Dom Juan ou le Festin de pierre - Jean Baptiste Poquelin (Molière) - E-Book

Dom Juan ou le Festin de pierre E-Book

Jean-Baptiste Poquelin Molière

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Beschreibung

Dom Juan est un seigneur libertin qui vient d'abandonner sa dernière épouse, Elvire, qu'il avait enlevé d'un couvent. Inconstant, il va de conquêtes amoureuse en conquêtes amoureuses et on le retrouve à séduire de jeunes paysannes en leur promettant le mariage.

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Table of Contents

Page de titre

Personnages

Acte premier

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Acte deuxième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Acte troisième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Acte quatrième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Acte cinquième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Page de copyright

 

Personnages

DON JUAN, fils de don Louis.

SGANARELLE, valet de don Juan.

ELVIRE, femme de don Juan.

GUSMAN, écuyer d’Elvire.

DON CARLOS, frère d’Elvire.

DON ALONSE, frère d’Elvire.

DON LOUIS, père de don Juan.

CHARLOTTE, paysanne.

MATHURINE, paysanne.

PIERROT, paysan, amant de Charlotte.

LA STATUE DU COMMANDEUR.

LA VIOLETTE, valet de don Juan.

RAGOTIN, valet de don Juan.

M. DIMANCHE, marchand.

LA RAMÉE, spadassin.

UN PAUVRE1.

SUITE DE DON JUAN.

SUITE DE DON CARLOS ET DE DON ALONSE, frères.

UN SPECTRE.

1Dans l’édition de 1682, ce pauvre est désigné sous le nom de Francisque.

Acte premier

Le théâtre représente un palais.

Scène I

Sganarelle, Gusman.

SGANARELLE, tenant une tabatière.

Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l’on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu’on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d’en donner à droite et à gauche, partout où l’on se trouve ? On n’attend pas même qu’on en demande, et l’on court au-devant du souhait des gens ; tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d’honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. Mais c’est assez de cette matière, reprenons un peu notre discours. Si bien donc, cher Gusman, que done Elvire, ta maîtresse, surprise de notre départ, s’est mise en campagne après nous ; et son cœur, que mon maître a su toucher trop fortement, n’a pu vivre, dis-tu, sans le venir chercher ici. Veux-tu qu’entre nous je te dise ma pensée ? J’ai peur qu’elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là.

GUSMAN

Et la raison encore ? Dis-moi, je te prie, Sganarelle, qui peut t’inspirer une peur d’un si mauvais augure ? Ton maître t’a-t-il ouvert son cœur là-dessus, et t’a-t-il dit qu’il eût pour nous quelque froideur qui l’ait obligé à partir ?

SGANARELLE

Non pas ; mais à vue de pays, je connais à peu près le train des choses, et sans qu’il m’ait encore rien dit, je gagerais presque que l’affaire va là. Je pourrais peut-être me tromper ; mais enfin, sur de tels sujets, l’expérience m’a pu donner quelques lumières.

GUSMAN

Quoi ! ce départ si peu prévu serait une infidélité de don Juan ? Il pourrait faire cette injure aux chastes feux de done Elvire ?

SGANARELLE

Non, c’est qu’il est jeune encore, et qu’il n’a pas le courage…

GUSMAN

Un homme de sa qualité ferait une action si lâche ?

SGANARELLE

Eh ! oui, sa qualité ! La raison en est belle ; et c’est par là qu’il s’empêcherait des choses !

GUSMAN

Mais les saints nœuds du mariage le tiennent engagé.

SGANARELLE

Eh ! mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais pas encore, crois-moi, quel homme est don Juan.

GUSMAN

Je ne sais pas, de vrai, quel homme il peut être, s’il faut qu’il nous ait fait cette perfidie ; et je ne comprends point comme, après tant d’amour et tant d’impatience témoignée, tant d’hommages pressants, de vœux, de soupirs et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes et de serments réitérés, tant de transports enfin, et tant d’emportements qu’il a fait paraître, jusqu’à forcer, dans sa passion, l’obstacle sacré d’un couvent, pour mettre done Elvire en sa puissance ; je ne comprends pas, dis-je, comme, après tout cela, il aurait le cœur de pouvoir manquer à sa parole.

