Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme Du Barry, etc. - Ligaran - E-Book

Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme Du Barry, etc. E-Book

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Extrait : "A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que Louis XIII fit élever à Versailles ? Comme les divers écrivains qui ont traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à éclaircir la question ; nous allons entrer dans quelques détails à ce sujet."

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Veröffentlichungsjahr: 2015

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Introduction

Les curiosités historiques que renferme ce volume se rapportent principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on peut dire que l’histoire du château de Versailles est encore à faire, et il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire promptement ; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant de splendeurs, de tant d’évènements, « ce temple de la monarchie absolue qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le tombeau », a subi, surtout depuis l’établissement des galeries historiques, des remaniements si malheureux qu’il n’est plus reconnaissable qu’à l’extérieur, et que son histoire passera bientôt, avec ses grandeurs et ses magnificences, à l’état de fable ou de légende. Il n’est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres de tableaux qu’on a entassés dans ce palais, n’ait « désiré connaître l’histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits appartements dans lesquels on vit l’amour, la jalousie, l’ambition, la haine, toutes les plus mauvaises passions du cœur humain s’agiter si longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses qui ont eu tant d’influence sur les destinées de la France ».

En attendant que se fasse l’histoire du château de Versailles, un redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques, M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses investigations sur quelques évènements, sur quelques personnages, sur quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces originales, les actes authentiques, les documents incontestables, il est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères, enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique si mal exploré, si mal connu, où l’erreur et la calomnie poussent si bien, poussent si vite, et par tous les climats !

Voici les questions ou problèmes historiques que s’est posés M. Le Roi et qu’il a heureusement résolus :

1° Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans quelle partie du château s’est passée la journée des Dupes ?

2° Quels évènements particuliers ont marqué la naissance du duc de Bourgogne ?

3° Quels évènements particuliers ont marqué la grande opération faite à Louis XIV en 1686 ?

4° Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle ?

5° Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly ? De Ville ou Rennequin Sualem ? 6° Où était, dans le château de Versailles, l’appartement de madame de Maintenon ?

7° Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit de mort ?

8° À quelle somme s’élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant tout son règne ? 9° Qu’était-ce que le Parc aux cerfs ?

10° À quelle somme s’élèvent les dépenses faites par madame du Barry ? Quel était son vrai nom ?

Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces curiosités historiques.

1° Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le pavillon central qui existe encore aujourd’hui. C’était un simple rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l’entourait et était précédée d’un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où il mourut. Des fenêtres de cette salle d’où Louis XVI se montra au peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l’aspect que présentait alors Versailles : la vue dominait sur un pays accidenté, presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement par un pauvre village d’une cinquantaine de feux, pays triste, monotone, un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en rapport avec les goûts et l’humeur de Louis XIII.

Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite plus tard de l’Œil-de-bœuf, et qui fut aussi pendant longtemps la chambre à coucher de Louis XIV ; que la pièce où coucha Richelieu, au-dessous de la chambre du roi, est aujourd’hui la salle des Portraits des rois de France ; que l’escalier dérobé par lequel le duc de Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore dans un coin de cette salle ; enfin que l’entretien qu’il eut avec ce prince et d’où l’on peut dire qu’ont dépendu les destinées de la France, se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui fait partie du salon de l’Œil-de-bœuf.

Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père ; il ne fit que l’agrandir successivement, à mesure que Versailles lui plaisait davantage. Il n’avait pas d’abord l’intention d’en faire l’immense palais qui existe aujourd’hui ; il n’avait pas l’intention de faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction furent plusieurs fois changés ; de nombreuses démolitions furent nécessaires ; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins, si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si compliquée, si travaillée, si irrégulière.

2° Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l’aspect du château de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie du roi, des transports de la cour, de l’enthousiasme populaire. M. Le Roi, d’après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce tableau, et qui l’achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois qu’on confia à un médecin le soin d’accoucher une reine ou une Dauphine, que jusqu’alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu’elles cessèrent de l’avoir. Il entre alors dans des détails très curieux sur l’art des accouchements à cette époque, sur le choix des nourrices, etc. L’accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l’habileté, car c’était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses grossesses. Il devint, dès lors, l’accoucheur de la Dauphine, puis de la duchesse de Bourgogne, de la reine d’Espagne, etc. C’était un très habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous les hommes de mérite, c’est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui doublait le prix des récompenses. Outre qu’il l’enrichit, il lui donna des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au même degré l’homme de mérite auquel s’adressait cette distinction et le souverain qui l’accordait. Cette clause portait « qu’il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses secours aux femmes qui les réclameraient ».

