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Un Détective privé et une Escorte Girl. Un couple passionnément explosif. Des enquêtes policières agrémentées d'une vie quotidienne trépidante. Un respect du lecteur et une légèreté de style. Le couple atypique trouvera sa place... en dépit de tout ce qui pourrait les opposer. C'est une série qui vivra au rythme de leurs amours, assez contrariés. Des enquêtes rocambolesques, entre loufoques et ubuesques, mais jamais tristouilles. Des scénettes tragi-comiques et des textes virevoltants et enflammés. Beaucoup de dialogues, remplis de philosophies de comptoir issues du café du commerce (équitable). Des personnages récurrents iront et viendront. Certains resteront, d'autres aussi. Eddy et Suze, c'est une grande famille ! On y accepte même les lecteurs ! Venez suivre leurs aventures. C'est comme une série télévisuelle sur un papier. Pour le replay papier, ouvrez le livre à la page que vous souhaitez.
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Seitenzahl: 381
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Le problème avec une fiction, c’est que les esprits simples pensent que c’est la réalité.
Auteur : Bernard CLÉMENT-DEMANGE [email protected]
Illustrateur : Etienne CLÉMENT-DEMANGE etiennecd.fr
Correctrice : Anne-Sophie GUÉNÉGUÈS desmotspassants.unblog.fr
Enquête N° 1 :
Là où tout a commencé
Enquête N° 2 :
Le parfum
Enquête N° 3 :
Le corbeau
Enquête N° 4 :
La communauté
Enquête N° 5 :
L’église
Enquête N° 6 :
L’hôpital
Là où tout a commencé.
Édouard Dietschy, préférant se faire appeler Eddy, se cherche. Ses études en psychologie, il les a réussies. Maintenant, il découvre le chômage. Ses inconvénients et ses désavantages. Il connaît les boîtes d’intérim. Il connaît Pôle emploi.
Suze, prénom assez lourd à porter, car vieillot et ridicule, et de patronyme Baudrillart, de fabrication bourguignonne, est atypique et rebelle.
Elle quitta sa famille pour monter à Paname plutôt qu’à Auxerre. Paris est une cage à fauves. Sans ami, tu subis la loi de la jungle. Suze a vécu des galères. Elle refusa des amitiés factices et tenta de rester clean et indépendante. Mais les qualités morales ne remplissent pas le porte-monnaie.
Suze accepta de louer son corps.
Suze, cool et souriante, sympathisa avec un groupe de filles qui se faisaient appeler « Les indépendantes ». La prostitution, OUI, le maquereaunnage, NON. Suze adhéra, faute de meilleure proposition de job. En une semaine, elle avait été rodée : se faire payer avant, le stock de préservatifs, la bombe anti-agression, les lieux où on est à peu près protégée de la police et aussi que cela ne dégénère pas en viol…
Escorte ou prostituée, OUI, pute, NON.
Suze avait été acceptée. Ce n’est pas une finalité en soi, mais plutôt une sorte de micro-famille.
Saint-Quentin-en-Yvelines. Eddy sortait de Pôle emploi, une fois de plus écœuré. Ville nouvelle, mais réponse archaïque.
« Psycho-truc, ça sert à quoi ? Ça prédit quoi ? Mais ouvrez votre cabinet, mon bon monsieur. »
Pourquoi avait-il cru que la proximité de l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines pourrait lui offrir des opportunités. Une fois encore, Eddy quittait une agence avec des paroles de réconfort, et il restait sur sa faim. Il finirait peut-être à McDo ou caissier à Prisunic. Après tout, il verrait des gens, c’est en lien avec la psychologie… de dépit.
Marchant vers la gare, la tête pointée vers le bout de ses chaussures, il avançait en ressassant tant de choses.
Suze, l’autre héroïne, mini-jupe repérable sans difficulté, marchait, elle aussi, vers la gare. Elle venait de finir un client entre midi et deux, payant et assez peu performant, mais payant.
Suze apprenait la gestion d’un ménage, le sien.
Un agent avec le gilet « Police municipale » s’interposa pour empêcher Suze d’avancer. Eddy leva la tête à cet instant et fut intrigué. Un beau mâle aryen rasé court qui se la pétait avec le prestige de l’uniforme.
Policier : Mademoiselle. Allons à l’écart, j’ai quelques questions à vous poser.
Eddy, intrigué, les regarda s’éloigner et changea sa trajectoire afin de pouvoir continuer à les observer, et tant pis s’il ratait son train, il prendrait le suivant. Il appuya son dos contre un pilier, non de bar, mais de gare. Il suivait les mimiques de loin. On aurait juré qu’il lui réclamait du fric, le monde à l’envers.
Le ton montait, et il n’osait se rapprocher. Pour finir, elle jeta l’éponge et s’éloigna en lui adressant un doigt d’honneur. Et le flic n’appréciait pas plus que cela, mais sourit comme si la joute était loin d’être finie. Eddy fila dans le sillage de cette dame, mais prit un autre train que celui de sa belle.
La suite serait pour une autre fois.
Le même jour, en soirée. Suze avait un autre rendez-vous galant.
Elle s’y rendit à pied (la Twingo de ses rêves, ce serait pour plus tard. En plus, le permis d’abord). Elle portait comme à son habitude son sac de voyage contenant son « baise en ville ». Il faisait frais, et Suze avait froid aux jambes, sans oublier l’entrejambe. Suze sortit à la station de RER convenue et alors suivit les indications qu’elle avait imprimées. Dans quinze minutes, elle devrait être au chaud.
Elle marchait avec son plan en papier à la main. Dans le quartier pavillonnaire, ce fut plus facile. Elle avait cinq minutes d’avance.
Elle fit les cent pas, comme toute bonne péripatéticienne qui se respecte. Puis, elle remonta la file de voitures garées et s’engagea dans l’allée de la porte d’entrée.
Au moment de tapoter à la porte, Suze fit un trois cent soixante degrés pour vérifier que personne ne s’intéressait à sa petite personne devant cette maison de banlieue. Elle utilisa le heurtoir.
Il y avait deux voix à l’intérieur. Mais lorsque la porte s’ouvrit, une seule personne était présente. Une femme. Une belle femme.
En colère visiblement. Une belle femme, disais-je, tailleur court, chemisier blanc. On devinait son soutien-gorge et ses petits seins parfaits collés à ses vêtements. Bizarrement, la seule question qui fusa dans l’esprit de Suze fut « Est-ce que cette belle femme a des enfants ? » Ensuite, « Pourquoi aller chercher ailleurs le plaisir de la chair ? » Même Suze avait des complexes par rapport au physique parfait de cette femme. Elle ne comprenait pas les besoins de tromperie de son mari.
