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Beschreibung

Développements jurisprudentiels récents dans le droit belge en matière de bail de droit commun et de bail de résidence principale

L’objectif est de faire le point sur la jurisprudence récente en matière de bail de droit commun et de bail de résidence principale, en prenant comme point de départ les arrêts récents de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle prononcés en la matière.
De quelques délais emblématiques du contrat de vente
L’exposé porte l’attention du praticien sur quelques délais déterminants dans le régime du contrat de vente, à savoir les délais applicables en matière de nullité/rescision, le « bref délai » consacré par l’article 1648 du Code civil et applicable à la garantie des vices cachés dite de droit commun, ainsi que ceux qui sont liés à la mise en œuvre de la garantie des biens de consommation prévue aux articles 1649bis à 1649octies du même Code.

Incidences de la réception-agréation dans le contrat d’entreprise sur la charge de la preuve et les responsabilités

La réception-agréation est un acte juridique charnière dans l’exécution d’un contrat d’entreprise. Elle détermine la charge de la preuve et le régime des responsabilités applicables avant et après elle. Il en est ainsi dans toutes les hypothèses de réception qu’elle soit unique ou par étapes, qu’elle porte sur un ouvrage simple ou complexe, qu’elle concerne un ou plusieurs intervenants …

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Veröffentlichungsjahr: 2015

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CONTRATS SPÉCIAUX

Bernard DE COCQUÉAU Catherine DELFORGE André DELVAUX Mathieu HIGNY Yannick NINANE Marie-Pierre NOËL

© 2013, Anthemis s.a. Place Albert I, 9, B-1300 Limal Tél. 32 (0)10 42 02 90 - [email protected] - www.anthemis.be

Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit, réservées pour tous pays.

Dépôt légal : D/2013/10.622/57 ISBN : 978-2-87455-787-3

Mise en page : Michel Raj ePub : ebookme

Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Sommaire

Développements jurisprudentiels récents en bail de droit commun et en bail de résidence principale

Mathieu HIGNY

De quelques délais emblématiques du contrat de vente

Catherine DELFORGE, Yannick NINANE et Marie-Pierre NOËL

Incidences de la réception-agréation dans le contrat d’entreprise sur la charge de la preuve et les responsabilités

Bernard DE COCQUÉAU et André DELVAUX

Table des matières

Développements jurisprudentiels récents en bail de droit commun et en bail de résidence principale

Mathieu HIGNY

Avocat au barreau de Bruxelles Collaborateur scientifique au Centre de droit privé de l’Université catholique de Louvain

Introduction

1. Un contrat multiforme. Le contrat de bail peut prendre plusieurs formes. Il existe le bail commercial gouverné par la loi du 30 avril 19511, le bail à ferme soumis à la loi du 4 novembre 19692, le bail de résidence principale régi par la loi du 20 février 19913. Tous présentent une caractéristique commune : ils constituent des « espèces particulières »4 du « bail à loyer »5, plus précisément du « louage de maisons »6, que l’on qualifie volontiers de bail (immobilier) de droit commun. Celui-ci est, pour sa part, organisé par des dispositions générales visées aux articles 1714 à 1762bis du Code civil, que les législations précitées complètent ou remplacent sur divers aspects.

2. Objet de la présente contribution. Depuis quelques années, nous concentrons notre activité de recherche scientifique sur le bail (immobilier) de droit commun7, avec un crochet par le bail de résidence principale8. Cette contribution se limitera donc volontairement et arbitrairement à ces deux sujets, avec un accent mis sur le premier. Dans ce cadre, nous proposons de faire état de la jurisprudence récente en la matière, en prenant comme point de départ certains arrêts récents de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle les concernant.

_______________

1M.B., 10 mai 1951.

2M.B., 25 novembre 1969.

3M.B., 22 février 1991.

4 Article 1711 du Code civil.

5Ibid.

6Ibid.

7 M. HIGNY, Le bail de droit commun, Guide juridique de l’entreprise, Traité théorique et pratique, 2e éd., Titre III, Liv. 33bis, 2011 ; M. HIGNY, « La déficience des installations électriques en droit du bail », R.G.D.C., 2012, pp. 45 à 56, note sous Cass., 25 mars 2010 ; M. HIGNY, « La délivrance du bien loué en droit commun du bail immobilier », J.T., 2012, pp. 641 à 643, obs. sous Cass., 21 novembre 2011.

8 M. HIGNY et M. DE SMEDT, « Le bail de résidence principale : modifications législatives et jurisprudence récentes », in B. KOHL (éd.), Le bail et le leasing immobilier, Coll. Commission Université-Palais, vol. 112, Liège, Anthemis, 2009, pp. 69 à 244.

Chapitre 1

La délivrance des lieux loués9

3. Arrêt du 21 novembre 2011 de la Cour de cassation10. « En vertu de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée, 2° d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et 3° d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Conformément à l’article 1720 de ce Code, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il suit de ces dispositions que, lorsque le bail porte sur un bien spécialement destiné à une exploitation déterminée et aménagé en vue de celle-ci, le bailleur doit, sauf convention contraire, délivrer le bien en un état qui rende cette exploitation possible, compte tenu des prescriptions administratives applicables lors de la conclusion du bail, et, sous réserve d’une modification postérieure de celles-ci, maintenir le bien dans cet état pendant la durée du bail ».

Section 1L’article 1719, 1°, du Code civil

4. La première obligation du bailleur. D’après l’article 1719, 1°, du Code civil, « le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° de délivrer au preneur la chose louée ». La délivrance est un acte purement matériel qui représente « la mise de la chose louée à la disposition du preneur »11 et peut se manifester de diverses façons (par la remise des clés, la communication des codes d’accès, etc.).

La Cour de cassation parle d’une obligation essentielle dans le chef du bailleur12. C’est même son premier devoir13. En raison de cette caractéristique, le président du Tribunal de première instance de Bruxelles14 a ordonné, par décision prononcée sur requête unilatérale basée sur l’article 584, alinéa 3, du Code judiciaire et introduite par la tutrice d’un mineur auquel un bailleur empêchait d’accéder à son appartement, la remise des clés et la délivrance dudit appartement à compter de l’entrée en vigueur du bail intervenant quelques jours plus tard, le tout sous peine d’astreinte.

Il en résulte également que sa méconnaissance peut justifier la résolution du contrat aux torts de son débiteur sur pied de l’article 1184 du Code civil15.

