Chat échaudé craint l'eau froide - Serena Davis - E-Book

Chat échaudé craint l'eau froide E-Book

Serena Davis

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Beschreibung

Sabrina, 36 ans, est une jeune femme brillante, jolie et pleine d’énergie, mais qui a beaucoup de mal à se caser. Jusque-là, elle n’a pas vraiment eu de chance avec les hommes qu’elle a rencontrés, de vrais boulets. Résumé de sa vie amoureuse : trois compagnons de pacs, quatre fiancés et une grosse pression sociale !

Mais alors que ses amis et sa mère commencent à désespérer, cette miss « chat noir », toujours débordante d’espoir, a une bonne nouvelle à leur annoncer. Après tant d’aventures, aurait-elle enfin trouvé chaussure à son pied ?

Connaissant le phénomène, ses proches restent un peu sur leurs gardes. Cet homme mystérieux parviendra-t-il à retenir une Sabrina… échaudée ?
Entre péripéties romanesques et situations burlesques, la narratrice nous emporte dans un récit drôle, émouvant et plein de rebondissements, dévoilant une héroïne encore plus attachante.

Après Les chats retombent toujours sur leurs pattes, Serena Davis signe ici un 2e tome inattendu à la chute insatiable.


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

« Sabrina ose et le lecteur dispose… Totalement jubilatoire ! » - Cynthia Delory, animatrice de l'émission « Room Service » sur Fréquence Plus

« Une vague vivifiante, torride et prégnante, dans une langue fluide et acérée » - Philippe Pasquini, animateur de l’émission « Bouillons de Culture » sur Radio Arts-Mada

« Un roman pétillant, comme son auteure ! » - Maryline, chroniqueuse @leslecturesdeMaryline

« Un antidépresseur naturel. » - @pause_kfe_ , chroniqueuse

« Toujours plus addictif ! » - Nadia Dalval, lectrice


À PROPOS DE L'AUTEURE

Serena Davis est une romancière et nouvelliste d'origine bourguignonne, née en 1985. Ses œuvres, prolifiques et éclectiques, sont les pièces d'un puzzle formant un ensemble littéraire des plus énigmatiques, un véritable projet.

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Serena Davis

 

 

 

 

Chat échaudé craint l’eau froide

 

De la même auteure

 

Dans la même série

 

Les chats retombent toujours sur leurs pattes (2022). Sudarènes Éditions.

 

Autres romans

 

Les pendules ne sont pas toujours à l’heure, coauteure Mary White (2021).

Nos vies à la dérive. La croisée des naufrages (2021).

Psychoses (2022), PLn.

Alerte à l’Ehpad, coauteure Mary White(2021). Sudarènes Éditions.

Les confessions du vagin (2022).Sudarènes Éditions.

Prologue

Je m’appelle Sabrina, j’ai 36 ans. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis une célibataire moderne et atypique. Les gens me comparent à Bridget Jones ou à Phoebe Waller-Bridge dans FleaBag, deux célibataires trentenaires à la fois drôles et déjantées.

Pour les femmes, je suis attachante. Pour les hommes, je suis chiante. Pour mettre tout le monde d’accord, disons que je suis attachiante, néologisme qui a fait l’objet de quelques articles de presse ces dernières années. Si, si, je vous jure ! Tellement utilisé que l’on a fini par l’adopter (33 % des jeunes paraît-il)1. Je vous cite la définition du Figaro Étudiant : « On dit d’une personne qu’elle est attachiante quand celle-ci est difficile à supporter mais qu’on ne peut se passer d’elle pour autant. Une sorte de boulet addictif. »

Admettez que le terme « boulet », c’est tout de même un peu fort de café !

Non mais oh !

Comme je n’aime pas les appréciations négatives, je vais vous apporter ma touche « positive » et vous livrer ma propre définition WikiSabi : une femme attachiante est une femme qui assume ses contradictions : célibataire qui cherche l’amour ou amoureuse qui regrette sa vie de célibataire; gourmande qui navigue entre crises de boulimie pour se satisfaire et régime minceur pour se complaire; femme ambidextre tantôt séductrice portant nuisette rouge et plateformes Pleaser, tantôt petite fille pyjama Garfield, chaussettes chaussons et petites tresses… Mais avant tout, femme libre qui assume ses envies, ses humeurs, ses forces et ses limites. Vous vous reconnaissez aussi, n’est-ce pas ? Il me semble que je viens de donner la définition de… la femme (smiley) !

