Émaux et Camées - Théophile Gautier - E-Book

Émaux et Camées E-Book

Théophile Gautier

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Beschreibung

Émaux et Camées est le sommet de l'art poétique de Théophile Gautier. La plupart des textes qui le constituent sont octosyllabiques ; « L'Art », contre-exemple, a une forme plus surprenante : il est en effet constitué de quatrains hexasyllabiques. Ses poèmes deviennent alors des bijoux virtuoses à la beauté un peu froide sans perdre toutefois leur charge émotionnelle. Cette esthétique nouvelle annonce le mouvement parnassien.

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Affinités Secrêtes

Le Poème de la Femme

Etude de Mains

Variations sur le Carnaval de Venise

Symphonie en Blanc Majeur

Coquetterie Posthume

Diamant du coeur

Premier Sourire du Printemps

Contralto

Caerulei Oculi

Rondalla

L'Aveugle

Lied

Fantaisies d'hiver

La Source

Buchers et tombeaux

Le souper des armures

La montre

Les Néréides

Les accroche-coeurs

La rose-thé

Carmen

Ce que disent les hirondelles. Chanson d'automne

Noel

Les joujoux de la morte

Après le feuilleton

Le château du souvenir

Camélia et paquerette

La fellah. Sur une aquarelle de la princesse M..

La mansarde

La nue

Le merle

La fleur qui fait le printemps

Dernier voeu

Plaintive tourterelle

La bonne soirée

L'art

PREFACE

Pendant les guerres de l'empire,

Goethe, au bruit du canon brutal,

Fit le Divan occidental,

Fraîche oasis où l'art respire.

Pour Nisami quittant Shakspeare,

Il se parfuma de santal,

Et sur un mètre oriental

Nota le chant qu'Hudhud soupire.

Comme Goethe sur son divan

A Weimar s'isolait des choses

Et d'Hafiz effeuillait les roses,

Sans prendre garde à l'ouragan

Qui fouettait mes vitres fermées,

Moi, j'ai fait Émaux et Camées.

AFFINITES SECRETES

MADRIGAL PANTHÉISTE

Dans le fronton d'un temple antique,

Deux blocs de marbre ont, trois mille ans,

Sur le fond bleu du ciel attique,

Juxtaposé leurs rêves blancs;

Dans la même nacre figées,

Larmes des flots pleurant Vénus,

Deux perles au gouffre plongées

Se sont dit des mots inconnus;

Au frais Généralife écloses,

Sous le jet d'eau toujours en pleurs,

Du temps de Boabdil, deux roses

Ensemble ont fait jaser leurs fleurs;

Sur les coupoles de Venise

Deux ramiers blancs aux pieds rosés,

Au nid où l'amour s'éternise,

Un soir de mai se sont posés.

Marbre, perle, rose, colombe,

Tout se dissout, tout se détruit;

La perle fond, le marbre tombe,

La fleur se fane et l'oiseau fuit.

En se quittant, chaque parcelle

S'en va dans le creuset profond

Grossir la pâte universelle

Faite des formes que Dieu fond.

Par de lentes métamorphoses,

Les marbres blancs en blanches chairs,

Les fleurs roses en lèvres roses

Se refont dans des corps divers.

Les ramiers de nouveau roucoulent

Au coeur de deux jeunes amants,

Et les perles en dents se moulent

Pour l'écrin des rires charmants.

De là naissent ces sympathies

Aux impérieuses douceurs,

Par qui les âmes averties

Partout se reconnaissent soeurs.

Docile à l'appel d'un arome

D'un rayon ou d'une couleur,

L'atome vole vers l'atome

Comme l'abeille vers la fleur.

L'on se souvient des rêveries

Sur le fronton ou dans la mer,

Des conversations fleuries

Près de la fontaine au flot clair,

Des baisers et des frissons d'ailes

Sur les dômes aux boules d'or,

Et les molécules fidèles

Se cherchent et s'aiment encor.

L'amour oublié se réveille,

Le passé vaguement renaît,

La fleur sur la bouche vermeille

Se respire et se reconnaît.

