La suivante - Pierre Corneille - E-Book

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Pierre Corneille

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  • Herausgeber: WS
  • Kategorie: Poesie und Drama
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

La suivante was written in the year 1634 by Pierre Corneille. This book is one of the most popular novels of Pierre Corneille, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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La suivante

Pierre Corneille

Booklassic 2015 ISBN 978-963-525-960-1

Adresse

 

À Monsieur***

MONSIEUR,

Je vous présente une comédie qui n’a pas été également aimée de toutes sortes d’esprits ; beaucoup, et de fort bons, n’en ont pas fait grand état, et beaucoup d’autres l’ont mise au-dessus du reste des miennes. Pour moi, je laisse dire tout le monde, et fais mon profit des bons avis, de quelque part que je les reçoive. Je traite toujours mon sujet le moins mal qu’il m’est possible, et après y avoir corrigé ce qu’on m’y fait connaître d’inexcusable, je l’abandonne au public. Si je ne fais bien, qu’un autre fasse mieux ; je ferai des vers à sa louange, au lieu de le censurer. Chacun a sa méthode ; je ne blâme point celle des autres, et me tiens à la mienne : jusques à présent je m’en suis trouvé fort bien ; j’en chercherai une meilleure quand je commencerai à m’en trouver mal. Ceux qui se font presser à la représentation de mes ouvrages m’obligent infiniment ; ceux qui ne les approuvent pas peuvent se dispenser d’y venir gagner la migraine ; ils épargneront de l’argent, et me feront plaisir. Les jugements sont libres en ces matières, et les goûts divers. J’ai vu des personnes de fort bon sens admirer des endroits sur qui j’aurais passé l’éponge, et j’en connais dont les poèmes réussissent au théâtre avec éclat, et qui pour principaux ornements y emploient des choses que j’évite dans les miens. Ils pensent avoir raison, et moi aussi : qui d’eux ou de moi se trompe, c’est ce qui n’est pas aisé à juger. Chez les philosophes, tout ce qui n’est point de la foi ni des principes est disputable : et souvent ils soutiendront, à votre choix, le pour et le contre d’une même proposition : marques certaines de l’excellence de l’esprit humain, qui trouve des raisons à défendre tout ; ou plutôt de sa faiblesse, qui n’en peut trouver de convaincantes, ni qui ne puissent être combattues et détruites par de contraires. Ainsi ce n’est pas merveille si les critiques donnent de mauvaises interprétations à nos vers, et de mauvaises faces à nos personnages. « Qu’on me donne, dit M. de Montaigne, au chapitre XXXVI du premier livre, l’action la plus excellente et pure, je m’en vais y fournir vraisemblablement cinquante vicieuses intentions. » C’est au lecteur désintéressé à prendre la médaille par le beau revers. Comme il nous a quelque obligation d’avoir travaillé à le divertir, j’ose dire que pour reconnaissance il nous doit un peu de faveur, et qu’il commet une espèce d’ingratitude, s’il ne se montre plus ingénieux à nous défendre qu’à nous condamner, et s’il n’applique la subtilité de son esprit plutôt à colorer et justifier en quelque sorte nos véritables défauts, qu’à en trouver où il n’y en a point. Nous pardonnons beaucoup de choses aux anciens ; nous admirons quelquefois dans leurs écrits ce que nous ne souffririons pas dans les nôtres ; nous faisons des mystères de leurs imperfections, et couvrons leurs fautes du nom de licences poétiques. Le docte Scaliger a remarqué des taches dans tous les latins, et de moins savants que lui en remarqueraient bien dans les grecs, et dans son Virgile même, à qui il dresse des autels sur le mépris des autres. Je vous laisse donc à penser si notre présomption ne serait pas ridicule, de prétendre qu’une exacte censure ne pût mordre sur nos ouvrages, puisque ceux de ces grands génies de l’antiquité ne se peuvent pas soutenir contre un rigoureux examen. Je ne me suis jamais imaginé avoir mis rien au jour de parfait, je n’espère pas même y pouvoir jamais arriver ; je fais néanmoins mon possible pour en approcher, et les plus beaux succès des autres ne produisent en moi qu’une vertueuse émulation, qui me fait redoubler mes efforts afin d’en avoir de pareils :

Je vois d’un œil égal croître le nom d’autrui,

Et tâche à m’élever aussi haut comme lui,

Sans hasarder ma peine à le faire descendre.

La gloire a des trésors qu’on ne peut épuiser :

Et plus elle en prodigue à nous favoriser,

Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre.

