Enjeux géopolitiques et coopération des territoires décentralisés - Abdellatif Jabrani - E-Book

Enjeux géopolitiques et coopération des territoires décentralisés E-Book

Abdellatif Jabrani

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"Enjeux géopolitiques et coopération des territoires décentralisés" explorent, avec rigueur et lucidité, les coulisses d’une relation marquée par des logiques stratégiques – politiques, économiques, voire militaires – qui ont trop souvent relégué les aspirations des populations africaines au second plan. À travers une analyse critique des mécanismes de coopération entre le partenaire français et ses homologues ouest-africains, cet ouvrage interroge la pertinence d’un modèle interétatique qui, sous couvert de proximité, peine à répondre aux réalités du terrain. Face à ce constat, une question s’impose : comment repenser un partenariat Franco-Ouest africain équitable, capable de rompre avec les héritages déséquilibrés du passé ? L’auteur plaide pour une voie nouvelle – celle d’une coopération éthique, fondée sur la réciprocité, l’intégration, la justice et l’engagement humain. Une invitation puissante à reconstruire les liens entre territoires et peuples, au service d’un avenir partagé. Un appel à repenser la solidarité internationale : sincère, audacieuse, tournée vers l’essentiel.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Docteur d’État en droit public, Abdellatif Jabrani est diplômé de l’Université Paris II Panthéon-Assas. Ex-manager public dans le secteur des collectivités territoriales, il est aujourd’hui enseignant universitaire, formateur et consultant auprès d’institutions nationales et internationales. Il écrit en arabe et en français sur le droit et le management des collectivités territoriales. Son expertise conjugue réflexion académique et pratique de terrain.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Abdellatif Jabrani

Enjeux géopolitiques et coopération des territoires décentralisés

Constats de puissance ou approche partenariale humanitaire ?

France-Afrique de l’Ouest

Essai

© Lys Bleu Éditions – Abdellatif Jabrani

ISBN : 979-10-422-7563-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je dédie la publication du présent essai à toutes et à tous les visionnaires de la géopolitique de l’instant et du futur.

Celle qui contribue inconditionnellement au bien-être des populationssans discrimination raciale, ethnique, culturelle et géographique…

Pour un meilleur « vivre ensemble ».

Du même auteur

– Les collectivités territoriales face à la crise pandémique : pour une gouvernance plus participative… ? ouvrage collectif « Rôle de l’État et des Collectivités territoriales à l’ère du Coronavirus », imprimerie El Maarif Al Jadida, pp. 73-85, 2020.
– Les prémices de la digitalisation des services publics, contraintes et perspectives pour les communes marocaines, ouvrage collectif « La nécessité de la diversification de l’économie numérique », 2e édition, imprimerie Dar Al QALAM, pp. 9-26, 2022.
– Migrations, co-développement et coopération décentralisée : Quels enjeux géopolitiques Euro-Africains ? ouvrage collectif « Regards croisés sur les Migrations », publié par la Fondation Belge ENABEL, pp. 13-16, 2023.
– Coopération décentralisée Hispano-Marocaine : Point de vue d’un chercheur universitaire, Revue n4, Coopération Décentralisée en Méditerranée, Projet Progol, p.16 et suivantes, mars 2010.
– « Projet Local Med, porteur d’un diagnostic des variables de la gouvernance locale », Revue CMRD (ONG marocaine) et Proyecto Local (ONG espagnole) n° 2, pp. 3-4, juin 2011.
– « Diagnostic Participatif Institutionnel et Bonne Gouvernance dans les Communes Urbaines Chefchaouen, Ksar El Kébir, Assilah, Martil et Fnideq », Revue CMRD (ONG marocaine) et Proyecto Local (ONG Espagnole) n° 1, page 8, mars 2011 et le Haut-Commissariat au Plan/Centre National de Documentation en décembre 2011.

Vu les besoins du continent africain en réformes institutionnelles, sociopolitiques et économiques, les décideurs africains s’efforcent de focaliser leurs efforts sur les processus de modernisation de leurs pays dans le respect des traditions, de l’identité culturelle et des aspirations des sujets africains. Est-il correct d’agir ainsi sans démocratiser… ?

