Cinna ou la Clémence d'Auguste - Pierre Corneille - E-Book

Cinna ou la Clémence d'Auguste E-Book

Pierre Corneille

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Beschreibung

Auguste règne sur l'Empire romain depuis vingt ans. C'est un tyran, qui a obtenu son pouvoir au prix de massacres alors qu'il n'était encore qu'Octave, fils adoptif de César ; il est détesté de tout Rome, ce qui est à l'origine de sa lassitude de régner. Émilie, fille de Toranius, aspire à venger la mort de son père, tuteur d'Auguste. Cinna, petit-fils de Pompée, aime Émilie, est prêt à tout pour conquérir son coeur. Il trame alors contre Auguste, une conjuration dans laquelle il fait entrer les plus illustres républicains échappés aux proscriptions.

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Personnages

OCTAVE-CÉSAR AUGUSTE : empereur de Rome.

LIVIE : impératrice.

CINNA : fils d’une fille de Pompée, chef de la conjuration contre Auguste.

MAXIME : autre chef de la conjuration.

ÉMILIE : fille de C. Toranius, tuteur d’Auguste, et proscrit par lui durant le Triumvirat.

FULVIE : confidente d’Émilie.

POLYCLÈTE : affranchi d’Auguste.

ÉVANDRE : affranchi de Cinna.

EUPHORBE : affranchi de Maxime.

La scène est à Rome.

Sommaire

Personnages

Acte premier

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Acte II

Scène première

Scène II

Acte III

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Acte IV

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Acte V

Scène première

Scène II

Scène III

Acte premier

Scène première

ÉMILIE

Impatients désirs d’une illustre vengeance

Dont la mort de mon père a formé la naissance,

Enfants impétueux de mon ressentiment,

Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,

Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire

Durant quelques moments souffrez que je respire

Et que je considère, en l’état où je suis,

Et ce que je hasarde et ce que je poursuis.

Quand je regarde Auguste au milieu de sa gloire,

Et que vous reprochez à ma triste mémoire

Que, par sa propre main mon père massacré,

Du trône où je le vois, fait le premier degré ;

Quand vous me présentez cette sanglante image,

La cause de ma haine et l’effet de sa rage,

Je m’abandonne toute à vos ardents transports,

Et crois pour une mort lui devoir mille morts.

Au milieu toutefois d’une fureur si juste,

J’aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,

Et je sens refroidir ce bouillant mouvement

Quand il faut, pour le suivre, exposer mon amant.

Oui, Cinna, contre moi moi-même je m’irrite,

Quand je songe aux dangers où je te précipite.

Quoique pour me servir tu n’appréhendes rien,

Te demander du sang, c’est exposer le tien.

D’une si haute place on n’abat point de têtes

Sans attirer sur soi mille et mille tempêtes ;

L’issue en est douteuse et le péril certain :

Un ami déloyal peut trahir ton dessein ;

L’ordre mal concerté, l’occasion mal prise,

Peuvent sur son auteur renverser l’entreprise,

Tourner sur toi les coups dont tu le veux frapper,

Dans sa ruine même il peut t’envelopper,

Et, quoi qu’en ma faveur ton amour exécute,

Il te peut, en tombant, écraser sous sa chute.

Ah ! cesse de courir à ce mortel danger :

Te perdre en me vengeant, ce n’est pas me venger.

Un cœur est trop cruel quand il trouve des charmes

Aux douceurs que corrompt l’amertume des larmes,

Et l’on doit mettre au rang des plus cuisants malheurs

La mort d’un ennemi qui coûte tant de pleurs –

Mais peut-on en verser alors qu’on venge un père ?

Est-il perte à ce prix qui ne semble légère,

Et, quand son assassin tombe sous notre effort,

Doit-on considérer ce que coûte sa mort ?

Cessez, vaines frayeurs, cessez, lâches tendresses,

De jeter dans mon cœur vos indignes faiblesses ;

Et toi qui les produits par tes soins superflus,

Amour, sers mon devoir, et ne le combats plus.

Lui céder, c’est ta gloire, et le vaincre, ta honte ;

Montre-toi généreux, souffrant qu’il te surmonte ;

Plus tu lui donneras, plus il te va donner,

Et ne triomphera que pour te couronner.

Scène II

Émilie, Fulvie.

ÉMILIE

Je l’ai juré, Fulvie, et je le jure encore,

Quoique j’aime Cinna, quoi que mon cœur l’adore,

S’il me veut posséder, Auguste doit périr ;

Sa tête est le seul prix dont il peut m’acquérir ;

Je lui prescris la loi que mon devoir m’impose.

FULVIE

Elle a, pour la blâmer, une trop juste cause ;

Par un si grand dessein vous vous faites juger

Digne sang de celui que vous voulez venger ;

Mais encore une fois souffrez que je vous die

Qu’une si juste ardeur devrait être attiédie.

Auguste, chaque jour, à force de bienfaits,

Semble assez réparer les maux qu’il vous a faits ;

Sa faveur envers vous paraît si déclarée

Que vous êtes chez lui la plus considérée,

Et de ses courtisans souvent les plus heureux

Vous pressent à genoux de lui parler pour eux.

ÉMILIE

Toute cette faveur ne me rend pas mon père,

Et, de quelque façon que l’on me considère,

Abondante en richesse ou puissante en crédit,

Je demeure toujours la fille d’un proscrit.

Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses ;

D’une main odieuse, ils tiennent lieu d’offenses ;

Plus nous en prodiguons à qui nous peut haïr,

Plus d’armes nous donnons à qui nous veut trahir.

Il m’en fait, chaque jour, sans changer mon courage ;

Je suis ce que j’étais, et je puis davantage,

Et, des mêmes présents qu’il verse dans mes mains,

J’achète contre lui les esprits des Romains.

Je recevrais de lui la place de Livie

Comme un moyen plus sûr d’attenter à sa vie ;

Pour qui venge son père il n’est point de forfaits,

Et c’est vendre son sang que se rendre aux bienfaits.

FULVIE

Quel besoin toutefois de passer pour ingrate ?

Ne pouvez-vous haïr sans que la haine éclate ?

Assez d’autres sans vous n’ont pas mis en oubli

Par quelles cruautés son trône est établi ;

Tant de braves Romains, tant d’illustres victimes,

Qu’à son ambition ont immolés ses crimes,

Laissent à leurs enfants d’assez vives douleurs

Pour venger votre perte en vengeant leurs malheurs.

Beaucoup l’ont entrepris, mille autres vont les suivre :

Qui vit haï de tous ne saurait longtemps vivre ;

Remettez à leurs bras les communs intérêts,

Et n’aidez leurs desseins que par des vœux secrets.

ÉMILIE

Quoi ! je le haïrai sans tâcher de lui nuire ?

J’attendrai du hasard qu’il ose le détruire,

Et je satisferai des devoirs si pressants

Par une haine obscure et des vœux impuissants ?

Sa perte, que je veux, me deviendrait amère

Si quelqu’un l’immolait à d’autres qu’à mon père

Et tu verrais mes pleurs couler pour son trépas,

Qui, le faisant périr, ne me vengerait pas.

C’est une lâcheté que de remettre à d’autres

Les intérêts publics qui s’attachent aux nôtres.

Joignons à la douceur de venger nos parents

La gloire qu’on remporte à punir les tyrans,

Et faisons publier par toute l’Italie :

La liberté de Rome est l’œuvre d’Émilie ;

On a touché son âme, et son cœur s’est épris ;

Mais elle n’a donné son amour qu’à ce prix.

FULVIE

Votre amour à ce prix n’est qu’un présent funeste

Qui porte à votre amant sa perte manifeste.

Pensez mieux, Émilie, à quoi vous l’exposez,

Combien à cet écueil se sont déjà brisés ;

Ne vous aveuglez point quand sa mort est visible.

ÉMILIE

Ah ! tu sais me frapper par où je suis sensible !

Quand je songe aux dangers que je lui fais courir,

La crainte de sa mort me fait déjà mourir :

Mon esprit en désordre à soi-même s’oppose,

Je veux et ne veux pas, je m’emporte et je n’ose…

Et mon devoir, confus, languissant, étonné,

Cède aux rébellions de mon cœur mutiné.

Tout beau, ma passion, deviens un peu moins forte ;

Tu vois bien des hasards, ils sont grands, mais n’importe :

Cinna n’est pas perdu pour être hasardé.

De quelques légions qu’Auguste soit gardé,

Quelque soin qu’il se donne et quelque ordre qu’il tienne,

Qui méprise sa vie est maître de la sienne :

Plus le péril est grand, plus doux en est le fruit ;

La vertu nous y jette, et la gloire le suit.

Quoi qu’il en soit qu’Auguste ou que Cinna périsse,

Aux mânes paternels je dois ce sacrifice ;

Cinna me l’a promis en recevant ma foi,

Et ce coup seul aussi le rend digne de moi.

Il est tard après tout de m’en vouloir dédire :

Aujourd’hui l’on s’assemble, aujourd’hui l’on conspire

L’heure, le lieu, le bras se choisit aujourd’hui,

Et c’est à faire enfin à mourir après lui.

Scène III

Cinna, Émilie, Fulvie.

ÉMILIE

Mais le voici qui vient. Cinna, votre assemblée

Par l’effroi du péril n’est-elle point troublée,

Et reconnaissez-vous au front de vos amis

Qu’ils soient prêts à tenir ce qu’ils vous ont promis ?

CINNA

Jamais contre un tyran, entreprise conçue

Ne permit d’espérer une si belle issue ;

Jamais de telle ardeur on n’en jura la mort,

Et jamais conjurés ne furent mieux d’accord.

Tous s’y montrent portés avec tant d’allégresse

Qu’ils semblent, comme moi, servir une maîtresse,

Et tous font éclater un si puissant courroux

Qu’ils semblent tous venger un père, comme vous.

ÉMILIE

Je l’avais bien prévu, que pour un tel ouvrage

Cinna saurait choisir des hommes de courage,

Et ne remettrait pas en de mauvaises mains

L’intérêt d’Émilie et celui des Romains.

CINNA

Plût aux dieux que vous-même eussiez vu de quel zèle

Cette troupe entreprend une action si belle !

Au seul nom de César, d’Auguste et d’empereur,

Vous eussiez vu leurs yeux s’enflammer de fureur,

Et dans un même instant par un effet contraire

Leur front pâlir d’horreur, et rougir de colère.

« Amis, leur ai-je dit, voici le jour heureux