Amphitryon - Jean-Baptiste Poquelin - Molière - E-Book

Beschreibung

N'en déplaise à nos beaux esprits, je ne vois rien de plus ennuyeux que les épîtres dédicatoires ; et Votre Altesse Sérénissime trouvera bon, s'il lui plaît, que je ne suive point ici le style de ces messieurs-là, et refuse de me servir de deux ou trois misérables pensées qui ont été tournées et retournées tant de fois, qu'elles sont usées de tous les côtés. Le nom du GRAND CONDE est un nom trop glorieux pour le traiter comme on fait de tous les autres noms. Il ne faut l'appliquer, ce nom illustre, qu'à des emplois qui soient dignes de lui et, pour dire de belles choses, je voudrois parler de le mettre à la tête d'une armée plutôt qu'à la tête d'un livre ; et je conçois bien mieux ce qu'il est capable de faire en l'opposant aux forces des ennemis de cet Etat qu'en l'opposant à la critique des ennemis d'une comédie.

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Sommaire

Personnages

Prologue

Acte I

Scène I: Sosie

Scène II: Mercure, Sosie

Scène III: Jupiter, Alcmène, Cléanthis, Mercure

Scène IV: Cléanthis, Mercure

Acte II

Scène I: Amphitryon, Sosie

Scène II: Alcmène, Cléanthis, Amphitryon, Sosie

Scène III: Cléanthis, Sosie

Scène IV: Jupiter, Cléanthis, Sosie

Scène V: Cléanthis, Sosie

Scène VI: Jupiter, Alcmène, Cléanthis, Sosie

Scène VII: Cléanthis, Sosie

Acte III

Scène I: Amphitryon

Scène II: Mercure, Amphitryon

Scène III: Amphitryon

Scène IV: Sosie, Naucratès, Polidas, Amphitryon

Scène V: Jupiter, Amphitryon, Naucratès, Polidas, Sosie

Scène VI: Mercure, Sosie

Scène VII: Amphitryon, Argatiphontidas, Posiclès, Sosie

Scène VIII: Cléanthis, Naucratès, Polidas, Sosie, Amphitryon, Argatiphontidas, Posiclès

Scène IX: Mercure, Cléanthis, Naucratès, Polidas, Sosie, Amphitryon, Argatiphontidas, Posiclès

Scène X: Jupiter, Cléanthis, Naucratès, Polidas, Sosie, Amphitryon, Argatiphontidas, Posiclès

Pièce de théâtre

Adresse

A son Altesse Sérénissime

Monseigneur le Prince

Monseigneur,

N'en déplaise à nos beaux esprits, je ne vois rien de plus ennuyeux que les épîtres dédicatoires ; et Votre Altesse Sérénissime trouvera bon, s'il lui plaît, que je ne suive point ici le style de ces messieurs-là, et refuse de me servir de deux ou trois misérables pensées qui ont été tournées et retournées tant de fois, qu'elles sont usées de tous les côtés. Le nom du GRAND CONDE est un nom trop glorieux pour le traiter comme on fait de tous les autres noms. Il ne faut l'appliquer, ce nom illustre, qu'à des emplois qui soient dignes de lui et, pour dire de belles choses, je voudrois parler de le mettre à la tête d'une armée plutôt qu'à la tête d'un livre ; et je conçois bien mieux ce qu'il est capable de faire en l'opposant aux forces des ennemis de cet Etat qu'en l'opposant à la critique des ennemis d'une comédie.