Je mène une vie qu’on pourrait qualifier, en langage présidentiel, « de dingue », une vie légère et audacieuse. Telle une funambule, je marche sur un fil en cherchant l’équilibre. J’exécute quelques pirouettes, parfois maladroitement. Je me rattrape toujours, de justesse, souvent.

Ma vie est une symphonie, parfois douce, parfois rythmée. Une vie dont je suis à la fois le chef d’orchestre, les musiciens, le chorégraphe, les danseurs, les spectateurs, le décor également. Une vie énigmatique et indéchiffrable. Une vie qui ne tient pas dans un cadre mais qui, au contraire, déborde de tous les côtés, comme un soufflé raté.

On me demande souvent si j’ai choisi mon célibat. Quelle question saugrenue ! Célibat : subi ou choisi. Un sujet que l’on devrait trouver au BAC, car il y aurait certainement plus de choses à dire que sur le sujet de l’épreuve de philosophie 2020 : « À quoi bon expliquer une œuvre d’art ? (Non mais sérieux !). Pour répondre à cette interrogation des causes du célibat sans faire de thèse-antithèse-synthèse, je m’en sortirai en disant que je subis d’avoir choisi mon célibat. Voilà ! Tour de pirouette et c’est gagné !

Pas de mari, pas de maison, pas d’enfants, pas de chien, pas même un chat. Stop aux vieux clichés : toutes les femmes célibataires n’ont pas un chat. D’ailleurs, lors de ma dernière relation de couple, j’en avais deux. Ils sont partis avec mon ex. Une rupture, trois bêtes à poils de moins !

Bon, j’avoue, ils me manquent.

Snif.

Pas les ex, bien sûr, les chats.

Bilan de mes 36 ans : pacsée trois fois, fiancée cinq. Ah, les fiançailles, je ne vous en avais pas parlé ! Si, si, ça m’est arrivé aussi. Quatre tentatives avortées. Quatre mariages tués dans l’œuf ! Passons les trois premières demandes, qui relevaient plus de l’improvisation théâtrale que d’une réelle volonté d’engagement. Passons également la quatrième, dont vous connaissez l’issue rocambolesque à travers l’histoire du fameux chèque en blanc que j’ai consignée dans mon premier roman2.

Des demandes factices. On pourrait écrire SPECIMEN en travers. Je préfère rayer tout court.

Seules les bagues sont réelles.

Évidemment, je ne les mets jamais. Nonobstant, il me plaît de les regarder. Je les ai toutes réunies dans une boîte à bijoux offerte par un ex qui, lui, ne m’a jamais demandée en mariage. Une façon de le faire participer à ma petite collection. Comme mes peluches. Chacun de mes ex a sa mascotte. Ours, panthère, chien, marmotte, poussin et autres totems animaliers trônent dans mon appartement comme des animaux empaillés (je ne vous dirai pas combien).

Dire « je collectionne les peluches », ça fait mieux que de dire « je collectionne les ex ».

D’ailleurs, ça porte un nom : l’arctophilie, même si c’est pour les ours.

L’exophilie, aussi, ça existe, j’ai cherché ! Ça désigne les insectes qui se nourrissent du sang de leurs cibles. Véridique ! Je ne peux donc pas dire que je suis exophile. Quoique.

Arctophile vs exophile : la petite fille vs la femme fatale.

— Sabrina, tu viens de leur dire que tu assumais tes ambiguïtés.

— Oui, c’est vrai.

Question boulot, je ne me plains pas. Même si je suis extra dépensière et toujours à découvert (surtout en période de célibat), j’ai une situation professionnelle confortable. J’ai gravi les échelons d’un cabinet de consulting et je suis en passe de devenir l’adjointe de mon patron bipolaire. Ça tombe bien, la folie, c’est ma passion ! Si, si, je vous jure. Je suis persuadée que la folie, loin d’être un train qui déraille, est un train à suspension magnétique dernière génération : elle permet de réfléchir plus vite, de résoudre des équations ultra-complexes, de réaliser des œuvres d’art sans avoir pris aucun cours de peinture. J’y reviendrai !

Si ma vie professionnelle est une droite ascendante, ma vie personnelle est plus sinueuse : une suite de courbes concaves et convexes, pour ceux qui aiment les mathématiques ; pour les autres, disons, un vrai foutoir.

