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Beschreibung

Des écrivains ont prêté leur voix à ceux et celles que notre société laisse dans le silence. Ancien détenu, journaliste ou musicien exilés, SDF, réfugié politique, prostituée… chacun raconte des bribes de son histoire.

Une émotion brute, bouleversante, souvent violente.

Reflet de vies fracassées, bancales,
qui disent toutes l’espoir et la dignité retrouvée,
par la reconnaissance des mots.

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Préface

Didier Daeninckx

« L’année de mes dix-sept ans, je ne me suis pas lavé une seule fois ».

Il y a des phrases comme ça, que l’on entend au milieu d’un flot de paroles et qui transpercent d’un coup le mur des indifférences. Celle-ci a été prononcée par un jeune Croate obligé de fuir son pays où la guerre avait bouleversé tous les arrimages historiques, politiques ou familiaux. L’écrivain qui l’a recueillie n’a pas eu besoin de la placer en italique ou de la faire figurer en gras. Elle claque, et sa déflagration qui dit la violence de ce qu’il faut subir quand les bouleversements du monde vous jettent sur la route, résonne longtemps dans l’esprit.

Dans la quinzaine de récits de vie présents dans ce recueil, transcrits au moyen de la poésie ou de la prose, les effractions du réel abondent. C’est ce repris de justice qui, par une farouche volonté, se mue en repris de justesse et offre aux mal assurés de la vie les cales qui les remettent d’équerre. C’est cette enfant battue, automutilée, droguée, violée, qui opère sur elle-même le miracle de la résurrection. C’est cette « fille de joie », toujours à la peine, qui se réinvente assistante sociale des sens. C’est ce junkie dont les nuits sont hantées par les sacrifiés de la construction du Congo-Océan, cette ligne de fer coloniale où, disait Simenon, chaque kilomètre est la tombe d’un Occidental et chaque traverse celle d’un Africain.

Quinze anonymes dont les témoignages recueillis par autant d’écrivains vous obligent à garder les yeux grands ouverts pour les voir, enfin, tels qu’ils sont.

C’est ce que me disait une vieille paysanne de ma région maternelle et qui était née la peau trop foncée pour la Charente, les sourcils trop prononcés, les cheveux trop noirs. « Tu n’es pas d’ici, tu n’es pas Française »… Les invectives de l’enfance l’avaient accompagnée toute sa vie : « Je ne me suis jamais vue comme on me voyait » m’avait-elle confiée.

Puisse ce recueil contribuer à laver les regards…

Des rencontres et des mots

L’année dernière, par l’édition du recueil Des traversées et des mots, nous avons voulu faire en sorte que les lecteurs et les lectrices découvrent des artistes, des écrivains, des autrices, des poètes, des dramaturges, sans voir en eux, avant tout, le réfugié ou le migrant. Nous avons donc endossé avec enthousiasme et fraternité le rôle de « révélateur ».

Au moment où se refermaient les portes de l’édition 2019 de la Foire du Livre de Bruxelles, encore à l’euphorie du succès de ce recueil, nous n’avons pas pu ne pas entendre les constats de nos partenaires, Amnesty et Médecins du Monde. Certes, la Foire du Livre travaille pour que les gens lisent, ou lisent plus, ou plus librement, ou pour le plaisir. Et pour que les auteurs, de quelque origine qu’ils soient, disposent d’un espace pour se faire entendre. Mais qu’en est-il de ceux et celles qui, ici, tout près, chez nous, sont privés de voix ? Ceux qui vivent dans le silence parce que la société les pousse à la périphérie et les contraint à l’invisibilité ?

Ignorer cette réflexion était inconcevable pour la Foire du Livre qui, depuis quatre ans, tente grâce à son programme Objectif Lire de se rapprocher au plus près des publics éloignés de la lecture, que ce soit pour des raisons, économiques, sociales, culturelles ou physiques.

Nous nous sommes donc concertés et nous avons rêvé. Qui mieux qu’un écrivain pouvait devenir la voix des sans voix ? Qui mieux qu’un maître du verbe pouvait confier ses mots aux silencieux pour qu’enfin ils puissent se dire ? Nous rêvions de faire se rencontrer un auteur ou une autrice et l’une de ces personnes dont Amnesty et Médecins du Monde nous parlaient.