3° On sait qu’en 1686 Louis XIV fut affligé d’une hideuse maladie, la fistule, qu’on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle. Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l’opération qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis. L’opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très habile, qui le premier a fait connaître les moyens de guérir par l’incision cette triste maladie. C’est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l’avons dit, une partie du salon appelé plus tard l’Œil-de-bœuf, qu’eut lieu cette opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n’y avait d’autres témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou élève. La famille royale et la cour n’avaient pas le moindre soupçon de la grave résolution prise par Louis XIV ; le Dauphin était à la chasse. Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes ses actions : il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure après, il tenait son lever comme à l’ordinaire, et les courtisans apprenaient avec effroi ce qui venait de se passer ; quelques heures plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa chambre la réception qu’on appelait appartement. On suit avec anxiété, dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée en cette circonstance par Félix est encore celle qu’on suit de nos jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans l’anxiété ; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos de l’Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon à madame de Brinon (Lettres historiques et édifiantes, t. I) quelles furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance ; elles sont une réponse à cette calomnie, qu’elle n’aimait point Louis XIV, de même que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était le témoignage du lien sacré qui les unissait.

4° On sait que la mort subite de Louvois à l’âge de cinquante ans excita le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon le dit ouvertement en entrant dans des détails qui semblent plausibles. La princesse Palatine, dans l’aveuglement de ses haines, va plus loin : elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens protestants ont seuls répété cette calomnie ; mais les plus modérés, même les plus modernes, s’arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous, Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M. Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d’un témoignage incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l’ouverture de son corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d’une attaque d’apoplexie pulmonaire.

5° Dans quelle partie du château de Versailles était l’appartement de madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de la France ? À première vue il semble qu’une telle recherche soit facile, et qu’il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n’en est pas ainsi, grâce au Musée national qui a fait subir à l’intérieur du château de Versailles une transformation complète. L’intention de ce musée était excellente, l’exécution n’y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu versés dans l’histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c’est ainsi que l’appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable aujourd’hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et 1795. L’aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était logée fort à l’étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait, couchait, s’habillait, recevait toute la cour, où tout le monde pas sait, disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les princes, le roi lui-même n’étaient pas plus commodément logés. Tout avait été sacrifié au faste, à l’éclat, à la représentation dans ce magnifique château ; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait sans interruption son rôle de roi, mais au milieu de toutes ces peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n’avait pas une seule des aisances de nos jours ; on gelait dans ces immenses pièces, dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts, où d’ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis XV, qui n’avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus secrète dans les petits appartements qu’on voit encore aujourd’hui.

6° Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly ? On sait que, d’après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L’ouvrage de M. Le Roi nous démontre, d’après des documents authentiques et des témoignages irréfutables, que c’est une erreur. L’inventeur, l’architecte, le gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de Ville ; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une description de la machine qui montre quel était l’état de la science hydraulique à cette époque et qui témoigne que cette œuvre lourde, coûteuse, compliquée, n’en était pas moins digne d’admiration.

7° On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité. Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne définitivement le texte authentique.

8° Ce morceau curieux est tout simplement l’analyse d’un manuscrit composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d’après les notes mêmes de la marquise, et qui a pour titre : État des dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9 septembre 1745 jusqu’au 15 avril 1764 (c’est le jour de sa mort). Disons tout de suite que le total général est d’environ trente-six millions et demi pendant dix-neuf ans ; donc, de moins de deux millions par an. « Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que madame de Pompadour a coûté à la France. » C’est beaucoup, sans doute, mais j’avoue que, d’après tout ce qu’on a écrit sur les prodigalités de Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de Pompadour, je m’attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin. D’ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte de cour, qu’elle donnait des fêtes, qu’elle faisait des pensions. Aussi je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit : « Voici un fait que personne ne voudra croire, qui est qu’à sa mort l’on n’ait trouvé à cette femme que 37 louis d’or dans sa table à écrire, et se trouve devoir la somme de 1 700 000 livres. »

Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la marquise était une femme de beaucoup d’esprit et de goût, aimant les bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts, et qui avait une cour d’écrivains et d’artistes. L’état des dépenses entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l’histoire des arts, et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de Pompadour aimait les chevaux, qu’elle fit acheter des étalons dans plusieurs pays, et qu’elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau haras qui existe encore aujourd’hui. L’état de ses dépenses sur cet article s’élève à plus de trois millions. On trouve encore pour médailles, 400 000 livres ; pour une collection de pierres gravées, 400 000 livres ; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il est ainsi marqué : Donné aux pauvres pendant tout mon règne, 150 000 livres. Il est vrai qu’il y faut ajouter de nombreux secours et pensions donnés à des maisons religieuses.

9°« Il n’est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus odieux le nom de Louis XV, et qui, d’un autre côté, ait donné lieu à plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement du Parc aux cerfs. » On peut ajouter qu’il n’y en a pas qui ait excité plus de haine contre l’ancien régime, qui ait valu à la cour des Bourbons plus d’imprécations et de déclamations, qui ait eu plus d’influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. À ce nom, on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique monarque. Il n’est rien de tout cela : le Parc aux cerfs était le nom d’un quartier de Versailles, du quartier aujourd’hui appelé Saint-Louis, qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l’emplacement d’un parc à bêtes fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement, dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par leurs parents. « Il n’y en avait que deux en général, dit madame du Hausset, très souvent une seule ; quelquefois le Parc aux cerfs était vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu’elles se mariaient on leur donnait des bijoux et une centaine de mille francs. » Il ne paraît pas que le nombre de ces victimes, immense d’après tous les historiens, ait dépassé une trentaine, le roi n’ayant gardé cette maison que de 1755 à 1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces irréfutables, mais cela n’empêchera pas les historiens de scandales de parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le Parc aux cerfs.

10° Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n’en est pas de même du morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du Barry, d’après des cartons et des liasses de documents appartenant aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise et à la bibliothèque de Versailles. On sait qu’un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry, ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille d’une merveilleuse beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous donne in extenso l’étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où l’on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à l’heure ; enfin, où elle apporte en dot 50 000 livres « provenant de ses économies », et consistant, pourrait-on dire en outils de son métier, c’est-à-dire en diamants, perles, dentelles, « un lit complet, trente robes et six douzaines de chemises ».

Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l’état des richesses accumulées par madame du Barry lorsqu’elle fut devenue la maîtresse en titre du roi : 100 000 livres de rentes sur la ville de Paris, la terre de Louveciennes, 40 000 livres de rentes sur la ville de Nantes, etc. Madame du Barry n’avait reçu presque aucune éducation et avait les goûts de son ancienne vie, l’amour effréné de la toilette, des jolis meubles, des colifichets, des futilités. Son appartement n’était qu’un boudoir : M. Le Roi nous en donne la description, et les détails dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d’envie les plus charmantes dépensières de nos jours. Qu’on en juge par ce qu’il dit des lieux les plus secrets de cet appartement :

« Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleuies et filets d’or, avec rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d’or, et sabots dorés d’or moulu, la boîte à éponges et la cuvette d’argent, deux tablettes d’encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d’or moulu, et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés d’or moulu. »

Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame du Barry, exilée d’abord dans un couvent, revint ensuite habiter son château de Louveciennes. Ses créanciers l’y poursuivirent. Légère, insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait 1 200 000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l’état des dons faits à la maîtresse de son aïeul, et l’on trouva qu’elle avait reçu en six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150 000 livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient reçu 2 280 000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc., 758 000 livres ; les tailleurs et brodeurs, 531 000 livres, etc. Madame du Barry n’avait fait de mal à personne pendant sa faveur ; elle était d’une bonté extrême, d’une humeur charmante, et avait laissé à la cour des amis qui lui restèrent très dévoués. Grâce à eux, elle parvint à payer ses dettes au moyen d’un échange de 60 000 livres de rente viagère contre 1 250 000 livres qui lui furent données par le trésor.

