Élans de l'âme vers Dieu - Napoléon Roussel - E-Book

Élans de l'âme vers Dieu E-Book

Napoléon Roussel

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Beschreibung

Ne jamais se montrer que sous ses beaux côtés est la tendance absolument invétérée de tous les humains. Attitude qui aboutit généralement à l'effet contraire à celui recherché, puisque qu'au lieu de nous gagner la sympathie des autres, elle nous en isole. Si de plus c'est de la vie chrétienne dont voulons les entretenir, le calcul devient absurde, car en supposant que nous arrivions à donner aux hommes une image avantageuse de nous, il est impossible de tromper Dieu. L'évangélisme contemporain cependant imite sans complexes les stéréotypes ridicules des media : pasteurs à sourires holywoodiens détaillant leurs victoires perpétuelles, stratèges de la mission singeant les grands capitaines d'industrie... le résultat global n'étant qu'un mépris aggravé de cette religion du spectacle. Dans le petit livre "Élans de l'âme vers Dieu", Napoléon Roussel, a pris, sans le savoir, le contre-pied de nos spirituels m'as-tu-vu. Il y expose les misères de sa vie intérieure de chrétien, qui a du mal à prier ; il veut dire : à réellement prier. Inutile d'ajouter que ce faisant, c'est lui qui nous touche, puisque dans ses gémissements, nous reconnaissons forcément les nôtres. Un appendice très pertinent collationne les prières remarquables de personnages de la Bible et de l'histoire de l'Eglise. Cette numérisation ThéoTeX reproduit le texte de 1852.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322484706

Auteur Napoléon Roussel. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.

ThéoTEX

site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]
Élans de l'âme
vers DIEU
Napoléon Roussel
1852
♦ ♦ ♦Thé[email protected] – 2013 –
Table des matières
Un clic sur ◊ ramène à cette page.
Introduction
Élans
1. Seigneur, t'ai-je jamais prié ?
2. Seigneur, si je pouvais te voir !
3. Honte de l'Évangile
4. Perte du temps
5. La prospérité
6. L'éternité
7. Tentation
8. Qu'est le ciel ?
9. L'Esprit-Saint absent ou présent, se rend témoignage.
10. L'humilité
11. Éloignement pour la prière
12. Souffrance hors de Dieu
13. Si l'esprit est prompt, la chair est faible.
14. Désir de connaître
15. Beaucoup de paroles, peu d'action
16. Pourquoi suis-je si différent de moi-même ?
17. Travailler à la gloire de Dieu
18. L'exemple de Jésus-Christ
19. Les afflictions
20. Etre vrai
21. La communion des saints
22. La paix
23. Les joies du devoir accompli
24. Réprimande des frères
25. Seigneur, où es-tu ?
26. Penser à Dieu est-ce l'aimer ?
27. Le monde glorifie la créature et non le Créateur.
28. La prospérité endurcit.
29. Vide de l'âme
30. Patience
31. Tout me lasse, excepté toi, Seigneur.
32. Mort
33. Deux volontés
34. L'œuvre glorieuse du chrétien
35. Prières vaines
36. Savoir n'est pas agir.
37. Temps perdu
38. Seigneur, augmente-moi la foi.
39. Les cieux racontent ta gloire.
40. L'amour fraternel
41. La prospérité corrompt.
42. Correction fraternelle
43. Un rien trouble ma paix.
44. Manque de confiance en Dieu
45. La vie toujours plus triste, ou toujours plus heureuse
46. Le ciel sur la terre sans le péché
47. Rechutes sur rechutes
48. Douceur de la prière
49. Mobilité d'esprit
50. Oh ! que n'ai-je les ailes de la colombe !
51. Perplexité
52. Retour vers Dieu
53. Vous ne recevez point, parce que vous demandez mal.
54. Sentez vos misères.
55. Humilité
56. Gens de petite foi !
57. Le péché, fardeau intolérable
58. Ange et démon
59. Temps mal employé
60. Je crois ! subviens à mon incrédulité !
61. Élu !
62. Harmonie dans les œuvres du Seigneur
63. Amour des ennemis
64. Humble devant Dieu, orgueilleux devant les hommes
65. Le cœur de l'homme qui le connaîtra ?
66. Le voile de Moïse
67. La paix de Dieu
68. Lâcheté
69. Le péché et le bonheur inconciliables
70. Douceur de la sanctification
71. Je ne puis pas prier.
72. Repos
73. Aie pitié de moi pécheur !
74. Assurance du salut
75. Abattement
76. Support
77. La communion des saints
78. Confesser le nom de Dieu dans le monde
79. Pas de progrès dans la sanctification
80. Les prophéties
81. Le poids du péché
82. Mon cœur est partagé.
83. Temps perdu
84. Qui me délivrera de ce corps de mort !
85. La paix et l'union
86. Humilité
87. Sagesse de Dieu
88. Amour de Dieu
89. Caractère divin de Jésus-Christ
90. Peu de foi
91. Charité
92. Las de me contempler, je m'élève à toi.
93. Prier pour les autres
94. Prêcher les autres et s'oublier
95. Obéissance
96. La foi
97. Joies du dévouement
98. Ruses du cœur
99. L'ignorance vient du péché.
100. Ne pas scandaliser
101. Méditer sans agir
102. Désir de la retraite
103. Ma vie est un long gémissement
104. Le don de la parole
105. Manque de patience
106. Les deux faces de la religion
107. Droiture et simplicité
108. Le monde passe
109. Qu'est-ce que la vérité ?
110. La Parole de Dieu
111. Priez sans cesse.
112. Avoir honte de l'Évangile
113. Le dévouement
114. Questions vaines
115. Où est le trésor, là le cœur.
116. Inquiétudes
117. Pardon des injures
118. Obéir, non choisir
119. Renvoi au lendemain
120. Je n'ose plus prier.
121. Folie de l'incrédule
122. Mobilité
123. Le néant de nos œuvres
124. Les rêves de la vie
Citations
1. Abraham
2. Moïse
3. David
4. Salomon
5. Daniel
6. Jésus-Christ pour ses disciples
7. Jésus-Christ pour lui-même
8. Clément de Rome
9. Ignace
10. Cyprien
11. Ephrem
12. Basile
13. Augustin
14. Chrysostome
15. Sédulius
16. Grégoire Premier
17. Le vénérable Bède
18. Flore
19. Théophylacte
20. Anselme
21. Saint Bernard
22. Vaudois et Albigeois
23. Bradwardine
24. Thomas Kempis
25. Jean Hus
26. Luther
27. Calvin
28. Pascal
29. Fénelon
30. Alexandre Vinet
31. Adolphe Monod
◊  Introduction

