Dis, c'est quoi l'identité - Sam Touzani - E-Book

Dis, c'est quoi l'identité E-Book

Sam Touzani

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Beschreibung

La question de l'identité sous-entend une autre question : celle de la connaissance de soi. Qui suis-je ? Pas seulement ceci ou cela, mais surtout ce que je fais, jour après jour, de tout ce que j'ai reçu. C'est dans ce va et vient entre ce qui me différencie de l'autre et ce qui m'en rapproche que se définit mon identité du moment, comme une signature faite de ma main à partir de mon nom, qui prouve que je suis unique tout en étant dans la filiation de quelque chose qui me précède. Exercice difficile, qui génère parfois bien des souffrances, au point de vouloir changer de vie, de ville, de religion, de corps, etc., pour se créer une identité sur mesure. Mais quelle est la part du fantasme et de l'imagination dans la construction de son identité ? N'y a-t-il pas ce qu'on est, et puis ce que l'on croit être ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Sam Touzani est un véritable homme-orchestre : comédien, auteur, danseur-chorégraphe, metteur en scène ; un artiste polymorphe, un électron libre. Depuis 25 ans, ses spectacles abordent sans tabou les questions de l'identité, la sexualité, la religion, l'intégration. Il passe au scalpel notre société, il se joue des paradoxes et il nous raconte des histoires qui donnent à repenser notre pensée. Mohamed Sifaoui est écrivain et journaliste, spécialisé dans les questions portant sur l'islam et le terrorisme. Chargé de cours à la Sorbonne, il n'hésite pas à exprimer son opinion à travers des ouvrages tels Taqiyya. Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France (Editions de l'Observatoire) ou Une seule voie : l'Insoumission (Plon). Il est également directeur de publication sur la plateforme digitale www.islamoscope.tv.

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Couverture

Page de titre

Préface

Explorer la question de l’identité n’est jamais chose aisée et davantage à une époque qui vit cette thématique et la retrouve au cœur de plusieurs passions. C’est au nom de cette fameuse identité que certains s’éloignent et évitent ceux qui leur semblent « différents », c’est au nom de celle-ci que d’autres haïssent ou rejettent, à partir de fantasmes ou de préjugés, et c’est toujours en son nom que parfois les plus fanatisés sous son étendard tuent indistinctement.

Sam Touzani, brillant artiste, homme de lettres et de mots, mais aussi homme traitant les maux, très engagé sur toutes ces questions qui nous interpellent et nous préoccupent, a décidé de fureter le sujet, de manière subtile, drôle, intelligente et surtout pédagogique. C’est un acteur de la société civile qui sait aborder les aspects les plus complexes, de la sociologie musulmane, en usant de la méthode frontale, sans se défausser, pour mieux les regarder dans les yeux. Il interroge les coutumes archaïques avec humour, autodérision, mais aussi affection, il s’oppose à l’institution monarchique marocaine, pays de ses ancêtres, il dénonce le terrorisme, pourfend l’islamisme, tout en suivant une ligne résolument humaniste et antiraciste.

Il agit de la sorte depuis plus de vingt ans, non sans essuyer au passage les traditionnels « critiques » – plutôt les injures et menaces – qui émanent de tous ces milieux – surtout musulmans – incapables d’observer l’actualité et ce qui les concerne avec froideur, recul et distance. Toujours cette sacrée passion !

Si je devais parler d’identité, de la mienne, j’affirmerais que l’auteur de ce livre représente parfaitement ce que je suis.

Introduire ce livre est donc pour moi un réel plaisir et, je le précise, non pas pour verser dans le propos convenu du préfacier, un véritable honneur. Je souligne mon intérêt pour l’exercice d’autant plus que Sam Touzani fait partie de ces amis belges avec lesquels je partage à la fois des valeurs et des combats. À vrai dire, nous appartenons à la même communauté : nous sommes tous les deux… profondément démocrates !