Mais madame du Barry ne s’était pas corrigée de son goût de dépenses et de sa négligence à compter ; elle fit de nouvelles dettes, et à l’époque de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des voleurs s’introduisirent et firent main basse sur le précieux dépôt. Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est donnée par M. Le Roi : c’est une rivière continue, une cascade éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de girandoles, de bracelets, d’esclavages, d’étuis, de boîtes, à faire tourner la tête des dames qui la liront.

Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu’on instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en Angleterre avec un passeport régulier. C’était au mois d’octobre 1792. Son absence s’étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l’on mit le scellé sur ses biens. Dès qu’elle l’apprit, elle revint en France ; mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite (novembre 1795) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec eux des correspondances. L’occasion était belle à faire de la déclamation révolutionnaire ; aussi Fouquier Tainville accumula les accusations les plus forcenées, les plus emphatiques « contre cette moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc. » On sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre 1793.

M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l’appréciation des effets mobiliers s’élève à 1 246 000 livres, sans compter les objets d’art qui sont aujourd’hui répartis dans les musées de l’État. Le château de Louveciennes fut vendu six millions.

Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres éloquents, se termine par un dernier détail qui n’est pas le moins inattendu : c’est que l’acte de naissance présenté par madame du Barry pour son mariage était faux ; qu’elle n’était pas la fille légitime de Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille naturelle d’une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu’elle était née en 1745. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu’elle fut présentée à Louis XV et cinquante ans quand elle mourut.

Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses cartons de nouvelles Curiosités historiques.

TH. LAVALLÉE.

ILe château de Versailles sous Louis XIII et la journée des Dupes

1627-1630

 

À quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que Louis XIII fit élever à Versailles ? Comme les divers écrivains qui ont traité ce point historique ne sont point d’accord entre eux, et que nous nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce sujet.

Les deux premiers auteurs qui s’occupèrent de l’époque de la fondation du château, furent l’architecte Blondel, dans son livre de l’Architecture française, t. IVe, 1756, et l’abbé Lebeuf, dans l’Histoire du diocèse de Paris, t. VIIe, 1757.

Voici d’abord ce que dit l’abbé Lebeuf. Après avoir fait l’énumération des divers seigneurs de Versailles, il ajoute :

« Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage avec Antoinette Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit cette terre au roi Louis XIII, vers l’an 1627. »

Voici maintenant comment s’exprime Blondel, sur le même sujet :

« La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par plusieurs particuliers : Philippe Colas, écuyer, en possédait la plus grande partie ; une autre appartenait à Antoine Poart, maître des comptes à Paris : ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de la Grange Lessart ; enfin une autre partie appartenait à Roberte de Soisy, femme de Jean de la Porte, et à Marguerite de Soisy, sa sœur, veuve de Jean Dizy, en qualité d’héritières d’Antoinette de Portet, leur mère. »

Martial de Loménie, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en 1564, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par les acquisitions qu’il en fit, et en a joui jusqu’à sa mort, arrivée en 1572 ; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui. »

Les tuteur et curateur de leurs enfants mineurs vendirent cette terre et seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du 27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils, Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis XIII, par contrat passé le 8 avril 1632. »

Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute :

« Quoiqu’il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n’acheta la seigneurie de Versailles qu’en 1632, il est cependant certain que, dès l’année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de chasse, qu’il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé ci-devant un moulin à vent. »

Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque, paraissant s’autoriser de documents authentiques, et qui tous deux donnent une date différente à un fait qu’il semble au premier abord si aisé de constater.

Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l’origine du château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l’abbé Lebeuf, ont donné l’année 1627 comme date de sa fondation. Cette date est encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l’on trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique.

Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis XIII ? Est-ce 1624, 1627 ou 1632 ?

M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de cette différence, et voulant tout concilier, accepte les trois dates et cherche à les expliquer.

Ainsi, d’après lui, en 1624, Louis XIII, ennuyé, et sa suite encore plus, d’y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou dans un moulin à vent, fit d’abord construire à Versailles un pavillon pour servir de rendez-vous de chasse.