Le Créateur de l'univers peut-il entendre, et veut-il exaucer les vœux de ses créatures raisonnables ?

A la première partie de cette question, il suffit de répondre : « Comment Celui qui a fait l'oreille, n'entendrait-il pas ? Comment Celui qui a formé l'œil, ne verrait-il pasa ? Cet argument est si concluant que je n'ai pas le courage d'en chercher d'autres. En effet, à moins que de prétendre que l'oreille et l'œil de l'homme se sont formés d'eux-mêmes, ou bien de soutenir que l'œil a été fait pour ne pas voir, l'oreille pour ne pas entendre ; à moins, dis-je, de se refuser à l'évidence, il faut bien convenir que Celui qui a formé l'œil voit, que Celui qui a créé l'oreille entend.

Au reste, dans ces termes généraux, mon assertion sera probablement acceptée, même par ceux qui ne prient pas. Que Dieu ne soit ni sourd ni aveugle, l'incrédule lui-même en convient. Pourquoi donc tant d'hommes répugnent-ils à prier ? pourquoi sourient-ils de pitié, à la vue d'une créature parlant au Créateur ? — N'attendez pas de réponse de leur part ; ces hommes n'oseraient vous confesser leur pensée ; mais je vais vous la dévoiler.

« Comment voulez-vous, pensent-ils, que Celui qui habite la profondeur des cieux, ce Dieu si grand, vous entende, vous écoute ; vous, si petit, jeté sur un coin ignoré de cette terre perdue dans l'espace ? Il a bien autre chose à faire ! « Il vous a créé doué de toutes les facultés nécessaires à votre existence. Depuis l'origine des temps, l'homme, comme la nature, est soumis, à des lois éternelles, et laissé à lui-même. »

Ce qui revient à dire que, d'après vous, le Créateur, relégué dans la profondeur des cieux, ne nous entend pas, parce que notre terre est trop loin ! S'il était dans un astre rapproché, ou sur la cime d'une de nos montagnes, à la bonne heure, il pourrait nous ouïr ; mais de si loin, de si haut, impossible ! — Oh ! profondeur de la sagesse humaine !

Oui, au fond, c'est une question de distance ; on ne croit pas que Dieu entende une prière aux deux bouts du monde, parce que ces deux bouts sont trop distants ; et de nos jours, où l'homme a trouvé moyen de mettre en communication les deux pôles, de nos jours où il peut écouter et répondre, en un quart de seconde, à des milliers de lieues ; de nos jours où il pourrait lui-même transmettre instantanément sa pensée de la terre au soleil réunis par un fil, c'est alors que l'homme doute si Dieu possède assez d'intelligence pour s'informer, aussi bien que lui, de ce qui se passe aux deux bouts de l'univers !

Mais là n'est pas toute la difficulté, Dieu, qui peut entendre les hommes, veut-il les écouter ? Ne devons-nous pas plutôt supposer qu'il les a faits tels qu'il n'ait plus à s'en occuper ?

