Dans la pièce d’à côté - Agnés Capély - E-Book

Dans la pièce d’à côté E-Book

Agnés Capély

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Beschreibung

Ce livre est le témoignage bouleversant et inspirant d’une femme qui a su transformer sa douleur en une force de vie. Agnès Capély nous raconte comment elle a pu communiquer avec son compagnon décédé, Didier, et recevoir de lui des signes d’amour et de guidance. Elle nous invite à découvrir une autre dimension de la réalité, où la mort n’est pas une fin, mais une transition vers une forme de vie différente. Ce livre est un hymne à l’amour avec un grand A, celui qui transcende le temps et l’espace, et qui nous relie à notre essence profonde.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Dans sa première partie de vie, Agnès Capély est éducatrice au ministère de la Justice, elle est déjà animée par cette volonté d’accompagner et d’aider les autres. Plus scientifique que littéraire, elle prend alors conscience de la force et de l’impact des mots lors de ses premières audiences au Tirubunal pour Enfants. Elle met alors un point d’honneur à comprendre la trajectoire de ces adolescents à la dérive et à la traduire dans ses rapports éducatifs le plus justement possible.

À son arrivée dans les Landes en septembre 2009, elle fait le choix de quitter la fonction publique après 18 ans passés auprès d’adolescents en difficulté, pour occuper un poste d’encadrement dans une entreprise commerciale. Chargée de créer et d’animer des formations, elle mettra son imagination et son goût pour l’écriture au service des autres afin de révéler leur talent.

LE POINT DE BASCULE

En 2017, Agnès fait la connaissance de Didier, il devient rapidement son compagnon de route. Leur vie commune est pour tous les deux une période merveilleuse d’amour et de partage.

Le 26 juin 2020, tout s’arrête, Didier est brutalement emporté par une rupture d’anévrisme. Agnès est anéantie par ce choc, cependant, elle a aussi la sensation que tout n’est pas fini pour autant. Il n’est plus là physiquement, mais elle sent malgré tout sa présence.

L’ÉCRITURE COMME UNE ÉVIDENCE

Instinctivement, elle sent qu’il faut que cette histoire soit écrite, partagée.

Une fois Agnès installée devant son ordinateur, l’inspiration vient toute seule, comme soufflée directement par Didier. Ce livre, c’est comme si elle l’écrivait avec lui.

Au fil des mots qui se couchent sur le papier, elle apprend à interpréter les signes, les synchronicités qui jalonnent son parcours de vie. Et si une autre réalité existait, impalpable et pourtant si proche de nous ?

Il ne manque plus que le support pour promouvoir et diffuser ses œuvres : c’est là que naît MensaBark Éditions, le médium qui permet à Agnès de transmettre ses enseignements, de partager son propre cheminement.

Son roman « Dans la pièce d’à côté » sort le 26 juin 2021, tout juste un an après le dernier jour de vie sur Terre de Didier. Elle ne pouvait pas lui rendre plus bel hommage.
























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Agnès Capély

 

 

 

Dans la pièce d’à côté

 

 

 

 

 

 

 

 

Mentions légales

 

 

 

 

© MensaBark éditions 2023

ISBN : 9782957076222

8 rue des Calicobas 40140 Soustons

Corrections orthographiques et maquette :

agence éditoriale Empreinte

empreinte.click

Couverture : Copymedia

 

 

Table des matières

 

 

 

Le choc

 

L’accueil

 

Les premiers signes

 

L’apprentissage

 

La Renaissance

 

Les promesses

 

Remerciements

 

 

 

 

Ma plus belle rencontre

 

 

 

 

 

« Le plus bel amour est celui qui éveille l’âme, et nous fait nous surpasser. Celui qui enflamme notre cœur et apaise notre esprit ».

 

 

 

 

 

 

Le choc

 

 

« Vis pour ce que demain a à t’offrir et non pour ce qu’hier t’a enlevé ! »

 

 

 

Vendredi 26 juin 2020

 

23 h 20 Tosse - Appartement de Didier

 

— Non ! Non ! Mon chéri, ne meurs pas !

 

Ne meurs pas dans mes bras ! Je t’en supplie !

 

Je suis en panique. Que dois-je faire ?

Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qu’il lui arrive ?

Je hurle. Je suis en stress. Je le secoue.