Elle avait vu les yeux de braise façon mitraillette électrique. Elle préféra opérer un demi-tour avant la salve verbale incendiaire.
Elle quitta l’allée pour rejoindre la rue sous les huées de cette mégère. Elle en eut les larmes aux yeux et continua vers la station de RER, sans plus consciemment faire attention aux cris de la folle qui l’accompagnaient.
Bilan de la journée : Un rendez-vous honoré payé, l’autre non, ni honoré ni payé.
Eddy qui n’avait rien prévu ce jour décida de titiller l’État français. Naïvement, il se présenta au commissariat de Saint-Quentin-en-Yvelines, non loin de la gare, et il demanda à parler à une personne responsable. On lui proposa un rendez-vous avec l’inspecteur.
Inspecteur : Monsieur Dietschy, la police est au service de ses concitoyens. Que puis-je ?
Eddy : Monsieur l’inspecteur, j’ai été observateur hier de comportements limites de votre service.
Inspecteur : Je vous écoute.
Eddy : Hier, un de vos agents a interpellé une honnête citoyenne, et je pense qu’il y a eu demande d’argent. Vous voyez, comme dans les cours de récréation.
Inspecteur : Mes agents effectuent leur travail. Cette personne a-t-elle porté plainte ?
Eddy : Monsieur l’inspecteur, j’ai été spectateur d’une scène de harcèlement de la part de la police. Et je vous demande en toute simplicité la suite que vous comptez donner.
Inspecteur : Pas de plainte, pas de main courante. De plus, mes agents sont au-dessus de tout soupçon.
Eddy : Donc, on harcèle une femme. Elle n’ose porter plainte.
Elle est victime d’un racket, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?
Inspecteur : Portez plainte ou sortez.
Eddy : Fermer les yeux, c’est votre boulot ?
Inspecteur : Ne dépassez pas les limites !
Eddy : La première tâche de la police est de se protéger, et ensuite seulement éventuellement viennent les individus.
ddy vécut sa première nuit en cellule.
Eddy fut proprement jeté dans la cellule provisoire de détention.
Ô surprise, une tête connue. Sa belle inconnue de la gare.
Eddy : Mademoiselle, que faites-vous dans cette cellule ?
Suze : La même chose que toi, bellâtre, j’attends l’aube.
Eddy : Je vous ai vue hier midi, avec un policier qui vous embêtait.
Suze : Un connard.
Eddy : Il voulait quoi ?
Suze : À ton avis, beau gosse ?
Eddy : Une sorte de maquereau, qui veut sa rente mensuelle ?
Suze : Et le doigt d’honneur que je lui ai fait ?
Eddy : Tu as refusé. Et j’ai aimé.
Suze : J’t’emmerde, connard.
Eddy : Moi aussi, mademoiselle, je vous aime.
Elle sourit.
Eddy utilisa son mobile pour appeler. Il devait être minuit.
Eddy : Euh, Sœurette, ça va ?
Sœurette : Oui, même si tu me réveilles à une heure un peu bizarre.
Eddy : Ah oui, ça. En fait, j’ai un petit problème et donc j’ai besoin d’un petit service.
Sœurette : Ça m’aurait étonnée. Qu’as-tu fait encore ?
Eddy : Trois fois rien. Pour te la faire courte, j’ai peut-être dit ses quatre vérités à un flic. Enfin, je crois plutôt que c’était un inspecteur en fait.
Sœurette : Ben, frérot, chapeau bas. Tu as besoin de quoi ?
Eddy : Tu peux t’assurer qu’ils me libèrent bien demain matin ?
Sœurette : Ah, si je n’étais pas là ! Bon, donne l’adresse.
Eddy : Le commissariat de Saint-Quentin-en-Yvelines. Tu trouveras ?
Sœurette : Ça dépend de l’amour que je te porte.
Elle raccrocha.
Il n’avait pas envie de dormir et s’assit sur la couchette en face de celle de sa belle inconnue.
Au bout de quelques secondes, Suze changea sa pose d’horizontale à verticale. Elle s’assit et lui lança un regard direct et assassin. Si elle le mettait à exécution, elle prendrait pour chérot.
Suze : Tu peux reluquer gratis, car je suis enfermée, mais tu ne consommeras pas. Je mords.
Eddy : Je m’en souviendrai. Non, vous n’êtes quand même pas ici juste pour un doigt d’honneur à un flic qui l’a mérité ?
Suze : Non, j’ai buté une femme. Enfin, il paraît. De ces conneries qu’ils peuvent sortir les poulets. Comme si j’allais réduire ma clientèle. En plus, je l’aurais liquidé sans consommation et serais repartie sans mon liquide à moi. Du délire.
Eddy : Euh, une passe qu’aurait mal débuté ?
Suze : Je suis arrivée, j’ai sonné et sa légitime, je suppose, est sortie pour défendre son territoire. Mais j’entendais la voix du mari dans le fond. Il vaut mieux ne pas causer avec les bourgeoises, ce n’est pas câblé comme nous autres.
Eddy : Je n’aurais pas pu dire mieux. Et ensuite…
Eddy secoua une Suzette endormie sur la couchette.
Eddy : Euh, mademoiselle Suze, j’aurai une question, s’il vous plaît ?
Au bout d’une bonne minute de secouage en règle.
Suze : Merde ! Qui m’emmerde ?!
Eddy : Je crois que c’est moi, mademoiselle Suze.
La Suzette se releva et se frotta les yeux.
Eddy : Suzie, je suis libéré.
Suze : Super, je vais enfin être débarrassée de toi. Grand bien te fasse. Maintenant, si tu peux me donner ta couverture, tu seras chou.
Eddy : Donnez-moi l’adresse de votre rendez-vous galant raté d’hier soir, s’il vous plaît.
Suze : Pourquoi ? Tu es homo ?
Eddy : Non, je crains que la maréchaussée adorée de tous ne cherche pas plus loin que le bout de son nez. Alors, un moins que rien qui va jeter un œil, c’est mieux que personne du tout, non ?
Suze : 24, rue des Mésanges-Bleues. Et il n’y a pas de chien.
Eddy : J’irai faire un tour pour m’en assurer.
Suze : Tu es trop con, toi.
La sœurette attendait à la grille qu’un policier assermenté ouvrit.
Eddy se leva tranquillement et, avant de sortir, avança vers Suze, qui commençait à prendre peur.
Il se baissa lentement et l’embrassa sur le front.
Eddy : À bientôt.
Eddy quitta alors la cellule.
Suze eut une larme. Pas plus. Enfin, elle ne voulut pas en reconnaître plus qu’une.
Eddy : Sœurette, comment as-tu fait pour me libérer ?
