Le Cid - Pierre Corneille - E-Book

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Pierre Corneille

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Beschreibung

Le Cid est une tragédie écrite par Pierre Corneille en 1636. Il raconte l'histoire de Rodrigue, surnommé Le Cid, qui tombe amoureux de Chimène, la fille du gouverneur de Castille, alors qu'il est promis à une autre femme. Quand son père est injustement accusé d'un crime et tué par le gouverneur, Rodrigue est contraint de prendre les armes contre lui. Il remporte une victoire éclatante, mais doit affronter les conséquences de ses actions lorsque Chimène demande justice pour la mort de son père. Le Cid est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature française et est souvent étudié en classe de littérature. Il est apprécié pour sa complexité psychologique, sa richesse linguistique et sa vision romantique de l'honneur et de l'amour.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Pierre Corneille (1606-1684) est un écrivain français considéré comme l'un des plus grands auteurs de théâtre du XVIIe siècle. Il est surtout connu pour ses tragédies telles que " Le Cid" (1637) et " Horace" (1640) qui l'ont établi comme l'un des principaux auteurs de son époque. Il était également un poète talentueux et ses pièces sont remarquables pour leur langage poétique et leurs personnages complexes. Les pièces de Corneille ont eu une grande influence sur le développement de la tragédie classique française et son impact se ressent dans les œuvres de nombreux auteurs ultérieurs. Malgré les critiques et les controverses tout au long de sa carrière, les pièces de Corneille restent populaires et sont encore jouées aujourd'hui.

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Le Cid

Pierre Corneille

– 1636 –

 

 

ACTE I

 

Scène première

Chimène, Elvire

Chimène

Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ?Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ?

Elvire

Tous mes sens à moi-même en sont encor charmés :Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez,Et si je ne m’abuse à lire dans son âme,Il vous commandera de répondre à sa flamme.

Chimène

Dis-moi donc, je te prie, une seconde foisCe qui te fait juger qu’il approuve mon choix :Apprends-moi de nouveau quel espoir j’en dois prendre ;Un si charmant discours ne se peut trop entendre ;Tu ne peux trop promettre aux feux de notre amourLa douce liberté de se montrer au jour.Que t’a-t-il répondu sur la secrète brigueQue font auprès de toi don Sanche et don Rodrigue ?N’as-tu point trop fait voir quelle inégalitéEntre ces deux amants me penche d’un côté ?

Elvire

Non ; j’ai peint votre cœur dans une indifférenceQui n’enfle d’aucun d’eux ni détruit l’espérance,Et sans les voir d’un œil trop sévère ou trop doux,Attend l’ordre d’un père à choisir un époux.Ce respect l’a ravi, sa bouche et son visageM’en ont donné sur l’heure un digne témoignage,Et puisqu’il vous en faut encor faire un récit,Voici d’eux et de vous ce qu’en hâte il m’a dit :« Elle est dans le devoir ; tous deux sont dignes d’elle,Tous deux formés d’un sang noble, vaillant, fidèle,Jeunes, mais qui font lire aisément dans leurs yeuxL’éclatante vertu de leurs braves aïeux.Don Rodrigue surtout n’a trait en son visageQui d’un homme de cœur ne soit la haute image,Et sort d’une maison si féconde en guerriers,Qu’ils y prennent naissance au milieu des lauriers.La valeur de son père, en son temps sans pareille,Tant qu’a duré sa force, a passé pour merveille ;Ses rides sur son front ont gravé ses exploits,Et nous disent encor ce qu’il fut autrefois.Je me promets du fils ce que j’ai vu du père ;Et ma fille, en un mot, peut l’aimer et me plaire. »Il allait au conseil, dont l’heure qui pressaitA tranché ce discours qu’à peine il commençait ;Mais à ce peu de mots je crois que sa penséeEntre vos deux amants n’est pas fort balancée.Le roi doit à son fils élire un gouverneur,Et c’est lui que regarde un tel degré d’honneur :Ce choix n’est pas douteux, et sa rare vaillanceNe peut souffrir qu’on craigne aucune concurrence.Comme ses hauts exploits le rendent sans égal,Dans un espoir si juste il sera sans rival ;

Et puisque don Rodrigue a résolu son pèreAu sortir du conseil à proposer l’affaire,Je vous laisse à juger s’il prendra bien son temps,Et si tous vos désirs seront bientôt contents.

Chimène

Il semble toutefois que mon âme troubléeRefuse cette joie, et s’en trouve accablée :Un moment donne au sort des visages divers,Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers.

Elvire

Vous verrez cette crainte heureusement déçue.

Chimène

Allons, quoi qu’il en soit, en attendre l’issue.

 

Scène II

L’Infante, Léonor, Page

L’Infante

Page, allez avertir Chimène de ma partQu’aujourd’hui pour me voir elle attend un peu tard,Et que mon amitié se plaint de sa paresse.

(Le page rentre)

Léonor

Madame, chaque jour même désir vous presse ;Et dans son entretien je vous vois chaque jourDemander en quel point se trouve son amour.

L’Infante

Ce n’est pas sans sujet : je l’ai presque forcéeÀ recevoir les traits dont son âme est blessée.

Elle aime don Rodrigue, et le tient de ma main,Et par moi don Rodrigue a vaincu son dédain :Ainsi de ces amants ayant formé les chaînes,Je dois prendre intérêt à voir finir leurs peines.

Léonor

Madame, toutefois parmi leurs bons succèsVous montrez un chagrin qui va jusqu’à l’excès.Cet amour, qui tous deux les comble d’allégresse,Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse,Et ce grand intérêt que vous prenez pour euxVous rend-il malheureuse alors qu’ils sont heureux ?Mais je vais trop avant, et deviens indiscrète.