D'abord, remarquez que cette théorie qui prétend grandir le Créateur, le rapetisse ; elle ne lui attribue la sagesse de nous avoir pourvus d'avance de toutes les ressources nécessaires, qu'afin de lui dénier, pour plus tard, l'administration de notre monde ; il semble que l'incrédule soit fatigué, essoufflé de la peine infinie, nécessaire à Dieu, pour veiller sur les besoins journaliers de tant de millions de créatures, et alors, par pitié pour le Créateur, cet incrédule le décharge d'un fardeau qui écrase sa propre imagination ! Oui, voilà tout simplement pourquoi l'on nie la providence individuelle ; on mesure Dieu sur soi, pour ne pas dire qu'on se compare à Dieu !

Mais il y a bien d'autres objections contre cette théorie qui suppose l'homme doué, dès l'origine, de telle sorte qu'il puisse se passer de l'intervention divine. Au fond, cette doctrine n'est autre que celle de la nécessité ; avec elle, l'homme est immuable ; c'est un assemblage de chaînes et de rouages ; tout a été prévu, le nombre de tours compté ; machine admirable, sans doute, mais enfin, machine sans liberté ; donc irresponsable, et dès lors incapable d'un bonheur découlant de la moralité.

Direz-vous que la liberté de l'homme est entrée, dans le plan primitif de Dieu ? qu'elle est au nombre des facultés premières qui devaient le conduire à sa fin, sans intervention étrangère ? — C'est-à-dire qu' à cette heure vous dotez l'homme de liberté ; il pourra faire ou défaire, avancer ou reculer dans la voie de sa destinée individuelle, et, par cela même, concourir à l'ordre général ou l'entraver ; mais Dieu, qui ne doit plus s'en occuper, sera contraint de le laisser faire ; il l'aura doué de forces sans se réserver d'en surveiller l'emploi ; il se sera lié les mains en donnant à l'homme des mains libres !

Je me dispense de répondre.

On m'accordera peut-être que Dieu intervient dans la direction de ce monde pour maintenir les lois générales, mais non pour influer sur les détails de notre vie.

Eh bien ! je demande où cessent les lois générales, où commencent les détails de notre vie ? quel est le point précis où se joignent l'intervention divine et l'indépendance humaine ? Le Dieu qui intervient dans la projection des mondes, au milieu de l'espace, intervient-il aussi dans les révolutions de notre globe ? dans nos guerres nationales, dans les destinées d'une cité, d'une famille, d'un individu ? et s'il s'arrête entre deux points de cette chaîne, montrez-moi donc l'anneau douteux ! C'est encore ici une affaire de mesure ; toujours la pauvreté de notre intelligence disant à Dieu : je n'aurais pu venir que jusqu'ici… donc tu n'as pas été plus loin !

Oui, Dieu veut intervenir dans nos destinées ; il veut écouter nos prières, et s'il en fallait encore une preuve, je me contenterais de citer cette parole : « Quel est l'homme d'entre vous, si son fils lui demande du pain, qui lui donne une pierre ? et qui, s'il lui demande un poisson, lui donne un serpent ? Si donc vous, méchants comme vous l'êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père, qui est dans les cieux, en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent (Matthieu.7.9). »

Il nous faut donc, ou convenir que Dieu exauce la prière de sa créature, ou soutenir que nous, pères ou mères, nous valons mieux que Dieu, et que nous accorderions à nos enfants ce que lui-même nous refuse…

Je ferai remarquer toutefois que ces mots : « de bonnes choses », employés dans l'évangile selon saint Matthieu, sont remplacés dans saint Luc par ceux-ci : « son Saint-Esprit ». Oui, les choses ne sont bonnes qu'autant qu'elles sont saintes. Si donc il vous était arrivé de demander ce que vous aimez au lieu de ce qui est bon, vous ne devriez pas être surpris de n'avoir pas été toujours exaucé. Dieu a pu vous refuser fortune, science, santé, succès dont vous auriez fait mauvais usage ; mais il ne vous refusera jamais foi, charité, sainteté, dont vous ne sauriez abuser.

Mais est-ce pour prier que je présente ces Élans de mon âme au lecteur ? Non, je ne crois pas qu'on puisse véritablement prier en lisant des prières écrites par un autre et pour un autre. La prière, pour être une demande, doit être l'expression de nos propres sentiments. Dans les affaires de ce monde, personne, pour profiter d'une pétition toute faite, n'ira demander un objet différent de celui dont il a besoin ; ayons donc, pour le ciel, la sagesse que nous avons pour la terre, et prions Dieu avec notre cœur, lui exprimant nos propres désirs, dans nos propres paroles. Je le déclare : celui qui lirait ce volume entier, sans même le poser, n'aurait pas encore prié ; il aurait fait passer les vœux de mon cœur par ses lèvres ; il se serait entretenu avec moi, mais non pas avec Dieu.

