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RÉSUMÉ : "Cinna ou la Clémence d'Auguste" est une tragédie classique de Pierre Corneille, écrite en 1641. L'oeuvre se déroule à Rome, sous le règne de l'empereur Auguste, et explore les thèmes du pouvoir, de la vengeance et de la clémence. Le protagoniste, Cinna, est impliqué dans un complot visant à assassiner Auguste. Incité par Émilie, qui cherche à venger son père exécuté par Auguste, Cinna se retrouve tiraillé entre son devoir envers l'État et son amour pour Émilie. La pièce met en lumière les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les personnages, notamment Auguste, qui doit décider entre la répression et le pardon. Le dénouement surprenant voit Auguste choisir la clémence, un acte qui non seulement sauve les conspirateurs mais transforme également la perception du pouvoir impérial. À travers des dialogues poignants et une tension dramatique soutenue, Corneille interroge la nature du pouvoir et la possibilité de la rédemption. Cette oeuvre, emblématique du théâtre classique français, illustre la maîtrise de Corneille dans l'art de la tragédie, en combinant une intrigue complexe avec une réflexion profonde sur les vertus et les faiblesses humaines. L'AUTEUR : Pierre Corneille, né le 6 juin 1606 à Rouen et mort le 1er octobre 1684 à Paris, est l'un des dramaturges les plus éminents du XVIIe siècle français. Issu d'une famille de la bourgeoisie, il fait ses études chez les Jésuites avant de se tourner vers le droit. Cependant, sa passion pour le théâtre le conduit rapidement à l'écriture dramatique. Corneille débute sa carrière avec des comédies, mais c'est avec ses tragédies qu'il acquiert une renommée durable. "Le Cid" (1637) marque un tournant décisif dans sa carrière, suscitant admiration et controverses. Son oeuvre se caractérise par la rigueur de la construction dramatique et la profondeur psychologique des personnages. Outre "Cinna", il est également l'auteur de pièces célèbres telles que "Horace", "Polyeucte" et "Rodogune". Corneille est souvent considéré, avec Racine et Molière, comme l'un des piliers du théâtre classique français. Sa contribution à l'évolution de la tragédie classique, avec un accent sur les conflits intérieurs et les dilemmes moraux, a laissé une empreinte indélébile sur la littérature française.
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Seitenzahl: 75
Veröffentlichungsjahr: 2022
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OCTAVE-CÉSAR AUGUSTE : empereur de Rome.
LIVIE : impératrice.
CINNA : fils d’une fille de Pompée, chef de la conjuration contre Auguste.
MAXIME : autre chef de la conjuration.
ÉMILIE : fille de C. Toranius, tuteur d’Auguste, et proscrit par lui durant le Triumvirat.
FULVIE : confidente d’Émilie.
POLYCLÈTE : affranchi d’Auguste.
ÉVANDRE : affranchi de Cinna.
EUPHORBE : affranchi de Maxime.
La scène est à Rome.
Personnages
Acte premier
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Acte II
Scène première
Scène II
Acte III
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Acte IV
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Acte V
Scène première
Scène II
Scène III
ÉMILIE
Impatients désirs d’une illustre vengeance
Dont la mort de mon père a formé la naissance,
Enfants impétueux de mon ressentiment,
Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,
Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire
Durant quelques moments souffrez que je respire
Et que je considère, en l’état où je suis,
Et ce que je hasarde et ce que je poursuis.
Quand je regarde Auguste au milieu de sa gloire,
Et que vous reprochez à ma triste mémoire
Que, par sa propre main mon père massacré,
Du trône où je le vois, fait le premier degré ;
Quand vous me présentez cette sanglante image,
La cause de ma haine et l’effet de sa rage,
Je m’abandonne toute à vos ardents transports,
Et crois pour une mort lui devoir mille morts.
Au milieu toutefois d’une fureur si juste,
J’aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,
Et je sens refroidir ce bouillant mouvement
Quand il faut, pour le suivre, exposer mon amant.
Oui, Cinna, contre moi moi-même je m’irrite,
Quand je songe aux dangers où je te précipite.