Ce n'est pas, MONSEIGNEUR, que la glorieuse approbation de VOTRE ALTESSE SERENISSIME ne fût une puissante protection pour toutes ces sortes d'ouvrages, et qu'on ne soit persuadé des lumières de votre esprit autant que de l'intrépidité de votre coeur et de la grandeur de votre âme. On sait, par toute la terre, que l'éclat de votre mérite n'est point renfermé dans les bornes de cette valeur indomptable qui se fait des adorateurs chez ceux même qu'elle surmonte ; qu'il s'étend, ce mérite, jusques aux connoissances les plus fines et les plus relevées, et que les décisions de votre jugement sur tous les ouvrages d'esprit ne manquent point d'être suivies par le sentiment des plus délicats. Mais on sait aussi, Monseigneur, que toutes ces glorieuses approbations dont nous nous vantons en public ne nous coûtent rien à faire imprimer ; et que ce sont des choses dont nous disposons comme nous voulons. On sait, dis-je, qu'une épître dédicatoire dit tout ce qu'il lui plaît, et qu'un auteur est en pouvoir d'aller saisir les personnes les plus augustes, et de parer de leurs grands noms les premiers feuillets de son livre ; qu'il a la liberté de s'y donner, autant qu'il le veut, l'honneur de leur estime, et de se faire des protecteurs qui n'ont jamais songé à l'être.

Je n'abuserai, MONSEIGNEUR, ni de votre nom, ni de vos bontés, pour combattre les censeurs de l'Amphitryon et m'attribuer une gloire que je n'ai peut-être pas méritée, et je ne prends la liberté de vous offrir ma comédie que pour avoir lieu de vous dire que je regarde incessamment, avec une profonde vénération, les grandes qualités que vous joignez au sang auguste dont vous tenez le jour, et que je suis, Monseigneur, avec tout le respect possible, et tout le zèle imaginable,

DE VOTRE ALTESSE SERENISSIME,

Le très humble, très obéissant, et très obligé serviteur,

J.B.P. MOLIERE.

Introduction

Comédie

Représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre du Palais-Royal, le 13e janvier 1668 par la Troupe du Roi

Personnages

Mercure.

La Nuit.

Jupiter, sous la forme d'Amphitryon.

Amphitryon, général des Thébains.

Alcmène, femme d'Amphitryon.

Cléanthis, suivante d'Alcmène et femme de Sosie.

Sosie, valet d'Amphitryon.

Argatiphontidas, capitaine thébain.

Naucratès, capitaine thébain.

Polidas, capitaine thébain.

Posiclès, capitaine thébain.

La scène est à Thèbes, devant la maison d'Amphitryon.

Prologue

Mercure, sur un nuage, La Nuit, dans un char, traîné par deux chevaux.

Mercure

Tout beau ! charmante Nuit ; daignez vous arrêter :

Il est certain secours que de vous on desire,

Et j'ai deux mots à vous dire

De la part de Jupiter.

La Nuit

Ah ! ah ! c'est vous, seigneur Mercure !

Qui vous eût deviné là, dans cette posture.

Mercure

Ma foi ! me trouvant las, pour ne pouvoir fournir

Aux différents emplois où Jupiter m'engage,

Je me suis doucement assis sur ce nuage,

Pour vous attendre venir.

La Nuit

Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas :

Sied-il bien à des Dieux de dire qu'ils sont las ?

Mercure

Les Dieux sont-ils de fer ?

La Nuit

Non ; mais il faut sans cesse

Garder le decorum de la divinité. Il est de certains mots dont l'usage rabaisse

Cette sublime qualité,

Et que, pour leur indignité,

Il est bon qu'aux hommes on laisse.

Mercure

A votre aise vous en parlez,

Et vous avez, la belle, une chaise roulante,

Où par deux bons chevaux, en dame nonchalante,

Vous vous faites traîner partout où vous voulez.

Mais de moi ce n'est pas de même ;

Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal

Aux poètes assez de mal

De leur impertinence extrême,

D'avoir, par une injuste loi,

Dont on veut maintenir l'usage,

A chaque Dieu, dans son emploi,

Donné quelque allure en partage,

Et de me laisser à pied, moi,

Comme un messager de village,

Moi, qui suis, comme on sait, en terre et dans les cieux,

Le fameux messager du souverain des Dieux,

Et qui, sans rien exagérer,

Par tous les emplois qu'il me donne,

Aurois besoin, plus que personne,

D'avoir de quoi me voiturer.