Romantique et rêveuse, j’ai longtemps cherché la bonne chaussure, avant de me rendre compte que le problème, c’étaient plutôt mes pieds : complètement inadaptés ! (On va en reparler). Comme ma pointure n’existe pas, à chaque nouvelle tentative amoureuse, je me fais des ampoules. Je change souvent de chaussures. Il paraît qu’il faut insister, que le pied finit par s’habituer !

Bref, vous l’avez compris, ce roman est un peu décalé. Ne vous attendez pas à un conte à la « Cendrillon moderne » : c’est mal me connaître. Je fais plutôt dans la comédie de boulevard. Certains hommes pensent que je ne veux pas être heureuse, que j’ai le bonheur en face des yeux (évidemment, ils font allusion à… eux) et que mon petit monde de fleurs et de bisounours est un refuge illusoire. Ils se proposent donc de venir mettre un peu d’ordre à tout ça. À savoir : arracher mes fleurs et coller leurs poils partout dans le lavabo !

Ben oui, depuis le temps, j’ai quand même compris ! « Les princes, on ne les trouve qu’au rayon gâteaux », disait un de mes ex. Dans la vraie vie, les hommes abandonnent dès la première épreuve de la série des défis chevaleresques : celle qui consiste à se lever de leur lit ! Bon, j’exagère sûrement et il y a certainement aussi des femmes à l’haleine matinale dérangeante. Mais bref, passons !

Heureusement, je ne suis pas seule. Dans mon cercle le plus proche gravitent ma mère, petite bourgeoise frustrée et moraliste, mes copines Sarah et Adeline, deux femmes diamétralement opposées (libertine dévergondée au recto, ultra-conventionnelle coincée au verso), mon ami gay, Tristan, un spécimen rare et Mike, mon pote qui rêve de me baiser.

L’histoire de ma vie n’a rien de banale. Oubliez les récits « cucul la praline » qu’on trouve dans tous les halls de gare : papi heureux, mamie et ses tartes à la groseille, la maison aux volets jaunes (enfin, sauf celle de Psychoses3), Lisa et sa couture, Fabrice et son chien P’tit Louis...

Je n’ai pas de baguette magique, je n’envoie pas de paillettes.

Un jour, un client de mon entreprise, cinquantenaire fraîchement divorcé, m’a dit que j’avais le syndrome de la Fée Clochette. L’espace d’un déjeuner, il a déduit que j’étais une séductrice carriériste qui jette de la poudre aux yeux. Comme ma vie personnelle, de vraies montagnes russes, était dans sa phase descendante, j’ai bu les paroles de ce psychanalyste amateur. Il m’a vraiment retourné le cerveau. J’ai acheté le livre qu’il m’a recommandé de lire Le syndrome de la fée clochette4. Bien sûr, je me suis reconnue dans cette figure féminine. Quand on cherche, on trouve ! Surtout, dans des moments de question-nements, on croit tout ce que l’on nous dit, même que les fantômes existent. On est vulnérable. La Fée Clochette collectionne les peluches. Ha ! Comme moi ! La fée clochette est coquette. Ha, moi aussi ! La Fée Clochette affiche de grandes ambitions professionnelles. Ha !

C’est sûr, c’est moi !

Oh… Myyyyy Goooood. J’ai le syndrome !

Une fois l’idée en tête, non seulement je me suis inventé d’autres signes, mais je me suis moi-même comportée de façon à confirmer le diagnostic. En psychologie, on appelle ça l’autosuggestion négative. Le serpent qui se mord la queue : je deviens ce que je dis que je suis.

Ma peau mue.

Heureusement que la secte des suicidés du dimanche n’est pas venue frapper à ma porte !

Mais bon, je me débrouille très bien toute seule, je veux dire, sans secte. Comme je fais toujours dans les extrêmes, je me suis fait tatouer une fée sur tout le bras droit, ce qui m’a permis de recouvrir une inscription que je me traînais depuis sept années : Jean-Philippe.

Enfin !

Je remplace le prénom d’un ex par la suggestion d’un inconnu.

À la place du prénom de mon premier concubin, j’ai une fée à poil qui pleure sur un tronc d’arbre. Jean-Philippe est toujours là, la gueule ratatinée par une grosse branche !

En même temps, c’est vrai que, jusque-là, tout me ramène vers ce fameux syndrome, surtout que mes dernières histoires enfonçaient bien le bouchon, vous allez voir !

Mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre.

Je suis à la lettre la philosophie d’Épictète. Je me laisse porter par la vague, je ne m’attarde pas sur les petites turbulences.