Quoique pour me servir tu n’appréhendes rien,
Te demander du sang, c’est exposer le tien.
D’une si haute place on n’abat point de têtes
Sans attirer sur soi mille et mille tempêtes ;
L’issue en est douteuse et le péril certain :
Un ami déloyal peut trahir ton dessein ;
L’ordre mal concerté, l’occasion mal prise,
Peuvent sur son auteur renverser l’entreprise,
Tourner sur toi les coups dont tu le veux frapper,
Dans sa ruine même il peut t’envelopper,
Et, quoi qu’en ma faveur ton amour exécute,
Il te peut, en tombant, écraser sous sa chute.
Ah ! cesse de courir à ce mortel danger :
Te perdre en me vengeant, ce n’est pas me venger.
Un cœur est trop cruel quand il trouve des charmes
Aux douceurs que corrompt l’amertume des larmes,
Et l’on doit mettre au rang des plus cuisants malheurs
La mort d’un ennemi qui coûte tant de pleurs –
Mais peut-on en verser alors qu’on venge un père ?
Est-il perte à ce prix qui ne semble légère,
Et, quand son assassin tombe sous notre effort,
Doit-on considérer ce que coûte sa mort ?
Cessez, vaines frayeurs, cessez, lâches tendresses,
De jeter dans mon cœur vos indignes faiblesses ;
Et toi qui les produits par tes soins superflus,
Amour, sers mon devoir, et ne le combats plus.
Lui céder, c’est ta gloire, et le vaincre, ta honte ;
Montre-toi généreux, souffrant qu’il te surmonte ;
Plus tu lui donneras, plus il te va donner,
Et ne triomphera que pour te couronner.
Émilie, Fulvie.
ÉMILIE
Je l’ai juré, Fulvie, et je le jure encore,
Quoique j’aime Cinna, quoi que mon cœur l’adore,
S’il me veut posséder, Auguste doit périr ;
Sa tête est le seul prix dont il peut m’acquérir ;
Je lui prescris la loi que mon devoir m’impose.
FULVIE
Elle a, pour la blâmer, une trop juste cause ;
Par un si grand dessein vous vous faites juger
Digne sang de celui que vous voulez venger ;
Mais encore une fois souffrez que je vous die
Qu’une si juste ardeur devrait être attiédie.
Auguste, chaque jour, à force de bienfaits,
Semble assez réparer les maux qu’il vous a faits ;
Sa faveur envers vous paraît si déclarée
Que vous êtes chez lui la plus considérée,
Et de ses courtisans souvent les plus heureux
Vous pressent à genoux de lui parler pour eux.
ÉMILIE
Toute cette faveur ne me rend pas mon père,
Et, de quelque façon que l’on me considère,
Abondante en richesse ou puissante en crédit,
Je demeure toujours la fille d’un proscrit.
Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses ;
D’une main odieuse, ils tiennent lieu d’offenses ;
Plus nous en prodiguons à qui nous peut haïr,
Plus d’armes nous donnons à qui nous veut trahir.
Il m’en fait, chaque jour, sans changer mon courage ;
Je suis ce que j’étais, et je puis davantage,
Et, des mêmes présents qu’il verse dans mes mains,
J’achète contre lui les esprits des Romains.
Je recevrais de lui la place de Livie
Comme un moyen plus sûr d’attenter à sa vie ;
Pour qui venge son père il n’est point de forfaits,
Et c’est vendre son sang que se rendre aux bienfaits.
FULVIE
Quel besoin toutefois de passer pour ingrate ?
Ne pouvez-vous haïr sans que la haine éclate ?
Assez d’autres sans vous n’ont pas mis en oubli
Par quelles cruautés son trône est établi ;
Tant de braves Romains, tant d’illustres victimes,
Qu’à son ambition ont immolés ses crimes,
Laissent à leurs enfants d’assez vives douleurs
Pour venger votre perte en vengeant leurs malheurs.