SGANARELLE

Je n’ai pas grande peine à le comprendre, moi ; et, si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu’il ait changé de sentiments pour done Elvire, je n’en ai point de certitude encore. Tu sais que, par son ordre, je partis avant lui ; et, depuis son arrivée, il ne m’a point entretenu ; mais par précaution, je t’apprends, inter nos, que tu vois en don Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu’on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons. Tu me dis qu’il a épousé ta maîtresse ; crois qu’il aurait plus fait pour sa passion, et qu’avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter ; il ne se sert point d’autres pièges pour attraper les belles ; et c’est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui ; et si je te disais le nom de toutes celles qu’il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusqu’au soir. Tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours : ce n’est là qu’une ébauche du personnage ; et pour en achever le portrait, il faudrait bien d’autres coups de pinceau. Suffit qu’il faut que le courroux du ciel l’accable quelque jour ; qu’il me vaudrait bien mieux d’être au diable que d’être à lui, et qu’il me fait voir tant d’horreurs, que je souhaiterais qu’il fût déjà je ne sais où. Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose ; il faut que je lui sois fidèle, en dépit que j’en aie ; la crainte en moi fait l’office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d’applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste. Le voilà qui vient se promener dans ce palais, séparons-nous. Écoute, au moins : je t’ai fait cette confidence avec franchise, et cela m’est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais, s’il fallait qu’il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.

Scène II

Don Juan, Sganarelle.

DON JUAN

Quel homme te parlait là ? Il a bien l’air, ce me semble, du bon Gusman de done Elvire.

SGANARELLE

C’est quelque chose aussi à peu près de cela.

DON JUAN

Quoi ! c’est lui ?

SGANARELLE

Lui-même.

DON JUAN

Et depuis quand est-il en cette ville ?

SGANARELLE

D’hier au soir.

DON JUAN

Et quel sujet l’amène ?

SGANARELLE

Je crois que vous jugez assez ce qui le peut inquiéter.

DON JUAN

Notre départ, sans doute ?

SGANARELLE

Le bon homme en est tout mortifié, et m’en demandait le sujet !

DON JUAN

Et quelle réponse as-tu faite ?

SGANARELLE

Que vous ne m’en avez rien dit.

DON JUAN

Mais encore, quelle est ta pensée là-dessus ? Que t’imagines-tu de cette affaire ?

SGANARELLE

Moi ? Je crois, sans vous faire tort, que vous avez quelque nouvel amour en tête.

DON JUAN

Tu le crois ?

SGANARELLE

Oui.

DON JUAN

Ma foi, tu ne te trompes pas, et je dois t’avouer qu’un autre objet a chassé Elvire de ma pensée.

SGANARELLE

Eh ! mon Dieu ! je sais mon don Juan sur le bout du doigt, et connais votre cœur pour le plus grand coureur du monde ; il se plaît à se promener de liens en liens, et n’aime guère à demeurer en place.

DON JUAN

Et ne trouves-tu pas, dis-moi, que j’ai raison d’en user de la sorte ?

SGANARELLE

Eh ! monsieur…

DON JUAN

Quoi ? Parle.

SGANARELLE

Assurément que vous avez raison, si vous le voulez ; on ne peut pas aller là contre. Mais, si vous ne vouliez pas, ce serait peut-être une autre affaire.

DON JUAN

Eh bien ! je te donne la liberté de parler, et de me dire tes sentiments.

SGANARELLE

En ce cas, monsieur, je vous dirai franchement que je n’approuve point votre méthode, et que je trouve fort vilain d’aimer de tous côtés, comme vous faites.

DON JUAN

Quoi ! tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non, la constance n’est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire une injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable ; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre, par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur, et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire. Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne ; et j’ai, sur ce sujet, l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs, je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et, comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

SGANARELLE