméonides) décide alors de défendre les droits populaires. Mais son projet est contesté par un autre aristocrate, Isagoras, chef du parti oligarchique et proche d’un des rois de Sparte.
Rivale d’Athènes, Sparte est caractérisée par son caractère austère (spartiate), son système rigide d’éducation et une armée disciplinée qui lui a permis de conquérir plusieurs royaumes et d’étendre ainsi son influence.
Cité continentale, militarisée et aristocratique, elle a des institutions complexes, s’appuyant sur une double monarchie issue de deux dynasties parallèles (les Agiades et les Eurypontides) dont la gestion comporte des modes oligarchiques et des éléments démocratiques. Cette dualité a préservé Sparte d’une dérive tyrannique et un conseil aristocratique de vingt-huit hommes âgés d’au moins 60 ans et élus à vie sans comptes à rendre au peuple épaule les deux monarques. La cité dispose d’importantes richesses foncières.
A Athènes, Clisthène, qui a fini par l’emporter, s’attache à mettre en œuvre (de 507 à 501 avant JC) des dispositions constitutionnelles et des réformes administratives qui marquent le commencement de la démocratie athénienne.
Pour affaiblir la puissance de l’aristocratie, il divise Athènes et sa région en une centaine de circonscriptions territoriales (les Dèmes). Les citoyens sont organisés en dix tribus (les phylai), chacune constituée de trois régions non contiguës (les Trytties). Dans chaque tribu sont tirés au sort cinquante conseillers âgés de plus de 30 ans afin de former le Conseil des 500. Ce conseil (la Boulê), divisé en dix sections (Prytanies), prépare les débats et les textes soumis à l’assemblée des citoyens (l’ecclésia), habilitée à débattre.
Dix hauts magistrats, les stratèges (chefs miliaires), ne sont pas tirés au sort mais élus par l’assemblée pour un an. Chaque jour, un président du conseil est tiré au sort. il a la garde des clés des trésors de la cité et doit dormir dans un temple, sur l’Agora.
D’autres mesures interviennent : laïcisation de la société, modification de l’état civil des Athéniens (l’origine de chaque citoyen est définie par le nom de son Dème, plus petite unité territoriale), passage de l’année religieuse à l’année civile, affirmation du droit pour tous les citoyens de s’exprimer dans la nouvelle assemblée des citoyens (Ecclésia) précédemment située sur l’Agora, loi sur l’ostracisme permettant à l’assemblée d’éloigner un citoyen pendant dix ans sans qu’il perde ses droits civiques et ses biens
A cette époque, la société athénienne est inégalitaire ; les femmes, les étrangers vivant à Athènes (métèques) et les esclaves n’ont pas de droits civiques. Si la démocratie est le pouvoir du peuple, elle est donc également un enjeu de la délimitation du peuple dont une partie seulement participe au gouvernement de la Cité.
Le rôle de Périclès
A partir de 461 avant JC, Périclès, chef du parti démocratique élu stratège (et réélu à 13 reprises), mène une politique d’embellissement d’Athènes (Parthénon, Propylées, Odéon…), fait débattre de nombreux textes importants par l’ecclésia et contribue à la progression de la démocratie. Il encourage l’accès des plus pauvres aux plus hautes fonctions en faisant attribuer une indemnité compensatoire aux citoyens qui s’investissent dans les affaires publiques.
Périclès a aussi mené la guerre du Péloponnèse opposant Athènes et Sparte de 431 à 404 avant JC. La population de l’Attique doit alors se replier sur Athènes qui est contrainte de détruire ses fortifications menant au Pirée avant qu’un traité finisse par admettre deux systèmes d’alliances : l’un autour d’Athènes dans l’Egée (la ligue de Délos) et l’autre autour de Sparte (la ligue Péloponnésienne).
Mais la cité est affaiblie et doit subir durant huit mois la tyrannie de trente magistrats élus par un groupe de citoyens sous la pression des spartiates avant de pouvoir retrouver un régime démocratique durant l’été 403.
Au cours de ce Ve siècle, le politicien historien Thucydide considère que dans une démocratie « les choses dépendent non du petit nombre mais de la majorité ». Le gouvernement du plus grand nombre s’effectue par cette majorité. C’est ce que l’on nomme le gouvernement du peuple par le peuple.