Beaucoup l’ont entrepris, mille autres vont les suivre :
Qui vit haï de tous ne saurait longtemps vivre ;
Remettez à leurs bras les communs intérêts,
Et n’aidez leurs desseins que par des vœux secrets.
ÉMILIE
Quoi ! je le haïrai sans tâcher de lui nuire ?
J’attendrai du hasard qu’il ose le détruire,
Et je satisferai des devoirs si pressants
Par une haine obscure et des vœux impuissants ?
Sa perte, que je veux, me deviendrait amère
Si quelqu’un l’immolait à d’autres qu’à mon père
Et tu verrais mes pleurs couler pour son trépas,
Qui, le faisant périr, ne me vengerait pas.
C’est une lâcheté que de remettre à d’autres
Les intérêts publics qui s’attachent aux nôtres.
Joignons à la douceur de venger nos parents
La gloire qu’on remporte à punir les tyrans,
Et faisons publier par toute l’Italie :
La liberté de Rome est l’œuvre d’Émilie ;
On a touché son âme, et son cœur s’est épris ;
Mais elle n’a donné son amour qu’à ce prix.
FULVIE
Votre amour à ce prix n’est qu’un présent funeste
Qui porte à votre amant sa perte manifeste.
Pensez mieux, Émilie, à quoi vous l’exposez,
Combien à cet écueil se sont déjà brisés ;
Ne vous aveuglez point quand sa mort est visible.
ÉMILIE
Ah ! tu sais me frapper par où je suis sensible !
Quand je songe aux dangers que je lui fais courir,
La crainte de sa mort me fait déjà mourir :
Mon esprit en désordre à soi-même s’oppose,
Je veux et ne veux pas, je m’emporte et je n’ose…
Et mon devoir, confus, languissant, étonné,
Cède aux rébellions de mon cœur mutiné.
Tout beau, ma passion, deviens un peu moins forte ;
Tu vois bien des hasards, ils sont grands, mais n’importe :
Cinna n’est pas perdu pour être hasardé.
De quelques légions qu’Auguste soit gardé,
Quelque soin qu’il se donne et quelque ordre qu’il tienne,
Qui méprise sa vie est maître de la sienne :
Plus le péril est grand, plus doux en est le fruit ;
La vertu nous y jette, et la gloire le suit.
Quoi qu’il en soit qu’Auguste ou que Cinna périsse,
Aux mânes paternels je dois ce sacrifice ;
Cinna me l’a promis en recevant ma foi,
Et ce coup seul aussi le rend digne de moi.
Il est tard après tout de m’en vouloir dédire :
Aujourd’hui l’on s’assemble, aujourd’hui l’on conspire
L’heure, le lieu, le bras se choisit aujourd’hui,
Et c’est à faire enfin à mourir après lui.
Cinna, Émilie, Fulvie.
ÉMILIE
Mais le voici qui vient. Cinna, votre assemblée
Par l’effroi du péril n’est-elle point troublée,
Et reconnaissez-vous au front de vos amis
Qu’ils soient prêts à tenir ce qu’ils vous ont promis ?
CINNA
Jamais contre un tyran, entreprise conçue
Ne permit d’espérer une si belle issue ;
Jamais de telle ardeur on n’en jura la mort,
Et jamais conjurés ne furent mieux d’accord.
Tous s’y montrent portés avec tant d’allégresse
Qu’ils semblent, comme moi, servir une maîtresse,
Et tous font éclater un si puissant courroux
Qu’ils semblent tous venger un père, comme vous.
ÉMILIE
Je l’avais bien prévu, que pour un tel ouvrage
Cinna saurait choisir des hommes de courage,
Et ne remettrait pas en de mauvaises mains
L’intérêt d’Émilie et celui des Romains.
CINNA
Plût aux dieux que vous-même eussiez vu de quel zèle
Cette troupe entreprend une action si belle !
Au seul nom de César, d’Auguste et d’empereur,
Vous eussiez vu leurs yeux s’enflammer de fureur,
Et dans un même instant par un effet contraire
Leur front pâlir d’horreur, et rougir de colère.
« Amis, leur ai-je dit, voici le jour heureux