Il est là, debout, appuyé à la table. Son corps se raidit. Il émet un râle sorti des ténèbres.

Il convulse. Il étouffe.

J’ai peur. Je tremble. Il n’arrive pas à respirer.

Son regard est vide. Il semble perdu.

 

Je décide de l’allonger sur le sol en position latérale de sécurité, un réflexe d’une vieille formation premier secours. Je dois, à tout prix, l’aider à reprendre son souffle. Je lui enfonce mes doigts dans la bouche. Aïe, il me mord, il me broie l’index et le majeur. J’oublie la douleur.

 

Avec l’autre main, je saisis mon téléphone et compose le 18.

 

Il recommence à respirer.

Je ressens une joie et un soulagement immenses.

Ouf, je suis tellement heureuse !

J’ai réussi. Je l’ai sauvé.

Les secours arrivent. Je suis rassurée.

Je le regarde du haut des escaliers. Les pompiers l’amènent. Il me fait un signe. Je lui dis que je l’aime et que je le rejoins très vite.

Départ pour l’hôpital de Dax. La Covid s’est invitée. Je ne peux pas rentrer. Je ne peux pas être auprès de lui. Je suis dépitée.

 

— Donnez-nous votre numéro de téléphone, Madame, on vous appellera dès les examens terminés. 

 

J’attends dans ma voiture.

Des heures interminables.

 

J’essaie de vaincre ma peur en me disant que tout va bien se passer. Sûrement un petit AVC, pris à temps.

Heureusement, j’étais avec lui quand c’est arrivé. J’ai pu appeler les secours de suite. On sait qu’une prise en charge rapide est primordiale. Il n’y a donc rien à craindre. Il n’y a pas de danger. Au pire, quelques jours d’hospitalisation et hop ! Ce sera reparti.

 

Je trouve le temps long. Je suis fatiguée mais rassurée, les médecins sont là. Mon angoisse a disparu. Je suis fière de moi. Je l’ai ramené à la vie. J’attends maintenant avec impatience les nouvelles. J’ai l’esprit tranquille. Je suis sereine.

 

Samedi 27 juin 2020

2 h 30 du matin Urgences Hôpital de Dax

 

— Madame, votre compagnon, Monsieur Didier Dupouy, est dans un état gravissime. La rupture d’anévrisme dont il a été victime a causé deux saignements d’une grande intensité dans son cerveau. Nous avons dû le placer dans un coma artificiel. Nous allons l’évacuer vers l’hôpital de Bordeaux. Ici, nous n’avons pas de service spécialisé pour cela.

Non, il ne sera pas évacué en hélicoptère. Il n’y a pas de vols de nuit pour les hélicoptères de secours.

 

Oui, vous pourrez le voir, mais je vous préviens, nous avons dû l’intuber pour l’aider à respirer, cela peut être très difficile à supporter. 

 

Chacune de ces phrases résonne en moi, comme des coups de marteau portés en pleine figure. Je suis sidérée. Chaque coup me pétrifie de douleur, d’incompréhension, de désespoir.

 

Je me sens anéantie, sous le choc. Je ne veux pas y croire. Du moins, mon esprit ne veut pas y croire.

Je sens que j’ai mal, que ce qui m’attend va être terrible, pour autant je me sens totalement anesthésiée. Comme si mes émotions s’étaient figées, comme si elles n’avaient plus droit à la parole face à la violence de ce que je vis. Face à la brutalité du choc, la peur semble les terrer au plus profond de mon être.

Où sont mes émotions, censées être là pour exprimer mes ressentis ?

Où sont mes larmes pour signifier ma souffrance ?

Où sont mes cris pour hurler mes peurs et mon désarroi ?

Je suis là, prostrée, amorphe, sans réaction, du moins en apparence.

 

Mon corps, lui, a compris ! Il bouillonne.

Ma tête va imploser.

Mes jambes vont se dérober.

Mes veines vont éclater.

 

Je n’ai qu’une envie, le voir, être auprès de lui, le toucher, le sentir, l’embrasser, le caresser.

Ils sont à côté de la plaque, ces médecins !

Ce n’est pas la vision des tuyaux et des machines qui est effrayante, mais la situation.