Vu les nécessaires orientations futuristes, les décideurs africains se mobilisent inlassablement en vue d’intégrer la Nation africaine en souveraineté dans les champs géopolitiques qui façonnent l’évolution du monde actuel.

Vu les richesses de l’Afrique d’aujourd’hui – en ressources naturelles, sols, sous-sols et animales –, il est temps pour les décideurs africains de bâtir, dans le cadre d’un partenariat « gagnant-gagnant », la nouvelle architecture des relations entre l’Afrique et ses partenaires étrangers.

Le présent essai est généreusement porteur de vérités dont la missive consiste à toucher non seulement les esprits et les moralités, mais également les cœurs et les sensibilités des décideurs publics étrangers et africains, en vue de réformer le cours de l’ordre actuel. Qu’ils soient Européens, Russes, Chinois, Américains ou autres, faut-il vouloir le changer ? Sachant bien que l’humanité vit de nos temps l’inévitable, l’incertain et l’improbable au gré des tribulations et vicissitudes de la géopolitique actuelle et les volontés délibérées de gouverner en puissance.

Le premier mot d’ordre

Aborder la coopération décentralisée autrement

La présente étude projette la construction d’un modèle d’évaluation de la coopération décentralisée dans ses évolutions rétrospectives et prospectives, tout en demeurant, durant ses étapes, attachée à l’analyse des manifestations d’une approche géopolitique évolutive. Celle explicitant les impacts qu’auraient les tendances évolutives des relations internationales bilatérales et multilatérales sur les parcours de la coopération, en particulier la coopération décentralisée. Ses exercices et pratiques récents, disséminés et moins clairs dans les deux espaces français et ouest-africain, constituent les meilleures illustrations pour l’approche en cours. Ses résultats attestent de l’intéressement constamment affiché du partenaire français pour son homologue africain à des fins tout à fait d’influence géographique et de portées géopolitique, économique et stratégique.La coopération des collectivités territoriales n’est en réalité que l’image décentralisée des enjeux que les États français et ouest-africains décident de mettre en œuvre sur des territoires présentant des niveaux de développement différents et liés aux options et styles de gouvernance géopolitique qu’ils réservent au devenir desdits territoires.

Par ailleurs, elle s’attelle à innover pour utiliser des concepts et désignations avec des connotations à la fois péjoratives, amélioratrices et positives, dont le but est de dévoiler le sens géopolitique voulu ou contesté. Rompant en quelque sorte avec les usages et les héritages terminologiques utilisés le plus souvent dans les productions littéraires, scientifiques, voire administratives, et à des fins tout à fait idéologiques (Coopérations Nord-Sud, Sud-Sud).

Sans trop verser dans les interprétations lexicologiques en la matière, elle rend compte de positions et points de vue pour dévoiler les tendances terminologiques tendant à cacher la réalité des significations et connotations qu’on estime trompeuses. L’objectif principal étant d’évaluer dans le réel la place qu’occupe la coopération décentralisée dans les champs investis de la géopolitique Franco-Ouest-africaine, tout au moins les influences de celle-ci sur ses processus et destinées. L’approche adoptée est porteuse d’un collimateur ciblant et de très près le destin des relations entretenues depuis bien longtemps entre la France et quelques pays de l’Afrique de l’Ouest, notamment le Mali, le Niger, le Burkina Faso. Les autres pays ouest-africains restent-ils à l’œil du collimateur français sans qu’il y ait d’hostilités apparentes voire profondes.

En définitive, l’orientation généralement assignée à l’étude résulte d’une approche de recherche combinant des réflexions théoriques émanant de chercheur universitaire et déductions pratiques et pragmatiques dues à la connaissance pratique des rouages du secteur des collectivités territoriales à partir des expériences française et africaine. Elle est aussi celle de la simplicité, la précision et la clarté dans l’expression et la rédaction, afin de contribuer à démystifier voire familiariser les lecteurs et les chercheurs aux procédés de l’évaluation qui paraît encore pour beaucoup comme une discipline compliquée par sa diversité, et son insaisissabilité dues à ses sensibilités aux mutations et changements conjoncturels dans une dimension française et africaine à portées géopolitiques importantes. C’est la raison pour laquelle notre démarche d’évaluation de la coopération décentralisée Franco-Ouest-africaine fait apparaître des commentaires et des conclusions à l’issue d’une approche analytique reposant beaucoup plus sur la constatation, l’étude réflexive et l’expression, que le recours à la référence bibliographique.