La pensée des grands auteurs
Platon, de son côté, qui est membre d’une des familles les plus considérées d’Athènes, estime dans son livre « La République » que la démocratie donne une trop grande liberté et trop de pouvoir au peuple, générant des tensions souvent très fortes qui peuvent conduire le peuple à confier le pouvoir à un « tyran » afin d’éviter la guerre civile.
Pour sa part, Hérodote (480-425 avant JC), évoquant les régimes politiques, considère que « la justice ou l’injustice du régime politique dépend en grande partie du caractère des individus qui détiennent le pouvoir… Le caractère moral de l’homme politique joue donc un grand rôle au sein de la démocratie ».
Mais il faut souligner que même si les Athéniens sont souvent considérés comme les pères de la démocratie, seules les familles aisées disposaient, en fait, de représentants, les femmes, les enfants, les esclaves et les métèques ne pouvant être représentés et ne disposant pas du droit de vote.
Le philosophe Aristote (384-322 avant JC), qui a étudié la philosophie auprès de Platon (428-348 avant JC), a distingué trois formes de gouvernement : la royauté, l’aristocratie et la République. Celles-ci peuvent se muer respectivement en tyrannie, aristocratie et démocratie.
Dans son livre « La Politique » Aristote, qui a analysé les constitutions des plus célèbres cités de l’époque (Athènes, Thèbes, Sparte, Carthage) et pour qui le principe de base de la constitution démocratique est la liberté, envisageait une série de neuf règles pour que la démocratie puisse s’exercer sans ruses rhétoriques ni risques de corruption :
Choisissez tous les magistrats parmi tousQue chacun règne sur l’individu et que l’individu règne sur toutQue les charges publiques soient nommées par tirage au sortQu’une personne ne puisse pas occuper deux fois le même posteQu’une personne n’occupe qu’une fonction publique en même tempsQue les charges publiques soient de courte duréeLaisser les élus administrer la JusticeQue l’Assemblée du peuple ait pouvoir sur toutes chosesQu’aucune fonction publique n’est à vie
Une minorité…
Dans sa pratique, la démocratie athénienne est une démocratie directe où l’assemblée des citoyens libres délibère chaque jour et façonne les décisions importantes qui y sont prises. Mais, en fait, la citoyenneté antique ne concerne qu’une minorité. La majorité de la population n’y a pas accès du fait de son statut de femme, d’esclave ou d’étranger. Et les charges y ont occupées à titre temporaire. Certaines personnalités populaires comme Périclès et son neveu Alcibiade parti se mettre au service de Sparte peuvent même y faire l’objet d’une disgrâce (ostracisme).
Cependant, les magistrats y sont sélectionnés par tirage au sort afin d’éviter le risque de favoritisme ou celui d’une dérive oligarchique qu’une trop grande stabilité des charges publiques favoriserait et, de nos jours, la sélection par tirage au sort des membres d’un « jury » pénal est toujours considéré comme un processus démocratique.
La démocratie à Rome
A Rome, qui est à l’origine une petite cité fondée en 753 avant JC, la République est instaurée en 509 avant JC. Elle succède à la monarchie étrusque et le pouvoir n’y est plus héréditaire. Un système équitable permet à tous les citoyens (1) de voter et de participer à l’élaboration des textes de lois. L’organisation du pouvoir comporte ainsi une composante plébéienne et une composante aristocratique.
L’extension de son territoire au cours des trois siècles suivants permet à la Cité de constituer un vaste empire de près de 60 millions d’habitants et de plus de 10 000 Km de frontières allant de l’Angleterre à l’Egypte et de l’Afrique du Nord à l’embouchure du Rhin.
Le territoire romain est gouverné par l’Imperator qui commande les armées, dispose de pouvoirs religieux, désigne les magistrats et contrôle leur carrière (cursus honorum). L’Empire comporte 44 provinces dirigées soit par un légat (gouverneur) nommé par l’Empereur (province impériale), soit par un proconsul nommé par le Sénat romain (province sénatoriale). Des assemblées provinciales sont mises en place et sont constituées d’habitants issus de l’élite romanisée de ces provinces.
Les habitants de l’Empire qui ne sont pas esclaves ont l’un des trois statuts octroyés à la population. Ils sont soit « citoyens romains », soit « pérégrins » s’ils ne sont pas soumis au droit romain et relèvent d’une citoyenneté locale, soit « citoyens latins » ayant les droits civils des citoyens romains, mais sans leurs droits politiques.