Et il ajoute : « Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié lorsqu’il écrivait un siècle après cette construction : une partie, celle donnant sur l’avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une maison bâtie sur l’emplacement ; l’autre partie, sur la rue de la Pompe, subsiste toujours : le tout appartient à M. Amaury, et porte encore aujourd’hui le nom de Pavillon royal ; il est situé presqu’à l’angle que forment l’avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l’époque où la chaussée d’Auteuil et l’ancien pont de bois, à Sèvres, n’existant pas encore, la grande route de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d’où un chemin secondaire partait et se dirigeait sur Ville-d’Avray, Montreuil, le territoire de Versailles et les autres, jusqu’à cette forêt. Quoique engagé dans les maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait un grand escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu’on y a vue pendant quelques années. Je me souviens très bien qu’en 1780, un habile professeur d’écriture, Hachette, qui en occupait le premier étage, et dont la classe fort élevée et très spacieuse donnait en partie sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution intérieure. De plus, le Cicérone de 1804 contient, dans sa description des édifices de Versailles, ce passage remarquable : – Le Pavillon royal. – On assure qu’une portion, celle où se trouve son vaste escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en faisait son retour de chasse avant l’acquisition de la terre seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à Versailles, à qui j’ai communiqué mes observations, et qui les a vérifiées, a adopté entièrement mon opinion. »

M. Eckard ajoute qu’en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu’aucun pays ne pouvait présenter en aussi peu d’espace, plus de variété pour les courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles, et y fit élever un petit château de cartes sur un monticule qui était occupé par un moulin à vent. Enfin, qu’en 1632, le roi fit l’acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu’il résulte du contrat cité par Blondel. Donc en résumé : 1624, construction du Pavillon royal ;

1627, Acquisition d’un fief de Jean de Soisy. – Louis XIII construit un petit château sur l’emplacement du moulin, comme le point le plus éminent 1632, vente par l’archevêque de Paris, du vieux château et de la seigneurie de Versailles.

Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées.

En 1839, l’auteur de l’essai historique intitulé : Versailles, seigneurie, château et ville, s’empressa d’adopter l’explication de M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal. Quant au château qui n’aurait été commencé qu’en 1627, l’auteur de Versailles, seigneurie, château et ville se demande si c’est bien à ce château qu’il faut attribuer le mot de chétif Versailles, prononcé par Bassompierre, ainsi que l’ont fait beaucoup d’autres auteurs et M. Eckard lui-même ? Si l’on adopte, en effet, l’opinion de l’abbé Lebeuf, qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit trompé en parlant d’un château n’existant pas encore ; et cependant le récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l’on trouve dans le journal de sa vie.

Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le mois de décembre 1626, il ajoute :

« Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l’année 1627, au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables, en laquelle il me fit l’honneur de me choisir pour y estre un des présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi. »

Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée ; puis, après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte qu’il lui arriva peu d’occasions de parler : « Hormis une seule fois, dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit ses bastimens jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en meilleur estat, M. d’Osembray fut d’advis que l’on le devoit conseiller au roy. »

Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu’il donne en son entier. C’est dans ce spirituel discours, épigramme adroite contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit habilement pour faire changer d’avis tous ceux qui avaient déjà voté pour la proposition de M. d’Osembray, que se trouve ce fameux mot de chétif château de Versailles, cité depuis si diversement. Après avoir fait observer qu’il n’est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de ne point faire une chose qu’il ne fait pas, il ajoute : « Le feu roy nous eust pu demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non d’édificateur. Saint-Jean-d’Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur, Nègre-pelisse, Saint-Antonin, et tant d’autres places rasées, démolies ou bruslées, me rendent preuve de l’un et le lieu où nous sommes, auquel, depuis le décès du feu roy son père, il n’a pas ajouté une seule pierre  ; et la suspension qu’il a faite depuis seize années au parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement que son inclination n’est point portée à bastir, et que les finances de la France ne seront point épuisées par ses somptueux édifices ; si ce n’est qu’on lui veuille reprocher le chétif chasteau de Versailles, de la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre vanité. » Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus grands intérêts de l’État. Elle tient une place importante dans le règne de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours si remarquable qu’y prononça Bassompierre, et qu’il ne pouvait avoir oublié lorsqu’il écrivit ses mémoires très peu d’années après. Aussi l’auteur de Versailles, seigneurie, château et ville, pense-t-il que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n’a dû s’appliquer qu’au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d’assurance d’une maison si peu importante, il ajoute : « Ou bien si l’on veut que Bassompierre ait appliqué son mot de chétif au château bâti sur le tertre de Jean de Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup, c’est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu’il a laissés ; il aura donc donné l’épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce que devait faire le roi, alors sous l’influence de Richelieu, l’ennemi juré du maréchal, devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais, tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal. »

Il paraît donc à peu près certain, d’après tout ce que nous venons de rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l’année 1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure qu’elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé ci-devant un moulin à vent, par conséquent à la place même où se trouve le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l’auteur de Versailles, seigneurie, château et ville, pensent que c’était le Pavillon royal ; c’est pour éclairer cette question que nous nous sommes livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de nouveaux documents propres à la résoudre.