 

Il est là, devant moi, inanimé. Il semble dormir. Il respire. Je pose ma tête sur sa poitrine. Je ressens sa chaleur. Je sens son odeur que j’aime tant.

Je le câline. Je me blottis contre lui.

Je ne sais pas si c’est pour le réconforter lui ou moi. Je me sens seule, terriblement seule. J’ai peur, peur de le perdre. Je me ressaisis. Je me dis qu’il va s’en sortir. J’y crois.

 

À Bordeaux, de grands professeurs vont le sauver, j’en suis certaine. Ils vont évacuer le sang qu’il a dans le cerveau et, dans quelques jours, il sera sorti d’affaire. Je me raccroche à cette idée.

 

Arrive l’équipe du SMUR pour le transport.

 

Je quitte l’hôpital comme une âme en peine, comme une âme sans vie. J’appelle mes enfants pour les prévenir qu’il est arrivé quelque chose de très grave à Didier. Mon fils Hugo et sa copine viennent me chercher.

 

J’ai perdu toute notion du temps. On rentre à la maison.

 

Je sens l’incompréhension, puis la colère monter en moi. Déjà, devant l’hôpital, je pestais contre le temps écoulé, le temps perdu. Je pestais aussi contre l’absence de service spécialisé de proximité. Je suis en colère contre les médecins des Urgences. Ils auraient pu me laisser le voir, quand il était encore en vie, quand il était encore conscient, quand il pouvait encore parler, pour que je puisse échanger une dernière fois avec lui, avant qu’ils l’endorment.

Maudits médecins, maudite COVID !

 

À 5 h 30, le médecin du SMUR me prévient qu’il a été pris en charge par ses confrères de l’hôpital de Bordeaux.

 

Six longues heures se sont écoulées entre son malaise à la maison et le début des soins. C’est tellement long !

Ah, si, on avait eu la chance d’habiter près d’un CHU !

 

 

Samedi 27 juin 2020

17 h - Hôpital de Bordeaux - Service réanimation

 

— Madame, l’état de votre compagnon est très grave.

Nous avons arrêté le saignement. Nous avons placé une dérivation pour évacuer le sang du cerveau, mais vous savez, il a fait trois hémorragies. La boîte crânienne n’est pas extensible. Une quantité de sang importante compresse le cerveau, ce qui provoque un manque d’oxygénation. Même s’il s’en sort, les conséquences seront sûrement très graves. 

 

Ils ont à cœur d’expliquer en détail ce qu’ils ont mis en place. Ils ont bien appris la leçon et sont très pédagogues. Ils me montrent des schémas expliquant ce qu’est un anévrisme.

Super. Mais moi, je m’en fous !

Je me fous de tout, de leurs schémas, de leurs explications, de leurs gestes techniques.

Ce qui m’importe, ce sont ses chances de survie. À les écouter, il est déjà mort !

 

Je n’ai qu’une envie, que cet entretien cesse pour pouvoir enfin aller le voir, être auprès de lui.

Je veux être dans ses bras, sentir son odeur, entendre son cœur battre à nouveau.

Je veux l’aider à se sortir de cette situation horrible. Je suis persuadée que, s’il m’entend, il va se battre et réagir pour me voir et m’entendre à nouveau.

 

Enfin ! Le toubib a terminé son laïus. Je vais pouvoir aller le voir. Ma fille Alix me rejoint. On nous conduit dans le service où il est pris en charge.

 

Quel spectacle ! Quelle horreur ! Nous ne nous attendions pas à une telle désolation.

Il est là, sur ce lit d’hôpital, allongé, absent, médicalisé à outrance. De son crâne rasé grossièrement, une sonde sort et cherche désespérément à évacuer un liquide aqueux, épais, d’une couleur indéfinissable. De sa gorge, un énorme tube, qui y a élu domicile, accompagne sa respiration.

 

Il est dans un box, stocké au sous-sol du si grand et honorable hôpital Pellegrin de Bordeaux. Comme si sa vie, sa fin de vie annoncée, ne méritait guère plus d’intérêt, guère plus d’attention.

 

Devant nos yeux, un open space, où se côtoient quatre lits, quatre malades, quatre vies brisées, séparés par des rideaux sales et ternes.

L’espace est si étroit qu’il est impossible de s’y mouvoir. L’éclairage artificiel permanent rend l’atmosphère encore plus glauque.