La citoyenneté est de droit si l’on est né d’un père citoyen et marié selon le droit romain (conubium) ou si l’on est ancien magistrat d’une des villes conquises par Rome (les Municipes) ou si l’on est un des soldats des troupes auxiliaires ayant effectué 26 ans de services. L’Empereur dispose, d’autre part, du droit d’accorder la citoyenneté à titre individuel ou collectif.
Tout citoyen romain dispose d’un prénom, d’un nom, d’un surnom et de droits lui permettant de faire des actes juridiques. Mais une distinction est établie par les niveaux de fortune entre l’ordre sénatorial regroupant des magistrats ayant au moins un million de sesterces et l’ordre équestre plus proche de l’empereur pour lesquels le niveau de patrimoine est de 400 000 sesterces.
En 212, sous le règne de Caracalla, un édit étend le droit de cité romaine à tous les hommes libres de l’Empire. Les barbares et les populations soumises par la force ne peuvent bénéficier de cette disposition qui marque la romanisation de l’Empire tout en assurant une augmentation des recettes provenant des taxes sur les successions des citoyens romains.
Dès le 1er siècle avant JC, Cicéron, qui a marqué son époque par son talent oratoire, sa philosophie et ses écrits, s’inspirant de la pensée platonicienne, évoque les dangers d’un pouvoir tombant aux mains de la foule et ne souhaite pas que la République romaine s’inspire trop du modèle grec. Devenu Consul en 63 avant JC, il déjoue une conjuration de Catilina, est exilé pour avoir fait exécuter des conjurés sans procès, compose avec le pouvoir de César puis s’allie à Octave contre Antoine et décède en 43 avant JC. L’avènement de l’Empire intervient en 27 avant JC quand Octave devient empereur sous le nom d’Auguste.
Par la suite, plusieurs penseurs italiens contemporains des cités autonomes de Gènes, Pise, Trieste et Venise soutiennent la conception romaine, plus oligarchique.
Souvent constituées en républiques indépendantes mais pratiquant une forme plus limitée de démocratie, les cités-états de la fin du moyen-âge sont à l’origine des corporations d’artisans et de commerçants, puis des ligues qui, au moyen âge, en Italie, en Allemagne, en Hollande ont tissé d’importants réseaux d’échanges actifs en Europe et autour de la Méditerranée. Ce type d’organisation protégeait les marchands et les artisans contre les tracasseries et les taxations abusives.
Cette période a donc été propice au développement du négoce des marchandises, à la création d’instruments financiers, à la création de la comptabilité en partie double, de la lettre de change et de l’assurance contre les risques, donnant naissance au 13 et 14e siècles à un nouvel ordre commercial et capitaliste qui, maitrisant l’organisation de la production ou la commercialisation des denrées et des biens, a contribué au développement de villes matrices de la modernité (2).
C’est seulement pendant la Renaissance puis la Réforme que l’Europe va voir la conception de la démocratie donner lieu à des publications traitant de la désacralisation du pouvoir et envisageant une loi sociale qui ne viendrait pas de Dieu (Machiavel 1469-1527)
Auparavant, la notion de liberté et d’égalité entre les hommes promue par le christianisme avait progressé au Moyen Age, s’accélérant avec l’apparition d’une classe de riches commerçants aptes à participer aux affaires publiques.
La brève République anglaise
Au début du XVIIe siècle, la monarchie anglaise des Stuarts, qui gouverne le royaume avec fermeté, se trouve confrontée au Parlement désireux de participer plus activement à la gestion des affaires pour assister le Roi et contrôler ses actes.
Depuis le Moyen Age, ses deux chambres (la Chambre des Lords, formée de représentants de la noblesse, et la Chambre des communes, formée de représentants de la nation) sont régulièrement réunies.
Mais Jacques 1er Stuart (1603-1625) et surtout Charles 1er (1625-1640) se comportent en souverains absolus et Charles 1er, refusant de gouverner avec le Parlement, se trouve confronté pendant six ans à une guerre civile qui aboutit à la victoire du Parlement et à l’abolition de la monarchie par les républicains et les puritains.
Le nouveau gouvernement, mené par Cromwell instaure une République dont Cromwell se fait proclamer Protecteur. Afin d’empêcher les arrestations abusives, le Parlement adopte en 1679 une loi d’Habeas Corpus garantissant la liberté individuelle. Les arrestations sans motif et les emprisonnements sans jugements sont ainsi interdits.
