Dis, c'est quoi l'immigration ? - François Gemenne - E-Book

Dis, c'est quoi l'immigration ? E-Book

François Gemenne

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Beschreibung

Les migrations transforment profondément nos sociétés, et interrogent notre identité collective : qui sont ces gens qui quittent leur domicile pour chercher ailleurs un refuge ou une vie meilleure ? Sont-ils plus nombreux qu’avant ? Qu’est-ce qui les pousse à partir, et où vont-ils ? Face à ces questions qui suscitent souvent des appréhensions et des interrogations, cet ouvrage essaie d’expliquer simplement, à l’intention des plus jeunes qui les côtoient dans leurs classes et leurs quartiers, qui sont ces immigrés, et comment ils transforment nos sociétés.

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Seitenzahl: 85

Veröffentlichungsjahr: 2020

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DIS, C’EST QUOI

l’immigration ?

François Gemenne

Dis, c’est quoi l’immigration ?

Renaissance du Livre

Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Directrice de collection : Nadia Geerts

Maquette de la couverture : Aplanos

Mise en page : CW Design

Illustrations : © Jean-Philippe Stassen

e-isbn : 9782507057046

dépôt légal : D/2020.12.763/15

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

François Gemenne

DIS, C’EST QUOI

l’immigration ?

Préface de Damien Carême

Préface

Ce livre est une œuvre d’utilité publique.

Ce livre est fondamental et indispensable aux femmes et aux hommes politiques qui, trop souvent, ignorent tout des migrations et ne font qu’employer la rhétorique de l’extrême-droite, pensant ainsi freiner son inexorable ascension, mais à l’inverse, valident ses préconisations.

Personne ne laisse sa famille, ses amis, son environnement, son histoire, ses racines, son climat, ses biens, sa culture… par plaisir ou par confort.

Lorsque j’étais maire de Grande-Synthe, près de Dunkerque, nous avons – avec des ONG, des associations et des milliers de bénévoles – organisé un accueil le plus digne possible pour les femmes, enfants et hommes qui arrivaient, forcés à un moment de quitter leur pays pour pouvoir survivre.

Ensemble, nous nous sommes opposés à l’État qui me demandait sans cesse de prendre des arrêtés d’expulsion et refusait en bloc notre solution humanitaire, craignant le fameux « appel d’air » que François Gemenne décrit si bien dans ce livre. Le Préfet, comme de nombreux collègues maires timorés, me soutenait que l’extrême-droite allait s’emparer de la ville aux élections municipales de 2020. Il n’en a rien été. Mieux, l’extrême-droite n’a même pas été en mesure de présenter une liste !

Aujourd’hui député européen, je confirme ce qu’écrit François sur l’Europe : repli des états membres sur eux-mêmes, refus d’organiser un accueil digne, de renégocier la désastreuse Convention de Dublin, d’organiser les recherches et les secours en Méditerranée où les morts se succèdent, obstination à renforcer les frontières et les contrôles.

Je constate aussi l’échec des politiques migratoires européennes. Fin 2019, je suis allé sur l’île grecque de Samos où l’Union Européenne a installé un « hotspot ». Conçu pour accueillir 647 personnes, elles étaient 6200 ! Aucune de ces personnes n’était « illégale ». Elles avaient toutes pris rendez-vous avec les autorités pour faire leur demande d’asile comme le prévoient les Conventions de Genève et de Dublin. Certaines avaient obtenu une date… en février 2021, soit plus de 18 mois plus tard. 18 mois à vivre sans aucun accès à la moindre hygiène ni aux distributions de repas. Deux années d’enfer insoutenable lié aux carences d’un État grec débordé et d’une Europe totalement défaillante.

Ce livre permet de comprendre que les migrations ne sont pas un problème : elles existent depuis toujours et ont contribué à faire avancer les sociétés. Elles servent aujourd’hui de boucs émissaires à des gouvernements en mal de courage et d’audace politique.

Les vrais problèmes de notre société, ce sont toutes les inégalités, la pauvreté qui augmente, les injustices qui frappent les plus vulnérables, pas les migrants !

Les responsables politiques utilisent les migrants et les « problèmes migratoires » pour détourner le regard de la société.

Les seuls combats perdus d’avance étant ceux qu’on ne mène pas, il faut continuer à se battre, à dénoncer et à alerter l’opinion publique pour retrouver notre humanité.

Damien Carême

Dis, c’est quoi l’immigration ?

Pour mes deux filleules, Salomé et Lorraine.

Elles aussi seront peut-être un jour confrontées à une situation de ce genre, et je sais comment elles y répondront.

Dans son journal de classe, il y avait un mot de sa prof principale.

« Chers parents,

Vos enfants vous en auront peut-être déjà parlé : Rebwar, qui était dans leur classe depuis deux ans, a été arrêté avec sa famille la semaine dernière. Ils doivent prochainement être expulsés du territoire, après le rejet définitif de leur demande d’asile, notifié il y a quelques mois. Ils ont été placés en centre fermé dans l’attente de leur expulsion. Nous l’avons appris au cours du week-end, et l’ensemble de la communauté éducative est évidemment sous le choc. Les enfants sont très choqués aussi de l’arrestation de leur camarade, et nous en avons parlé avec eux en classe ce matin. Nous envisageons la tenue de plusieurs actions de mobilisation dans les prochains jours. Si vous souhaitez vous y associer, n’hésitez évidemment pas à nous en informer. »

–C’est qui Rebwar ?ai-je demandé.

–Tu sais bien, je te l’ai déjà dit, a-t-il répondu.

–Non, je ne sais pas. Tu n’en as jamais parlé.