Les bruits des machines, les cris et les gémissements des autres malades rendent son silence encore plus pesant.

 

À notre détresse s’ajoute cette ambiance morbide et déroutante.

Comment est-il possible, dans une telle situation, de ne pas avoir droit à un peu plus d’égards, à un peu plus d’humanité ? Nous ne demandons rien d’exceptionnel, juste de l’intimité pour pouvoir le soutenir dignement durant cette épreuve.

 

J’avais imaginé qu’il serait dans une chambre individuelle, que nous pourrions passer tout le temps voulu avec lui, tout le temps nécessaire. Nous aurions besoin d’être en paix, à l’abri des regards, du brouhaha assourdissant des autres malades, pour qu’il puisse ressentir notre présence, pour qu’il puisse entendre nos paroles, recevoir nos pensées.

 

Comment peut-on espérer essayer de le ramener à la vie dans de telles conditions ?

 

J’aurais tout simplement besoin de calme pour lui parler, pour lui transmettre mon énergie, pour m’occuper de lui, pour lui demander de ne pas nous abandonner.

 

Et s’il devait nous quitter maintenant, je me dois de l’accompagner dans la sérénité, la dignité et l’intimité.

S’il en est ainsi, je vais devoir me résigner à vivre nos derniers instants dans ces conditions-là, déshumanisées. C’est un crève-cœur.

Et pour clore le tout – Covid oblige – le temps passé auprès de lui nous est compté.

 

Cela fait maintenant, dix-huit heures que j’encaisse les chocs, les uns après les autres.

Le choc de sa crise à Tosse, le choc de l’annonce de la gravité de son état aux Urgences de Dax, le choc d’apprendre que ses chances de survie sont quasi nulles.

Et maintenant, nous sommes confrontés à ce manque d’humanité, de compassion, ce manque de bon sens, tout simplement.

Je suis sidérée. Cependant, nous n’avons pas d’autre choix que de subir.

Un sentiment d’incompréhension s’empare de nous. Nous nous sentons tout petits, impuissants, maltraités. Franchement, on se serait bien passés de tout cela.

 

 

Dimanche 28 juin 2020

1 h du matin - Appartement de mon fils Hugo à Bordeaux.

 

— Maman, Maman !Tu viens de recevoir un message : il s’est réveillé. 

 

Ses cris me réveillent. Ma fille se jette sur mon lit. Elle est tout excitée et emplie de joie.

 

Elle me tend mon ordinateur portable.

Effectivement, sur la messagerie Messenger, on peut y lire : « Il s’est réveillé ».

 

Elle pense que c’est l’hôpital qui nous envoie ce message pour nous prévenir.

 

Je sens mon cœur battre à la vitesse de la lumière. Une bourrasque d’espoir m’envahit. J’ai envie de crier ma joie. Je sens une bouffée d’air enivrante déferler dans mes poumons et frapper mon cœur de plein fouet. Je respire à nouveau. Je revis. Mon moral remonte en flèche.

Je me sens tellement soulagée, libérée de cette angoisse qui m’entraînait vers le bas, vers les ténèbres.

Je le savais, il ne pouvait pas partir comme ça, sans que l’on ait pu avoir un dernier échange. Il ne pouvait pas m’abandonner, nous abandonner. Pas lui, ce n’est pas son style.

Mais soudain, un éclair de lucidité me foudroie.

Je reprends mes esprits.

Un message, Messenger !

 

Depuis quand, les hôpitaux contactent les familles en pleine nuit, via une messagerie, pour leur annoncer une telle nouvelle ?

 

Ce n’est pas possible, je crois rêver !

Pourtant, je ne rêve pas.

Non, ma fille est bien là, face à moi.

J’ai les yeux bien ouverts.

Mais alors, il est où le problème ?

 

Je relis le message une nouvelle fois.

« Il est réveillé ».

Je ne comprends rien.

Mon cerveau est en alerte. Il y a un souci.

Mais d’où vient ce message, qui nous l’envoie, et dans quel but ?

Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût.

 

Ma fille veut y croire, mais moi je n’y crois plus, je sombre.

Le sol se dérobe sous mes pieds, je m’effondre.

 

Il faut que je comprenne, que je trouve une explication à ce message.

 

Je prends mon téléphone portable, ouvre ma messagerie.