Sœurette : J’ai mis mon réveil sur 5 heures et je me suis pointée à 7 heures au commissariat. J’ai expliqué TA situation à l’agent d’accueil qui a décalé le planning de l’inspecteur pour que je le voie à son arrivée prévue à 7 h 30. J’ai patienté, somnolente, et j’ai été reçue par un charmant monsieur qui avait son propre bureau, et nous avons discuté des tragiques événements qui ont conduit à ton emprisonnement temporaire. Non, mais tu te rends compte des conneries que tu as dites, Crétin des Alpes ? Et moi, bonne poire, je dois me lever avant l’aube pour secourir l’intello de la famille, celui qui a bac +5 en psycho. Alors, si tes études ne te servent pas à plus, fallait t’arrêter avant les cinq années, payées par Papa et Maman.
Eddy demanda à descendre de voiture… des choses à faire.
Eddy : Merci, Sœurette. À plus.
Et il ferma la porte pas trop fermement.
Effectivement. Si être psychologue, c’est être un poids pour sa famille, il faudra envisager une réorientation professionnelle.
Eddy, sous la luminosité grandissante de ce jour d’hiver, se dirigeait vers le quartier pavillonnaire proche de la gare, sur la commune de Montigny-le-Bretonneux. Il regarda le plan.
Le quartier des Oiseaux était moderne et datait de moins de vingt ans. Des maisons Kauffmann & Broad ou équivalentes.
Toutes les mêmes, il n’y avait que le numéro sur la façade qui changeait. Eddy s’approchait, mais le terrain était occupé. Des policiers et des interdictions de passer pour les personnes non autorisées. Eddy regarda de loin et, vu le faible nombre de policiers, parvint à s’infiltrer jusqu’au-devant de la maison. Il voyait bien des agents de police à l’intérieur de la maison, mais aucun dehors. Et pourtant. Une énorme empreinte de main en plein milieu de la porte-fenêtre du salon. Empreinte extérieure.
Eddy la prit en photo avec son téléphone, et il s’appliqua ! Il opéra un demi-tour pour ne pas se faire voir sur une scène de crime. Il resta en périphérie et prit d’autres clichés, puis partit.
Comme il était dans le coin, il retourna voir son bourreau, l’inspecteur de son cœur, au commissariat.
Eddy : Monsieur l’inspecteur, je pense que nos relations ne sont pas parties sur la meilleure des bases possibles.
Inspecteur : Puisque vous le reconnaissez, continuons.
Eddy prit sur lui, car il pensait que les torts étaient partagés.
Eddy : Inspecteur, je suis allé me promener sur le lieu du crime…
Inspecteur : Et allez, sortez votre bile, s’il vous plaît.
Eddy : Avez-pris toutes les empreintes ?
Inspecteur : C’est le B.A.BA de la police !
Eddy : Donc, vous pouvez me les montrer ?
Inspecteur : Négatif. Je vous supporte de par ma fonction, mais vous n’êtes rien dans l’affaire.
Eddy : Donc, vous avez la coupable idéale, et on ne cherche pas plus loin ?
Inspecteur : L’enquête est intègre.
Eddy : Mon cul…
Inspecteur : Décidément, vous aimez notre hôtel…
Eddy : À votre bon cœur, Inspecteur…
Un agent assermenté emmena Eddy rejoindre Suze.
Eddy : Bonsoir, mademoiselle Suze… je vous ai manqué ?
Suze : Eddy, si cela peut te rassurer… oui, ta belle gueule est la bienvenue. Mais tu m’assures que la poulette de ce matin est ta sœur et pas ta légitime ?
Eddy : Ma sœurette est ma gardienne. Elle m’évite beaucoup d’emmerdes. Elle me supporte. Et je l’aime, mais je ne lui ai pas assez dit.
Suze : Eddy, c’est quoi ton problème ?
Eddy : L’amour. L’amour courtois, l’amour tout court.
Suze : Eddy, tu es à la ramasse, plus personne n’a ces concepts actuellement. S’il te plaît, change de disque.
Eddy : Suze, tu n’es pas un produit consommable ni périssable.
Suze : Eddy, tu es con. Et je ne serai jamais ta plante verte non plus.
Eddy : Il n’est pas levé le jour où je coucherai avec une pute.
Suze : Il n’est pas levé le jour où je coucherai sans me faire payer.
Fin de la joute… cruelle.
Chacun dans sa couverture et dos à dos.
Eddy sortit son mobile et appela un numéro en mémoire.
Eddy : Euh, Sœurette, ça va ?
Sœurette : Connard.
Eddy : Euh, Sœurette, cette fois, ce n’est pas ma faute.
Sœurette : Connard.
Eddy : Euh, Sœurette, tu connais l’adresse.
Sœurette : Connard.
La sœurette se présenta à 8 heures au « dépôt » pour libérer son frère tellement chéri. Elle avait passé un bon moment avec l’inspecteur pour tenter de comprendre ou de résoudre cet épiphénomène qu’était Eddy.
Agent : Monsieur Eddy, vous êtes libéré.
Eddy : Euh, vous êtes sûr ? Ce n’est pas un peu trop tôt ?
Agent : Monsieur Eddy, votre sœur…
Eddy : Eh oh merde, je suis prêt.
Suze : Bon courage, Eddy…
Eddy : Je n’ai pas été cool avec elle… je crains.
Suze : Tu reviens quand tu veux… À ce soir ?
Eddy : Je ne promets rien, Suze. Mais cela me ferait plaisir.
Un sourire coincé.
Sœurette : Tu fais à ton rythme surtout. Et je n’ai pas pris rendez-vous pour te libérer demain.
Eddy : Coucou, désolé, je viens tout de suite et ne te poserai plus de problème à l’avenir.
Sœurette : Promesses d’ivrogne n’engagent que ceux qui y croient.
Eddy : Sœurette, comment as-tu encore fait pour me libérer ?
Sœurette : J’ai mis mon réveil sur 5 heures et je me suis pointée à 7 heures au commissariat. Je te raconte la suite ?
Eddy : J’ai compris le concept.
Sitôt sorti, il se repointa à l’accueil pour demander un rendez-vous avec l’inspecteur.
Agent d’accueil : Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? Car on ne sera pas complet, vous pourrez revenir en fin d’après-midi si vous préférez.
Eddy : Vous pouvez me fournir le menu aussi, histoire que je m’y prépare ?
L’inspecteur reçut Eddy.
Inspecteur : Veuillez-vous asseoir. Ce n’est pas comme si on ne se connaissait pas. Je vous réserve tout de suite une place dans la suite pour ce soir, ou j’attends l’outrage à agent ?