Ce contre-pied que je fais sciemment vise à bousculer, dès le départ, certaines idées reçues afin que je puisse entrer dans le vif du sujet. Parce que, soyons honnêtes, combien de lecteurs, en parcourant le passage qui précède, s’attendaient à lire : « nous appartenons à la même communauté : nous sommes tous les deux maghrébins » ou « nous sommes tous les deux berbères » ? Voire peut-être certains s’attendaient à lire « nous sommes tous les deux musulmans » ou alors probablement qu’une autre partie s’attendait à découvrir que « nous sommes tous les deux adorateurs du couscous » en raison d’un ADN ethnoreligieux que nous aurions en commun.

À vrai dire, l’auteur de cet essai et moi-même, nous nous sommes connus il y a quelques années (je ne sais plus à quand date cette rencontre) et ce qui nous a très vite rapprochés, c’est d’abord et avant tout un attachement à des valeurs universelles, en premier lieu la démocratie, un intérêt pour l’humour et certainement pas les liens que nous avons tous les deux avec l’autre rive de la Méditerranée.

Je commence par cet aspect, car notre identité est parfois construite à partir du regard de l’Autre. Or, celui-ci, surtout l’Européen, a tendance à nous renvoyer systématiquement à notre origine, résumée par le mot-valise « arabe », ou encore « musulman ». Et souvent, nous sommes dans certains regards essentialisés et confinés dans un déterminisme qui ne cesse d’habiter l’imaginaire collectif de nos sociétés.

Beaucoup de Maghrébins – musulmans ou pas – (oui certains ne le sont pas, puisqu’ils sont athées. Eh oui l’athéisme existe aussi « chez ces gens-là » !) finissent parfois, surtout lorsqu’ils ne font pas l’effort d’investir ce sujet, par se définir comme « Maghrébins » seulement parce qu’ils ne sont pas perçus autrement. D’autres ne finissent par se voir qu’à partir de leur islamité, réelle ou supposée, parce qu’ils ne sont décrits qu’au travers de leur appartenance à une religion.

Reprenons les choses depuis le début. Qu’est-ce l’identité ? C’est probablement Amin Maalouf qui, dans ses Identités meurtrières1, définit le mieux ce thème et répond à la question posée avec le brio qu’on lui connaît : « L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. »

Méditons cette citation : on naît généralement d’un père et d’une mère. D’un Monsieur X et d’une Madame Y. Chacun des deux est un être avec son histoire, son vécu, son existence, sa personnalité, sa complexité. Et donc son identité. Chacun des deux, à travers l’éducation et la transmission, va donner, ou plutôt proposer, à l’enfant, ce futur adulte en construction, des éléments culturels, dans lesquels peuvent figurer des croyances et des superstitions (ou pas), et va alimenter ainsi l’enfant, plus tard adolescent, en repères, le plus souvent structurants. Cet enfant sera par la suite scolarisé. Il ira à l’école, ce qui lui permettra de se socialiser, de connaître d’autres personnes en dehors de son entourage direct, de croiser le chemin d’enseignants, d’éducateurs, de moniteurs sportifs. De vivre de belles et de mauvaises expériences qui vont toutes nourrir sa personnalité et participer à la construction de son identité. Chemin faisant, arrivant à l’adolescence, cet être qui ne cesse de grandir et de s’épanouir, qui ne cesse de s’émanciper du cocon familial, va connaître ses premiers émois amoureux, ses premières déceptions, ses premiers chagrins, ses premières relations sexuelles. Progressivement s’édifiera justement son identité sexuelle, il sera hétérosexuel ou homosexuel. Il se construira souvent à l’image de son milieu d’origine ou d’autres fois en opposition à celle-ci, bref, et il poursuivra sa route, quelquefois de façon linéaire, le plus souvent avec des zigzags, voire avec des retours en arrière pour de nouveaux départs.

À un moment donné, l’enfant n’est plus un enfant ni même un adolescent, et le jeune adulte qu’il est devenu se choisit une activité professionnelle (ou pas) ; parfois, comme une minorité, il refusera l’effort et le travail, et préférera une vie de bohème, peut-être celle d’un marginal ou pire celle de délinquant. Toujours est-il que le parcours se poursuit ainsi jusqu’à un âge de maturité qui aura amené l’individu à connaître une succession d’événements, parfois d’aventures, de rencontres, de lectures, de voyages, de découvertes, de sensations qui vont toutes forger son identité.