5. L’objet de la délivrance. La délivrance doit porter sur l’immeuble décrit dans le contrat. Il a été jugé que, « pour fixer l’étendue des lieux loués, il convient de s’en référer à la convention de bail ; qu’en effet, celle-ci est la loi des parties (article 1134 du Code civil) »16. Si elle se réfère à une maison avec garage, ce dernier doit également être remis au preneur17.

Par un arrêt du 10 septembre 196518 et un arrêt du 27 février 196819, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que les accessoires du bien loué doivent être mis à la disposition du locataire20. Dans le premier arrêt, elle indique que cela vaut même si rien n’est prévu à leur sujet dans le bail, ce dernier les comportant « sans stipulation particulière ». Dans le second arrêt, elle fait valoir que « [l]’obligation de délivrer la chose louée, incombant au bailleur, s’étend aux accessoires de cette chose couverts par le loyer, soit aux commodités immobilières ». Mais que sont les accessoires ? Y. Merchiers les désigne comme étant « les droits nécessaires à la pleine et entière jouissance de la chose en raison de sa nature même »21. Pour les Pandectes, ce sont des éléments que « le locataire y a vu. L’eau est évidemment un accessoire de la maison, et le locataire a pu en considérer l’usage comme faisant partie du prix de la location »22. Terminons en signalant qu’un objet ne pourra constituer un accessoire que s’il est « couvert par le loyer », s’il fait « partie du prix de la location ». En cas de contestation ne pouvant trouver sa solution dans les dispositions contractuelles, elle devra être tranchée en se fondant sur le montant du loyer. Pour qu’un élément puisse valablement être retenu comme un accessoire (p. ex., un garage), il faut que le loyer soit suffisant pour le couvrir avec le principal (p. ex., une maison).

Section 2L’article 1720, alinéa 1er, du Code civil

6. Les réparations de toute espèce. L’obligation de délivrance qui incombe au bailleur est plus large que le simple fait de devoir remettre le bien à son cocontractant. L’article 1720, alinéa 1er, du Code civil le contraint également à le lui livrer « en bon état de réparations de toute espèce ». Toutes les réparations sont visées par cette disposition23. On peut donner comme exemple « le rafraîchissement des papiers peints et peintures, la bonne fermeture des portes et fenêtres, le bon état des canalisations d’eau, de gaz, d’électricité, le bon fonctionnement du chauffage, etc. »24. Cependant, il faut rester dans les limites du raisonnable ; la détermination de l’étendue des réparations dépendra de l’état du bien, de son ancienneté, de son caractère plus ou moins luxueux, en d’autres termes, de sa situation factuelle.

La jurisprudence recèle plusieurs cas de manquement du bailleur à l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil. C’est ainsi qu’il a été décidé qu’« en ne délivrant pas la chose en bon état de réparation de toute espèce, c’est-à-dire en n’ayant pas muni le tuyau d’une crapaudine alors que la plateforme était accessible par d’autres locataires (et que le tuyau d’évacuation des eaux de cette toiture était obstrué par une boîte de “Coca-Cola” vide), le bailleur a manqué à l’obligation de délivrance et de jouissance paisible des articles 1719 et 1720 du Code civil »25. De même, « le bailleur qui ne peut justifier d’aucun entretien de l’appareil (un chauffe-eau) depuis son placement ne prouve pas la bonne exécution de son obligation de délivrance »26.

Normalement, le bailleur doit spontanément veiller au respect de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil. Le preneur peut naturellement prendre l’initiative et lui réclamer la réalisation de toutes les réparations qu’il estimerait nécessaires pour occuper l’immeuble27. Si le bailleur refuse de s’exécuter, il pourra se prévaloir des remèdes du droit commun28. Il veillera toutefois à agir avec diligence : « le preneur qui intente tardivement une action pour obtenir des réparations alors qu’il s’est abstenu de faire des mises en demeure pendant 20 ans, a aggravé par son inaction prolongée l’état de l’immeuble, a renoncé implicitement à demander ces réparations et commet un abus de droit en tentant de profiter d’un loyer peu élevé et après que celui-ci ait été fixé en réclamant d’importants travaux de rénovation »29.

7. La mise en conformité des lieux loués. Il se peut que, lors de la conclusion du bail, le bien loué ne soit pas conforme aux normes qui sont en vigueur à ce moment et qui s’appliquent à lui, rendant alors son exploitation impossible, voire extrêmement onéreuse, eu égard aux travaux de mise en conformité requis. En vertu de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil, le locataire peut-il exiger du bailleur que le bien lui soit délivré après sa mise en conformité ou mettre en cause sa responsabilité si l’on constate en cours de bail que le bien était affecté d’un défaut de conformité auxdites normes ?

Cette question n’a pas manqué de retenir l’attention des auteurs et des juges du fond. Dans un jugement du 18 janvier 2008, le Tribunal de première instance de Bruxelles l’a résumée en ces termes : « prévoyant la possibilité première (mais susceptible de modification) d’une occupation aux fins de “night-shop”, ce bail suscite-t-il pour le bailleur l’obligation de délivrer un bien permettant concrètement une telle exploitation, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle ? Il n’existe pas de réponse générale à la question de la portée sur les obligations des parties d’une clause d’affectation du bien. En effet, l’affectation précisée dans un contrat peut répondre à une exigence du bailleur ou, au contraire, répondre au choix du locataire que le bailleur se limite à accepter et à figer pour ne pas donner au locataire la liberté de choix ultérieur ou pour limiter cette liberté par un contrôle lui réservant la possibilité de refuser un autre choix, éventuellement en étant redevable de justifier son refus ; selon le cas, et en fonction également des caractéristiques du bien loué et des compétences des parties, la réponse à la question posée varie »30. Lorsque les parties ont omis d’apporter une réponse à cette question, on peut noter une certaine tendance dans le chef des juges du fond à contraindre le bailleur à « rendre possible la destination contractuelle du bien loué en prenant en considération les réglementations administratives en vigueur »31, à délivrer le bien « en état d’être utilisé conformément à sa destination »32, « en état de servir à l’usage prévu »33, « dans un état rendant l’exploitation possible compte tenu des prescriptions administratives »34, « dans un état (le) rendant approprié à l’usage auquel (il) est destiné »35. Certaines juridictions du fond vont jusqu’à lui imposer l’obtention « des autorisations nécessaires […] afin de permettre une jouissance des lieux conforme aux prescriptions de l’autorité »36. S’agissant de ces autorisations, pour B. Louveaux, une distinction doit être faite entre celles qui sont urbanistiques et celles qui concernent l’exploitation : sauf disposition contraire, les premières relèvent de la responsabilité du bailleur, tandis que les secondes de celle du preneur37. Enfin, Y. Merchiers estime qu’en l’absence de convention contraire, « l’obligation de délivrance n’impose pas au bailleur d’effectuer des travaux d’aménagement et de transformation au bien loué afin qu’il convienne à un usage particulier, celui-ci fût-il spécifié au contrat »38.

