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Ce livre présente un dialogue avec une jeune femme que les droits de l’homme intéressent et stimulent, et qui tente de saisir les enjeux d’une notion utilisée dans des contextes multiples : politique, juridique, éthique, etc. Les problèmes les plus cruciaux sont abordés : quelle est l’origine de la notion de droits de l’homme ? Sont-ils aujourd’hui acceptés par tout le monde, du moins en principe ? Quels sont ces droits, et à quoi nous engagent-ils ?Qu’en est-il de leurs soubassements philosophiques ?Aucune question n’est « naïve » en la matière, et c’est en revenant aux éléments les plus simples que nous pourrons tenter de démontrer, malgré de puissants vents contraires, l’importance primordiale des droits de l’homme en ce début du XXI e siècle.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Guy Haarscher est philosophe, professeur ordinaire émérite de l’Université libre de Bruxelles et professeur au Collège d’Europe (Bruges). Il a enseigné de nombreuses années à la Duke University (Caroline du Nord, États-Unis) et à la Central European University (Budapest).
Pierre Vandernoot est président de chambre au Conseil d’État et président de l’Institut d’études de la justice, ainsi que directeur de www.justice-en-ligne.be et de www.questions-justice.be. Il est maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles.
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Seitenzahl: 101
Veröffentlichungsjahr: 2018
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Dis,
c’est
quoi
Guy Haarscher
Dis, c’est quoi les droits de l’homme ?
Renaissance du Livre
Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo
www.renaissancedulivre.be
Renaissance du Livre
@editionsrl
directrice de collection : nadia geerts
maquette de la couverture : aplanos
mise en page : cw design
imprimerie : v.d.(temse, belgique)
isbn : 978-2-507-05592-9
Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.
Préface
Les droits de l’homme devraient être une évidence.
Et tel n’est pas toujours le cas ! D’aucuns y sont opposés par principe mais d’autres en ignorent la portée ou la signification.
L’ouvrage de Guy Haarscher s’adresse en réalité aux deux catégories, même si les questions posées par sa fille, au départ desquelles l’auteur nous livre son exposé, sont celles d’une étudiante dont on devine quand même la sympathie pour la notion développée tout au long de leurs passionnants entretiens : bon sang ne peut mentir !
L’évidence est celle d’un attachement qui devrait être foncier, viscéral aux libertés, à la démocratie et aux valeurs qu’elles charrient.
Mais ceci étant posé, rien n’est encore dit. Le philosophe en décèlera les fondements, le juriste le fonctionnement normatif, l’historien les origines, le politologue la relation avec les pouvoirs. Mais il reste le citoyen.
Et c’est au citoyen de faire vivre les droits de l’homme et de les pratiquer. Guy Haarscher s’adresse ici en particulier au jeune citoyen mais chacun y trouvera son fruit.
Pour cela les explications sont bien entendu nécessaires – et l’ouvrage les fournit d’une manière ô combien accessible au grand nombre – mais il va bien au-delà de cette dimension pédagogique, déjà essentielle : il allie l’approche intellectuelle et raisonnée à celle de la passion pour une grande cause.
Et c’est là que l’on est séduit par le propos de Guy Haarscher : au-delà de l’exposé explicatif du grand enseignant qu’il a été pour des générations d’étudiants, il assoit notre conviction de ce qu’en réalité les droits de l’homme sont ni plus ni moins que la condition essentielle, déterminante – mais non suffisante, certes – d’une vie en société digne de ce nom.
Cela ne signifie pas que les droits de l’homme formeraient une sorte de bloc monolithique, immuable. Il suffit de voir combien ils se sont enrichis depuis le dix-huitième siècle de leur naissance, combien même ils diffèrent dans leur accomplissement d’un pays à l’autre et, plus encore, d’un continent à l’autre. Il suffit aussi d’apercevoir que les libertés peuvent parfois entrer en conflit les unes avec les autres : songeons à l’opposition entre la liberté d’expression des auteurs et le droit au respect de la vie privée de ceux qui, le cas échéant, font l’objet de leurs écrits, de leurs tweets, de leurs films ou de leurs vidéos. Des variations peuvent surgir quant à l’étendue des inévitables limitations que doivent subir certaines libertés au regard d’impératifs à prendre en considération, comme la santé publique ou la sécurité publique par exemple. Et que dire des conflits entre des droits dits de la première génération (pour faire bref : invitant l’État à s’abstenir d’intervenir), comme par exemple l’inviolabilité du domicile, et ceux dits de la deuxième génération (toujours pour faire bref : requérant l’intervention de l’État), comme par exemple le droit au chômage ou au logement.
