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La démocratie fait rêver les peuples qui n’en bénéficient pas, mais elle est en crise dans la plupart des pays où elle est implantée depuis longtemps. On la définit comme un gouvernement par le peuple, sauf qu’elle repose, en pratique, sur l’élection de représentants qui agissent en toute liberté (ou presque) une fois qu’ils sont élus. Ce système représentatif est aujourd’hui contesté au profit d’autres formes de démocratie, directe, participative, délibérative... Ce livre s’efforce d’éclairer les principes de la démocratie afin de comprendre les tensions et les frustrations qu’elle engendre. Il ne cherche pas à nier ses limites, qui tiennent aussi au fonctionnement de la société elle-même. La démocratie sera d’autant mieux défendue si l’on comprend qu’elle ne peut pas tout.
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Seitenzahl: 86
Veröffentlichungsjahr: 2020
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DIS, C’EST QUOI
la démocratie ?
Vincent de Coorebyter
Dis, c’est quoi la démocratie ?
Renaissance du Livre
Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo
www.renaissancedulivre.be
Directrice de collection : Nadia Geerts
Maquette de la couverture : Aplanos
Mise en page : Morgane De Wulf
Illustrations : © Philippe Decressac
e-isbn : 9782507056766
dépôt légal : D/2020.12.763/03
Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.
Vincent de Coorebyter
DIS, C’EST QUOI
la démocratie ?
Préface de Pascal Perrineau
Préface
Un proverbe presque aussi vieux que le monde dit que « la vérité sort de la bouche des enfants ». Je ne sais quelle est la part de vérité de cet adage. En revanche, leur questionnement est souvent marqué au coin d’une grande vérité ou du moins d’une authenticité qui force l’adulte à ne pas se contenter de réponses floues et approximatives. L’exercice auquel s’est prêté Vincent de Coorebyter permet ainsi de démonter la fausse évidence de la démocratie. Certes, comme le disait Abraham Lincoln, « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Mais on voit bien que cette définition, communément admise, exige d’être interrogée avec la vigueur et la précision de l’enfant oudu jeune adolescent qui, à l’aube de son entrée en démocratie active, se pose quelques questions fondamentales. Qu’est-ce que le gouvernement du peuple ? Peut-on parler de gouvernement par le peuple ? Gouverne-t-on toujours en démocratie pour le peuple ? À toutes ces questions et à bien d’autres, l’auteur répond avec la patience et le talent d’un grand pédagogue. Et d’ailleurs, la pédagogie n’est-elle pas une des premières vertus démocratiques ? Si la pédagogie est la science de l’éducation des êtres jeunes et moins jeunes, on sait, depuis Nicolas de Condorcet, ce grand philosophe des Lumières, qu’éducation et démocratie sont intimement liées car la première est ce qui permet « à chaque individu de se conduire lui-même et (de) jouir de la plénitude de ses droits » (Rapport sur l’instruction publique, 1792). En quelques pages, Vincent de Coorebyter nous emmène au pays de la démocratie et nous en fait découvrir tous les reliefs. D’abord, la participation du peuple qui peut se faire directement ou indirectement par l’élection. Ensuite, le pluralisme politique dont l’expression est certes le multipartisme mais aussi la représentation des clivages sociaux et culturels qui font la diversité de nos sociétés. Puis nous explorons l’art du compromis qui est la reconnaissance de l’autre, vécu non pas comme un ennemi mais comme un adversaire qui peut devenir un partenaire. Le compromis peut céder la place à l’alternance et à la reconnaissance de la légitimité de l’opposition d’hier à être la majorité d’aujourd’hui. Enfin, tous ces mécanismes subtils de la démocratie nécessitent un État de droit qui protège les droits fondamentaux et préserve de manière durable l’équilibre, plus ou moins parfait, des pouvoirs. Toutes ces subtilités qui fondent la démocratie ne sont souvent plus perçues car la démocratie, réinventée en Europe après la Seconde Guerre mondiale sur les décombres des régimes autoritaires, est devenue peu à peu une habitude dont le président français François Mitterrand disait qu’elle était « un confort mortel ». En effet, il faut parler de la démocratie, l’expliquer, l’interroger… Sinon, comme c’est le cas dans trop de pays d’Europe, les citoyens vont se lasser, considérer que la démocratie n’est qu’un régime parmi d’autres et parfois rêver d’autres destinées que celle du débat démocratique qui est pourtant le seul à permettre « que chacun puisse être différent tout en étant traité également » disait cet homme de paix qu’était Shimon Peres. Merci à Vincent de Coorebyter et à son alter ego juvénile de nous avoir fait redécouvrir et aimer ce continent démocratique si subtil et fragile.