M. Eckard, lorsqu’il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour avoir quelques renseignements sur les faits dont il s’agit ; mais là comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles ; ce qui lui fit penser « que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été détruits, de même qu’une foule d’autres documents plus importants encore pour notre histoire l’ont été dans toute la France, parce qu’ils établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales supprimés, sans indemnité, par différents décrets. »

« En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d’où relevaient en outre trente-quatre seigneuries. »

Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les recherches nouvelles que l’on voulait faire sur ce sujet ; et comme il s’agissait surtout de constater l’époque de la construction du Pavillon royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations.

Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi les titres de propriété, deux pièces qui établissent d’une manière positive l’époque de la construction du Pavillon royal.

La première de ces pièces est ainsi conçue :

« Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault. »

Aujourd’hui, 2 aoust mille sept cent un, le Roy étant à Versailles, les héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu, sur laquelle elle a fait hastir une maison appelée le Pavillon royal ; mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la propriété à ses héritiers, ils l’ont très humblement suppliée de vouloir sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la Pompe, 29 toises de face sur l’avenue de Saint-Cloud, 3 troises 2 pieds de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de l’hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le droit de cens sur le pied de 5 sols par arpents, au jour de Saint-Michel, et d’entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m’a commandé de leur en expédier le présent brevet, qu’elle a signé de sa main et fait contresigner par moy, conseiller secrétaire d’État et de ses commandements et finances, signé : Louis et plus bas Phelypeaux ; et au dos est écrit : Paraffé ne varietur, au désir du partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé : Bergeret, Delaroche, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires, en l’original des présentes, paraffé et demeuré annexé à la minute d’un partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot. Signé : Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour. »

La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit :

« Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place seize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la Pompe, 29 toises de face sur l’avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de l’hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur, le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison appelée le Pavillon royal, suivant les décorations réglées par Sa Majesté, dont n’ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m’a commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires. »

Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé : Hardouin Mansart. »

Et plus bas : « Première inventoriée. »

Deuxième, et au dos est écrit : « Paraffé ne varietur, au désir du partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé : Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires. »

Est l’original des présentes demeuré annexé à la minute d’un partage, passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l’un d’eux, a la minute, ce 20 mars 1720. Signé ; Besnier et Junot, avec parafes, et scellés ledit jour. »

Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII ; que ce pavillon, l’une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte cependant qu’à l’année 1676, c’est-à-dire au règne de Louis XIV, et que ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le Cicérone de Versailles, sur l’origine de ce bâtiment, c’est le nom de Pavillon royal, qu’on lui supposait venir du séjour qu’y aurait fait anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault, probablement pour le distinguer des hôtels des grands seigneurs qui l’environnaient de tous côtés.

Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une habitation à Versailles avant l’année 1627, date à laquelle l’abbé Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy ; que cette habitation n’est point le Pavillon royal, ainsi que le croyait l’auteur des Recherches sur Versailles ; et qu’alors il faut bien en revenir à l’opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès l’année 1624, Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de chasse, qu’il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé ci-devant un moulin à vent.

Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de Versailles qu’à cette époque, en achetant de l’archevêque de Paris la terre et seigneurie de Versailles.

Louis XIII aimait beaucoup Versailles ; il y prolongeait ses séjours pendant la saison des chasses ; aussi le Rendez-vous devint une habitation qui alla en s’agrandissant jusqu’à la fin de son règne.

Ce château, construit par Lemercier, architecte du roi, était flanqué de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier étage. Suivant l’usage de ce temps, quelques moyens de défense le mettaient à l’abri d’un coup de main.

Une fausse braie ou basse enceinte l’entourait et était précédée d’un fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines et d’étangs, dont la nature faisait seule les frais.

Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre 1630, s’y passa le curieux évènement qui porte dans l’histoire le nom de journée des Dupes.