L’Infante

Ma tristesse redouble à la tenir secrète.Écoute, écoute enfin comme j’ai combattu,Écoute quels assauts brave encor ma vertu.L’amour est un tyran qui n’épargne personne :Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,Je l’aime.

Léonor

Je l’aime. Vous l’aimez !

L’Infante

Je l’aime. Vous l’aimez ! Mets la main sur mon cœur,Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur,Comme il le reconnaît.

Léonor

Comme il se reconnaît. Pardonnez-moi, Madame,Si je sors du respect pour blâmer cette flamme.Une grande princesse à ce point s’oublierQue d’admettre en son cœur un simple cavalier !

Et que dirait le roi ? que dirait la Castille ?Vous souvient-il encor de qui vous êtes fille ?

L’Infante

Il m’en souvient si bien que j’épandrai mon sangAvant que je m’abaisse à démentir mon rang.Je te répondrais bien que dans les belles âmesLe seul mérite a droit de produire des flammes ;Et si ma passion cherchait à s’excuser,Mille exemples fameux pourraient l’autoriser ;Mais je n’en veux point suivre où ma gloire s’engage ;La surprise des sens n’abat point mon courage ;Et je me dis toujours qu’étant fille de roi,Tout autre qu’un monarque est indigne de moi.Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre,Moi-même je donnai ce que je n’osais prendre.Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens.Ne t’étonne donc plus si mon âme gênéeAvec impatience attend leur hyménée :Tu vois que mon repos en dépend aujourd’hui.Si l’amour vit d’espoir, il périt avec lui :C’est un feu qui s’éteint, faute de nourriture ;Et malgré la rigueur de ma triste aventure,Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari,Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.Je souffre cependant un tourment incroyable :Jusques à cet hymen Rodrigue m’est aimable ;Je travaille à le perdre, et le perds à regret ;Et de là prend son cours mon déplaisir secret.Je vois avec chagrin que l’amour me contraigneÀ pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ;Je sens en deux partis mon esprit divisé :

Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé ;Cet hymen m’est fatal, je le crains et souhaite :Je n’ose en espérer qu’une joie imparfaite.Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d’appas,Que je meurs s’il s’achève ou ne s’achève pas.

Léonor

Madame, après cela je n’ai rien à vous dire,Sinon que de vos maux avec vous je soupire :Je vous blâmais tantôt, je vous plains à présent ;Mais puisque dans un mal si doux et si cuisantVotre vertu combat et son charme et sa force,En repousse l’assaut, en rejette l’amorce,Elle rendra le calme à vos esprits flottants.Espérez donc tout d’elle, et du secours du temps ;Espérez tout du ciel ; il a trop de justicePour laisser la vertu dans un si long supplice.

L’Infante

Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir.

Le page

Par vos commandements Chimène vous vient voir.

L’Infante, à Léonor

Allez l’entretenir en cette galerie.

Léonor

Voulez-vous demeurer dedans la rêverie ?

L’Infante

Non, je veux seulement, malgré mon déplaisir,Remettre mon visage un peu plus à loisir.Je vous suis. Je vous suis. Juste ciel, d’où j’attends mon remède,

Mets enfin quelque borne au mal qui me possède :Assure mon repos, assure mon honneur.Dans le bonheur d’autrui je cherche mon bonheur :Cet hyménée à trois également importe ;Rends son effet plus prompt, ou mon âme plus forte.D’un lien conjugal joindre ces deux amants,C’est briser tous mes fers et finir mes tourments.Mais je tarde un peu trop : allons trouver Chimène,Et par son entretien soulager notre peine.

 

Scène III

Le Comte, Don Diègue

Le Comte

Enfin vous l’emportez, et la faveur du roiVous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi :Il vous fait gouverneur du prince de Castille.

Don Diègue

Cette marque d’honneur qu’il met dans ma familleMontre à tous qu’il est juste, et fait connaître assezQu’il sait récompenser les services passés.

Le Comte

Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ;Et ce choix sert de preuve à tous les courtisansQu’ils savent mal payer les services présents.

Don Diègue

Ne parlons plus d’un choix dont votre esprit s’irrite :La faveur l’a pu faire autant que le mérite ;Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,De n’examiner rien quand un roi l’a voulu.

À l’honneur qu’il m’a fait ajoutez-en un autre ;Joignons d’un sacré nœud ma maison à la vôtre :Vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils ;Leur hymen nous peut rendre à jamais plus qu’amis :Faites-nous cette grâce, et l’acceptez pour gendre.

Le Comte

À des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre ;Et le nouvel éclat de votre dignitéLui doit enfler le cœur d’une autre vanité.Exercez-la, Monsieur, et gouvernez le prince :Montrez-lui comme il faut régir une province,Faire trembler partout les peuples sous sa loi,Remplir les bons d’amour, et les méchants d’effroi.Joignez à ces vertus celles d’un capitaine :Montrez-lui comme il faut s’endurcir à la peine,Dans le métier de Mars se rendre sans égal,Passer les jours entiers et les nuits à cheval,Reposer tout armé, forcer une muraille,Et ne devoir qu’à soi le gain d’une bataille.Instruisez-le d’exemple, et rendez-le parfait,Expliquant à ses yeux vos leçons par l’effet.

Don Diègue

Pour s’instruire d’exemple, en dépit de l’envie,Il lira seulement l’histoire de ma vie.Là, dans un long tissu de belles actions,Il verra comme il faut dompter des nations,Attaquer une place, ordonner une armée,Et sur de grands exploits bâtir sa renommée.

Le Comte

Les exemples vivants sont d’un autre pouvoir ;