Eddy : Non, rien de tout cela. La leçon a été apprise, bien que dans la douleur.
Inspecteur : Douleur, je vous suspecte de revenir chaque soir auprès de ma belle suspecte juste pour la draguer !
Eddy : Que nenni, Inspecteur. Il s’agit d’une monumentale erreur judiciaire !
Inspecteur : Affaire Dreyfus. L’Aurore. « J’accuse ». Zola, le 13 janvier 1898. Je connais mes classiques.
Eddy : Donc, vous la pensez vraiment coupable ?
Inspecteur : Rien n’indique qu’elle est innocente.
Eddy : Donc, présomption de culpabilité ?
Inspecteur : L’enquête se poursuit, et on relève toutes les preuves sur le terrain.
Eddy : Oui, j’ai vu la passoire que c’était. Avez-vous le dossier des éléments, s’il vous plaît, que j’y jette un œil ?
Inspecteur : Nous ne sommes point encore des intimes, et seules les personnes impliquées dans l’accusation ou la défense y ont accès.
Eddy : Ça tombe bien, je représente la défense de mademoiselle Suze.
Inspecteur : Vous n’êtes pas avocat.
Eddy : Non, mais je suis son détective privé. Ça le fait ?
Inspecteur : Depuis quand ?
Eddy : Maintenant. Pourquoi ? Il faut trois ans de vie commune avant d’avoir le droit de défendre la veuve et l’opprimée devant la violence du dictat policier ?
Inspecteur : Bon. Je vous montre le dossier.
Eddy : Merci, Inspecteur, je crierai vos louanges sur tous les toits.
Inspecteur : N’en faites surtout rien. J’ai mis assez de temps à construire ma réputation.
L’inspecteur avait proposé au détective Eddy de l’installer dans la salle des interrogatoires. Aucune autre salle n’était disponible pour le moment. Et l’inspecteur se proposa de refaire un point sur l’affaire d’ici deux heures.
Eddy prit ses aises et étala les pièces à conviction sur la table des supplices.
Ce qu’il apprit est résumé dans le paragraphe qui suit.
Femme brune d’environ 1,65 m découverte dans le salon. Habillée, elle n’a pas subi de violence ou d’outrage. Juste un gros coup d’un objet introuvable et contondant arrivé puissamment derrière le lobe de l’oreille droite. La mort a été quasi immédiate. Vers 20 h 10. Le mari a déclaré la mort à son arrivée au domicile, vers 20 h 30. Il appela la police.Une équipe arriva rapidement sur les lieux. Le mari fut rassuré et interrogé. La police fit défiler la vidéo qui enregistrait chaque fois que quelqu’un sonnait.
Suze y fut reconnue, et la chasse à l’homme lancée, avec les pitbulls bleu-blanc-rouge à ses trousses.
Elle fut ramenée manu militari, menottée et en pleurs, au commissariat de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Suivirent les empreintes intérieures au pavillon ignymontain. Et moult photos.
Eddy était passé en mode veille, mais son cerveau tournait comme le moteur d’une Ferrari, le bruit en moins. La CPU était performante et n’avait nul besoin d’upgrade ou de nettoyage des circuits imprimés. Il était lancé, telle une flèche en alignement avec le cœur de la cible.
Il nota noir sur blanc toutes ses questions sans réponse avec le dossier.
Ainsi que ses questions issues de ses études.
L’inspecteur reçut un peu plus tard, comme promis, le détective Eddy. Il récupéra accessoirement son dossier.
Inspecteur : Détective, pour votre première enquête, expliquez-moi ce que des policiers chevronnés ont loupé ?
Détective : Pendant ma méditation en salle d’interrogatoire, j’ai noté quelques questions qui m’ont paru de bon sens.
Inspecteur : Allez-y, je m’attends à tout.
Eddy sortit son carnet et lut.
Détective :
- A-t-on vérifié la chronologie du mari ?
- A-t-on aussi vérifié la chronologie de la suspecte ?
- Quel serait le mobile de Suze (en plus de couper la branche de ses revenus) ?
- Pourquoi le mari n’a-t-il pas appelé les secours plutôt que directement la police ?
- Vous avez mis quel neuneu pour faire votre enquête ?
- Où sont les indices en provenance du tour extérieur de la maison (notamment les empreintes sur la porte extérieure du salon) ?
Inspecteur : Je vous ai écouté. Je prends un pari avec vous.
Je complète les points flous et ensuite vous dégagez de ma vie professionnelle.
Détective : Pas de problème, vous allez enfin faire votre boulot.
J’en accepte le coût.
Inspecteur : Sans insistance, souhaitez-vous être accueilli à l’hôtel du commissariat pour la nuit à venir ? Naturellement, aux frais de la princesse. Et vous avez sans doute à échanger avec votre cliente.
Détective : C’est curieux, mais dans votre bouche, je suis le client. Oui, j’accepte la chambre « nuptiale ». Il serait possible d’améliorer le menu pour ce soir ?
Inspecteur : Que souhaitez-vous, monsieur le détective ?
Détective : Une petite bouteille de vin rouge ? J’ai vu le menu ce matin à l’accueil et, avec votre tambouille, un p’tit Cahors, ce ne serait pas de refus.
Inspecteur : Vous aurez une 37,5 cl.
Détective : Merci. On se dit… à demain ?
Inspecteur : Comme vous dites.
Détective : Finalement, je n’ai pas fait d’outrage à inspecteur ?
Inspecteur : Et si le but, c’était de vous garder enfermé, quel qu’en soit le motif ?
Détective : Mais c’est horrible, et moi qui croyais en la justice.
Inspecteur : La justice, c’est la maison à côté. Ici, c’est la police.
Suze : Ben, mon chéri, bienvenu. Je t’attendais. Jamais deux sans trois.
Eddy : Suze, je suis venu de mon plein gré.
Suze : Tu es con ou tu es vraiment con ?
Eddy : Les deux.
Suze : Mais, Eddy Ducon de nom de famille, c’est quoi, ton problème ? Un amour mal assumé ? Je ne peux rien pour toi. J’ai besoin de gagner ma croûte, alors atterris sur Terre et ouvre les yeux.
Eddy : Je me suis présenté comme ton détective et j’ai pu accéder au dossier.
Suze : Je t’ai demandé quelque chose ? Dis, je t’ai demandé quelque chose ?!
Eddy : Ils cherchent juste le nécessaire pour t’enterrer.
Suze : Donc, je dois te dire merci ?
Eddy : Non, tu te contentes de me laisser t’innocenter.
Suze : Tu es qui ?
Eddy : Ton détective privé officiel.
Suze : Je ne suis pas dans la mouise !