Mais le Parlement est divisé en deux camps : les Whigs, attachés aux privilèges du Parlement et opposés aux Catholiques, et les Tories, fidèles au roi et aux Catholiques.
Après la mort de Charles II en 1665, son successeur Jacques II a suscité rapidement le mécontentement des Anglais et les Whigs parviennent à s’entendre avec quelques Tories pour le renverser (1688) et mettre sur le trône sa fille et son gendre protestant, Guillaume d’Orange, L’année suivante, le Parlement impose au nouveau roi une Déclaration des droits (1689) qui limite le pouvoir royal au profit des deux chambres du Parlement : la Chambre basse (House of Commons), élue, vote les lois et sanctionne le gouvernement, la Chambre haute (House of Lords), héréditaire, contrôle les lois.
L’Angleterre devient ainsi dès lors une monarchie parlementaire. Le roi ne peut lever des troupes sans l’accord du Parlement. Le Parlement, librement élu, se réunit régulièrement et vote les lois, la liberté individuelle est garantie, ainsi que la protection des citoyens.
La philosophie des lumières
En France, sous l’Ancien régime, où le roi concentre les pouvoirs, l’ordre social est fondé sur une répartition en trois ordres : le clergé (qui prie), la noblesse (qui combat) et le tiers-état (qui travaille). Des représentants des trois ordres peuvent être réunis pour des Etats généraux sur convocation du roi.
C’est en fait au XVIIIe siècle que la démocratie va se développer en France et aux Etats-Unis. En 1748 Montesquieu établit dans « L’Esprit des lois » les principes du régime parlementaire et de la répartition des pouvoirs. En 1762 Jean-Jacques Rousseau légitime dans « Le contrat social » la notion de souveraineté populaire.
Avec la Révolution française et l’influence de ses idées largement évoquées par les philosophes des lumières (Bayle, Diderot, Rousseau, Montesquieu, Voltaire…) ainsi que des auteurs anglais (Newton, Locke, Hume…), et allemands (Kant, Goethe…), le XVIIIe puis le XIXe siècle vont connaitre une large diffusion des fondements de la démocratie.
La philosophie des lumières inspire, ainsi, les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance (1776) et de la Constitution des Etats-Unis (1787) dont Tocqueville, précurseur de la sociologie, va décrire la démocratie naissante, les bienfaits et les dangers. Elle inspire également ceux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen durant la Révolution de 1789 qui aboutit à la convocation des états généraux par le roi, ouverts le 5 mai 1789 pour réunir en trois assemblées distinctes les représentants des trois ordres (noblesse, clergé et tiers état).
Le 17 juin, ceux-ci se déclarent Assemblée nationale, donc représentants de la Nation, titulaire du pouvoir. Durant la nuit du 4 août, l’Assemblée nationale constituante décide d’abolir les privilèges et d’élaborer la déclaration des droits de l’Homme puis de poser les bases de la future constitution, finalement votée le 3 septembre 1791. Tout en préservant la monarchie (« Les représentants de la nation sont le corps législatif et le roi »), le texte instaure la souveraineté de la Nation, le gouvernement représentatif de la France et organise la séparation des pouvoirs, confiée à des organes différents.
Censitaire (3), le mode du suffrage instauré n’est pas encore universel. Il distingue les citoyens actifs qui participent à la vie politique de la nation en tant qu’électeurs, et des citoyens passifs qui ne jouissent que des droits civils. Elue pour deux ans, l’Assemblée nationale législative siège en permanence. Elle ne peut pas être dissoute par le roi. Les ministres, nommés par le roi, ne sont responsables que devant lui et ne peuvent pas être membres de l’Assemblée.
Naissance de la République
Après l’abolition de la monarchie et la victoire des troupes révolutionnaires à Valmy, le 20 septembre 1792, la République est furtivement proclamée par la Convention nationale le 22 septembre, sur proposition de Danton. Puis les députés prêtent serment de fidélité à la République décrétée « une et indivisible ». En à peine quatre ans les Français sont ainsi passés d’une monarchie de droit divin, vieille de près de mille ans, à un régime républicain.