Aux termes de son arrêt du 21 novembre 2011, la Cour de cassation a (enfin) pris position sur cette question. Elle décrète que, « lorsque le bail porte sur un bien spécialement destiné à une exploitation déterminée et aménagé en vue de celle-ci, le bailleur doit, sauf convention contraire, délivrer le bien en un état qui rende cette exploitation possible, compte tenu des prescriptions administratives applicables lors de la conclusion du bail, et, sous réserve d’une modification postérieure de celles-ci, maintenir le bien dans cet état pendant la durée du bail ».

Pour bien comprendre cet arrêt, il importe de le décoder.

Premièrement, la Cour fait sienne, sans s’y référer, la thèse développée par Y. Merchiers en 1997, qu’elle reprend presque mot pour mot39. Cependant, elle s’écarte de la position de ce même auteur, publiée en 1990 et évoquée ci-dessus, qui écrivait que, sauf disposition contractuelle contraire, « l’obligation de délivrance n’impose pas au bailleur d’effectuer des travaux d’aménagement et de transformation au bien loué afin qu’il convienne à un usage particulier, celui-ci fût-il spécifié au contrat »40. En effet, la Cour de cassation refuse de casser la décision qui lui était soumise et dans laquelle les juges d’appel avaient estimé que le bailleur devait supporter des travaux de mise en conformité préconisés par l’expert judiciaire au regard de l’avis du service régional d’incendie.

Deuxièmement, elle ne vise pas dans son arrêt n’importe quel bien. Il doit s’agir d’un immeuble « spécialement destiné à une exploitation déterminée » et aménagé en vue de cette exploitation. Nous pensons que ces indications portent sur l’hypothèse visée par le Tribunal de première instance de Bruxelles dans le jugement précité du 18 janvier 2008, à savoir celle de « l’affectation précisée dans un contrat [qui répond] à une exigence du bailleur ». Comme nous l’avons déjà mentionné, « ces précisions [de la Cour] ne peuvent être comprises, selon nous, que comme signifiant que le bailleur doit avoir fixé préalablement la destination qu’il entend donner à son bien, et que ce dernier est d’ores et déjà, avant sa mise en location, aménagé en ce sens. Pour le dire autrement, c’est le bailleur qui prend l’initiative de la détermination de la destination des lieux à louer. Le candidat-locataire vient alors à lui sachant à quoi ces derniers serviront s’il les prend en location »41.

Troisièmement, puisque le bailleur fixe la destination du bien loué, il est normal qu’il doive s’assurer que le locataire sera en mesure de développer les activités liées à cette destination. Cela implique que l’immeuble soit délivré et maintenu dans un état permettant le déploiement de ces activités et, donc, que le bailleur doive, le cas échéant, entreprendre les travaux de mise en conformité qui s’imposent. M. La Haye et J. Vankerckhove citent ainsi, comme exemple, que « la location d’une boutique destinée au commerce de charcuterie obligerait le bailleur à y faire construire une cheminée indispensable à une exploitation du genre »42. Ch.-E. De Frésart prend, quant à lui, le cas d’un immeuble donné en location comme restaurant : « s’il a retenu pour seule destination possible de son immeuble celle d’un restaurant, il lui appartiendra, sauf dispositions en sens contraire, d’assurer à son locataire que les équipements existants des cuisine, chambre froide, réserve, salle de restaurant, sanitaires, installation de chauffage et autres soient en bon état de servir ». Du point de vue réglementaire, le bailleur doit s’assurer que le bien satisfait aux « prescriptions administratives applicables lors de la conclusion du bail ». Il est dès lors tenu, par exemple, d’« effectuer les travaux imposés par l’autorité pour répondre aux normes de salubrité ou de prévention contre l’incendie »43 qui existent au moment de cette conclusion. Les faits soumis à l’appréciation de la Cour de cassation concernaient une salle de fêtes qui ne pouvait plus être exploitée car, dès la conclusion du bail, elle n’était plus en règle au regard des dispositions en matière d’incendie. En principe donc, le bailleur aurait dû prendre en charge les travaux requis pour que ces dispositions soient respectées.

Il est à noter que le moment clé à retenir est la conclusion du bail, et non la délivrance du bien loué. Il n’est pas impossible que ces deux événements interviennent à des époques différentes, la conclusion du bail pouvant avoir lieu antérieurement44. Dans ce cas, si les normes devaient avoir évolué entre ces deux moments, il faudrait se placer à la date de la conclusion pour déterminer si le bailleur a satisfait ou non à son obligation de mise en conformité.

Enfin, l’enseignement de la Cour doit être assorti de deux réserves. D’une part, il ne vaut que « sauf convention contraire », c’est-à-dire faute pour les parties d’avoir réglé cette question dans leur contrat. D’autre part, il cesse en cas de « modification postérieure » des prescriptions administratives. À cet égard, on peut envisager le changement de la réglementation qui existait lors de la conclusion du bail ou l’adoption de nouvelles dispositions requérant, en cours de contrat, la réalisation de travaux (nouveaux ou complémentaires) dans les lieux loués pour qu’ils soient mis en conformité. À ce niveau, la position développée par la Cour dans ses arrêts du 29 mai 1989, lesquels étaient d’ailleurs visés dans le pourvoi, reste pour nous applicable : « les travaux d’aménagement requis en vertu de (nouvelles) normes de sécurité imposées par l’autorité (après la conclusion du bail) afin de pouvoir exploiter le bien loué, ne sont pas des travaux d’entretien ou de réparation imposés par les articles 1719 et 1720 du Code civil au bailleur »45. Si rien n’a été prévu à leur sujet dans la convention, ces travaux n’incombent pas à ce dernier. Ils ne doivent pas davantage être pris en charge par son cocontractant qui pourrait même invoquer l’article 1722 du Code civil46 lorsque « les dépenses qui s’ensuivent lui apparaîtraient disproportionnées dans l’intérêt qu’il aurait au maintien du bail »47.