Eddy : Pour le coup, ça, ça reste vrai. D’ailleurs, ton détective privé adoré a deux ou trois questions pour toi.
Suze : Tu es flic ou privé ?
Eddy : Détective Eddy. Ma première enquête. Mais je pense vraiment m’y consacrer et m’y investir.
Suze : Pose tes questions, Détective Eddy.
Eddy : À quelle heure as-tu poinçonné ton ticket RER à la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines après avoir fui la maison du rencard ?
Avais-tu eu l’impression d’être suivie ?
L’entretien fut suspendu par l’arrivée du dîner.
Agent : Monsieur Eddy, un dîner grand luxe pour deux personnes, c’est ici ?
Eddy : Rien n’est trop beau pour Miss Suze.
Suze : Tu joues à quoi ?
Eddy : Faites entrer le repas, et merci pour le service.
Agent:You’re welcome, Detective Eddy.
L’agent entra et laissa le chariot table entre les deux couchettes.
Suze : Dis donc, l’Aristo, on a droit à du vin ?
Eddy : J’ai mes entrées.
Agent : Monsieur Eddy, bon appétit à vous-même, ainsi qu’à Mademoiselle.
Suze : Ben alors moi, je suis sur le cul.
Eddy : Pareil, Miguel.
Il y eut une trêve. Pas de conflit, mais du confit. Il y eut un repas apprécié des deux parties, et le silence indiquait seulement que, pour une fois, le menu Deluxe du commissariat était à la hauteur de son Cahors, ou l’inverse.
Ensuite, la conversation professionnelle reprit entre les deux protagonistes.
Suze : Je peux savourer mon espresso avant la reprise de l’interrogatoire ?
Eddy : J’ai négocié le cahors, mais il n’y aura pas de pousse-café.
Suze : Tu m’as déjà soufflée. Tu as été top.
Eddy : C’est pour l’enquête, Suze, uniquement pour l’enquête.
Suze, le ripou, c’est lui qui t’a coffrée ?
Suze : Ouais, et il a pris son pied en me coinçant. Il s’est bien frotté.
Eddy : Donc, il en avait clairement après toi. Tu ne veux pas payer ou te coucher. Donc, il te le fait payer autrement. Un signal pour tes congénères.
Suze : C’est ce genre de banalité qu’un détective sort. Et y a des nanas qui paient des gens comme toi ? Moi au moins je leur offre quelque chose !
Eddy : Bon, prenons un autre angle. Je suis sûr que tu n’es pas une cible isolée. Me trompé-je ?
Suze : Non, toutes les filles qui œuvrent autour du quartier de la gare sont ses cibles. Il nous repère et nous saigne. Argent et rapports selon son bon vouloir.
Eddy : Il y a lui, et combien encore ?
Suze : Deux autres.
Eddy : Des noms, prénoms, des descriptions ? Des signes particuliers ? Des dates ? Des fréquences ?
Suze : Ça a commencé il y a six mois. À mes débuts, les autres Escortes pensaient que je portais la scoumoune, car je suis la p’tite jeune ou nouvelle du troupeau.
Eddy : OK, je souhaite les identifier, et je verrai avec l’inspecteur une sorte d’enquête parallèle.
Suze : Lui, c’est facile, genre de grand baraqué cheveux courts, voire rasés. Les deux autres, des jeunots en mal de chef, mais ils ont bien trempé leur nouille en nous. Des jeunes mutés ou embauchés, qui croient pouvoir faire leur loi avec un nouveau shérif. Eddy, ce bonhomme est une plaie, pas seulement pour la profession, mais pour la société.
Eddy : Merci, Suze. Bonne nuit à toi.
Suze : À toi aussi, détective des causes perdues.
Eddy ne s’endormit pas tout de suite. Il se demandait de quel concours de circonstances le flic pourri avait bénéficié pour pouvoir impliquer Suze sur un meurtre. Sur ce, il finit tout de même par se faire rattraper par Morphée.
À 8 heures, Sœurette se pointa à la grille de la cellule.
Agent : Monsieur Eddy, je lui ai dit que vous étiez ici de votre plein gré, contrairement à votre colocataire, mais elle m’a traité de fou. Dites-lui, vous, que je puisse retourner à l’accueil.
Eddy : Sœurette, comme tu vois, je suis ici sans contrainte.
Sœurette en dévisagent Suze : Je comprends aussi mieux pourquoi tu rempiles de nuit en nuit.
Eddy : C’est ma cliente.
Sœurette : Tu veux dire que tu es son client.
Eddy : Non, je suis son détective privé.
Sœurette : Elle t’a vraiment tapé dans l’œil alors.
Eddy : Non, vraiment pas. Je me tente sur cette voie, et, surtout, si je ne la défends pas, qui le fera ?
Sœurette : Donc, tu es avocat pour coupables en bas résilles ?
Eddy : Écoute, pour le moment, c’est une enquête biaisée. Alors, cette activité ou rien, au moins, j’ai l’impression de me sentir utile, et sans me vanter, je pense m’en sortir pas trop mal pour un débutant.
Sœurette fit demi-tour et laissa son frère à son existence de raté.
Eddy : Vous auriez pu lui dire, à ma sœur, que j’ai passé la nuit ici de mon plein gré, pour les besoins de l’enquête.
Inspecteur : J’ai peut-être omis certains détails, comme le cahors par exemple.
Eddy s’assit, et la discussion professionnelle débuta.
Eddy ouvrit son calepin et lut :
- A-t-on vérifié la chronologie du mari ?
- A-t-on aussi vérifié la chronologie de la suspecte ?
- Quel serait le mobile de Suze (en plus couper la branche de ses revenus) ?
- Pourquoi le mari n’a-t-il pas appelé les secours plutôt que directement la police ?
- Vous avez quel neuneu pour faire votre enquête ?
- Où sont les indices en provenance du tour extérieur de la maison (notamment les empreintes sur la porte extérieure du salon) ?
Inspecteur : Vous êtes assez têtu, non ? J’aime assez.
Détective : C’étaient les questions d’hier. J’en ajouterai d’autres, une fois entendue votre première salve de réponses.
Inspecteur : Cette enquête est sous la responsabilité du brigadier Gudieux.
Détective : Et il est arrivé quand dans votre belle ville ?
Inspecteur : Un peu plus de six mois, pourquoi ?
Détective : Les harcèlements sexuels auprès des Escortes datent de cette date.
Inspecteur : On s’éloigne de l’enquête, non ?
Détective : Le brigadier, ce n’est pas un grand type, crâne quasi rasé ?
Inspecteur : Ça lui correspond assez, même si c’est un peu caricatural.
Détective : Il bosse avec deux jeunots ?
Inspecteur : Ça se pourrait… très probablement.