Ce qui ne me rend pas moins responsable des actes qui dépendent de moi. Il est de mon ressort de diriger la montgolfière de mon destin !

Cette présomption de syndrome bidon, je vais la démonter d’un bloc. Je vais souffler sur le château de sable de mes amours éphémères, après avoir soufflé sur mes trente-six bougies, pour en construire un vrai avec des murs, des pièces, des portes, des fenêtres et des fondations solides !

Un vrai château fort, indestructible. Un château tellement beau que ma princesse fugueuse n’aura aucune envie de se barrer.

J’ai écrit mon premier roman avec vous, pendant le premier confinement. Vous vous souvenez ?5 Je venais de recevoir un message d’un ex qui avait fait naître l’espoir d’un renouveau. J’espérais revenir en arrière, faire du neuf avec du vieux. Parmi tous mes ex, entre le séducteur mythomane, le beau coach sportif musclé, le musicien vagabond, le Cro-Magnon, le chauve à lunettes… il a fallu que ce soit l’homme des cavernes qui se manifeste ! Finalement, heureusement, mon gorille a dû tomber sur un champ de bananes ; il s’est perdu en chemin, pour la énième fois. Bien sûr, vous ne connaissez pas toute la suite. Grégory n’est jamais venu au rendez-vous qu’il a lui-même provoqué. Alors que je m’apprêtais à rappeler un charmant inconnu qui m’avait laissé sa carte de visite à la librairie, David, le beau musclé, m’a recontactée. Un de perdu, un de retrouvé, et finalement, un de trouvé !

Ah ! La chanceuse, me direz-vous !

Détrompez-vous, je me suis retrouvée dans la pire des situations qui soit : au carrefour de ma vie, j’avais deux possibilités. Passé un certain âge, il ne faut pas se tromper ! Seulement voilà, avec un tel passé, je suis un chat plutôt… échaudé ! Parce que si vous pensiez avoir tout vu (tout lu), vous vous trompez, je ne vous ai pas tout raconté !

Mes chats-lecteurs, installez-vous confortablement dans votre fauteuil, dans votre lit, dans votre baignoire ou sur votre tapis. Mettez-vous bien à l’aise, mais préparez-vous à rire, car je vous embarque dans des aventures encore plus détonantes que les précédentes.

Vous allez manger des kilos d’Haagen Dazs sans faire gaffe.

Si vous voulez maigrir, fermez tout de suite ce roman !

Si vous avez faim d’aventures croustillantes, suivez-moi : c’est par là !

 

Mai 2020. Conversation téléphonique avec Sarah.

 

— Coucou ! Je ne te dérange pas ?

— Non, non, je suis chez moi. Je finis mon sport, là. J’en suis aux étirements. Je te mets en haut-parleur, du coup.

— Ok. Comment tu vas ?

— Ça va, et toi ?

— Super bien : j’ai vendu six culottes ! dit-elle, fièrement.

— Tu as vendu des culottes ?

Avec Sarah, plus rien ne m’étonne !

— Ben oui, et je me suis fait cent vingt balles.

— What ? Mais c’étaient des culottes en or ou quoi ?

— Non, mais elles étaient portées !

— Je ne comprends pas. Tu vends tes culottes à des vieux pervers, c’est ça ? Tu fais ça où ? Sur Vinted ?

— Mais non, voyons, il y a un site spécial pour ça.

Suis-je bête, évidemment !

Elle, c’est Sarah, ma copine déjantée. Elle fait des trucs bizarres, elle est un peu perchée. Sarah fait partie de ces gens qui vivent dans la partie immergée de l’iceberg, celle que personne ne connaît. J’observe sa vie de loin, avec une bonne paire de jumelles. Et c’est précisément parce que ses histoires sont folles, qu’elles m’intéressent !

— Bon, explique-moi.

— C’est facile. Tu crées un compte et tu peux vendre des culottes portées, des chaussettes puantes et même des Tampax usagés au prix que tu veux !

— Mais, c’est horrible !
— Ah bon ?

— Mais oui ! Faut être timbrée pour faire ça !

— Quoi, vendre ou acheter ?

— Les deux !

Évidemment, ça la fait marrer.

— Bah, c’est tordu mais ça rapporte. Tu veux essayer ?

— Non merci, ça va aller.

— Tu ne connaissais pas ?

— Pas vraiment. J’avais vu un truc du genre dans la série Orange Is the New Black. Pour se faire de la tune en prison, Piper lance un trafic de petites culottes portées de la prison de Litchfield. N’empêche, cent vingt euros… c’est du délire !

