Les Précieuses ridicules - Jean Baptiste Poquelin (Molière) - E-Book

Les Précieuses ridicules E-Book

Jean-Baptiste Poquelin Molière

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Beschreibung

L'intrigue de la pièce repose sur la vengeance de deux prétendants éconduits, La Grange et Du Croisy, qui décident de tourner en ridicule les jeunes filles qui les ont humiliés. Pour ce faire, ils vont utiliser le ressort théâtral de l'inversion des rôles maître-valet.

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Table of Contents

Page de titre

Personnages

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène XIII

Scène XIV

Scène XV

Scène XVI

Scène XVII

Scène XVIII

Scène XIX

Page de copyright

 

Personnages

LA GRANGE, amant rebuté.

DU CROISY, amant rebuté.

GORGIBUS, bon bourgeois.

MADELON, fille de Gorgibus, précieuse ridicule.

CATHOS, nièce de Gorgibus, précieuse ridicule1.

MAROTTE, servante des précieuses ridicules.

ALMANZOR, laquais des précieuses ridicules2.

LE MARQUIS DE MASCARILLE, valet de La Grange.

LE VICOMTE DE JODELET, valet de Du Croisy.

DEUX PORTEURS DE CHAISE.

VOISINES.

VIOLONS.

1M. A. Martin cite ici Mlle Duparc, qui n’a pu jouer le rôle de Cathos : elle ne rentra dans la troupe de Molière avec son mari qu’après Pâques de l’année 1660.

2Ce rôle est attribué, dans les éditions modernes, à l’acteur Debrie ; mais l’appellation de petit garçon, que Madelon emploie en s’adressant à son laquais, nous fait tenir cette attribution pour erronée. Debrie, qui jouait La Rapière dans le Dépit amoureux, et en général les rôles de bretteur, de commissaire ou de gendarme, n’aurait pu être désigné de la sorte.

Le lieu de la scène est suffisamment indiqué à la scène VII ; c’est une salle basse de la maison de Gorgibus. Le manuscrit de Mahelot donne seulement ces indications : « Il faut une chaise de porteurs, deux fauteuils, deux battes. »

Scène première

La Grange, Du Croisy.

DU CROISY

Seigneur La Grange.

LA GRANGE

Quoi ?

DU CROISY

Regardez-moi un peu sans rire.

LA GRANGE

Eh bien !

DU CROISY

Que dites-vous de notre visite ? En êtes-vous fort satisfait ?

LA GRANGE

À votre avis, avons-nous sujet de l’être tous deux ?

DU CROISY

Pas tout à fait, à dire vrai.

LA GRANGE

Pour moi, je vous avoue que j’en suis tout scandalisé. A-t-on jamais vu, dites-moi, deux pecques1 provinciales faire plus les renchéries que celles-là, et deux hommes traités avec plus de mépris que nous ? À peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges. Je n’ai jamais vu tant parler à l’oreille qu’elles ont fait entre elles, tant bâiller, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle heure est-il ? Ont-elles répondu que oui et non à tout ce que nous avons pu leur dire ? et ne m’avouerez-vous pas enfin que, quand nous aurions été les dernières personnes du monde, on ne pouvait nous faire pis qu’elles ont fait ?

DU CROISY

Il me semble que vous prenez la chose fort à cœur.

LA GRANGE

Sans doute, je l’y prends, et de telle façon que je veux me venger de cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait mépriser. L’air précieux n’a pas seulement infecté Paris, il s’est aussi répandu dans les provinces, et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne part. En un mot, c’est un ambigu de précieuse et de coquette que leur personne. Je vois ce qu’il faut être pour en être bien reçu ; et, si vous m’en croyez, nous leur jouerons tous deux une pièce qui leur fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre à connaître un peu mieux leur monde.

DU CROISY

Et comment encore ?

LA GRANGE

J’ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe, au sentiment de beaucoup de gens, pour une manière de bel esprit : car il n’y a rien à meilleur marché que le bel esprit maintenant. C’est un extravagant qui s’est mis dans la tête de vouloir faire l’homme de condition. Il se pique ordinairement de galanterie et de vers, et dédaigne les autres valets, jusqu’à les appeler brutaux2.

DU CROISY

Eh bien ! qu’en prétendez-vous faire ?

LA GRANGE

Ce que j’en prétends faire ? Il faut… Mais sortons d’ici auparavant.

1Pecque, suivant Auger, a la même origine et le même sens que pécore. Nous ne citerons pas les différentes étymologies qu’on a trouvées à ce mot ; il s’entend fort bien.

2Ce mot était tout à fait de la langue des précieuses. (Voyez page 143.)

Scène II

Gorgibus, Du Croisy, La Grange.

GORGIBUS1

Eh bien ! vous avez vu ma nièce et ma fille ? Les affaires iront-elles bien ? Quel est le résultat de cette visite ?

LA GRANGE

C’est une chose que vous pourrez mieux apprendre d’elles que de nous. Tout ce que nous pouvons vous dire, c’est que nous vous rendons grâce de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles serviteurs.

DU CROISY

Vos très humbles serviteurs.2

GORGIBUS, seul.

Ouais ! il semble qu’ils sortent mal satisfaits d’ici. D’où pourrait venir leur mécontentement ? Il faut savoir un peu ce que c’est. Holà !

1Gorgibus, comme Palaprat nous l’apprend dans la préface de ses Œuvres, était le nom d’un emploi de l’ancienne comédie. L’acteur L’Épy, frère de Jodelet, qui créa ce rôle, avait une voix de Stentor : c’est là peut-être ce qui fit choisir par Molière ce nom de Gorgibus.

2Cette répétition des mots : « vos très humbles serviteurs, » ne se trouve ni dans l’édition de 1660 ni dans l’édition de 1673. Elle n’est donnée que par l’édition de 1682 ; mais La Grange, l’auteur de cette édition, devait savoir mieux que personne comment cette pièce se jouait, et il a probablement consigné ici une tradition de théâtre autorisée par Molière. Cette répétition très expressive, et qui fait bien sentir le mécontentement des deux amants rebutés, est passée à bon droit dans le texte, et nous avons dû nous borner à signaler son origine.

Scène III

Gorgibus, Marotte.

MAROTTE

Que désirez-vous, monsieur ?

GORGIBUS

Où sont vos maîtresses ?

MAROTTE

Dans leur cabinet.

GORGIBUS

Que font-elles ?

MAROTTE

De la pommade pour les lèvres.

GORGIBUS

C’est trop pommadé ; dites-leur qu’elles descendent.

Scène IV

Gorgibus.

Seul.

Ces pendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me ruiner. Je ne vois partout que blancs d’œufs, lait virginal, et mille autres brimborions que je ne connais point. Elles ont usé, depuis que nous sommes ici, le lard d’une douzaine de cochons pour le moins ; et quatre valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu’elles emploient1.

1Gorgibus exagère sans doute la consommation de lard et de pieds de mouton que font ses filles. Il est un peu rustre, et il forme un rude contraste avec les deux précieuses « qu’il a sur les bras », pour parler son langage. L’art de Molière consiste principalement dans ces oppositions vigoureuses de caractères.

Scène V

Madelon, Cathos, Gorgibus.

GORGIBUS

Il est bien nécessaire vraiment de faire tant de dépense pour vous graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais vous donner pour maris ?

MADELON

Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé irrégulier1 de ces gens-là ?

CATHOS