Ce n'est donc pas ici un livre de prières, c'est l'histoire d'une âme. Je n'ai rien dit que je ne l'aie senti, et je l'ai dit comme je l'ai senti, dédaignant tout langage de convention. C'est ici mon histoire intérieure. Je l'écris, parce que je suppose que c'est celle de bien d'autres, et que les lecteurs chrétiens trouvent avantage et plaisir à se reconnaître chez un frère. Je dis les lecteurs chrétiens, car je n'espère guère être lu par d'autres qui sans doute ne me comprendraient pas, et que mes Élans fatigueraient. Mon Introduction est pour les incrédules, mon livre est pour les croyants.

Toutefois, si quelques frères veulent absolument voir ici des prières, je leur dirai qu'elles ont été faites pour être exaucées en ma faveur, et non pour leur servir de texte à de vaines répétitions ; en un mot, ce sont mes prières, et non pas les vôtres, lecteur.

Ce n'est pas sans motif que j'insiste sur ce point ; mais afin de vous faire bien comprendre qu'après m'avoir lu, vous n'aurez pas prié ; tout au plus y serez-vous mieux disposé, et si vous vous en teniez là, vous m'auriez fait manquer mon but. Mon but, à votre égard, c'est que vous appreniez à ne pas vous servir de mon livre pour prier.

◊  Élans
◊  1. Seigneur, t'ai-je jamais prié ?

Mon Dieu, toutes les fois que je te prie, me dis-je bien que tu m'entends ? Ma prière n'est-elle pas une simple contemplation de ma pensée ? Si je te voyais des yeux du corps, te dirais-je ce que je te dis, alors que je te contemple des yeux de l'esprit ? Je crains que non, Seigneur ; je me demande si, dès lors, mes prières sont bien des prières ? et je comprends comment il se fait qu'elles ne soient pas exaucées ! Ainsi ma persistance dans le mal se trouve expliquée ! Ah ! si je te priais réellement, si véritablement je te parlais, à toi, Créateur de l'univers, à toi, mon Père, Père de Jésus-Christ, ne m'exaucerais-tu pas ? Toi qui as fait les saints de tous les siècles, ne me sanctifierais-tu pas ? Oui, Seigneur, oui sans doute, et je sens, à cette heure, qu'au lieu de me plaindre, je dois m'accuser. Je t'ai maintes fois parlé, mais pas prié ; disserté, mais pas prié ; médité, mais pas prié ! Et dans ce moment même, puis-je dire que je prie véritablement ? Mon cœur froid, mon œil sec, ne témoignent-ils pas contre les paroles animées de mes lèvres ? Mon Dieu ! mon cœur est si tortueux que je ne puis y pénétrer jusqu'au fond. Je sais bien une chose, c'est que je veux prier, mais je n'en sais pas moins bien une autre, c'est que souvent je ne prie pas, et qu'il faut que toi-même tu viennes mettre en moi ces soupirs inexprimables de ton Esprit, qui valent mieux que tous mes discours. Mon Dieu, rends-toi sensible à mon cœur, et surtout rends-toi visible, pour mes frères, dans ma vie sanctifiée. Je m'arrête, Seigneur ; mais je n'ose pas dire encore que je t'aie prié !

◊  2. Seigneur, si je pouvais te voir !

Mon Dieu, pourquoi faut-il qu'un voile impénétrable te dérobe à mes yeux ? Pourquoi ne m'est-il pas donné de jeter, de cette terre, un regard dans ton ciel ? Je serais si heureux si je pouvais une fois, une seule fois, te voir, t'entendre ! Et tu ne l'as pas voulu ! Je suis réduit à te chercher dans tes œuvres et dans ta Parole. Ton Esprit me parle bien de ta part ; mais sa voix est si faible, dans mon cœur, qu'il m'y faut le silence de toutes les passions pour pouvoir l'entendre… Mais ne serait-ce pas là précisément pourquoi tu te refuses à mes regards ? Ne serait-ce pas pour m'inciter à calmer ces passions tumultueuses me dérobant ta voix, et pour me conduire ainsi, par la sanctification, à une foi plus vive et à une vue plus spirituelle de ton être ? Oui, Seigneur, ta sainte Parole m'apporte la réponse : « tu n'es ni dans le tourbillon, ni dans la flamme, mais dans le son doux et subtil ; » c'est là qu'il faut que je te cherche, c'est là qu'en effet je t'ai déjà trouvé. Comme ton Fils, tu ne viens point avec éclat, mais tu te laisses trouver par ceux qui te cherchent ; tandis que moi je voudrais te trouver sans te chercher, te chercher où tu n'es pas. Je voudrais entendre ta voix de mon oreille ; mais toi, tu ne veux parler qu'à mon cœur. Je voudrais te voir de mes yeux, te toucher de la main ; mais toi, tu ne veux te rendre sensible qu'à ma conscience plus délicate et mieux purifiée. Oui, Seigneur, tes voies, qui ne sont pas les miennes, tes voies sont la sagesse même et si, loin de te demander compte, je voulais t'étudier, je trouverais presque toujours la lumière pour dissiper mes obscurités. Pardonne, Seigneur, et, pour m'éclairer, commence par me sanctifier. Donne-moi d'expérimenter cette parole de Jésus : « Si vous voulez faire la volonté de mon Père, vous connaîtrez si ma doctrine vient de Dieu ou si je parle de moi-même. » Oui, maintenant, Seigneur, je te rends grâce pour avoir mis la source de la connaissance à ma portée, et pour l'avoir rendue d'autant plus abondante, pour moi, que je consentirai à devenir plus saint. Mon Dieu, je veux te chercher à l'avenir, mais ce sera en allant, comme ton Fils, de lieu en lieu, faisant le bien. Soutiens toi-même ce désir, et donne-moi la force de le réaliser.