— Oui. Du coup, j’en ai remis douze. Y’en a une, je l’ai portée pendant sept jours, ça fait monter les enchères.

— Bon, Sarah, ça va, là, si tu peux m’épargner ça…

(Rires.)

— Ok, ok. Bon, et toi alors ? Raconte-moi tout… Où en es-tu avec David et… comment il s’appelle le scénariste, déjà ?

— Xavier.

— Ah oui, Xavier !

— Pour le moment, j’échange avec l’un et l’autre. Je t’avoue que j’ai du mal à me décider. Je ne sais pas lequel j’ai envie de rencontrer. Les deux me plaisent, en fait.

— Ben, rencontre les deux !

J’adore les évidences de Sarah !

— Je ne suis pas comme ça.

— En même temps, David, tu le connais déjà.

— Justement. La dernière fois que je l’ai vu, d’aussi loin que je me souvienne, c’était explosif ! On a passé toute une nuit dans une salle de sport, je te rappelle.

 

Pour ceux qui n’ont pas lu Les chats retombent toujours sur leurs pattes, je me suis retrouvée enfermée pendant six heures dans une salle de fitness avec un coach sportif torride aux abdos saillants ! Je vous laisse imaginer… Le truc, c’est que j’étais en couple à cette époque. Même si ma relation battait de l’aile, j’en suis restée là ! Neuf ans plus tard, mon beau fantôme du passé me recontacte sur les réseaux.

— Et donc ?

— Donc, si je le revois, je sais comment ça va se passer, je ne pourrai pas résister. Surtout que, depuis que l’on se parle, il me matraque de photos de lui plus sexy les unes que les autres.

— Montre !

— Tu veux voir quoi ?

— Je ne sais pas moi, tu as quoi ?

— Un peu de tout, en fait. Tiens !

Envoyé. Reçu. Lu.

— Ah ouais… Mais il se la pète grave le mec, en plus ! Il gonfle les biceps.

— Je trouve ça super sexy, moi !

— Pour ma part, je trouve qu’il en fait un peu trop.

— Non mais il est beau quand même, tu ne peux pas dire le contraire ?

— Un physique de magazines.

— C’est ça. Blond, yeux bleus, mâchoire carrée…

— Et son sexe ?

— Ah, ah, oui !

J’entends ma copine s’esclaffer à l’autre bout de la ligne. J’imagine le sourire du chat dans Alice au Pays des Merveilles. Une Alice un peu particulière.

— En fait, je ne m’en souviens plus.

— Demande-lui une photo.

— De son sexe ?

— Évidemment.

— À mon avis, connaissant les hommes, je n’aurai pas besoin de lui en demander, ça va venir tout seul.

— Oui, c’est bien un truc de mecs. Il faut toujours qu’à un moment, ils te jettent leur trompe d’éléphant sous le nez, comme s’ils candidataient pour le titre du sexe de l’année.

— Ah, ah, qu’on leur remette un trophée, genre « la bite d’or ».

— C’est ça !

— Bon, et l’autre alors ?

— Tu veux dire, Xavier ?

— Oui, Xavier.

— Passionnant !

— C’est-à-dire ?

— Eh bien, on s’appelle tous les soirs. On parle littérature. Tiens, par exemple hier soir, je lui ai parlé du roman que je viens de terminer, Sous le soleil de Satan de Georges Bernanos. Il m’a conseillé de regarder le film avec Depardieu. Je vais le passer ce soir.

— Je croyais que tu n’avais pas la télé ?

— Non, mais j’ai Prime, je vais le visualiser sur l’ordi !

— Ah, ok. Sinon, il est comment ? T’as une photo de lui ?

— Oui. C’est sûr, il n’a pas le même corps, mais il est mignon.

Envoyé. Reçu. Lu.

— Il est roux.

— Oui, avec plein de taches de rousseur. Trop chou !

— Il n’a pas de muscles.

— Non. C’est un cérébral.

— Tu as prévu de le rencontrer ?

— Il m’a proposé à plusieurs reprises de déjeuner avec lui. Il est très galant. Pour l’instant, je repousse ses avances, mais je sens que je ne vais pas pouvoir le faire patienter trop longtemps. Je jouais un peu la carte du confinement, mais là, avec la levée le 11 mai…

— C’est dans deux jours.

— Oui.

— Un sportif ou un intello. Pas facile.

— Si je pouvais mettre la tête de l’un sur le corps de l’autre, ça réglerait le problème !