Détective : Je pense que les deux affaires sont liées, donc je les traite en parallèle.
Inspecteur : Attaquer deux enquêtes en même temps, ça vous laisse une chance d’en résoudre une.
Détective : Ces gars sont des ripoux. Pouvez-vous répondre à mes questions d’hier maintenant ?
L’inspecteur prit la feuille du calepin.
Détective :A-t-on vérifié la chronologie du mari ?
Inspecteur : Je demanderai au brigadier.
Détective : Pourriez-vous aussi contre-vérifier ses dires, je crains qu’il s’arrange avec sa conscience, juste pour noyauter ma cliente.
A-t-on vérifié la chronologie de la suspecte ?
Inspecteur : Je demanderai au brigadier.
Détective : Ce qui m’intéresse, c’est la corrélation entre le minutage du meurtre et quand ma cliente a-t-elle validé sa carte Navigo à la gare. Quel serait le mobile de ma cliente ?
Inspecteur : Je m’intéresse aux faits, les mobiles viennent ensuite.
Détective :Pourquoi le mari n’a-t-il pas appelé les secours plutôt que directement la police ?
Inspecteur : Je demanderai au brigadier.
Détective : Pourquoi le brigadier n’a-t-il pas posé la question qui semble logique et justifiée ?
Inspecteur : Il aurait dû. Je lui reposerai la question.
Détective :Vous avez quel neuneu pour faire votre enquête ?
Inspecteur : Je crois avoir déjà répondu.
Détective :Où sont les indices en provenance du tour extérieur de la maison ?
Inspecteur : Je demanderai au brigadier.
Détective : Et cette histoire d’empreintes extérieures sur la porte extérieure du salon ?
Inspecteur : Là, vous me posez une colle.
Détective : Heureusement que j’étais là avant la disparition de la preuve. Pouvez-vous vous en occuper sans impliquer le brigadier.
Je vous l’envoie sur votre mobile.
Inspecteur : Je suis OK.
Eddy se leva.
Eddy : N’oubliez pas une chose. Il cherche à bâcler l’enquête, entre autres, pour enfoncer ma cliente. Si on avait l’arme du crime, ce serait un plus.
Inspecteur : Je ne sais pas où vous dormirez ce soir, mais j’aurai les réponses pour demain matin.
Eddy : Je ne voudrais pas m’imposer… Inspecteur : À ce soir, alors.
Lorsque l’agent introduit Eddy dans la cellule, Suze eut un sourire et, oui, elle était heureuse de ne pas passer la soirée seule.
Eddy : Euh… Salut, Suze.
Suze : Monsieur l’agent, je voudrais porter plainte pour harcèlement.
Agent, qui comprenait leur petit jeu :
Je crois qu’on n’a plus de formulaire. Faites avec lui, on n’a pas mieux à vous proposer.
Eddy : Faute de grives, on se contente de merles.
Suze : Tu ne me consommeras jamais. Mais j’accepte tes offrandes alimentaires.
Eddy profita du repas pour apprendre à connaître sa codétenue.
Vers 8 heures, Eddy vit apparaître sa sœurette à la cellule.
Eddy : Salut Sœurette. Que me vaut ta visite ?
Sœurette : Je passais par là et je te retrouve encore dans ce bouge.
Eddy : Je suis avec ma cliente, et l’enquête avance positivement.
Sœurette : Il ne manque plus qu’un lit double, comme cela, tu verras l’enquête avec de la hauteur et des rebonds.
Eddy : Je suis ma voie et je ne couche pas.
Sœurette : Elle ne te paiera que de cette manière. C’est tout ce qu’elle connaît.
Eddy : Je travaille bénévolement. Tu es juste écœurante.
Sœurette : Bye, on se verra chez Man.
Ensuite, Eddy retourna voir l’inspecteur.
Détective : Vous ne pourriez pas dire à ma sœur que je suis assez grand pour m’occuper de moi tout seul.
Inspecteur : Les portes du commissariat sont ouvertes à tous, comme pour une église. C’est une des règles de la démocratie.
Vous remettriez cela aussi en cause ?
Eddy était chamboulé de son altercation avec sa sœur. Il s’assit sans conviction.
Inspecteur : Par rapport à hier, « on » a progressé.
L’inspecteur reprit la feuille du calepin.
Inspecteur :A-t-on vérifié la chronologie du mari ? Le brigadier indique que l’employeur confirme l’alibi du mari. Sa carte Navigo le confirme.
Détective : Sans vouloir faire mon rabat-joie, et s’il avait échangé avec un de ses collègues pour faire croire qu’il était parti plus tard ? Donc, ce qui compte, c’est quand a-t-il été vu au plus tard à son entreprise.
Inspecteur : Je conserve l’idée.
Détective : Et regardez les caméras de surveillance de la SNCF aussi.
Inspecteur :A-t-on vérifié la chronologie de la suspecte ? Vu sur la caméra de la maison à 19 h 59’20″, pointage à la gare pour le train pour Paris à 20 h 33. Donc, elle a pu tuer la femme, vu qu’il y a que quinze minutes de trajet à pied.
Eddy : Bien sûr, et elle est arrivée pile poil à 20 h 33. Ça ne vous est pas venu à l’idée qu’elle a attendu son train un quart d’heure ?
Là encore, y a-t-il des caméras ? Sans doute, je l’espère, mais le brigadier n’avait pas envie d’innocenter une pseudo-coupable.
Inspecteur : Je garde aussi l’idée.
Pourquoi le mari n’a-t-il pas appelé les secours plutôt que directement la police ?
La femme était assez marquée, le mari ne se faisait plus d’illusion.
Eddy : On a toujours un espoir.
Inspecteur :Les empreintes extérieures photographiées par Eddy.
Ce seraient les empreintes du brigadier.
Eddy : Et donc ?
Inspecteur : Je ne lui ai pas posé la question, j’avoue que vous m’avez intrigué. Je ne voulais pas gâcher une piste.
Eddy : Donc, votre confiance en votre équipe vacille ?
Inspecteur : Je continue de vous écouter, ce n’est déjà pas si mal comme résultat ?
Eddy : Des idées sur l’arme du crime ?
Inspecteur : Je vous le dirai quand on l’aura trouvée.
L’agent ouvrit la cellule et fit son méchant devant Suze :
Agent : Eddy, quand comprendrez-vous le respect envers les gardiens de la paix ? Allez. Zou, au gnouf.
Suze : Ma pâle copie d’un héros, allez, viens que je te panse.
Eddy : Suze, je suis ici volontairement. Juste pour un autre dîner en tête à tête avec toi. Je progresse sur l’enquête. Je suis plus utile ici.
Suze : Un plan drague ? Je croyais avoir été claire.