◊  3. Honte de l'Évangile

Comment se fait-il, ô mon Dieu, que je croie en toi, en ton Fils, à ton Évangile, et que je redoute d'en parler au monde incrédule et moqueur ? Suis-je donc plus jaloux de ma vanité que de ta gloire ? Se peut-il que j'aime mieux laisser tomber l'impie sous la condamnation, que de voir un sourire effleurer, ses lèvres à l'ouïe de mes paroles évangéliques ? Ah ! si ma foi est réelle, ma vanité l'est bien plus encore ! elle m'épouvante ! Mais si je n'ai pas de foi, pourquoi donc me bercer moi-même de vaines espérances ? pourquoi me nourrir d'un pain que je dédaigne de jeter aux autres ? Mon Dieu, mon cœur est un abîme ; vainement j'y plonge du regard, je ne puis le sonder jusqu'au fond ! Maintenant, je comprends Paul s'écriant : « Je n'ai pas honte de l'Évangile de Christ, » c'est qu'il savait cette honte naturelle à notre cœur corrompu. Je comprends Jésus disant : « Celui qui me reniera devant les hommes, sur la terre, je le renierai devant mon Père, dans les cieux ; » c'est qu'il me voyait d'avance aux prises avec cette terrible tentation. Il a voulu, par ses avertissements m'éviter ces chutes ; et, malgré ses précautions, moi, j'ai voulu tomber ! Si du moins j'étais toujours sincère avec moi-même ! mais non, je me paye de vains prétextes, je prétends que mes paroles chrétiennes, adressées à l'incrédule, seraient perdues ; je me dis qu'il ne faut pas jeter les perles devant les pourceaux ; et ainsi, je juge les hommes pires qu'ils ne sont, afin de conserver une bonne opinion de moi-même, jusque dans mon péché. Seigneur, fais-moi rougir, dès ici-bas, de tant de faiblesse, pour que je n'aie pas à en rougir là-haut ! parle à ma conscience, délie ma langue, et que je te confesse, même en présence du blasphémateur, te laissant le soin de venger ta gloire, mais ne craignant jamais de parler, moi qui tremble devant ceux qui devraient trembler !

◊  4. Perte du temps

Encore un jour écoulé, Seigneur ! un jour retranché de ma vie ; un jour de moins dans ce temps déjà si court ! Encore un jour qui me rapproche de la mort, du jugement, et hélas ! peut-être encore un jour perdu pour l'éternité ! Qu'ai-je fait dans le cours de ma dernière journée pour te plaire, pour avancer ton règne, pour sanctifier ma vie ? J'ai bien projeté, mais qu'ai-je accompli ? Je t'ai bien promis, mais qu'ai-je tenu ? autant de projets, autant de négligences ; mes œuvres sont des désirs, rien de plus, et il semble que je veuille te payer de bonnes intentions ; il semble que je veuille me séduire moi-même et me dispenser de travailler un peu, en m'y préparant beaucoup. Pas une fois encore je n'ai rempli mes heures, comme je me l'étais promis. Les événements, et le plus souvent ma lâcheté, sont venus mettre à néant mes plus belles dispositions ; j'ai renvoyé au soir, au lendemain ; jusqu'à ce que le soir et le lendemain soient venus me démontrer la vanité de mes ajournements, et me surprendre dans l'inaction, fatigué de n'avoir rien fait, ou plutôt, d'avoir fait mille choses inutiles ; mauvaises, renvoyant les bonnes encore à un autre soir, à un autre lendemain. Et cependant le jour sans soir, sans lendemain s'approche ! Le soleil de la mort peut se lever à chaque instant pour moi, inattendu. Je puis me trouver d'heure en heure jeté, tremblant, au pied de ton tribunal ; et alors projetterai-je encore pour le lendemain ? quand il n'y aura plus de temps, agirai-je dans l'éternel repos ? Mon Dieu, toi pour qui mille ans sont comme un jour, fais-moi sentir plus vivement le prix du temps que je perds, moi qui n'ai plus à vivre ici-bas ni mille ans, ni peut-être mille jours. Donne-moi d'agir, comme ton Fils, constamment ; de me rappeler que s'il y a douze heures au jour, arrivent enfin les ténèbres où il n'est plus possible de rien faire. Que chacune de mes heures soit marquée par une bonne œuvre, et que je ne me repose plus désormais que dans ton sein.