(Nouvel éclat de rires.)

— Tu créerais le prototype du mec parfait !

— Pour l’instant, c’est un gros Congloméros.

— Un quoi ?

— Un Congloméros. C’est un être un peu monstrueux imaginé par Victor Brauner6 : deux corps d’hommes, plus un corps de femme, sur une seule tête.

— Ah oui, ça illustre bien ta situation actuelle !

— Quand même, le choix n’est pas facile. Après tout ce que j’ai déjà vécu, j’aurais bien pris encore un peu mon temps avec chacun d’eux.

— Ah, ah, je comprends ! Mais ils te pressent…

Misère ô misère ! dirait Gertrude Stein.7

Costas

(2016-2019)

Paris, Mars 2017

 

Vous allez comprendre pourquoi le choix n’est pas aussi facile, pourquoi je suis un peu indécise. « Chat échaudé craint l’eau froide ! » comme on dit.

Reprenons les choses là où je les avais laissées.

Pour résumer ma situation à ce moment de l’histoire8, voilà presque six mois que je vis avec un beau grec musclé aux biceps saillants. Peau nacrée, sucrée comme du caramel, cheveux mi-longs aux boucles noires, regard sombre et ténébreux sous des sourcils fournis épilés avec soin, bouche pulpeuse, sexe parfait, sans l’ombre d’un poil et circoncis. Si, si, c’est important. Ce n’est pas affaire de religion ; ce petit bout de peau qui ressemble à une fleur flétrie, cela ne m’attire guère. Si cela ne tenait qu’à moi, je rendrais la circoncision obligatoire. Dommage que je ne sois pas candidate aux élections présidentielles.

Chez mon Costas, c’est un combo, la tête est aussi avantageuse que le physique : un QI bien supérieur à la moyenne et une opinion de lui-même au moins aussi élevée (cela dit, contrairement à mon premier partenaire de pacs, là, c’est justifié).

Mon mec est un esthète, soucieux de son physique et perfectionniste. Il a travaillé deux ans chez Marionnaud et il me semble que cette place lui convenait tout à fait. Il se rehausse le teint (poudre libre et correcteur de cernes), s’affine les sourcils à la pince, se teint les cheveux à la poudre de henné, s’épile les jambes, les bras et même… les fesses. Si, si, je vous jure, une fois je l’ai surpris sur le dos, les deux jambes en l’air devant la psyché : il retirait une bande de cire ; un peu gêné, il a souri !

En plus de prendre soin de lui, il prend soin des autres, c’est un super conseiller beauté. Il a toujours le dernier truc naturel et écolo pour avoir de beaux cheveux, un beau regard, une belle peau. Depuis que je le connais, il m’a convertie au henné, à la crème et aux cosmétiques « maison ». Je suis devenue une super cliente Aroma Zone, une boutique dans laquelle on fait trois heures de queue, un samedi par mois, pour acheter quatre produits. Une vraie mission ! Quand Costas pénètre dans un magasin, il est hyper concentré et lit toutes les étiquettes pour découvrir les vertus des huiles essentielles, à la recherche du « bon produit ». Il affiche ce regard d’expert que font les connaisseurs de vin lorsqu’ils examinent une bouteille. Moi, j’attends, je me fais bousculer toutes les trois secondes par une fille écolo, je peste et je prends mon mal en patience. Ou presque.

— Bon, ça fait deux heures qu’on est là, t’as fini ?

—Attends, attends, regarde poussin, on a les ingrédients de base, les huiles essentielles, mais pour faire la crème, il faut aussi des actifs.

— Des actifs ?

— Ben oui, comme la provitamine B5 et l’allantoïne.

— Ah oui, d’accord ! Bon, après on y va…

— Non, après, il faut des contenants.

J’ai envie de hurler : « Mais pourquoi on ne l’achète pas directement chez Auchan, cette crème ? » Mais je passerais pour une décalée, une démodée, le genre de fille qui a loupé le coche.

Alors je supporte. C’est ça, la vie de couple. Quand l’un est en mission, l’autre est en sous-mission.

Dans ma vie, il m’arrive plein de trucs dingues, mais entendons-nous bien là-dessus, rien de racinien. Je ne m’ennuie jamais. Je suis un peu comme une scénariste. Je subis le décor, j’arrange le reste à ma manière. Au fond, tout se remplace : des personnages disparaîssent, d’autres apparaîssent, des amours meurent, d’autres naissent, l’argent s’évapore et réapparaît miraculeusement sur mon compte chaque mois par une acrobatie que l’on appelle « salaire ». La vie, c’est un peu comme les cycles menstruels. La fin de cycle est toujours la plus difficile, pour paraphraser une célèbre citation de Coluche.