–Bien sûr que si, je t’en ai parlé. Mais t’écoutes jamais rien quand je te parle de l’école, t’es sur ton téléphone et tu me fais toujours :« Ouais, ouais, OK, on en reparle ! »

–Ce n’est pas vrai, tu exagères. Je suis désolé. Écoute, dis-moi qui c’est.

–C’est Rebwar, il est dans notre classe. Il parle pas bien français.

–Tu veux en parler ?

–Non, je veux pas en parler.

Et il est parti dans sa chambre.

Le soir, il y a eu des messages sur le groupe WhatsApp des parents de l’école.

« Vous avez vu ce qui est arrivé à Rebwar ? Il faut vraiment qu’on réagisse », a écrit Nadine, qui habite juste en face.

« Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse ?Ils n’avaient pas le droit d’être ici de toute façon, c’étaient des illégaux », a réagi Nabil.

« Personne n’est illégal », a asséné Guillaume. On n’a pas le droit de parler des gens comme ça, Rebwar était en classe avec nos enfants. »

« T’es dégueulasse de dire ça, Nabil. Tes parents n’auraient jamais pu rester en Belgique si on avait réagi comme ça il y a quarante ans. Tu dis ça juste parce qu’ils sont kurdes et que tu ne les aimes pas », a écrit Maurizio.

Je me suis désabonné du groupe. Il n’y avait jamais aucune discussion intéressante dessus, de toute façon.

Le lendemain, j’ai accompagné mon fils jusqu’à l’école. Il était acerbe :« Tu ne mets jamais les pieds au bahut, t’arrives en retard aux réunions de parents, mais là d’un coup, il y a un immigré qui va se faire expulser et tut’intéresses à l’école, hein ?Faut toujours que tu ramènes tout à toi, t’es vraiment naze ! »Devant l’école, il y avait des parents attroupés. Certains avaient confectionné une banderole« Stop aux expulsions ». On ne parlait que de ça. Le soir, on apprenait que Rebwar et sa famille avaient été incarcérés au centre fermé de Vottem, là où on enfermait les étrangers en situation irrégulière, en attendant qu’ils soient expulsés.

Une semaine après, j’y pensais toujours. Je lui ai envoyé un sms :« J’aimerais bien qu’on reparle de Rebwar, tu sais. »« OK », m’a-t-il répondu.

Dis-moi qui c’était.

Je t’ai dit, il était dans ma classe, il parlait pas bien français. D’ailleurs, il parlait pas beaucoup, c’est pour ça que j’en parlais pas.

Tu sais d’où il venait ?

Les autres disaient qu’il était kurde, mais je sais pas quel pays c’est. De toute façon, c’est vraiment dégueulasse, j’ai la haine contre ceux qui l’ont arrêté et qui lui ont fait ça.

C’est nous qui lui avons fait ça.

Arrête tes conneries, je sais bien que c’est des flics. La prof nous l’a dit.

Ben oui, mais les flics n’ont pas décidé tout seuls, un beau jour, d’aller l’arrêter. Ils ont appliqué une décision administrative. C’est le problème des démocraties. On est tous un peu responsables des décisions que prennent nos gouvernements, puisqu’on vote pour eux.

Moi je voterai jamais pour eux en tout cas. Pourquoi ils l’ont arrêté ?

Parce que sa famille avait déposé une demande d’asile, et que cette demande avait été refusée. Quand une demande d’asile est acceptée, les demandeurs d’asile deviennent réfugiés. Par contre, quand elle est refusée, ils doivent rentrer dans leur pays. Et s’ils refusent, eh bien alors ils deviennent sans-papiers, sont en situation irrégulière et risquent de se faire arrêter et expulser. C’est ce qui est arrivé à Rebwar.

L’asile, c’est pas le truc sur lequel t’écrivais ton bouquin l’été dernier ? Même que t’es rentré plus tôt de vacances pour ça, quand ton éditeur t’a engueulé parce que t’étais en retard ?

Si, c’est ça… Tu ne l’as jamais lu, hein ?

J’étais tellement dégoûté que tu me l’aies offert à Noël, alors que je sais bien que c’est des exemplaires gratos que ton éditeur te file…

Les cadeaux, ce n’est pas une question d’argent, tu comprendras ça plus tard. Ce qui compte, c’est le petit mot que j’avais écrit pour toi, dans la dédicace. Mais j’imagine que tu ne l’as pas lu non plus.

Je le lirai cet été, promis. C’est quoi l’asile ?

Quand des gens sont persécutés dans leur pays, ou craignent d’être persécutés, ils ont le droit de demander l’asile dans un autre pays, pour y être protégés. Ça existait déjà à l’époque de la Grèce antique. Aujour­d’hui, il y a un traité international : la Convention de Genève, qu’on a signée en 1951.

Tout le monde a signé ?

Au départ, c’est un accord entre les quatre pays qui avaient remporté la Seconde Guerre mondiale : la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et la Russie. Il s’agissait surtout de régler le problème des réfugiés juifs qui restaient déplacés à travers toute l’Europe. Et la Convention n’était pas censée s’appliquer à d’autres réfugiés. Mais d’autres guerres ont éclaté, notamment les guerres de décolonisation, qui ont créé d’autres réfugiés, en Afrique et en Asie notamment. Et donc, plutôt que de faire une nouvelle convention, on a préféré élargir la Convention de Genève, et de plus en plus de pays ont signé. Comme il y avait des réfugiés partout dans le monde dans les années 1960, on a même fait une annexe à la Convention – un protocole additionnel, techniquement – pour dire que la Conven­tion s’appliquerait désormais à tous les réfugiés, partout dans le monde.

Et Rebwar, c’était pas un réfugié ?