D’un seul coup, tout devient terriblement limpide.

 

Je comprends en un instant que c’est son fils qui m’a écrit : « il s’est réveillé ».

Ce n’était pas une affirmation, juste une question de sa part !

 

Quel quiproquo terrible…

Je ne lui en veux pas, il n’y est pour rien.

 

 

Dimanche 28 juin 2020

8 h - Appartement d’Hugo

 

Mon téléphone sonne.

 

—  Bonjour, Madame. Je suis le médecin que vous avez vu hier. Je vous appelle pour vous informer qu’il y a eu des complications dans la nuit. La déviation que nous avions installée pour évacuer le sang du cerveau n’a pas fonctionné comme nous l’aurions souhaité. 

 

Je suis atterrée. Je sens mon corps défaillir. Mon cœur s’emballe et envoie un flux de sang d’une telle violence dans mes veines que j’ai l’impression qu’elles vont exploser. Que va-t-il m’annoncer ?

 

— Vous êtes toujours à Bordeaux ? Il faut que l’on se voie. Venez vers 10 h, on vous recevra. 

 

Il raccroche.

 

Je suis là, assise dans mon lit, le regard absent. C’est comme si mon esprit avait quitté mon corps ne supportant plus cette souffrance infligée. Je me sens vide, sans pensée, sans réaction. Je suis un corps en ébullition, que le cerveau a déserté. Je suis une enveloppe charnelle sans vie.

 

Dimanche 28 juin 2020

10 h - Hôpital de Bordeaux

 

Alix m’accompagne. Nous sommes à l’heure, cependant personne pour nous accueillir.

Une infirmière arrive, nous demande d’attendre, le médecin est occupé ailleurs.

La colère me gagne, tout ce temps qui s’écoule, toutes ces minutes perdues à jamais.

On pourrait être auprès de lui, mais on attend, encore et encore.

 

J’ai, nous avons besoin, de le voir, de lui parler, de le réconforter, de lui dire que nous sommes là.

Nous avons tout simplement besoin de lui.

 

Je n’ai qu’une envie, passer mes mains dans ce qu’il reste de ses cheveux, poser mon visage contre son torse pour sentir son odeur que j’aime tant, effleurer, caresser encore et encore sa peau, le mordre pour l’éveiller, réveiller tous ses sens, raviver toutes ses terminaisons nerveuses, agir pour le ramener à la vie.

 

Putain, mais il est où ce toubib ?

Je perds patience.

On perd un temps précieux.

 

Ils le savent bien pourtant, que plus les proches sont présents, et plus ils parlent aux malades, plus leurs chances de sortir du coma sont importantes.

 

Il fait quoi, ce toubib ?

 

Pendant ce temps, Didier est seul, il nous attend, et eux, ils nous font poireauter, dans cette salle d’attente morbide.

 

Jusqu’à présent, j’imaginais que, dans une telle situation, une équipe étoffée, dynamique et bienveillante prendrait en charge la famille, pour atténuer le traumatisme subi, amoindrir le choc émotionnel vécu.

Que nenni ! Je réalise tout simplement que, dans une telle situation, nous sommes seuls, abandonnés à notre triste sort. Quelle misère !

En quarante-huit heures à peine, je me suis pris des claques, comme jamais auparavant.

 

Puis soudain, on est reçu par le staff : un médecin, une infirmière du service réanimation.

 

Le boss commence :

 

— L’état de votre mari s’est dégradé cette nuit. Le sang ne s’évacue pas. La compression exercée est très forte. Son cerveau ne pourra pas survivre à un tel traumatisme. Même s’il se réveillait, les liaisons et les séquelles seraient trop importantes. 

 

— Vous êtes en train de me dire que c’est terminé ? 

 

— Pas encore, pas tant que le décès n’est pas confirmé par un scanner. Nous avons un protocole bien précis à suivre. Je ne vous cache pas que tous les signes cliniques indiquent une mort cérébrale imminente, mais on doit encore faire des examens pour le vérifier. 

 

Ses mots sont froids, dépourvus d’émotion, sans compassion, sans empathie. Il les prononce telle une machine bien rodée, avec une distanciation bien figée pour éviter de perdre pied, pour s’épargner une souffrance qui n’est pas la sienne, pour masquer son impuissance.