Dans mon couple, en apparence parfait, il y a un hic. Mon mec ne ressent pas d’attirance sexuelle pour moi, seulement un profond sentiment d’amitié. Cet amour que les grecs appellent Philia,autrement dit, l’amour fraternel, celui que l’on ressent pour sa mère, pour son père, pour son frère… En aucun cas, il ne brûle de cet Éros, ce feu ardent qui vous conduit dans des tornades érotiques, cette fougue animale que j’ai ressentie la nuit où j’ai fait l’amour avec le beau David, Antinoüs qui hante mes nuits depuis. André Comte-Sponville9 m’a bien renseignée sur la nuance, mais cette lecture, philosophique évidemment, a juste posé le problème.

Appelons un chat, un chat : mon mec ne me fait pas l’amour. J’ai beau descendre tous les livres de la bibliothèque de mon arrondissement pour essayer de comprendre et décortiquer tous les numéros du Philosophie Magazine, je tourne comme un rat autour du problème.

C’est un peu problématique. Surtout que Costas est très beau. Si encore il ne me plaisait pas… Mais je suis en kif, j’ai la langue qui se déroule par terre quand je le vois. Ssssplendide !10 Ce corps d’Apollon bronzé prend ses bains dans ma baignoire et dort dans mon plumard !

J’ai toujours froid. Surtout aux extrémités. J’ai les mains froides, les pieds froids. C’est un truc de filles. Costas, lui, a toujours chaud. Un truc de mecs. Non, ce n’est pas un stéréotype, c’est scientifiquement prouvé. C’est relatif au volume musculaire. Le métabolisme de base est plus élevé chez les hommes et produit plus de calories… les hommes aussi ont « leurs chaleurs ».

Du coup, parce qu’il a ses chaleurs, Costas ouvre toutes les fenêtres, même en hiver.

Au départ, il disait juste : « J’ouvre, j’ai chaud ». Comme je hurlais, il a compris que j’avais froid et maintenant, pour le justifier, il dit : « J’aère. » Pirouette sémantique qui ne résout pas le problème.

À l’appart, on ne se bagarre ni à coups de poings ni à coups de joutes verbales, mais à coups de fenêtres : ouvertes, fermées, ouvertes, fermées, ouvertes, fermées…

La nuit, j’essaie de me réchauffer : je le colle. Lui, essaie de se refroidir : il me repousse. Un vrai combat de sumos. On finit chacun de notre côté. Lui, tranquille, moi, agacée !

Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’étais en couple, je venais de me pacser avec un homme que je n’ai jamais réellement aimé ni désiré : Sébastien. Mon référentiel était de fait, un peu biaisé. C’est donc avec Costas, c’est-à-dire avec mon amant, que j’ai consommé ma noce de pacs à Venise, la ville des amoureux.

Notre installation a été rapide. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de réfléchir à ces histoires de « comptabilité amoureuse ». De toute façon, je ne sais pas pour vous mais moi, entre « les contraires s’attirent » ou « qui se ressemble s’assemble », je ne sais plus très bien ce qu’il faut suivre ou croire. À la manière d’Épiméthée, j’agis d’abord, je vois après. Après tout, son frère Prométhée a fait l’inverse et depuis, il se fait bouffer le foie par un aigle sur un gros rocher !

On fait comme tous les couples, on trouve des compromis. On puise notre complicité dans nos loisirs communs, la lecture et la musculation. Nos lectures sont complémen-taires. Pour moi la littérature, l’économie, l’histoire. Pour lui, la philosophie, la sociologie, la science. Nos débats sont passionnants. Nos ébats, absents. Il ne faut pas pousser pépé ! Même si, quand il se décide à passer à l’acte (ou, de son point de vue, à la casserole), Costas est un super amant. Il a compris le fonctionnement des femmes. Lui ne croit pas, contrairement à 90 % des hommes sur Terre (je précise que mes chiffres ne sortent d’aucune étude officielle, sinon expérientielle), que la pénétration vaginale sans stimulation clitoridienne produise des orgasmes féminins. En somme que, pour faire jouir une femme, il suffise de cogner du kiki.

Comme il a une libido proche de zéro, il me reproche de ne penser qu’au sexe. Sans le dire clairement, il me traite de nympho. Costas a toujours la migraine, la flémingite aigüe, le sexe irrité (admettez que c’est un comble, tout de même !).