Guy Haarscher n’esquive pas ces questions, cette dialectique, diraient les philosophes, et les aborde clairement, même si elles font ailleurs l’objet de centaines de pages rédigées par les plus fins juristes et les plus hautes juridictions.
Mais il ne nous en fournit pas de réponses « clé sur porte » : souvent, après avoir proposé les données d’une problématique, il invite le lecteur à la réflexion et à la proposition.
Et c’est essentiel : les droits de l’homme forment un cadre et c’est à chaque citoyen à s’y insérer selon les sensibilités et les opinions qui sont les siennes. L’ouvrage l’accompagne sur ce chemin.
Les droits de l’homme mobilisent diverses techniques, certes, mais leur pratique est avant tout culturelle. Cette culture est celle de l’audace la confrontation et du dialogue. La sécurité est un besoin naturel et légitime ; il s’agit d’ailleurs d’une valeur prise en compte par la théorie et la pratique des droits de l’homme mais – et c’est essentiel – au départ et dans le cadre de l’épanouissement des droits de l’homme. Ceci implique une adhésion, une participation de chacun, relevant autant de la foi que de la raison. Celui qui, par exemple, ne goûte pas la richesse d’une vraie discussion, dans la tolérance et le respect de la personne de son interlocuteur, et le risque que cela induit pour ses certitudes, ne peut aimer les droits de l’homme ni davantage y adhérer ; voilà pour la foi. Mais il ne comprendra pas non plus combien, plus globalement, la société postule, pour son bien-être collectif et le bonheur individuel de ses membres, pour la réussite du vivre-ensemble, la pratique généralisée des droits de l’homme ; voilà pour la raison.
Lisez donc l’ouvrage de Guy Haarscher mais, surtout, méditez-le et discutez-le. Vous y prendrez plaisir.
Pierre Vandernoot
Avant-propos
Ce petit livre trouve son origine dans quelques promenades en forêt avec ma fille Mazarine, étudiante en relations internationales à l’Université libre de Bruxelles. Nous avons conversé très librement et sans tabous sur les droits de l’homme. Puis, j’ai travaillé à une remise en ordre, pour présenter au lecteur la vision la plus simple et la plus pédagogique possible de ce qui constitue le grand idéal politique de notre temps. J’ai essayé de restructurer le plus honnêtement possible nos discussions à bâtons rompus.
Je me suis rapidement aperçu que je ne pouvais pas entrer dans trop de détails si je voulais avant tout préserver la clarté de l’exposé. Mon désir était d’éviter de tomber sous la critique de Nietzsche et de troubler, comme il le dit dans Ainsi parlait Zarathoustra, mes eaux pour qu’elles paraissent profondes. Trop de confusion règne sur cette question des droits de l’homme, partout débattue, pour qu’il faille en rajouter.
Le rôle de l’intellectuel consiste au contraire à bien simplifier : à tendre à l’interlocutrice (ici une jeune femme de 22 ans) une « échelle » pour qu’elle puisse commencer à penser par elle-même. Demain – si je suis arrivé à convaincre –, elle et le lecteur de ce livre agiront peut-être pour que cette plante rare et précieuse – les droits de l’individu face à la puissance écrasante des collectivités – ne s’étiole pas.
Merci à Mazarine, tant pour la franchise et la fraîcheur de ses questions que pour m’avoir permis de les retravailler en les simplifiant dans un but de clarification intellectuelle.
C’était cinq ans après 1989 : la chute du mur de Berlin et l’écroulement des régimes communistes d’Europe de l’Est, quand la Roumanie s’était débarrassée du terrible dictateur Ceauşescu. En cette année 1994, j’étais présent pour le 130e anniversaire de l’université de Bucarest.
Le lendemain de la cérémonie, une visite touristique dans une ville des Carpates était prévue. Il y avait parmi nous des « gens importants », présidents d’université, ambassadeurs, etc. Quand nous sommes montés dans le car, j’ai remarqué une petite voiture de police qui nous précédait. J’ai demandé quel était son rôle. « C’est pour vous ouvrir la route », m’a-t-on répondu, ce qui ne m’éclairait pas beaucoup. Le car est entré sur un large boulevard à quatre voies. La circulation était très dense ce matin-là. La voiture de police a carrément pris le boulevard à contre-sens. Le policier qui se trouvait sur le siège du passager avait ouvert sa fenêtre et frappait à la matraque sur les véhicules qui ne se garaient pas assez vite. Puis, sur une petite route de montagne, la police a fait arrêter toute la circulation en sens inverse. Nous voyions à n’en plus finir à l’horizon des files de voitures arrêtées sur le bas-côté, avec l’« aide » de la matraque policière.