Section 3Le régime supplétif de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil

8. Les dérogations autorisées. Le caractère essentiel de l’obligation de délivrance du bailleur lui interdit d’y déroger totalement48. Il ne lui est cependant pas défendu de prévoir qu’il n’assumera aucune réparation de toute espèce49. En soulignant qu’il est possible de réduire la délivrance « à l’acte purement matériel de la mise à la disposition du preneur de la chose promise »50, la Cour de cassation l’énonce expressément. On retrouve la confirmation du caractère supplétif du régime des réparations de toute espèce dans un arrêt du 25 mars 201051, ainsi que dans l’arrêt commenté, puisque les développements dans ce dernier ne trouvent à s’appliquer, mentionne-t-il, que « sauf convention contraire ».

Il est dès lors parfaitement envisageable d’inscrire une disposition selon laquelle le bailleur est délié de toute obligation résultant de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil. Dans le même ordre d’idées, il veille généralement à insérer une clause par laquelle le preneur reconnaît avoir reçu le bien « en bon état d’entretien »52 ou « en état impeccable », que « le bien est en parfait état de toutes réparations locatives ou autres »53, ou aux termes de laquelle le locataire stipule « connaître les lieux loués et reconnaître les avoir reçus en parfait état »54, voire accepte « l’état dans lequel les lieux loués se trouvent », « bien connu de lui ». Toutes ces dispositions impliquent que le locataire « renonce à réclamer au bailleur des travaux de mise en état des lieux loués »55. Par contre, elles ne le libèrent pas de son obligation de réaliser des réparations qui seraient requises par des vices cachés qui existaient au moment de la délivrance56.

9. La dérogation tacite. On peut lire dans la doctrine que « la dérogation au principe de la délivrance en bon état peut être tacite ; elle peut résulter de l’inaction du preneur qui prend possession, qui n’émet aucune prétention pendant un certain temps et qui paie ses loyers sans réserve »57. Le juge doit donc se livrer à un examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer une éventuelle acceptation tacite de l’état de l’immeuble lors sa délivrance et donc une renonciation tacite au bénéfice de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil. À ce niveau, il faut un silence circonstancié, soit « un silence qui, compte tenu des circonstances, ne peut normalement signifier autre chose qu’une acceptation »58. Rajoutons que, pour la Cour de cassation, « [l]a renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d’une autre interprétation »59. Il en résulte que « la simple prise [de] possession des lieux sans protestation ne permet pas de considérer qu’il y a acceptation tacite […] Ce n’est que par son silence prolongé que le locataire sera considéré comme ayant accepté tacitement les lieux en leur état »60.

_______________

9Cette section est librement adaptée et actualisée de M. HIGNY, op. cit., J.T., 2012, pp. 641 à 643, obs. sous Cass., 21 novembre 2011.

10Cass., 21 novembre 2011, J.T., 2012, pp. 640 et 641, obs. M. HIGNY, op. cit.

11Y. MERCHIERS, Les baux. Le bail en général, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 167.

12Cass., 17 juin 1993, Pas., 1993, I, p. 582 ; R.C.J.B., 1996, p. 227, note J.H. HERBOTS, pp. 234 à 261. En ce sens, J.P. Fontaine-l’Évêque, 24 août 2007, J.J.P., 2009, p. 335 ; Civ. Bruxelles (75e ch.), 13 septembre 2007, J.J.P., 2009, p. 390. Pour un commentaire récent de l’arrêt du 17 juin 1993 de la Cour de cassation, voy. Fr. GLANSDORFF, « Les clauses limitatives ou exonératoires de la responsabilité du bailleur », in Fr. GLANSDORFF (coord.), Actualité en droit du bail, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 4 et 5.

13J.P. Wavre (2e cant.), 23 janvier 2007, J.J.P., 2009, p. 359.

14Civ. Bruxelles (réf.), 26 février 2007, disponible sur www.jdj.be.

15J.P. Louvain (2e cant.), 10 mars 1998, R.G.D.C., 1998, p. 159, qui concerne le défaut de mise à disposition d’un garage pourtant mentionné dans le bail comme faisant partie du bien donné en location et représentant un élément essentiel au sein d’une ville dans laquelle les possibilités pour se garer sont limitées ; J.P. Messancy, 30 juin 1999, Baux Act., 1999, p. 124, qui concerne le refus de laisser le locataire avoir accès aux lieux loués ; J. UYTDENHOUWEN, « Uitvoeren van bouwwerken in het kader van de huur : stedenbouwkundige aspecten », Huur, 2002, p. 77. Bien que cela soit discuté, la résolution unilatérale ne semble pas admise : P. WÉRY, « La résolution unilatérale d’un contrat de bail immobilier est interdite », J.T., 2010, pp. 709 à 718, note sous Civ. Bruxelles (75e ch.), 19 mai 2009, J.T., 2010, pp. 718 à 722.

16Civ. Huy (1re ch.), 16 février 2000, J.J.P., 2001, p. 44.

17J.P. Louvain (2e cant.), 10 mars 1998, R.G.D.C., 1998, p. 159.

18Cass., 10 septembre 1965, Pas., 1966, p. 52, note infrapaginale 1.

19Cass., 27 février 1968, Pas., 1968, p. 810.

20S. BEYAERT, « Rechten en verbintenissen van de verhuurder », in M. DAMBRE, B. HUBEAU et S. STIJNS (ed.), Handboek Algemeen Huurrecht, Brugge, die Keure, 2006, p. 351.

21Y. MERCHIERS, op. cit., 1997, p. 167.

22Pand., v° « Bail à ferme ou à loyer », n° 322bis, cités par J.P. Liège, 13 février 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1127.

23F. GEVAERT, « Huurschade- juridische aspecten », Huur, 1998-1999, p. 149.

24Y. MERCHIERS, « L’incidence sur les relations contractuelles entre bailleur et preneur de normes nouvelles émanant d’une autorité publique imposant des travaux de transformation et d’aménagement du bien », R.C.J.B., 1990, p. 552, note sous Cass., 29 mai 1989.

25Liège, 6 avril 2000, R.G.D.C., 2001, p. 180.

26Mons (21e ch.), 9 mars 2011, Bull. ass., 2011, p. 445. Voy. aussi à propos d’un chauffe-eau défectueux ayant entraîné la mort du locataire et la condamnation au pénal du bailleur : Corr. Liège (14e ch.), 8 mars 2001, J.J.P., 2003, p. 73, note ; Corr. Bruxelles (57e ch.), 4 septembre 2008, J.L.M.B., 2010, p. 665, note N. BERNARD, « Chronique d’une mort annoncée… et évitable ».