Un travail constitutionnel est alors engagé par la Convention. Royalistes, modérés et radicaux vont s’affronter jusqu’à la prise du pouvoir par les députés montagnards, déterminés à contenir les contestations des royalistes, des girondins et des modérés qui sont rétifs aux mesures d’exception. Le 6 avril 1793, les difficultés extérieures et intérieures amènent la Convention à créer un Comité de salut public présidé par Danton pour superviser le gouvernement et décider de mesures d’urgence. Robespierre parvient à évincer Danton et le remplace à la tête du Comité le 27 juillet 1793.
La chute de Robespierre, guillotiné le 28 juillet 1794, met fin à l’épisode de la Terreur. Une période marquée, cependant, par deux novations inspirées des droits de l’Homme : la première est l’instauration du premier suffrage universel masculin qui met fin au suffrage censitaire qui restreignait l’exercice des droits civiques à des personnes instruites et financièrement indépendantes. La seconde est la première abolition de l’esclavage par la constitution de l’an I (24 juin 1793) qui, en définitive, ne sera pas appliquée à cause de la guerre.
Si la révolution de 1789 a bien déclenché un changement historique dans notre Pays, la démocratie française s’est forgée progressivement et non sans heurts tout au long des années qui l’ont suivie : sous le premier empire (1804), la restauration (1814-1830), la deuxième République (1848), le second empire (1852), puis la commune (1871).
Ainsi, le soulèvement populaire de 1848, qui a mis fin au règne de Louis-Philippe (1830-1848) et abouti à la proclamation de la République par Lamartine sur les marches de l’Hôtel de ville de Paris, a mis fin en même temps à la monarchie de Juillet qui était un régime parlementaire à suffrage censitaire.
Pour pouvoir voter, il fallait alors avoir au moins 25 ans et 30 ans pour pouvoir être élu. Les femmes restaient en outre à l’écart. De ce fait une partie seulement de la population (environ 240 000 en 1848, soit 10 % des hommes) pouvaient voter alors que le roi Louis-Philippe ne régnait pas sur le fondement du droit divin mais par consentement du peuple, fruit de la révolution de 1830.
Finalement, alors qu’une partie du gouvernement n’est pas favorable à une réforme de la loi électorale destinée à élargir le nombre des votants, un décret préparé par Alexandre Ledru-Rollin (1807-1874) rétablit (le 5 mars 1848) le suffrage universel direct masculin instauré à l’élection de la Convention (1792-1795), remplacé par le Directoire (1795) puis rétabli lors du Consulat (9 novembre 1799-18 mai 1804) mais avec des difficultés d’application. Le nouveau décret fait passer le corps électoral de 240 000 à 9,6 millions d’électeurs âgés d’au moins 21 ans (4). Le mode de suffrage de la France devient le plus large d’Europe.
La IIe République
C’est à ces électeurs qu’est confié la mise en place d’un nouveau pouvoir avec l’élection des députés de l’Assemblée nationale constituante (23-24 avril 1848) qui va élaborer la constitution de la IIe République du 4 novembre 1848.
Celle-ci instaure la distinction entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, attribue l’exécutif à un Président, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon, élu au suffrage universel masculin.
Allié à des conservateurs trouvant le régime « trop avancé, le nouveau président organise un coup d’état en 1851 et instaure le Second Empire où l’empereur détient le pouvoir exécutif et exerce une influence sur le pouvoir législatif avec l’instauration des candidatures officielles aux élections et le recours aux plébiscites.
Sous le Second Empire (2 décembre 1852-4 septembre 1870), Napoléon III fait à cinq reprises appel au peuple en utilisant ce mode de suffrage pour des plébiscites. La défaite des troupes impériales face à la Prusse lors de la bataille de Sedan (1er septembre 1870) met fin au Second Empire (Napoléon III ayant été capturé, la France se retrouve sans chef d’Etat et politiquement divisée, alors que l’armée prussienne assiège Paris).
La IIIe République
Un gouvernement de Défense nationale est alors constitué par les républicains et la IIIe République est proclamée le 4 septembre 1870. Après un siège de quatre mois et demi, le gouvernement doit reconnaitre sa défaite. A l’Assemblée nationale les députés modérés l’emportent et, le 17 février 1871, élisent Adolphe Thiers premier président de la IIIe République. Le peuple de Paris se soulève en mars et une répression sanglante intervient du 21 au 28 mai 1871 (30 000 morts). En désaccord avec la majorité des députés, Thiers démissionne. Il est remplacé par le maréchal de Mac Mahon le 24 mai 1873.