Les essais d’évaluation de la coopération décentralisée entre les deux partenaires, indissociables pour de multiples raisons, en l’occurrence la France, et le groupe des pays ouest-africains, ont permis de l’organiser et de l’élaborer en six (6) parties portant sur les différents enjeux géopolitiques de la coopération décentralisée Franco-Ouest-africaine et ses fondements, à savoir :

Partie I. Comprendre l’interaction géopolitique-coopération décentralisée : dimensions et portées.

Partie II. Facteurs incitatifs et déterminants impactant le destin de la coopération décentralisée Franco-Ouest-africaine.

Partie III. Bilan, thématiques et modalités de financement : l’inadéquation entre l’effort et le résultat.

Partie IV. Difficultés entravant les efforts d’optimisation de la coopération décentralisée Franco-Ouest-africaine.

Partie V. Tendances diplomatiques africaines et orientations géopolitiques servant d’appui à la coopération décentralisée.

Épilogue/Dernier mot : Prédire l’avenir de la coopération décentralisée Franco-Ouest-africaine en vue d’effacer les mauvaises pesanteurs passées et présentes.

Partie I

Comprendre l’interaction

géopolitique-coopération décentralisée

Dimensions et portées

Chapitre 1

Difficulté d’évaluer la figure géopolitique

de la coopération décentralisée – Actions sournoises

et dissimulatrices

Le présent essai d’évaluation s’assigne la charge de développer une démarche à la fois rétrospective et prospective. Tout en analysant les acquis de l’expérience chez les deux partenaires français et ouest-africain, ses difficultés et ses défis. Ladite démarche se préoccupe, à cette fin, de l’identification et de la promotion des dynamiques territoriales par l’action à l’international, en particulier par rapport aux attentes et espérances en matière de coopération-développement. Les deux partenaires entretiennent diplomatiquement des relations, profondément historiques depuis l’ex-période coloniale, sinon bien avant, sur les plans de politique étrangère, économique et sécuritaire. Les difficultés du contexte servent souvent de prétexte pour mettre en veille, suspendre ou abandonner les projets de coopération décentralisée en cours ou en perspective, notamment l’instabilité politique, les actes terroristes, les affrontements civils, les rébellions, les révoltes… D’où les consentements conventionnels, bilatéraux et multilatéraux, tendant à prioriser à des fins sécuritaires la coopération militaire et de soutien sécuritaire au détriment de celle prônant le développement dans sa vraie tenue de bien-être humain. Tel que consacré en principe dans les déclarations finales en sommets et colloques, les accords d’entente, les conventions traitant la coopération décentralisée dans ses fondements innocents.

1. Atouts et intérêt d’évaluer pour une meilleure autopsie

À vrai dire, la relation de coopération Franco-Ouest-africaine sert assurément de métaphore à l’arbre qui cache la forêt. La géopolitique française s’est enrichie et soutenue suite à l’ancrage bien réfléchi de l’action des collectivités territoriales françaises dans un continent à la recherche, depuis plus de 64 ans, de son modèle de développement, celui de l’Afrique. L’alibi souvent avancé à l’appui de la doctrine française est de stimuler les stratégies de dynamisation et d’attractivité des territoires africains souffrant de déficits manifestes en matière de développement. Le dénominateur commun de ces engagements internationaux étant de servir en principe des intérêts partagés sur les plans économique et sécuritaire. Comment en est le portrait des grandes vérités de la coopération décentralisée vu les fluctuations que vit la géopolitique actuelle.