27Civ. Bruxelles (75e ch.), 19 mai 2009, J.T., 2010, pp. 718 à 722, note P. WÉRY, op. cit., J.T., 2010, pp. 709 à 718.

28A. VERBEKE, Bijzondere overeenkomsten in kort bestek, Antwerpen-Oxford, Intersentia, 2004, p. 141. La résolution unilatérale ne paraît pas autorisée : P. WÉRY, op. cit., J.T., 2010, pp. 709 à 718.

29J.P. Ixelles, 2 décembre 2004, J.J.P., 2008, p. 133.

30Civ. Bruxelles (75e ch.), 18 janvier 2008, J.J.P., 2009, p. 410.

31J.P. Gand (5e cant.), 27 septembre 2001, T.G.R., 2002, p. 5.

32J.P. Liège (2e cant.), 13 février 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1127.

33Civ. Louvain, 6 novembre 1991, cité par PAUWELS et MASSART, A-III-1-3, n° 9.

34J.P. Grâce-Hollogne, 13 décembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 523.

35J.P. Beringen, 13 février 2004, R.G.D.C., 2005, p. 468, note B. HUBEAU, « Verhuren zonder stedenbouwkundige vergunning : geen nietigheid, maar een grond voor ontbinding ».

36Civ. Bruxelles (20e ch.), 27 juin 2000, J.J.P., 2003, p. 31. En ce sens, Civ. Bruxelles, 15 septembre 1995, J.J.P., 1998, p. 5 ; T.R.O.S., 1996, p. 176, note K. CREYF, « De omvang van de leveringsplicht van de verhuurder met betrekking tot aanvraag van bouw- en exploitatievergunningen ».

37B. LOUVEAUX, Le droit du bail. Régime général, Bruxelles, De Boeck, 1993, p. 90.

38Y. MERCHIERS, op. cit., 1990, p. 554.

39Y. MERCHIERS, op. cit., 1997, p. 168. En ce sens, J.P. Liège (2e cant.), 13 février 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1127 ; J.P. Lennik-Saint-Quentin, 23 juin 1997, J.J.P., 1998, p. 366, obs. ; Civ. Bruxelles (20e ch.), 27 juin 2000, J.J.P., 2003, p. 31 ; J.P. Gand (5e cant.), 27 septembre 2001, T.G.R., 2002, p. 5 ; J.P. Grâce-Hollogne, 13 décembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 523 ; J.P. Beringen, 13 février 2004, R.G.D.C., 2005, p. 468, note B. HUBEAU, « Verhuren zonder stedenbouwkundige vergunning : geen nietigheid, maar een grond voor ontbinding » ; A. CLABOTS, « Wie past het verhuurde handelspand aan aan gestelde vereisten van brandveiligheid ? Het eeuwige ping-pong spel tussen huurder en verhuurder », Huur, 2005, pp. 190 et 191.

40Y. MERCHIERS, op. cit., 1990, p. 554.

41M. HIGNY, op. cit., J.T., 2012, p. 642.

42M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, « Le louage des choses. Les baux en général », Les Novelles, Larcier, 2000, p. 418.

43Ch.-E. DE FRÉSART, « La délivrance et l’état des lieux », in G. BENOIT, I. DURANT, P.A. FORIERS, M. VANWIJCK-ALEXANDRE et P. WÉRY (dir. scient.), Le droit commun du bail, Bruxelles, la Charte, 2006, p. 120.

44Ch.-E. DE FRÉSART, op. cit., in Le droit commun du bail…, pp. 109 et 110 ; M. HIGNY, op. cit., Guide juridique de l’entreprise…, p. 55.

45Cass., 29 mai 1989, R.C.J.B., 1990, pp. 533 à 540, note Y. MERCHIERS, op. cit., 1990, pp. 540 à 558. En ce sens, J.P. Ixelles, 2 décembre 2004, J.J.P., 2008, p. 133.

46« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »

47M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, op. cit., p. 429.

48Comm. Mons (3e ch.), 13 octobre 1999, J.J.P., 2001, p. 115. Les dérogations partielles sont, par contre, licites, ce qui est d’ailleurs souligné dans ce jugement (voy., en détail, Fr. GLANSDORFF, op. cit., pp. 4 à 12).

49J. NYCKEES, « Art. 1719-1720 B.W. », in X., Bijzondere overeenkomsten. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Mechelen, Kluwer, 2012, pp. 194 à 197.

50Cass., 17 juin 1993, Pas., 1993, I, p. 582 ; R.C.J.B., 1996, p. 227, note J.H. HERBOTS, pp. 234 à 261.

51Cass., 25 mars 2010, R.G.D.C., 2012, pp. 44 et 45, note M. HIGNY, op. cit.

52J.P. Torhout, 22 juin 2004, J.J.P., 2006, p. 242.

53Comm. Mons (3e ch.), 13 octobre 1999, J.J.P., 2001, p. 115.

54Ibid.

55Ibid.

56Ibid. Voy. aussi : J.P. Grâce-Hollogne, 13 juillet 2006, Échos log., 2008, p. 33 ; Civ. Bruxelles (75e ch.), 13 septembre 2007, J.J.P., 2009, p. 390.

57M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, op. cit., p. 419.

58P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations. Tome premier. Introduction. Source des obligations (première partie), Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 497.

59Cass., 21 décembre 2001, C.99.0528.F ; 13 septembre 2004, C.03.0540.F ; 10 février 2005, C.03.0601.F ; 25 avril 2008, C.06.0286.F ; 24 décembre 2009, C.09.0024.N. Tous ces arrêts sont disponibles sur www.juridat.be.

60Ch.-E. DE FRÉSART, op. cit., in Le droit commun du bail…, p. 117. Pour un exemple, voy. J.P. Ixelles, 2 décembre 2004, J.J.P., 2008, p. 133.

Chapitre 2

La garantie des vices cachés61

10. Arrêt du 25 mars 2010 de la Cour de cassation62. « Si, lors de la réalisation du bail, la chose louée présente un vice clairement apparent et que le preneur a eu la possibilité et l’obligation de le connaître, le bailleur est dispensé de son obligation de garantie. Dans ces circonstances, le preneur est présumé avoir accepté la chose louée dans l’état dans lequel elle se trouve ».

Section 1Une responsabilité contractuelle dans le chef du bailleur

11. Une obligation de résultat. Selon l’article 1721 du Code civil, « il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser ».

Cette disposition traite de la responsabilité du bailleur pour les vices cachés. Il est ici astreint à une obligation de résultat63 qui trouve sa source dans celle de faire jouir paisiblement son cocontractant de la chose louée pendant la durée du bail (art. 1719, 3°, C. civ.).