Eddy : Non, un plan psy, car je n’aime pas faire de la peine à ma sœur.
Suze : Je te dois bien cela.
Eddy : Je n’ai aucune question. Juste besoin de passer un peu de temps avec une personne sympathique.
Suze : Vœu accordé.
Eddy : Agent, on mange quand, dans cette cantina ?
Agent : Je cours chercher le menu DELUXE.
Eddy : Merci.
L’agent revint avec le chariot roulant. Ce soir-là, c’était pavé de saumon mi-cuit au riz sauvage, avec une petite bouteille de Chablis.
Suze : Tu as l’air à la fois mieux et déprimé ?
Eddy : Je suis positif sur l’enquête, mais je ne veux pas donner de faux espoirs à ma cliente. Et j’ai fait de la peine à ma sœur, et ça, c’est plus grave. Tu as déjà déçu ta famille ?
Suze : Tu m’as bien vue ?
Eddy : J’adore ma sœur, mais j’ai l’impression de n’être qu’un boulet, une erreur de la nature.
Suze : Bienvenue, tu as trouvé ton âme sœur.
Eddy : Elle t’a insultée.
Suze : J’ai l’habitude.
Eddy : Avec toi, j’ai l’impression de me sentir utile, faute de mieux, et j’ai rarement passé d’aussi bons moments.
Suze : Eddy, tu es un brave gars, et je suis dans de sales draps.
Eddy : Et ?
Suze : Eddy, bonne nuit. Concentre-toi plus sur l’enquête, s’il te plaît.
Eddy passa une nuit agitée, mais sans réveiller sa complice de cellule.
L’agent ouvrit la cellule, mais c’est la silhouette derrière l’agent qui intriguait Eddy.
Eddy : Sœurette ! Quel bonheur de te revoir quotidiennement même quand je suis en simple visite. (Un coup d’œil à l’agent) Vous lui avez bien sûr expliqué que j’étais libre d’entrer et de sortir à mon gré ?
Agent : Un peu trop au goût de l’inspecteur, mais oui.
Eddy : Ben alors, Sœurette ? Tu te fais trop de souci pour ton frérot ? Ou, comme tu l’as indiqué subtilement hier, tu ne cautionnes pas mes fréquentations ?
Sœurette en regardant Suze : Mademoiselle Suze, je suis essentiellement venue m’excuser.
Suze : J’ai l’habitude. Excuses acceptées et belle journée, mademoiselle.
Eddy : Sœurette ? Sœurette ?? Sœurette ???
Suze : Laisse, vous êtes temporairement en froid.
Eddy : Je dois te laisser, j’ai un inspecteur à voir.
Suze : Ne perds pas ta sœur pour moi.
Eddy entra dans le bureau de l’inspecteur.
Eddy : Bonjour, Inspecteur, vous ne pourriez pas interdire de séjour ma sœur, voire lui jeter une Fatwa ?
Inspecteur : On est civilisés ici, Détective. Et curieusement, dans votre famille, vous n’êtes pas forcément mon préféré.
Eddy : Je sais, c’est le drame de ma vie. Elle est toujours devant, sans aucun mérite pour autant.
Inspecteur : Il y a ce jour l’interrogatoire du mari. Vous ne pourrez pas intervenir, mais je vous autorise à suivre le contreinterrogatoire.
Eddy : Qui interroge ?
Inspecteur : Votre brigadier préféré… mais j’y serai aussi et j’ai compris le message. J’interviendrai si nécessaire.
Eddy : Allons-y alors. On a une fille à innocenter.
Inspecteur : Moi, j’ai surtout un coupable à trouver.
L’inspecteur avait placé le détective derrière la vitre. Il s’était ensuite arrangé pour cacher la silhouette d’Eddy en introduisant le brigadier dans la cellule d’interrogatoire.
Maintenant, l’inspecteur devait avoir en permanence un œil sur le mari et l’autre sur le brigadier.
Le mari avait les mains reliées par des menottes avec un point d’attache au centre de la table.
Le mari était en position d’infériorité, voire d’humiliation.
Il avait en face de lui deux policiers aguerris. Pourquoi deux ?
Le brigadier tentait le plus possible de s’interposer entre le mari et l’inspecteur.
Mari : J’ai déjà répondu à vos questions.
Inspecteur, coupant la parole au brigadier : Insuffisamment. On reprend votre alibi de zéro. Brigadier, faites votre boulot (avec un regard qui signifiait : « correctement cette fois »).
Brigadier : Alors, monsieur, pouvons-nous reprendre votre chronologie ?
Mari : J’ai déjà répondu à toutes vos questions.
Brigadier : Alors, répétez-vous ! À quelle heure êtes-vous arrivé chez vous ?
Mari : Vers 20 h 15, juste après le meurtre.
Brigadier : Qu’avez-vous vu ?
Mari : Ma femme était à terre. Alors, j’ai appelé la police.
Sur un signe de l’inspecteur, le brigadier n’eut d’autre choix que de suivre la procédure.
Brigadier : Pourquoi pas plutôt police secours ?
Le mari muet se tourna vers le brigadier puis vers l’inspecteur.
Mari : Ben, elle semblait morte.
L’inspecteur, sur inaction du brigadier, intervint.
Inspecteur : Votre femme est à terre. Et vous ne vous en approchez pas. Vous étiez convaincu de sa mort ?
Mari, après avoir jeté un œil affolé au brigadier : Je le pensais.
C’était logique, non ?
Inspecteur : Vous avez dû être bouleversé. Vous pouvez me décrire la blessure ?
Mari en se tripotant les doigts : Bien sûr. Il y avait une grosse plaie ouverte à l’arrière du crâne.
Brigadier : Un objet mi-contondant mi-tranchant, genre un socle assez effilé, comme la base d’un objet fin.
Inspecteur : Sans vous être approché de votre femme, vous décrivez sa blessure derrière la tête ? Pouvez-vous me dire avec quel objet de votre demeure cela pourrait-il être en rapport ?
Mari : Mais je n’en ai aucune idée.
Inspecteur : Monsieur, nous allons devoir prendre des photos de la scène de crime et fouiller vos albums photo de famille en ce cas, pour trouver l’objet qui a servi au meurtre et ensuite, on vous demandera pourquoi vous êtes subitement devenu amnésique.
Mari : Mais le brigadier m’a dit que ce n’était pas la peine, qu’il en avait suffisamment pour qu’elle aille se faire pendre.
Inspecteur s’adressant au brigadier : Vous êtes au mieux incompétent, et au pire complice de meurtre. Vous êtes en état d’arrestation.