◊  5. La prospérité

Que tu es bon pour moi, Seigneur, et moi combien je suis ingrat envers toi ! Je jouis de la santé, et tant d'autres souffrent ! J'ai du pain, et tant d'autres ont faim ! Des parents, des amis m'affectionnent, et tant d'autres sont orphelins, veufs, délaissés ! Cependant, qu'ai-je fait pour mériter tous ces biens ? comment ai-je acquis tes bienfaits ? qu'ai-je accompli de mieux que ces malades, ces pauvres, ces orphelins ? pourquoi ne sont-ils pas à ma place et moi à la leur ? Toutefois, je reçois tes faveurs signalées comme chose toute ordinaire ; comme si tu me les devais. Si le moindre nuage s'élève sur le soleil brillant de tes grâces, je me récrie ; il semble qu'on me dérobe ce qui m'appartient ; heureux encore quand mes murmures ne s'élèvent pas jusqu'à toi. Si tu ramènes la sérénité dans le ciel de ma vie, mes plaintes se calment ; mais, hélas ! mon cœur ingrat ne pense pas qu'il te doive de la reconnaissance. Ta protection lui semble une juste récompense. Oui, c'est moi que j'applaudis du bien que tu me fais ; Seigneur, es-tu donc partial : prodigue envers moi ? dur envers les malades, les pauvres et les orphelins ? Non, Seigneur, mais tu bénis et éprouves aussi bien par la souffrance que par la prospérité ! et ces douleurs, cette misère, cet abandon, que je redoute, seront peut-être nécessaires demain pour amollir mon cœur, ouvrir mes lèvres en prière, et m'obtenir des biens meilleurs encore que ceux dont je jouis : si tu me retires la matière, c'est pour me donner l'Esprit ; si tu m'ôtes la terre, c'est pour me donner le ciel. Et peut-être, Seigneur, cette prospérité temporelle où tu me plonges à cette heure, loin d'être un témoignage de ton approbation, n'est-elle qu'une épreuve de ta part ; peut-être veux-tu savoir jusqu'où je pousserai l'ingratitude, la paresse, la désobéissance ! Oh ! Seigneur, cette pensée m'épouvante ! elle est juste, sans doute, et c'est toi qui me la donnes ; c'est ton premier avertissement ; fais que j'en profite, et ne permets pas que je m'endurcisse, précisément par l'abondance des dons destinés à te gagner mon cœur.

◊  6. L'éternité

L'éternité ! une éternité de vie, voilà ce qu'il me faut ; rien de moins ! une existence d'un million de siècles sur le trône de l'univers ne suffirait pas à combler mes désirs, je n'en voudrais pas en échange de ma simple espérance d'immortalité. Tout ce qui finit m'épouvante. Je ne veux pas mourir ! et je sens que la vigueur de ma volonté est une révélation de toi, ô mon Créateur. M'aurais-tu donc trompé ? impossible ! Je dois vivre, je vivrai aux siècles des siècles et sans fin.

Mais, ô mon Dieu, ce désir si profondément gravé dans mon âme, n'est-il pas dans l'âme de mes frères ? Comment se fait-il donc que mes frères en parlent si rarement, et qu'ils vivent comme devant mourir pour toujours ? Hélas ! comme moi, ils y pensent et n'en parlent pas ; comme moi, ils désirent l'éternité et vivent en conséquence du néant. En m'entendant parler, et me voyant eux-mêmes agir, n'ont-ils pas pu se demander aussi si je croyais ? Sans doute, et je contribue à étendre le silence dont je me plains. Si je parlais et agissais plus en vue de toi, ô mon Dieu, les hommes me répondraient, et tous nous serions raffermis dans nos espérances. Combien de fois je me suis reproché de m'être tu ? Et lorsque j'ai rompu le silence, combien de fois j'ai trouvé une pensée religieuse, là même où je supposais un vide effrayant ! Cependant, plus tard, j'ai tenu ma bouche close ; personne n'a pu me répondre, et je m'étonne, à cette heure, que les manifestations de la foi soient si rares dans le monde ! Au lieu de m'en étonner, je devrais m'en accuser. Oui, ces créatures, comme moi misérables, espèrent une vie meilleure ; elles soupirent après ton pardon, elles se débattent contre le péché ; tout un monde moral s'agite dans leur sein, et témoigne de cette éternité dont j'ai si grand besoin.