Ce fut le seul évènement politique de quelque importance qui eut lieu dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII ; il est donc intéressant de s’y arrêter un moment, d’autant plus qu’il va servir à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette époque.

Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur l’Italie une armée considérable : « Toutes les troupes avaient passé par Lyon, et le roi les avait voulu voir l’une après l’autre. S’y trouvant beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s’occupait pas à ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s’y adonnant pendant la chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais temps. Le vingt-deuxième jour du mois de septembre, sur les deux à trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se sentit attaqué d’un frisson qui fut suivi d’une fièvre continue, avec des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes appréhensions, sans qu’on lui fît connaître que la fièvre dont il était atteint fût si maligne. » La maladie du roi allait toujours en augmentant ; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu’il ne passerait pas le 30 septembre. À chaque instant on croyait le voir expirer, lorsque Sénéles, médecin du commun de la reine, proposa de lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre heures, ou sauver le roi ou le faire périr. « . Les deux reines, dit Valdori, qui raconte ce fait, voyant l’une son fils, l’autre son époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins, consentirent à faire l’épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence. »

La reine Anne d’Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis XIII ; les soins qu’elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient amené entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa faiblesse, l’étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui, selon elles, n’avait entrepris cette guerre que pour se rendre nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son ambition ; Louis XIII ne trouva d’autre moyen de se débarrasser des obsessions de sa mère qu’en lui promettant de prendre un parti définitif après son retour à Paris.

Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. « Il en sortit sur un brancard, dit. Ch. Bernard, pour aller prendre la rivière à Rouane, d’où il arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu’il avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de Saint-Germain-en-Laye. « Elle était petite, pour n’y admettre que peu de gens et n’être point troublé dans le repos qu’il cherchait loin des importunités de la cour, et afin d’être plus libre dans l’exercice de ses chasses, lorsqu’il s’y voulait adonner. » Il fut là quelque temps et alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris, d’autant que l’on travaillait à la grande salle, dont jusqu’alors le plancher n’avait été construit que de poutres et de solives, qui offraient si peu de sûreté que lorsqu’on s’y réunissait l’on était obligé d’y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de remplacer par des voûtes en pierre. »

À peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu’il a des services de Richelieu. Marie paraît d’abord se rendre ; mais, toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout enfin à prendre un parti décisif. Cet évènement est raconté comme il suit par l’auteur des Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu :

« La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11 novembre 1630, à la mine qu’elle avait creusée, pour faire sauter en l’air et détruire jusqu’aux fondements de la fortune du cardinal, et ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à l’œil, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le préjudice que l’État en avait souffert, la mine joua et eut un succès bien différent de celui qu’elle et ceux qui l’avaient aidée à la fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui avaient contribué à sa construction. »

Mais cette intrigue mérite bien que l’on fasse un détail un peu circonstancié d’une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de Louis XIII, et qui a fait donner le nom de journée des Dupes au jour où elle se passa. »

La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu’il la viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du Luxembourg, à l’insu du cardinal, feignit d’avoir pris médecine ce jour-là, afin d’avoir un prétexte apparent de défendre l’entrée de sa chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu’en publia pour lors la renommée ; mais, quoi qu’il en soit, cette princesse mit en ce moment tout en usage, et employa tout l’art du monde pour persuader à son fils qu’il était trompe et trahi par le cardinal. Elle lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu’il le chasserait, qu’il ne l’admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n’eut aucun scrupule d’exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu’il recevait pour son heureuse convalescence et l’heureux succès de ses armes en Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne serviteur, et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire voir à toute l’Europe, par la disgrâce de celui qui était l’âme de tous ses conseils, qu’il se repentait de ce qu’il avait fait pendant tout le temps qu’il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus fort de son discours, et qu’elle pressait vivement son fils de lui accorder ce qu’elle désirait de lui avec tant d’instances, le cardinal entra brusquement dans sa chambre ; il en avait trouvé, à la vérité, la porte fermée, avec défenses très expresses à l’huissier de l’ouvrir à personne et surtout à lui, s’il s’y présentait ; mais comme il connaissait toutes les issues de ce palais, il s’en fut à la garde-robe de cette princesse, et se fit introduire par-là dans la chambre, ayant gagné pour cet effet une de ses femmes nommée Zuccole