Alors, comment définir une identité ? Serait-ce un bloc ? Un amas uniforme représenté par un seul tas ? Évidemment non. L’identité est un ensemble, des strates et des couches qui composeront une sorte de millefeuille, chacune de ces feuilles supportant des éléments aussi divers que complémentaires.

Quelle est mon identité ? Comment devrais-je me définir ? Certains pensent que je suis « maghrébin » ou « musulman », d’autres estiment que je suis « journaliste » et « écrivain ». En vérité, je suis un homme, hétérosexuel, né dans un environnement musulman, n’ayant aucun intérêt pour la religion, sinon à travers les brochettes ou le méchoui d’agneau le jour de l’Aïd. C’est d’ailleurs un lien similaire que j’ai avec Noël : seul jour de l’année où j’accepte d’être catholique et célébrer la naissance du Christ, puisque cela m’autorise à manger de la dinde et gâter mes enfants en cadeaux. Oui, parce que je suis père, j’essaie de transmettre à mon tour des valeurs, de donner un cadre à des enfants qui ne cessent de grandir et qui ne cessent de se forger leur propre identité. Elle est faite un peu de ce que je suis, un peu de ce qu’est leur mère, mais surtout beaucoup de ce qu’ils sont et de ce qui les entoure.

Je suis aussi journaliste, amoureux de la langue française, passionné par les questions relatives à l’histoire de l’humanité et celle des idées et surtout les totalitarismes, ce qui m’a amené à m’intéresser de très près, depuis une trentaine d’années, à l’épineuse question de l’islam politique. Sujet essentiel de notre époque.

Je me sens par ailleurs profondément algérien, pays où j’ai grandi, mais surtout profondément français, pays qui m’a adopté et qui m’a permis de vivre pleinement mon attachement à la démocratie, à la liberté d’expression et à la laïcité. Je suis devenu, par la suite, profondément européen, car j’ai appris, au fil des années, à dépasser totalement la question des frontières, érigées au fil de l’histoire, pour m’inscrire dans un universalisme qui m’amène à être spirituellement très proche d’un démocrate de Casablanca, de Tunis ou d’Alger, mais aussi de Copenhague, de Paris, de Berlin, de Chicago, de Tel-Aviv ou de Bruxelles. Mon identité est liée à toute femme et à tout homme qui se reconnaît dans les valeurs universelles, et éloignée de toute personne qui se renferme dans le communautarisme, le repli sur soi et le rejet de l’autre, fût-il un frère ou un cousin.

Mon identité est celle d’un humaniste, universaliste. Et c’est déjà beaucoup !

On ne peut pas parler d’identité sans évoquer le parcours de Romain Gary. Il fut un peu lituanien, un peu russe, un peu polonais avant d’arriver en France, à l’âge de quatorze ans, et de devenir ainsi très français, très niçois. Il fut aussi géorgien par son père et un peu mongol, mais aussi juif par sa mère. Et avant d’être Romain Gary, il fut Roman Kacew et signa des textes sous le nom d’Émile Ajar. Il fut militaire, résistant, aviateur et diplomate avant d’être le brillant romancier que l’on connaît.

Parler de la judéité de Romain Gary nous entraîne très vite à aborder la question des origines qui souvent se mêle et s’entremêle avec le sujet de l’identité, et par prolongement avec l’appartenance. Par nos parcours et nos histoires, mais aussi par nos évolutions respectives, nous avons tous en nous un peu de Romain Gary. C’est la raison pour laquelle nous avons tous intérêt à faire cohabiter pacifiquement, harmonieusement, et le plus joyeusement possible, tout ce qui constitue notre identité ; et à ce titre, il faut être très méfiant, en tout cas prudent, avec l’élément religieux. Dans Les couleurs du jour2, Romain Gary précisait : « Est faux ce qui nous asservit, est vrai ce qui nous laisse à peu près libres. » Et de ce point de vue, la religion asservit incontestablement ceux qui en font l’unique élément constituant une identité.