Merci, Seigneur, merci pour ces rayons de ta lumière ; donne-moi de mieux les recueillir ; ouvres-y mes yeux ; que j'en sois inondé, et que ma langue, déliée par une foi puissante, crie à tous mes frères : L'éternité, l'éternité !

◊  7. Tentation

Mon Dieu, que la tentation est terrible ! elle se présente à moi à toutes heures, de toutes parts, sous toutes les formes, au milieu des occupations les plus pures, même quand je suis à genoux devant toi ! Je la chasse, elle revient ; je la repousse encore, elle revient toujours, et sans cesse obsédé par son image à la fois attrayante et diabolique, je succombe, meurtri, sous sa main de fer. Oh ! mon Dieu, aie pitié de moi. Délivre-moi, délivre-moi de la tentation. Enveloppe-moi de pensées saintes, remplis tellement mon cœur de ton amour, ma vie de tes œuvres, que je n'y puisse plus trouver place pour le mal, pas même pour une mauvaise suggestion. Mais, hélas ! combien de fois j'ai formé ce vœu ! combien de fois je me suis dit que je fermerais mon âme au premier souffle impur qui me viendrait du dehors ! et cependant la tentation m'a presque toujours subjugué ; elle qui me paraît si faible quand elle est loin, est toute-puissante quand elle est près ; en vain je me débats ; en vain je désapprouve ce qu'elle me conseille ; en vain je veux la fuir ; elle me suit, s'attache à moi, et rarement, jamais peut-être, je ne l'ai complètement vaincue ! Oh ! mon Dieu, viens à mon secours ; défends-moi toi-même ; donne-moi ta force, la force qui soutint Jésus au désert. Place, entre moi et Satan, qui veut me séduire, la barrière de la Parole. Qu'à chaque attaque du Malin, un souvenir de tes menaces ou de tes promesses vienne m'arrêter ; ouvre à mes yeux, s'il le faut, l'abîme des enfers où Satan m'attire ; ouvre les délices de ton ciel, afin que je les contemple et que je m'arrête sur les bords si glissants de la tentation ; s'il le faut, Seigneur, dévoile ma honte aux yeux du monde ; préserve-moi par tous les moyens ; mais, de grâce, épargne-moi désormais ces terribles épreuves, de faire le mal tout en approuvant le bien, de succomber en me maudissant moi-même sous ces diaboliques fascinations.

◊  8. Qu'est le ciel ?

Mon Dieu ! je voudrais pénétrer du regard dans le ciel où tu m'attends. Je voudrais au moins concevoir les joies que tu me réserves, et j'avoue que j'ai peine à me représenter le séjour bienheureux et l'emploi de mon éternité. J'évoque dans mon imagination les espaces sans fin, constamment éclairés du soleil de ta présence ; j'écoute par la foi les concerts de louanges et les prières des milliers d'anges et de séraphins ; mais je ne puis saisir tout cela avec force ; ces images m'échappent comme un rêve brillant au réveil du matin. Ne serait-ce pas, Seigneur, que je suis encore charnel et que je te cherche où tu n'es pas ? Ne serait-ce pas que les joies que tu me réserves sont toutes spirituelles et saintes, et que, pour en avoir une idée, c'est à mon âme et non à la matière qu'il me faudrait la demander ? Oui, Seigneur, ton Esprit me répond, et je comprends, à cette heure, que c'est dans l'homme nouveau qu'il crée en moi que je dois trouver mon bonheur pendant l'éternité. Oui, déjà j'en fais ici-bas l'expérience : ce n'est pas en contemplant les merveilles de la création que je suis le plus doucement ému, mais en admirant l'œuvre intérieure que ta grâce accomplit en moi et dans mes frères. Oui, Seigneur, cette foi paisible que rien ne trouble, cette charité vive qui se nourrit de sacrifices, cette humilité réelle qui accepte la honte même comme bien méritée, et qui rend grâce du plus petit bienfait, voilà les joies célestes, voilà, les avant-goûts de ton paradis ! Ah ! si ces biens ont encore pour moi peu d'attrait, c'est précisément parce que je ne les possède pas davantage. Si j'étais plus croyant, plus aimant, plus humble, je serais plus heureux, et je comprendrais mieux que là réside la félicité. Mon Dieu ! ma prière revient toujours la même, parce qu'elle est éternellement vraie : donne-moi la confiance en ta bonté, donne-moi l'amour qui embrasait le cœur de Jésus ; donne-moi l'humilité que j'ai si peu, et que je conçois si bien. Oui, Seigneur, je suis persuadé que là est le ciel, mais donne vie à cette persuasion par une étincelle de ton Esprit-Saint !

◊  9. L'Esprit-Saint absent ou présent, se rend témoignage.