Dans son arrêt du 25 mars 2010, la Cour parle d’une « obligation de garantie ». Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer64, le terme « garantie » n’est pas adéquat. Dans le cadre du contrat de vente qui contient aussi des dispositions en matière de vices cachés65, le vendeur est assujetti à une véritable garantie en ce qu’en l’absence de clauses contractuelles contraires convenues avec son acheteur, lesquelles supposent sa bonne foi66, il ne peut s’y soustraire lorsque les conditions de sa mise en œuvre sont réunies. Par contre, le bailleur est autorisé à échapper à l’article 1721 du Code civil même en l’absence de clause exonératoire de responsabilité en démontrant qu’il est confronté à une cause étrangère libératoire, c’est-à-dire un « obstacle insurmontable »67 qui rend impossible l’exécution de son obligation « de tenir le preneur indemne pour les vices cachés »68 et qui « est exempt de toute faute »69 de sa part. Ceci étant, tant le vendeur que le bailleur peuvent être mis hors cause en établissant que les conditions d’application de leur régime respectif en matière de vices cachés ne sont pas rencontrées.

Section 2Les caractéristiques du vice

12. L’inhérence du défaut. La mise en œuvre de l’article 1721 du Code civil exige comme première condition qu’un défaut inhérent70 affecte le bien loué, au niveau de ses matériaux, de sa conception, de ses installations, de sa structure, etc. La date à laquelle il a commencé à lui porter atteinte importe peu. Il n’est donc pas exigé qu’il soit présent au moment de la conclusion du bail. S’il se développe en cours de bail, le bailleur pourra voir sa responsabilité contractuelle engagée. Comme le met en évidence J. Dewez, « il importe peu que [ce dernier] ait ou non connaissance du vice lors de la conclusion du bail »71. L’article 1721, alinéa 1er, in fine, du Code civil signale en effet que son régime trouve à s’appliquer « quand même le bailleur ne (l’) aurait pas connu lors du bail ».

Il a été jugé ce qui suit au sujet de cette première condition :

« tout vice de construction rendant la jouissance totale ou partielle de la chose louée impossible, comme une humidité anormale ou excessive, doit être considéré comme vice donnant lieu à garantie. Le vice doit empêcher l’usage de la chose louée. L’empêchement ne doit cependant pas être total »72 ;« par vices de la chose, il faut entendre toutes les imperfections, tous les défauts ou inconvénients de la chose, de quelque nature qu’ils soient, qui rendent le bien loué impropre à son usage normal ou en restreignent l’usage attendu par le preneur. Aucune distinction ne doit être faite selon que les vices ou défauts trouvent leur origine dans des vices de construction, la vétusté ou l’absence d’entretien. Dès que le défaut est inhérent à la construction, la garantie doit jouer, que le défaut soit né avant le début du bail ou pendant la durée de celui-ci ou que le bailleur en ait eu connaissance ou non. Les défauts d’une construction électrique peuvent constituer un vice de la chose, au sens de l’article 1721 du Code civil »73 ;« la défectuosité d’une installation électrique peut être constitutive d’un vice de la chose louée donnant lieu à garantie du bailleur »74 ; en ce sens, constitue un vice « une installation électrique défectueuse et non approuvée dépourvue de disjoncteur »75 ;« une galerie commerciale partiellement vide d’occupants perd une bonne part de son attractivité, et l’on peut considérer qu’à partir d’un certain taux d’occupation de la galerie, la chose louée (à savoir un emplacement dans la galerie commerciale) est affectée d’un vice. Dès lors le bailleur a manqué à son obligation d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, d’en faire jouir paisiblement le preneur et de le garantir des vices ou défauts de la chose louée. Le locataire est fondé à obtenir la réparation d’un préjudice qu’il a subi à la suite de la désertification de la galerie »76.

Il n’est, par contre, pas satisfait à la condition d’inhérence lorsque « l’installation défectueuse n’existait pas au moment de la naissance du contrat mais aurait été installée par le preneur même ou par une personne dont il est responsable »77. Cette conclusion s’impose également lorsque l’installation existait à ce moment, mais que la défectuosité résulte d’une intervention du locataire ou d’une personne dont il est responsable conformément à l’article 1735 du Code civil78, c’est-à-dire une personne de sa maison79 (p. ex., les membres de sa famille, les invités, les cessionnaires, les entrepreneurs auxquels il fait appel pour procéder à des travaux dans les lieux loués80) ou un sous-locataire (même si ce dernier est dans un état grave de déséquilibre mental81). Enfin, des infiltrations d’eau dans un immeuble loué qui proviennent d’un immeuble voisin ne le vicient pas s’il n’est en soi affecté d’aucune défectuosité intrinsèque : « le préjudice résultant d’un trouble de voisinage n’est pas un trouble contre lequel un bailleur doive garantie (la garantie d’éviction du bailleur ne valant que pour son propre fait ou contre le fait juridique d’autrui) même lorsqu’il s’agit d’infiltrations d’eau (Y. Merchiers, Rép. not., t. VIII, “Les baux”, vol. 1, n° 201 ; Pauwels et Massart, Manuel permanent, t. I, n° 72, p. AIII-1-26) qui ne peuvent pas davantage être considérées, à prétexte de leur passage dans le mur du bien loué, comme vice de celui-ci pour lequel garantie serait due à ce titre par le bailleur (Pauwels et Massart, o. c., n° 85, p. AIII-1-31) »82.

13. L’absence d’apparence du défaut. La mise en œuvre de l’article 1721 du Code civil exige comme autre condition que le vice soit caché83. S’il est apparent, le bailleur est exonéré de toute responsabilité84. L’arrêt du 25 mars 2010 de la Cour le rappelle expressément : il « est dispensé de son obligation de garantie » « si […] la chose louée présente un vice clairement apparent et que le preneur a eu la possibilité et l’obligation de le connaître ». Dans ce cas, les risques sont à charge de ce dernier85.

Il reste à déterminer ce qu’est un défaut apparent. On vise l’imperfection « que la simple inspection des lieux aurait dû révéler au preneur, dès avant la conclusion du bail, et que, dès lors, il n’est pas censé ignorer »86. H. De Page parle d’un défaut « dont le preneur a pu ou dû normalement se rendre compte lors de la signature du bail »87. Pour la Cour, il faut qu’il soit « clairement apparent » et que le locataire ait eu « la possibilité et l’obligation de le connaître ».