 

D’une voix tremblante, je lui demande s’il existe une petite chance, aussi infime soit-elle, pour que le scénario soit différent.

 

Je ne comprends pas sa réponse.

Je crois qu’il ne la comprend pas non plus lui-même !

Il quitte la salle froidement, distant, mettant ainsi un terme à cet entretien devenu trop pesant, pour lui, pour nous.

 

L’infirmière, qui n’a pas décroché un mot, se lève à son tour pour le suivre. Elle se ressaisit. Elle nous fixe du regard, regard attendrissant, mais désespéré, et réalise qu’elle a devant elle, deux personnes effondrées, le cœur brisé. On lit dans ses yeux notre détresse et notre désarroi. Elle nous rejoint et vient s’asseoir autour de la table avec nous. On se retrouve là, toutes les trois, les yeux larmoyants. Elle veut être présente pour nous, elle voudrait pouvoir nous consoler, nous rassurer, nous débarrasser de notre tristesse, mais elle sait que c’est impossible.

 

Elle a des mots bienveillants qui ne changeront pas le cours des choses, mais qui font du bien.

Peu importe qu’elle ne soit pas magicienne, le souffle d’humanité qu’elle nous offre nous permet de faire face, de rester debout. On parvient à se lever, à s’extirper de l’état de choc qui nous avait paralysés sur nos chaises inconfortables.

 

Il est temps maintenant d’aller rejoindre Didier.

 

Nous sommes enfin à ses côtés. Cela fait un bien fou, même si c’est douloureux.

Nous devons lui parler, pour qu’il entende nos voix si familières, si aimantes, qu’il sente notre présence, notre réconfort, nos mots d’amour et de tendresse.

Nous voulons qu’il sache à quel point il va nous manquer s’il nous quitte.

 

Nous n’avons qu’un seul but : être là pour lui tout simplement. Notre seule mission, à cet instant précis, est de lui apporter du bien-être.

Alix lui tient la main. Elle lui parle à voix basse. Je n’entends pas ce qu’elle lui dit, mais je sais que c’est important pour elle, pour lui, qu’il sache ce qu’elle aurait tant aimé lui dire, mais qu’elle n’a jamais osé, tant de choses qu’elle ne s’est jamais autorisée à dire, à lui dire.

 

Je n’ai qu’un désir, qu’il reçoive tout l’amour que j’ai pour lui.

Je n’ai qu’une envie irrépressible, le toucher, le caresser, le masser, le rendre heureux comme je le faisais tous les jours que nous passions ensemble. Depuis que l’on s’était rencontrés, notre plaisir ultime, l’essence même de notre vie, était de rendre l’autre le plus rayonnant possible.

 

Je le caresse, je le masse, surtout les pieds, car il adorait ça. Il ne perdait pas une occasion de m’offrir cette extrémité de son corps pour que je m’en occupe. Ça le faisait tellement rire de penser que c’était une corvée pour moi alors qu’en réalité j’y prenais un tel plaisir.

 

Pour écarter cette souffrance insoutenable, je me laisse aller à des pensées magiques. « Ça va lui rappeler des souvenirs tellement délicieux qu’il ne voudra pas s’en priver. Il ne voudra pas partir. Il choisira le bon côté, celui de la vie. »

Mais surgissent soudain d’autres pensées, nettement moins douces, nettement moins optimistes.

La torpeur me gagne. La peur de le perdre refait surface. Je sens des larmes incontrôlables, venues du tréfonds de mon être, sillonner mon visage déconfit. Je cherche à les retenir. Je ne veux pas qu’il me voie pleurer. Je ne veux pas qu’il ressente mon désespoir. Malgré tous mes efforts, je ne contrôle plus rien. Je m’effondre de douleur, de tristesse. Des vagues de sanglots déferlent avec fracas sur mes mains, sur ses pieds, sur nos corps. Je suis inconsolable.

 

Je sais au plus profond de moi que les espoirs de le voir revenir à la vie sont minces. Je sais surtout qu’ils sont inexistants, mais je ne veux pas l’admettre.

 

Alors je fais comme si c’était encore possible. Je me dis que, malgré les apparences défavorables, un miracle peut surgir, là où on ne l’attend pas.

Je sais que c’est possible, je me raccroche à cette idée, je connais cette situation.