La Nuit

Que voulez-vous faire à cela ?

Les poètes font à leur guise :

Ce n'est pas la seule sottise

Qu'on voit faire à ces Messieurs-là.

Mais contre eux toutefois votre âme à tort s'irrite,

Et vos ailes aux pieds sont un don de leurs soins.

Mercure

Oui ; mais, pour aller plus vite,

Est-ce qu'on s'en lasse moins ?

La Nuit

Laissons cela, seigneur Mercure,

Et sachons ce dont il s'agit.

Mercure

C'est Jupiter, comme je vous l'ai dit,

Qui de votre manteau veut la faveur obscure,

Pour certaine douce aventure

Qu'un nouvel amour lui fournit.

Ses pratiques, je crois, ne vous sont pas nouvelles :

Bien souvent pour la terre il néglige les cieux ;

Et vous n'ignorez pas que ce maître des Dieux

Aime à s'humaniser pour des beautés mortelles,

Et sait cent tours ingénieux,

Pour mettre à bout les plus cruelles.

Des yeux d'Alcmène il a senti les coups ;

Et tandis qu'au milieu des béotiques plaines, Amphitryon, son

époux,

Commande aux troupes thébaines,

Il en a pris la forme, et reçoit là-dessous

Un soulagement à ses peines

Dans la possession des plaisirs les plus doux.

L'état des mariés à ses feux est propice :

L'hymen ne les a joints que depuis quelques jours ;

Et la jeune chaleur de leurs tendres amours

A fait que Jupiter à ce bel artifice

S'est avisé d'avoir recours.

Son stratagème ici se trouve salutaire ;

Mais, près de maint objet chéri,

Pareil déguisement seroit pour ne rien faire,

Et ce n'est pas partout un bon moyen de plaire

Que la figure d'un mari.

La Nuit

J'admire Jupiter, et je ne comprends pas

Tous les déguisements qui lui viennent en tête.

Mercure

Il veut goûter par là toutes sortes d'états,

Et c'est agir en dieu qui n'est pas bête.

Dans quelque rang qu'il soit des mortels regardé,

Je le tiendrois fort misérable,

S'il ne quittoit jamais sa mine redoutable,

Et qu'au faîte des cieux il fût toujours guindé.

Il n'est point, à mon gré, de plus sotte méthode

Que d'être emprisonné toujours dans sa grandeur ; Et surtout aux

transports de l'amoureuse ardeur

La haute qualité devient fort incommode.

Jupiter, qui sans doute en plaisirs se connaît,

Sait descendre du haut de sa gloire suprême ;

Et pour entrer dans tout ce qu'il lui plaît

Il sort tout à fait de lui-même,

Et ce n'est plus alors Jupiter qui paraît.

La Nuit

Passe encor de le voir, de ce sublime étage,

Dans celui des hommes venir,

Prendre tous les transports que leur coeur peut fournir,

Et se faire à leur badinage,

Si, dans les changements où son humeur l'engage,

A la nature humaine il s'en vouloit tenir ;

Mais de voir Jupiter taureau,

Serpent, cygne, ou quelque autre chose,

Je ne trouve point cela beau,

Et ne m'étonne pas si parfois on en cause.

Mercure

Laissons dire tous les censeurs :

Tels changements ont leurs douceurs

Qui passent leur intelligence.

Ce dieu sait ce qu'il fait aussi bien là qu'ailleurs ;

Et dans les mouvements de leurs tendres ardeurs,

Les bêtes ne sont pas si bêtes que l'on pense.

La Nuit

Revenons à l'objet dont il a les faveurs.

Si par son stratagème il voit sa flamme heureuse,

Que peut-il souhaiter ? et qu'est-ce que je puis ?

Mercure

Que vos chevaux, par vous au petit pas réduits,