Tout élément factuel doit être pris en compte pour l’appréciation de cette condition. Le Juge de paix de Jumet a ainsi admis qu’un vice était caché « puisque l’expert lui-même qui est pourtant architecte, a dû faire procéder à une analyse par un spécialiste pour acquérir la certitude qu’il était confronté à la présence de la mérule »88. D’autres circonstances peuvent entrer en ligne de compte, comme le métier du locataire, son expérience89… Par exemple, une défectuosité affectant une installation électrique pourra être cachée « pour un preneur sans connaissance particulière de l’électricité »90, mais pas pour un électricien. Ajoutons que l’article 1721 du Code civil ne pourra plus être invoqué s’il a été indiqué que le bien loué était affecté d’un vice caché91.

14. L’appréciation temporelle de l’apparence. Aux yeux de la Cour, c’est au moment de « la réalisation du bail » qu’il faut se placer pour apprécier si une défectuosité est ou non apparente. La notion de « réalisation » n’est pas des plus heureuses. Vise-t-on la conclusion de la convention ou la délivrance de l’immeuble ? Les deux moments peuvent ne pas coïncider. La Cour d’appel de Liège paraît retenir « la conclusion du contrat de bail »92. Quant au Juge de paix de Fontaine-l’Évêque, il vise « la prise de possession des lieux »93. À l’instar de ce dernier, nous choisissons la délivrance, puisque c’est à ce moment que le locataire est mis en possession de la chose louée et qu’il peut donc l’inspecter ; il va de soi que cette mise en possession peut être concomitante à la conclusion du bail.

Notre position est confortée par la doctrine94 concernant l’agréation de la chose vendue. Pour rappel, l’agréation constitue « la reconnaissance par l’acheteur que la chose délivrée est conforme à la chose vendue et exempte de vices apparents »95. Comme l’écrivent M. Vanwijck-Alexandre et M. Gustin, « le Code ne fixe pas le moment de l’agréation ni ses diverses modalités. Il est d’ailleurs muet sur la notion elle-même pour laquelle on doit s’en référer à la théorie générale des obligations. Puisque la délivrance suppose la mise à la disposition de l’acheteur, c’est à ce moment que ce dernier peut normalement apprécier si la chose livrée est conforme ou non »96. Ceci étant, ils formulent une réserve intéressante : « [q]u’en est-il si les vices et défauts étaient visibles ou auraient pu être raisonnablement détectés lors de la conclusion de la vente ?

La nouvelle loi aborde ce point dans l’article 1649ter, § 3. Elle prévoit que le défaut de conformité n’engage la responsabilité du vendeur que s’il existe au moment de la délivrance du bien (art. 1649quater), à condition toutefois que le consommateur n’ait pas connu ce défaut lors de la conclusion de la vente ou n’ait pas dû raisonnablement le connaître (art. 1649ter, § 3).

En droit commun, on quitte dans cette hypothèse le plan de l’exécution du contrat et de l’obligation de délivrance pour revenir à la formation du contrat. C’est le consentement de l’acheteur et l’objet de la vente sur lequel l’accord s’est réalisé qui est au centre du débat. Si l’acquéreur a bien acheté la chose telle quelle avec les caractéristiques ou défauts qu’elle présentait ou qui pouvaient être constatés au moment de l’achat, il ne peut s’en plaindre par la suite, en tout cas ni par le biais d’une action en non-conformité, et cela même s’il a refusé d’agréer le bien à la délivrance, ni sur [la] base de la garantie des vices cachés. Il n’a plus en principe aucun recours, sauf à invoquer, pour autant toutefois que les conditions en soient réunies, un dol ou une erreur qui aurait vicié son consentement »97.

Ces commentaires pourraient à notre sens trouver à s’appliquer au bail, en particulier lorsque sa conclusion précède la délivrance des lieux loués. Si, lors de la conclusion, le locataire connaissait ou pouvait raisonnablement connaître la présence d’un vice apparent (p. ex., parce qu’il a fait procéder à un examen préalable des lieux à l’occasion d’un(e) « due diligence » technique et/ou juridique), mais n’a pas sollicité du bailleur qu’il le répare, il pourrait être plaidé qu’il n’est plus en mesure de s’en plaindre lors de la délivrance, sauf à invoquer un hypothétique vice de consentement.

15. La présomption d’acceptation du défaut apparent. Il est généralement expliqué que, lorsque la défectuosité est apparente et que le preneur s’abstient de faire valoir la moindre prétention à son égard, notamment sa réparation sur pied de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil, il renonce, le cas échéant tacitement, à l’invoquer : « [l]orsque les défauts relevés sont de nature telle qu’il est probable qu’ils existaient au moment de la prise de possession des lieux, ils constituent un défaut apparent pour lequel le bailleur n’est pas tenu, puisque c’est en connaissance de cause que le preneur a renoncé, fût-ce tacitement à se prévaloir des défaillances identifiées »98.

Dans son arrêt du 25 mars 2010, la Cour préfère parler d’une présomption d’acceptation de « la chose louée dans l’état dans lequel elle se trouve ». De prime abord, il n’y a aucune raison de s’émouvoir du recours à une présomption. Pour H. De Page qui s’exprime à propos de la garantie des vices cachés pesant sur le vendeur, « l’agréation tacite est une présomption, et (…) il faut des éléments sérieux (art. 1353), excluant normalement tout doute quant à la volonté de l’acheteur, pour que le juge puisse l’admettre »99. Néanmoins, les termes employés par la Cour ne sont encore une fois pas des plus heureux. En effet, il ne faut pas perdre de vue qu’une présomption d’acceptation dans le chef du preneur de l’état de la chose louée au moment de la prise de possession équivaut alors à une présomption de renonciation au droit qu’il tire de l’article 1720, alinéa 1er, du Code civil de solliciter du bailleur qu’il répare la défectuosité apparente. Or, comme nous l’avons rappelé ci-dessus, la jurisprudence de la Cour est constante sur ce point : une renonciation à un droit ne se présume pas100. C’est même, selon elle, un principe général de droit.