Inspecteur s’adressant au mari : S’il est complice de meurtre, cela signifie que vous êtes le meurtrier. Je vous mets en garde à vue. (Puis parlant à ses appareils communicants à son poignet) Besoin de quatre agents assermentés. Immédiatement, en cellule d’interrogatoire.
Les deux individus seraient mis dans deux cellules, séparés suffisamment pour interdire tout dialogue. Et les deux présumés complices du brigadier furent suffisamment occupés en patrouille nocturne pour ne pas revenir avant le lendemain midi.
Dans le bureau de l’inspecteur, en compagnie d’Eddy.
Inspecteur : Vous êtes fier de vous ?
Eddy : Si j’ai pu vous aider, alors oui. Votre opinion ?
Inspecteur : Vous foutez en l’air un commissariat. Alors, quand les journaux se jetteront sur nous ?
Eddy : Réglez vos comptes en interne.
Inspecteur : Je croyais que vous vouliez casser du flic, et nous livrer en pâture aux journaux.
Eddy : Il y en a des bons et des pas bons, mais l’étalage ne résout rien.
Inspecteur : Alors, on peut travailler ensemble ?
Eddy : Je vous dois deux menus DELUXE avec deux bouteillettes de vin.
Ils se rassirent et dégustèrent un café, gourmand.
Eddy : Donc, ma cliente est innocente ?
Inspecteur : Il me faut des preuves pour l’accusation alternative.
Eddy : Je vous parie que l’arme du crime est chez le brigadier, et qu’il a prévu de faire chanter le mari, même si je pense que c’est déjà fait. Il monte dans les méfaits.
Inspecteur : J’ai demandé une fouille du domicile du brigadier.
Eddy : On aura les résultats quand ?
Inspecteur : Je vous enverrai un agent ce soir… pendant votre dîner.
Eddy : Pff, le plus dur va être d’occuper mon après-midi.
Inspecteur : Ce sont les soldes au centre commercial, faites-vous plaise.
L’agent apporta le chariot et le plaça entre les deux couchettes. Il s’éloigna.
Eddy se permit de faire le service, tel un gentleman. Elle était intimidée. Lui CON.
Ils savourèrent un lapin (ou lapereau) aux pruneaux, avec un Bourgogne rouge. Suze était aux larmes. Eddy refusait de laisser filtrer d’éventuelles bonnes nouvelles sur ce qu’il imaginait comme avancées pour l’enquête.
Mais ils passèrent une conviviale soirée DELUXE.
Et puis, un agent appela Eddy à la grille. Simplement, confidentiellement.
Après discussion à demi-mot et à voix basse, Eddy revint à table.
Il sourit avec ses yeux à Suze.
Pour la première fois, il recula le chariot et lui déposa un bisou sur la bouche.
Eddy : À demain.
Il reconnut son pas avant de l’entendre.
Eddy : Putain non. J’ai fait quoi au Bon Dieu pour mériter une telle sœur ?
Sœurette : Peut-être que tu es béni des Dieux.
Eddy : Je veux juste innocenter une innocente. Passe tes nerfs sur un ou une autre.
Sœurette : Y en a pas.
Eddy : Tu en trouveras bien un. Le monde est rempli de ce genre d’hommes.
Sœurette : C’est elle qui compte pour toi, tant que cela ?
Eddy : Elle est innocente. Je veux l’aider.
Sœurette : Crois-y si tu veux ! Moi, je n’y crois pas une seconde.
Sœurette partit. Il pleura. Suze caressa sa nuque avec tendresse, elle, la présumée coupable.
Eddy était impatient d’avoir enfin le mot de la fin sur les perquisitions.
Il se pointa dans le bureau de l’inspecteur et s’assit.
Inspecteur : Ils n’ont pas encore avoué, mais c’est le rôle de la garde à vue.
Eddy : Vous jouez sur du velours, non ?
Vous avez trouvé l’arme du crime chez le brigadier dans un sachet hermétique pour conserver les empreintes. Le brigadier allait prendre son envol de brigand et faire chanter le mari.
Inspecteur : Je suis optimiste pour boucler mon affaire raisonnablement rapidement.
Eddy : Les interrogatoires. Je peux y assister ? Et pour quand la libération de ma cliente ?
Inspecteur : Dès la mise en examen.
Eddy : Ça vous dérange si on commence par l’interrogatoire de votre brigadier ?
Inspecteur : Allons-y.
Eddy état installé derrière les vitres. Il était simple spectateur.
L’inspecteur était assis face à son brigadier, un huissier de justice ou un avocat assistait, à côté de son client.
Inspecteur : Brigadier, ce sont de lourdes charges qui pèsent sur vous. Peut-être désirez-vous discuter avec votre avocat pour avouer tout de suite et plaider coupable. Je serai de l’autre côté de la porte, vous n’aurez qu’à me faire signe pour reprendre l’entretien.
Détective : C’est prévu ça, comme pratique ?
Inspecteur : Quand je suis quasi sûr de moi, autant ne pas passer quarante-huit heures enfermées. Qui ne tente rien n’a rien.
Il y retourna.
Avocat : Nous avons discuté, mon client et moi.
Le brigadier gardait ses mains jointes et conservait le regard bas.
Avocat : Il plaide avoir perdu la tête momentanément et commençait déjà à songer sérieusement à vous dire la vérité.
Inspecteur : Je note qu’il y a vu une opportunité.
Avocat : Oui, un moment de folie.
Inspecteur : Et pour les harcèlements envers des femmes autour de la gare ?
Avocat : Hein ? Mais je n’en sais rien.
Inspecteur : J’en déduis donc qu’il ne vous a pas tout dit.
Il s’est présenté comme ayant juste commis une faute.
Dommage, il y a des plaintes de plusieurs femmes pour son chantage au sexe et à l’argent.
Il sera mis en examen là aussi, avec deux gardiens complices.
Maître, vous ne défendez pas un homme qui a craqué une fois, mais une personne qui cherchait à se faire une place. Brigadier, nous allons débuter les quarante-huit heures légales sous la surveillance de votre avocat.
Alors, commençons.
Brigadier : Vous n’avez aucune preuve !
Inspecteur : Vous voulez dire en dehors de celle dans une cellophane avec les empreintes du mari et le sang de sa femme ?
Je vais abréger votre garde à vue. Vous êtes à cette heure mis en examen. Nous allons maintenant interroger vos collègues et aussi le mari.
Nous devinerons tout seuls comment vous êtes entré en possession de cette preuve.
Même scénario, on changeait juste d’avocat.
Inspecteur : Bonjour monsieur, heureux de vous accueillir au commissariat.
Avocat : Mon client est innocent, et c’est terriblement pénible pour lui de constater que vous ne recherchez pas le coupable.
Inspecteur :