Dans la nacre où le rire brille,

La perle revoit sa blancheur

Sur une peau de jeune fille,

Le marbre ému sent sa fraîcheur.

Le ramier trouve une voix douce,

Écho de son gémissement,

Toute résistance s'émousse,

Et l'inconnu devient l'amant.

Vous devant qui je brûle et tremble,

Quel flot, quel fronton, quel rosier,

Quel dôme nous connut ensemble,

Perle ou marbre, fleur ou ramier?

LE POËME DE LA FEMME

MARBRE DE PAROS

Un jour, au doux rêveur qui l'aime,

En train de montrer ses trésors,

Elle voulut lire un poëme,

Le poëme de son beau corps.

D'abord, superbe et triomphante

Elle vint en grand apparat,

Traînant avec des airs d'infante

Un flot de velours nacarat:

Telle qu'au rebord de sa loge

Elle brille aux Italiens,

Ecoutant passer son éloge

Dans les chants des musiciens.

Ensuite, en sa verve d'artiste,

Laissant tomber l'épais velours,

Dans un nuage de batiste

Elle ébaucha ses fiers contours.

Glissant de l'épaule à la hanche,

La chemise aux plis nonchalants,

Comme une tourterelle blanche

Vint s'abattre sur ses pieds blancs.

Pour Apelle ou pour Cléomène,

Elle semblait, marbre de chair,

En Vénus Anadyomène

Poser nue au bord de la mer.

De grosses perles de Venise

Roulaient au lieu de gouttes d'eau,

Grains laiteux qu'un rayon irise,

Sur le frais satin de sa peau.

Oh! quelles ravissantes choses,

Dans sa divine nudité,

Avec les strophes de ses poses,

Chantait cet hymne de beauté!

Comme les flots baisant le sable

Sous la lune aux tremblants rayons,

Sa grâce était intarissable

En molles ondulations.

Mais bientôt, lasse d'art antique,

De Phidias et de Vénus,

Dans une autre stance plastique

Elle groupe ses charmes nus.

Sur un tapis de Cachemire,

C'est la sultane du sérail,

Riant au miroir qui l'admire

Avec un rire de corail;

La Géorgienne indolente,

Avec son souple narguilhé,

Etalant sa hanche opulente,

Un pied sous l'autre replié.

Et comme l'odalisque d'Ingres,

De ses reins cambrant les rondeurs

En dépit des vertus malingres,

En dépit des maigres pudeurs!

Paresseuse odalisque, arrière!

Voici le tableau dans son jour,

Le diamant dans sa lumière ;

Voici la beauté dans l'amour!

Sa tête penche et se renverse

Haletante, dressant les seins,

Aux bras du rêve qui la berce,

Elle tombe sur ses coussins.

Ses paupières battent des ailes

Sur leurs globes d'argent bruni,

Et l'on voit monter ses prunelles

Dans la nacre de l'infini.

D'un linceul de point d'Angleterre

Que l'on recouvre sa beauté :

L'extase l'a prise à la terre;

Elle est morte de volupté!

Que les violettes de Parme,

Au lieu des tristes fleurs des morts

Où chaque perle est une larme,

Pleurent en bouquets sur son corps!

Et que mollement on la pose

Sur son lit, tombeau blanc et doux,

Où le poète, à la nuit close,

Ira prier à deux genoux.

ETUDE DE MAINS

I

IMPERIA

Chez un sculpteur, moulée en plâtre,

J'ai vu l'autre jour une main

D'Aspasie ou de Cléopâtre,

Pur fragment d'un chef-d'oeuvre humain;

Sous le baiser neigeux saisie

Comme un lis par l'aube argenté,

Comme une blanche poésie

S'épanouissait sa beauté.

Dans l'éclat de sa pâleur mate

Elle étalait sur le velours

Son élégance délicate

Et ses doigts fins aux anneaux lourds.

Une cambrure florentine,

Avec un bel air de fierté,

Faisait, en ligne serpentine,

Onduler son pouce écarté.

A-t-elle joué dans les boucles

Des cheveux lustrés de don Juan,

Ou sur son caftan d'escarboucles

Peigné la barbe du sultan,

Et tenu, courtisane ou reine,