Pour venir à cette Suivante que je vous dédie, elle est d’un genre qui demande plutôt un style naïf que pompeux. Les fourbes et les intrigues sont principalement du jeu de la comédie ; les passions n’y entrent que par accident. Les règles des anciens sont assez religieusement observées en celle-ci. Il n’y a qu’une action principale à qui toutes les autres aboutissent ; son lieu n’a point plus d’étendue que celle du théâtre, et le temps n’en est point plus long que celui de la représentation, si vous en exceptez l’heure du dîner, qui se passe entre le premier et le second acte. La liaison même des scènes, qui n’est qu’un embellissement, et non pas un précepte, y est gardée ; et si vous prenez la peine de compter les vers, vous n’en trouverez pas en un acte plus qu’en l’autre. Ce n’est pas que je me sois assujetti depuis aux mêmes rigueurs. J’aime à suivre les règles ; mais, loin de me rendre leur esclave, je les élargis et resserre selon le besoin qu’en a mon sujet, et je romps même sans scrupule celle qui regarde la durée de l’action, quand sa sévérité me semble absolument incompatible avec les beautés des événements que je décris. Savoir les règles, et entendre le secret de les apprivoiser adroitement avec notre théâtre, ce sont deux sciences bien différentes ; et peut-être que pour faire maintenant réussir une pièce, ce n’est pas assez d’avoir étudié dans les livres d’Aristote et d’Horace. J’espère un jour traiter ces matières plus à fond, et montrer de quelle espèce est la vraisemblance qu’ont suivie ces grands maîtres des autres siècles, en faisant parler des bêtes et des choses qui n’ont point de corps. Cependant mon avis est celui de Térence : puisque nous faisons des poèmes pour être représentés, notre premier but doit être de plaire à la cour et au peuple, et d’attirer un grand monde à leurs représentations. Il faut, s’il se peut, y ajouter les règles, afin de ne déplaire pas aux savants, et recevoir un applaudissement universel ; mais surtout gagnons la voix publique ; autrement, notre pièce aura beau être régulière, si elle est sifflée au théâtre, les savants n’oseront se déclarer en notre faveur, et aimeront mieux dire que nous aurons mal entendu les règles, que de nous donner des louanges quand nous serons décriés par le consentement général de ceux qui ne voient la comédie que pour se divertir.

Je suis, MONSIEUR, votre très humble serviteur,

CORNEILLE.

Examen

 

Je ne dirai pas grand mal de celle-ci, que je tiens assez régulière, bien qu’elle ne soit pas sans taches. Le style en est plus faible que celui des autres. L’amour de Géraste pour Florise n’est point marqué dans le premier acte, et ainsi la protase comprend la première scène du second, où il se présente avec sa confidente Célie, sans qu’on les connaisse ni l’un ni l’autre. Cela ne serait pas vicieux s’il ne s’y présentait que comme père de Daphnis, et qu’il ne s’expliquât que sur les intérêts de sa fille ; mais il en a de si notables pour lui, qu’ils font le nœud et le dénouement. Ainsi c’est un défaut, selon moi, qu’on ne le connaisse pas dès ce premier acte. Il pourrait être encore souffert, comme Célidan dans la Veuve, si Florame l’allait voir pour le faire consentir à son mariage avec sa fille, et que par occasion il lui proposât celui de sa sœur pour lui-même ; car alors ce serait Florame qui l’introduirait dans la pièce, et il y serait appelé par un acteur agissant dès le commencement. Clarimond, qui ne paraît qu’au troisième, est insinué dès le premier, où Daphnis parle de l’amour qu’il a pour elle, et avoue qu’elle ne le dédaignerait pas s’il ressemblait à Florame. Ce même Clarimond fait venir son oncle Polémon au cinquième ; et ces deux acteurs ainsi sont exempts du défaut que je remarque en Géraste. L’entretien de Daphnis, au troisième, avec cet amant dédaigné, a une affectation assez dangereuse, de ne dire que chacun un vers à la fois ; cela sort tout à fait du vraisemblable, puisque naturellement on ne peut être si mesuré en ce qu’on s’entredit. Les exemples d’Euripide et de Sénèque pourraient autoriser cette affectation, qu’ils pratiquent si souvent, et même par discours généraux, qu’il semble que leurs acteurs ne viennent quelquefois sur la scène que pour s’y battre à coups de sentences : mais c’est une beauté qu’il ne leur faut pas envier. Elle est trop fardée pour donner un amour raisonnable à ceux qui ont de bons yeux, et ne prend pas assez de soin de cacher l’artifice de ses parures, comme l’ordonne Aristote.

Géraste n’agit pas mal en vieillard amoureux, puisqu’il ne traite l’amour que par tierce personne, qu’il ne prétend être considérable que par son bien, et qu’il ne se produit point aux yeux de sa maîtresse, de peur de lui donner du dégoût par sa présence. On peut douter s’il ne sort point du caractère des vieillards, en ce qu’étant naturellement avares, ils considèrent le bien plus que toute autre chose dans les mariages de leurs enfants, et que celui-ci donne assez libéralement sa fille à Florame, malgré son peu de fortune, pourvu qu’il en obtienne sa sœur. En cela, j’ai suivi la peinture que fait Quintilien d’un vieux mari qui a épousé une jeune femme, et n’ai point de scrupule de l’appliquer à un vieillard qui se veut marier. Les termes en sont si beaux, que je n’ose les gâter par ma traduction : Genus infirmissimae servitutis est senex maritus, et flagrantius uxoriœ charitatis ardorem frigidis concipimus affectibus. C’est sur ces deux lignes que je me suis cru bien fondé à faire dire de ce bonhomme que,

… s’il pouvait donner trois Daphnis pour Florise,

Il la tiendrait encore heureusement acquise.