Seigneur, tout m'atteste l'action vivifiante de ton Saint-Esprit : et sa présence en moi, et son absence de mon cœur. Quand il est là, tout me devient facile, tout me réussit, tout m'est agréable ; il me semble que tu me portes dans tes bras, que mon pied ne touche plus la terre ; ma langue se délie, mon cœur est à l'aise, ta parole m'est plus savoureuse, la prière plus douce, et le dévouement, parfois si pénible, me devient une joie, un vrai plaisir. Oui, alors je sens ton Esprit ; c'est lui qui pense, parle, agit pour moi ; sa douce influence se communique à mes frères, les réchauffe, et les met à l'unisson de mes sentiments. Oh ! combien ces moments sont-heureux ! Pourquoi ne durent-ils pas toujours ? Oui, Seigneur, alors je sens que ton Esprit est là ; je le vois, je le touche, sa présence m'atteste sa réalité. Et même, Seigneur, quand cet Esprit s'enfuit, attristé par mon péché, quand tu le retires pour me faire sentir ma faiblesse propre, alors même je reste convaincu de son existence. Je deviens si misérable, si froid, si complètement impuissant à rien dire et à rien faire de bien, malgré mes désirs et mes efforts, que je reste plus que jamais pénétré de cette vérité, que ton secours a dû m'être retiré, et que, si j'étais toujours seul, je ne serais rien, ne pourrais rien. Oui, Seigneur, l'absence comme la présence de ton Esprit me prouvent également sa réalité. Béni sois-tu de ce qu'il en est ainsi, béni sois-tu et de tes rassasiements de joie et des aiguillons de ma faim. Oui, je te trouve partout quand je veux te chercher, et dans tes dons et dans tes refus ; et dans la prospérité et dans l'épreuve, et j'expérimente cette déclaration de ton apôtre, que toutes choses concourent au bien de ceux qui t'aiment. Mais, Seigneur, ce n'est pas assez pour moi de savoir que ton Esprit est vivant et que je puis le recevoir, il faut encore que je le possède ; alors seulement je suis heureux, je me sanctifie et édifie mes frères. Mon Dieu, donne-moi donc une abondante mesure de cet Esprit, que sa présence ne soit plus l'exception, mais la règle ; qu'il ne m'abandonne plus, et qu'à mon tour, Seigneur, je ne t'abandonne pas non plus, pour courir après le péché. Oui, je le sais, ton Esprit ne s'éloigne de moi que parce que je m'éloigne de lui ; mais je sais aussi que tu peux et que tu veux me ramener à toi ; et je viens t'en supplier.

◊  10. L'humilité

Mon Dieu, donne-moi l'humilité !… Mais, hélas ! cette demande est-elle bien sincère ? ai-je un véritable désir d'être abaissé dans ma propre estime ? Non, Seigneur, non, je dois le confesser, ce désir n'est pas dans mon cœur ; mes efforts de tous les instants vont, au contraire, à m'exalter à mes propres yeux, ne pouvant m'exalter toujours aux yeux des autres. Et toutefois, quand je rentre profondément en moi, je trouve du mal jusque dans le bien que je prétends faire : mes motifs vicient mes actes, bons en apparence ; quand je me contemple ainsi de près, oui, je me condamne, je me déteste, je me méprise ; alors, je me frappe la poitrine et m'humilie devant toi ; je voudrais me dérober à tout regard ; je soupire après ta grâce, ton pardon ; je n'ose lever les yeux ; la dernière place de ton ciel me semble trop bonne pour moi ; je voudrais alors qu'il me fût possible de racheter tant de misère ! Mais, hélas ! tout cela ne dure pas ; tout cela se dissipe, et peut-être dans quelques minutes, quand j'aurai cessé de te parler, me levant de terre, encore humide des larmes de mon humiliation devant toi, j'irai dans le monde mendier des approbations ; heureux encore si je ne m'irrite pas contre ceux qui oseront me désapprouver. Eh bien ! Seigneur, aie compassion de ma faiblesse ; exauce-moi tandis que je te prie ; exauce-moi malgré les mouvements d'orgueil qui pourront me venir plus tard ; ou mieux encore, brise cet orgueil et maintenant et toujours ; que je sois tellement malheureux sous son influence, que j'y renonce enfin ; que je le haïsse autant que je l'aime, et que j'aime l'humiliation, à l'avenir, autant qu'aujourd'hui je la redoute, jusqu'à ce que j'apprenne à trouver mon bonheur dans la recherche de ta gloire et non de la mienne, jusqu'à ce que je me plaise à vivre dans l'ombre, actif, mais inaperçu ; saint, mais sans solliciter les regards ; enfin, humble, véritablement humble, et dès lors véritablement heureux. Au nom de celui qui était humble de cœur, au nom de ton Fils, Seigneur, exauce ta pauvre créature !

◊  11. Éloignement pour la prière