J’ai tout essayé. Faire un striptease ? « Et après, tu te plains d’avoir froid ! » Enfiler des tenues sexy, combinaison résille ou body dentelle ? « Ben, pourquoi tu t’habilles comme ça ? » Pour le voisin, crétin ! Me déhancher sensuellement devant lui ? « Attention, poussin, tu caches l’écran, là ! »

Parce qu’il a beau être intelligent : Costas joue !

« Tu comprends, poussin, la console, ça me permet de m’évader, c’est mon petit monde à moi. »

Il y a toujours, dans la vie d’un homme, une passion accaparante : une voiture, une moto, une console, les courses, les matchs, le poker. Ces hobbies sont, dans la plupart des cas, prioritairement importants. Évidemment, nous, les femmes, qui ne pouvons pas comprendre, passons pour des empêcheuses de tourner en rond.

Ben oui, on les appelle quinze fois pour manger ou on les presse pour être à l’heure aux rendez-vous… Évidemment, c’est à ce moment-là, mais genre pile à ce moment-là, qu’ils se prennent quatre balles dans la tête et qu’ils échouent dans leur mission.

« Ben voilà, tu m’as fait perdre ! »

Bien sûr, c’est ma faute !

Dans mon couple, la PS4 est un tue-l’amour.

Invasion virtuelle vs évasion sexuelle.

J’ai essayé de m’y intéresser, essayé de comprendre ce truc important. Il était super content.

— Ah, c’est bien poussin, tu vas apprendre. Alors, tiens, prends la manette. La croix, c’est pour recharger, le bouton du dessus, c’est pour tirer. Tu vois, tu dois tuer les zombies. Dès que t’en vois un, tu appuies sur RT.

Quand un mec voit qu’on s’intéresse à sa super passion, il est content. Il se montre pédagogue, aux petits soins. On sent vraiment l’envie de transmettre.

Le hic, c’est qu’il voudrait qu’on soit déjà un partenaire de choc, genre au même niveau. Il explique une fois et après, allez hop, le grand saut ! On est censées, en une seule explication de cinq minutes, être le meilleur compagnon d’armes qui soit !

Vraiment, j’ai essayé. Mais j’étais lente, le jeu allait trop vite et même, j’avais peur. Je vivais trop l’action avec la gaucherie du novice et la pression de l’instructeur remettant sa vie entre les mains, justement, d’un débutant. J’avais l’impression que les zombies allaient sortir de l’écran. J’étais en sueur, mon cœur tambourinait et je sursautais à chaque apparition de monstre sanguinolant.

— Mais non, poussin, tire sur le zombie, pas sur moi !

J’essayais de rectifier le tir, mais j’avais beau tirer, les monstres s’attroupaient autour de moi, ils me dévoraient, déchiquetaient ma chair de personnage féminin bien gaulé (ben oui, parce que, évidemment, dans les jeux vidéo, les filles combattent en minishort en cuir et décolleté saillant). Je me sentais impuissante.

— Tu ne sers vraiment à rien !

Et voilà. Sympa !

— Bon, on va essayer autre chose.

Et on a essayé autre chose. Ça a foiré tout autant.

On fait quand même des trucs ensemble.

J’ai réussi à l’emmener voir une comédie musicale, moi qui suis fan du genre. Priscilla, folle du désert.

Pour Sarah, le fait qu’il ait accepté, sans rechigner, de voir cette comédie après avoir refusé de m’accompagner à deux précédents spectacles (Grease et Flashdance) serait le signe d’un penchant homosexuel.

Les suspicions de Sarah me sont montées à la tête. J’ai observé Costas pendant l’entracte et j’ai eu l’impression qu’il regardait un type au visage anguleux portant une queue de cheval. Autour de nous, il y avait beaucoup d’hommes du milieu LGBT venus, pour la plupart, en couple. Costas avait l’air bien, comme un poisson dans l’eau !

Non, non, non. S’il regardait ce type, c’est simplement parce que mon mec, encore une fois, est un esthète. Un mec canon, ça se regarde. Et puis, les hommes sont comme les femmes, ils se comparent, non ?

U+1F914 (Visage pensif).

Un soir, je décide de mettre le sujet du sexe clairement sur la table :

— Mon cœur, il faut qu’on parle.

— Encore ?

— Comment ça, encore ? On ne parle jamais, tu es toujours occupé !