Pour « amuser le congrès », dans un but de pur divertissement touristique, on avait bloqué la circulation, mis des tas de gens en retard, créé le chaos. Mais personne n’avait l’air de broncher : c’était seulement quelques années après la chute de Ceauşescu. Sa terrible police, la Securitate, était encore présente dans toutes les têtes (et probablement dans la réalité).
Nous nous sentions très mal, comme si on nous avait placés parmi les « grands de ce monde », au-dessus de ce peuple terrorisé, dans un mépris total des « gens d’en bas ». Tous ces individus réduits au silence, à la peur, à la soumission… Ce sont des expériences comme celle-là, banale par rapport à des situations bien plus tragiques, qui ont motivé au plus profond la petite conversation que je voudrais entamer avec toi. Les droits de l’homme, tu le verras, ce sont d’abord les droits de ces gens-là, qui avaient été brutalement poussés sur le bord de la route pour permettre à quelques privilégiés de rejoindre plus rapidement un lieu de plaisir dans leur carrosse à moteur.
Si je te suis bien, les droits de l’homme auraient permis d’éviter une telle situation. Tu pourrais me les définir en deux mots ?
Dans l’expression, il y a les mots « droits » et « homme ». Commençons par le premier des termes. Qu’est-ce qu’« avoir des droits », ou « avoir droit à » ? Le monde est organisé en États. Il y a des lois, les juges les appliquent aux cas particuliers. Certains États sont très autoritaires : les individus doivent suivre les ordres venant d’en haut et ont peu de possibilités d’agir librement. Ils n’ont quasi aucun droit. Un droit, c’est d’abord une possibilité qui t’est reconnue de faire ou de ne pas faire quelque chose, bref d’agir librement dans un certain domaine. Par exemple, en France ou en Belgique, tu as le droit de t’exprimer, de dire ce que tu penses. L’État ne peut t’en empêcher. En revanche, en Corée du Nord où sévit la dernière dictature communiste pure et dure, si tu dis quelque chose qui gêne le pouvoir, tu risques l’emprisonnement, voire la mort. J’ai bien sûr pris cet exemple extrême pour des raisons pédagogiques.
Donc, on a le droit de faire ou de ne pas faire quelque chose quand cette possibilité est garantie par l’État. Évidemment, tu vois tout de suite que les droits peuvent dépendre des circonstances, du temps et du lieu. Dans un État démocratique, c’est la majorité des citoyens qui décide, via des représentants élus. Je me souviens d’un séjour aux États-Unis en Caroline du Nord. À l’époque, la vitesse maximale sur les autoroutes dans cet État était de 60 miles par heure. Dès qu’on entrait en Virginie, l’État d’à côté, la vitesse limite devenait 50 miles par heure. Donc, en Caroline du Nord j’avais le droit de rouler entre 50 et 60 miles par heure, et en Virginie je le perdais.
Pourquoi ? Les États-Unis sont un État fédéral. Cela veut dire que de nombreuses matières sont décidées non pas à Washington par le pouvoir central mais par les États fédérés, qui ont chacun leur parlement (« congrès »). On peut imaginer (je n’ai pas vérifié) qu’en Caroline on avait privilégié la rapidité des communications, par exemple dans un but d’efficacité économique, et qu’en Virginie, État plus traditionnel, on avait plutôt mis l’accent sur la sécurité (quand on roule moins vite, il y a moins d’accidents).
Donc, dans les pays démocratiques, les droits dépendent des majorités : si elles changent, on peut gagner ou perdre des droits ?
Oui, c’est la loi de la démocratie. Et pourtant, tous les droits ne subissent pas (ou ne devraient pas subir) un tel sort. On a considéré depuis plusieurs siècles que certains droits étaient, disons, plus importants, plus « fondamentaux » que les autres, et qu’ils devaient donc être protégés le mieux possible, notamment contre les aléas de la vie démocratique et les passions politiques. On a donc placé ces droits dans des Constitutions, et parfois dans des traités internationaux par lesquels plusieurs États s’engageaient à les respecter. Tenons-nous-en pour l’instant aux Constitutions. Une Constitution contient les principes fondamentaux de la vie de l’État : l’organisation des pouvoirs et – ce qui nous concerne ici –les droits les plus importants des gouvernés