La sœur de ma maman, qui est toujours en vie, avait fait elle aussi une rupture d’anévrisme. Alors qu’elle était dans le coma, les médecins avaient annoncé sa mort dans vingt-quatre ou quarante-huit heures tout au plus... elle s’était réveillée !

 

Mon esprit, apeuré à l’idée de perdre l’être aimé, se raccroche à cet espoir. Je ne peux décemment pas accepter sa disparition. J’ai conscience que son absence serait dévastatrice, que je ne m’en remettrais jamais.

Mon cœur, mon âme savent déjà.

Mais mon mental, lui, refuse de l’admettre. Le manque serait trop terrible pour lui, il se sait démuni pour y faire face.

 

Profitant de l’affaiblissement de mon ego, et galvanisée par un optimisme irrationnel, je décide alors d’emprunter le chemin de l’espoir qui peut parfois s’apparenter à celui du déni. Je décide de mobiliser toute mon énergie pour aider Didier à revenir. Je n’ai qu’une idée en tête qu’il montre aux médecins qu’ils se sont trompés.

 

Je lui fais du magnétisme.

Je sollicite mes guides, toutes les bonnes volontés, les anges, les archanges, les Maîtres Ascensionnés et je leur demande d’intervenir.

Mon imagination est grande dans ce domaine.

J’y crois. Je les implore.

 

Je parle sans cesse à Didier dans l’espoir de maintenir le lien. Je lui dis qu’il va s’en sortir.

Il entend mes prières, j’en suis certaine.

Je lui murmure des mots doux à l’oreille pour le tenir en éveil. Je veux qu’il s’approprie mes espérances, car tant que le match n’est pas terminé, la partie n’est pas perdue. Près de lui, j’occupe tout ce temps précieux, à lui transmettre le maximum d’ondes bienfaitrices, d’énergie positive. Je n’ai qu’une obsession, qu’il fasse marche arrière, et qu’il retrouve enfin le chemin de la vie.

 

L’heure a sonné de le quitter.

C’est un déchirement.

Je me sens amputée d’une partie de moi-même.

Je voudrais rester à ses côtés une heure de plus, un jour, un mois, une éternité. L’idée de fermer les yeux et de m’endormir auprès de lui paisiblement, sereinement, me traverse l’esprit.

 

Je lui susurre que nous reviendrons le voir à nouveau en fin d’après-midi. Le corps médical a fait une entorse au règlement, au regard de la situation désespérée dans laquelle nous nous trouvons.

 

Avec ma fille, nous nous éloignons de l’hôpital. Chaque pas de plus qui me sépare de lui est un coup de poignard que l’on m’assène en plein cœur.

 

Pour occuper le temps et chasser l’angoisse, nous nous promenons dans Bordeaux. Nous essayons de reprendre des forces en passant un bon moment toutes les deux. C’est notre seule échappatoire face à la tristesse et à la peur qui nous submergent à cet instant précis.

 

Une amie, Valérie, dont je n’avais plus eu de nouvelles depuis bien longtemps, m’a contactée la veille. Je fais partie de ces gens qui savent que, dans la vie, il n’y a pas de hasard. Elle m’a proposé de réunir par la pensée, tous les proches de Didier, tous nos amis, pour une prière universelle, ce soir, pour lui apporter toute l’énergie dont il va avoir besoin. Elle se charge de solliciter de son côté toutes les personnes de son groupe de Reiki, des personnes animées par la bienveillance et l’amour. Elle ajoute qu’il sera dans la lumière, lui seul décidera ensuite.

 

Je passe une bonne partie de l’après-midi, à téléphoner à tout le monde pour les informer de la situation et leur demander par la même occasion s’ils peuvent à 19 h 30 prendre un temps pour transmettre à Didier leur amour, leur force et leur énergie.

Dimanche 28 juin 2020

18 h - Hôpital de Bordeaux

 

Nous sommes de retour auprès de Didier. Je supporte de moins en moins ce box sinistre.

Dans une heure trente, une union d’âmes positives disséminées aux quatre coins du monde va se focaliser pour lui apporter lumière et énergie.

 

Et lui, pour accueillir cette force sacrée, le voilà confiné dans tout juste un mètre carré, d’un sous-sol lugubre d’un grand hôpital.