16. Aggravation d’un défaut apparent. Le vice apparent est susceptible de s’aggraver en cours de bail. Si tel est le cas, le preneur est tenu d’en aviser son cocontractant, et ce, en vertu de son obligation de jouir du bien loué en bon père de famille (art. 1728, 1°, du Code civil)101. En l’absence d’un tel avertissement, il peut engager sa responsabilité contractuelle102. Pour M. Dambre cependant, « [o]n ne peut reprocher au preneur de ne pas avoir informé son bailleur dans la mesure où ce dernier pouvait raisonnablement et tenant compte des circonstances de la cause se tenir au courant lui-même des vices ou dégâts en question. Ceci vaut par exemple pour l’état de délabrement du bien loué dont le bailleur pouvait prendre connaissance de visu […] »103.Y. Merchiers enseigne de même que « le bailleur ne peut se prévaloir de l’absence d’avertissement s’il n’ignorait pas ou ne pouvait ignorer l’existence du vice ou d’une aggravation de celui-ci »104. On peut songer, par exemple, au cas de la mérule dont l’existence a été portée à la connaissance du locataire et dont la propagation s’étend en cours de bail ou, encore, du cas de canalisations oxydées dont le preneur a été averti et dont l’oxydation se poursuit en cours de bail.

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61Cette section est librement adaptée et actualisée de M. HIGNY, op. cit., Guide juridique de l’entreprise…, pp. 69 à 72 ; M. HIGNY, op. cit., R.G.D.C., 2012, pp. 45 à 56, note sous Cass., 25 mars 2010.

62Cass., 25 mars 2010, R.G.D.C., 2012, pp. 44 et 45, note M. HIGNY, op. cit.

63J.P. Jumet, 16 septembre 1997, J.T., p. 292 ; Civ. Tournai (1re ch.), 25 mai 2004, J.L.M.B., 2006, p. 366 ; S. BEYAERT, op. cit., in Handboek algemeen huurrecht…, p. 378 ; J. DEWEZ, « Le régime de la garantie des vices cachés dans les contrats de vente, de bail et d’entreprise », R.G.D.C., 2008, p. 55, note sous Civ. Bruxelles, 8 mai 2006.

64M. HIGNY, op. cit., Guide juridique de l’entreprise…, p. 69.

65Articles 1641 et s. du Code civil.

66M. VANWIJCK-ALEXANDRE et M. GUSTIN, « L’obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés : le droit commun », in La nouvelle garantie des biens de consommation et son environnement légal, Bruxelles, la Charte, 2005, p. 28 et pp. 47 à 50.

67P. WÉRY, Droit des obligations. Volume 1. Théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 499.

68J. DEWEZ, op. cit., 2008, p. 55.

69P. WÉRY, op. cit., 2010, p. 499.

70Liège (20e ch.), 10 novembre 2010, R.G.A.R., 2011, p. 14732.

71J. DEWEZ, op. cit., 2008, p. 55.

72Civ. Tournai (3e ch.), 13 mai 1997, J.L.M.B., 1997, p. 863.

73Bruxelles (17e ch.), 30 janvier 2003, J.L.M.B., 2006, p. 398.

74Liège (3e ch.), 26 avril 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1927.

75Civ. Gand (5e ch.), 26 février 2003, Huur, 2004, p. 81.

76Comm. Bruxelles, 2 septembre 2009, R.D.C., 2011, p. 822, note Y. DELACROIX et S. DUGARDYN, « Leegstand in een winkelcentrum : maakt dit een tekortkoming uit van de verhuurder aan zijn vrijwaringsplicht ? ».

77Bruxelles (17e ch.), 30 janvier 2003, J.L.M.B., 2006, p. 398.

78M. VLIES, P. JADOUL et Y. NINANE, « Le droit commun du bail : questions choisies », in B. KOHL (éd.), Le bail et le leasing immobilier, Coll. Commission Université-Palais, vol. 112, Liège, Anthemis, 2009, p. 43, note 136.

79Pour une description complète de ce concept, voy. P. JADOUL et M. VLIES, « Le droit commun du bail », in I. DURANT (coord.), Le bail et la jurisprudence récente de la Cour de cassation, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 38.

80Cass., 21 janvier 1999, Pas., 1999, I, p. 75. En ce sens, Mons (7e ch.), 12 octobre 1992, J.L.M.B., 1995, p. 258, note Ph. BOSSARD, « L’étendue de l’article 1735 du Code civil ».

81Cass., 29 septembre 1984, R.C.J.B., 1987, p. 213, note Fr. GLANSDORFF.

82Civ. Bruxelles (75e ch.), 3 janvier 2007, J.J.P., 2008, p. 179, note D. GRISART.

83S. BEYAERT, op. cit., in Handboek algemeen huurrecht…, pp. 374 et 375 ; J. DEWEZ, op. cit., 2008, p. 55.

84Liège (3e ch.), 26 avril 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1927.

85M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, op. cit., 2000, p. 476.

86Ibid.

87H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge. Tome quatrième. Les principaux contrats (première partie), 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1972, p. 643.

88J.P. Jumet, 16 septembre 1997, J.T., p. 292.

89 M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, op. cit., 2000, p. 477.

90Civ. Gand (5e ch.), 26 février 2003, Huur, 2004, p. 81.

91Civ. Liège, 4 septembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 1279 ; Ch.-E. DE FRÉSART, « La garantie de jouissance paisible », in Le droit commun du bail…, p. 173.

92Liège (3e ch.), 26 avril 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1927.

93J.P. Fontaine-l’Évêque, 18 août 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1929.

94M. VANWIJCK-ALEXANDRE et M. GUSTIN, op. cit., pp. 21 à 24.

95M. VANWIJCK-ALEXANDRE et M. GUSTIN, op. cit., p. 21.

96M. VANWIJCK-ALEXANDRE et M. GUSTIN, op. cit., pp. 21 et 22.

97Ibid.

98J.P. Fontaine-l’Évêque, 18 août 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1929.

99H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge. Tome quatrième. Les principaux contrats (première partie). Volume I, 4e éd., Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 210.

100Cass., 21 décembre 2001, C.99.0528.F ; 13 septembre 2004, C.03.0540.F ; 10 février 2005, C.03.0601.F ; 25 avril 2008, C.06.0286.F ; 24 décembre 2009, C.09.0024.N. Tous ces arrêts sont disponibles sur www.juridat.be.

101Y. MERCHIERS, op. cit., 1997, p. 191.

102Liège (3e ch.), 26 avril 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1927.

103M. DAMBRE, « L’obligation d’user de la chose louée en bon père de famille et conformément à la destination convenue », in Le droit commun du bail…, p. 243.

104Y. MERCHIERS, op. cit., 1997, p. 191. En ce sens, M. LA HAYE et J. VANKERCKHOVE, op. cit., 2000, p. 479 ; dans une certaine mesure, J.P. Forest, 29 avril 2008, J.J.P.