La démarche semblait utopique car nous n’ignorions pas que les auteurs et les autrices, souvent surchargés de travail, sont aussi soucieux de leur source d’inspiration et de leur intimité. Mais, à notre plus grande joie, les quinze auteurs que nous avons approchés ont accepté d’entrer dans le projet. Les rencontres se sont déroulées entre mai et octobre, souvent dans des gares, de Liège Guillemins à Bruxelles central, ces lieux de passage anonymes et surpeuplés où la bulle du silence peut, mieux qu’ailleurs peut-être, se dégonfler. Parfois dans d’improbables lieux, parfois au téléphone, jamais dans l’indifférence.

Prostituée, SDF, ex-prisonnier politique, ancien détenu, journaliste en exil, ancienne toxico… des rencontres et puis des mots, dits avant d’être écrits dans des écritures croisées, conjointes. Conjuguées.

Ce recueil porte la volonté de la Foire du Livre d’être ce lieu des rencontres mêmes improbables où les mots tissent des liens et sont porteurs d’espoir.

Merci aux partenaires de la Foire du Livre de Bruxelles dans ce projet : Maryse Hendrix, pour Amnesty International, Muriel Gonçalves et Michel Roland, pour Médecins du Monde, Anne Casterman et Anne Verbeke pour l’ASBL TraduQtiv, Jean-Claude Idée et Pierre Pivin, pour les Universités Populaires du Théâtre, Maitre Frédéric Lejeune pour le Cabinet Lejeune Legal, Silvie Philippart de Foy pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sans leur énergie et leurs convictions, ce recueil n’aurait jamais pu voir le jour.

Un immense merci à Xavier Vanvaerenbergh et à sa maison d’édition Ker sans qui cet ouvrage ne serait pas entre vos mains.

Merci aux administrateurs de la Foire du Livre qui ont soutenu le projet, ainsi qu’à David Cordonnier et à la Région Bruxelles-Capitale qui croient à la dynamique sociétale de la Foire du Livre et à Objectif Lire, son ambitieux programme.

Merci aux auteurs et autrices de Belgique francophone qui n’ont pas renoncé à l’utopie dont nous avions rêvé : Véronique Bergen, Geneviève Damas, Laurent Demoulin, François Filleul, Kenan Görgün, Joy, Françoise Lalande, Marcel Leroy, Lisette Lombé, Maïté Lønne, Pedro Romero, Fatiha Saïdi, Nathalie Skowronek et Denis Uvier.

Merci à Nicolas Swysen pour les textes de Henri Belyn et de Patrice Moncomble, qui ont participé à ses ateliers d’écriture destinés aux détenus.

Remerciement spécial à Kim Thúy qui nous a écrit de Montréal.

Merci à Serge Thiry, Gipsy, Emre Gültkin, Yves Mkambala, Lara, Gazelle, Tyra, Thomas, Liora, Patrick, Moncef… qui se sont racontés.

Merci à Didier Daeninckx qui a souhaité faire partie de notre projet et en écrire la préface.

Merci à Kelechi Johnbosco, qui nous a autorisés à utiliser sa toile No Comment n°1 comme illustration de couverture.

Merci à vous lecteurs qui, en lisant le livre, donnerez vie à toutes ces voix silencieuses.

Gregory Laurent,Commissaire général de la Foire du Livre de Bruxelles

Christine Defoin,en charge du programme Objectif Lirede la Foire du livre de Bruxelles

Un long départ

Henri Belyn

Lors d’une journée simple et ensoleillée,

En buvant, me promenant devant notre gare.

Un combi de police s’est arrêté.

Les policiers sont descendus bien peinards.

Ils se sont dirigés vers moi, au hasard,

Ils m’ont demandé mes papiers simplement.

J’ai su c’qui allait se passer un peu plus tard,

C’est ce que je craignais depuis un bon moment.

Ils m’ont demandé de les suivre sans discuter,

Je me suis levé très stressé et apeuré.

C’était pour m’emmener dans une pièce noire.

Je suis arrivé là-bas et j’ai su que là,

On me menait dans un endroit froid et étroit,

C’est un lieu où ne règne que le désespoir.

*

Le comédien Nicolas Swysen travaille en prison avec des détenus et leur propose des ateliers d’écriture. Le texte Un long départ est le fruit d’une rencontre de Henri Belyn, détenu, avec l’écriture.