Pascal Perrineau
Parler de la démocratie, c’est ouvrir un abîme de perplexité. Je m’en suis rendu compte pour la première fois il y a une trentaine d’années, alors que je prestais mon service civil au CRISP, le Centre de recherche et d’information socio-politiques, à Bruxelles. Lors d’une pause-café, dans ce lieu privilégié en matière de connaissances politiques, une des chercheuses a posé une question qui l’embarrassait : est-il normal qu’une décision gouvernementale soit contestée par des manifestants ou par des grévistes, alors que cette décision a été prise par un gouvernement élu, soutenu par une majorité parlementaire ? Il s’en est suivi une discussion dont j’ai oublié le détail, mais qui était étonnamment ouverte. En fait, nous n’étions pas sûrs de pouvoir trancher, de savoir répondre à la question, qui déclenchait toute une série d’interrogations. Suffit-il d’avoir une majorité, au sens numérique du terme, pour avoir raison ? Si l’on croit pouvoir prouver qu’un gouvernement a tort, a-t-on le droit de l’empêcher de mener la politique pour laquelle il a été élu ? Mais est-on sûr, en fait, que la politique menée est bien celle que les électeurs ont voulue ? Qu’en est-il des électeurs dont les idées sont minoritaires et qui ont soutenu des partis formant l’opposition ? Doivent-ils subir la loi du nombre, c’est-à-dire une sorte de loi du plus fort ? Si les démocraties reconnaissent des libertés fondamentales, dont les libertés d’expression, d’association et de manifestation ainsi que le droit de grève, c’est bien qu’on juge ces droits indispensables. Mais jusqu’à quel point peuvent-ils être utilisés pour contrer un gouvernement élu, voire pour le faire tomber ? Et au fond, ultimement : c’est quoi la démocratie ? Étymologiquement, c’est un système où le pouvoir (kratos, en grec ancien) est exercé par le peuple (dèmos). Mais comment réalise-t-on ce miracle, un peuple qui se gouverne lui-même ?
Tu as raison, nous ne décidons pas directement des lois ou des initiatives prises par le gouvernement. En fait, ce que tu soulignes, c’est que nous ne vivons pas dans unsystème de démocratie directe. Dans la démocratie directe,c’est le peuple en personne qui prend les décisions, et on peut considérer que c’est la forme la plus accomplie de la démocratie. Mais c’est aussi la plus difficile à pratiquer. Imagine que l’on veuille installer une démocratie directe au niveau d’une commune, donc sur un territoire assez petit et avec une population qui peut se limiter à quelques milliers de personnes, voire moins. Même dans ces conditions favorables, faire fonctionner une démocratie directe, cela veut dire que toutes les décisions importantes qui intéressent les citoyens de la commune doivent être prises par ces citoyens eux-mêmes. Il faut donc réunir régulièrement la population dans une assemblée, l’informer, la faire débattre et la faire décider. Pour cela, il faut un local assez grand (tu imagines ce que cela suppose si la commune est en fait une grande ville…) et il faut, surtout, que les habitants de la commune se déplacent, qu’ils participent à la discussion. Et cette discussion peut être longue, car il y a des sujets compliqués à régler, sur lesquels on ne tombe pas facilement d’accord. Il y a en permanence une foule de décisions à prendre, aujourd’hui, pour gérer une commune, et la plupart des citoyens n’ont tout simplement pas le temps de venir sans cesse délibérer pour décider en commun. Même le soir ou le week-end, une partie d’entre eux travaille, ou a besoin de se reposer, ou s’occupe de ses enfants, ou des aînés. Et l’expérience montre que, même quand ils en ont le temps, la plupart des citoyens n’ont pas envie de s’impliquer ainsi : ils préfèrent se détendre ou se consacrer à une autre activité utile. Donc, même au niveau local, on ne pratique généralement pas la démocratie directe, comme je viens de la décrire, mais bien ce qu’on appelle la démocratie indirecte, ou représentative. C’est-à-dire que nous votons pour élire des représentants qui vont délibérer et décider en notre nom.
Idéalement, c’est pourtant ça qu’elle devrait faire, si l’on veut que la démocratie représentative soit pleinement démocratique. Si on prend l’idée de démocratie au pied de la lettre, nos élus doivent agir au nom du peuple, ils doivent décider ce que le peuple aurait décidé s’il exerçait le pouvoir en personne. C’est le sens idéal que l’on donne à l’idée de « représentation » : une personne que j’ai choisie décide à ma place, mais de manière conforme à mes idées, à mes aspirations.
Effectivement, ça paraît logique. Ce que tu proposes, c’est ce qu’on appelle le mandat impératif. C’est une pratique que l’on a abandonnée depuis deux siècles, mais que certains veulent réintroduire aujourd’hui, en y ajoutant un autre mécanisme : le droit de révocation des élus. L’idée est que les représentants que nous élisons devraient être liés par le mandat que nous leur confions, devraient recevoir une feuille de route, un programme qu’on leur impose, et devraient être obligés de respecter ce programme une fois élus. Avec la possibilité, pour les électeurs, de révoquer, de renvoyer leurs élus s’ils ne sont pas fidèles à leurs engagements. Parce qu’évidemment, s’ils n’ont pas peur d’être révoqués, nous ne pouvons pas être sûrs qu’ils vont tenir leurs promesses. Sur le papier, le mandat impératif est séduisant et très démocratique. Mais on ne le pratique plus aujourd’hui, tout simplement parce que ça ne marche pas.
En effet, ça paraît simple. Mais il y a une foule de candidats différents et, à l’échelle d’un pays, il y a des millions d’électeurs. Imagine les débats dans une assemblée élue, par exemple sur la question du climat. Tu auras forcément, dans l’assemblée, des élus qui se sont engagés à lutter contre le réchauffement climatique par tous les moyens, dont les électeurs en font une priorité absolue et qui veulent, par exemple, qu’on produise moins etqu’on consomme moins afin de moins polluer. Mais tu auras