On ne se limite pas ainsi à cacher la forêt, bien plus on se préoccupe aussi de rattacher le concept de coopération décentralisée, dans une vision interne, à celui de la participation citoyenne, sans oublier de le coller à celui de démocratie qui paraît plus fort pour la réalité africaine actuelle. Laquelle évoque en ses termes l’approche plus large d’associer l’ensemble des acteurs territoriaux à la mise en valeur du territoire de part et d’autre. D’où la mission d’user d’un certain nombre d’outils de mesure quantitative et/ou qualitative destinés à évaluer la nature et la performance de ladite vision. Sans occulter les paramètres d’évolution du contexte de l’action internationale conduite par les Collectivités territoriales, et surtout sa portée géopolitique dictée à des fins servant des intérêts autres que ceux qu’elle prescrit dans les conventions et les accords de coopération.

Sans être en rupture absolue avec l’approche associative dans les bâtisses de la coopération décentralisée franco-ouest-africaine, la pensée française en la matière semble opter pour l’inclusion de l’acteur associatif à la fin du parcours. C’est-à-dire bénéficier de ses fruits, sans prendre la peine d’intégrer l’élément associatif durant les phases de préparation, de mise en œuvre et d’évaluation des projets de coopération. Grande lacune pour un champ multidimensionnel dont la finalité majeure consiste à légitimer l’acte et l’action tirant profit des vertus de l’approche citoyenne de participation à la gestion de la chose publique territoriale.

À la recherche de bilans tendant à légitimer et à crédibiliser leurs actions internationales, les collectivités territoriales sont amenées dans la contrainte à développer de plus en plus une activité d’évaluation pour leurs engagements internationaux sous forme de projets ou programmes de coopération décentralisée, et ce en procédant à des évaluations plus systématiques d’analyse et d’appréciation des activités de coopération décentralisée. Généralement, la logique de l’évaluation des résultats de l’action internationale des collectivités territoriales consiste incessamment à évaluer :

– Les projets/programmes de partenariat, notamment dans le cadre de co-financements de projets de développement, par les collectivités territoriales concernées et/ou les bailleurs de fonds… Ces évaluations concernent souvent des projets dont la réalisation requiert inévitablement la mobilisation ou la mutualisation de moyens, dans le cadre d’une relation contractuelle entre deux ou plusieurs collectivités territoriales. À titre d’exemple, les coopérations décentralisées triangulaires, visant à réaliser ensemble un projet par la mobilisation commune de moyens financiers, humains et logistiques à cette fin.
– Les stratégies internationales tracées par les États français et africains, les ONG internationales et régionales non gouvernementales de coopération décentralisée, dont l’objectif principal est d’uniformiser l’adoption d’outils et méthodes d’amélioration des expériences en la matière, et plus particulièrement l’évaluation de leurs impacts sur le développement de leurs territoires en coopération, et ce par rapport aux attentes et besoins identifiés des populations concernées.
– Les actions partenariales bilatérales, entreprises entre les collectivités territoriales africaines et leurs homologues français, dont l’objectif majeur étant de mutualiser les moyens et de capitaliser les expériences grâce à une parfaite connaissance partagée des outils méthodologiques, d’élaboration, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation des projets de coopération décentralisée.
– Les articulations, en matière de coopération décentralisée, entre les différents niveaux institutionnels (national, régional, local et international) impliqués dans l’élaboration des politiques publiques de développement et leurs modes de financement internes et internationaux.

Enfin, la mission d’évaluer l’impact de la coopération décentralisée sur le développement d’un territoire consiste, en réalité, à faire le procès ou à rendre le verdict d’un ensemble d’engagements pris par les acteurs français et africains publics et privés, sur la scène internationale. L’objectif principalement déclaré étant de se partager équitablement les richesses et les potentialités d’un univers encore très mal réparties ou maladroitement exploitées, et ce au nom de la paix, la justice et la solidarité internationale.

La présente démarche d’évaluation s’accrédite la franchise et le privilège d’informer sincèrement la société civile ainsi que les personnes politiques/Élu(e) sur les objectifs et les contenus de l’action internationale des collectivités territoriales françaises et africaines. Le but est aussi de mettre en lumière par la même occasion ses impacts positifs et/ou négatifs sur les territoires des deux partenaires, et enfin dans quelles conditions il importe désormais d’améliorer ses pratiques au profit de la citoyenneté française et africaine ?

Par ailleurs, l’évaluation s’avère, dans sa mise en œuvre, plus complexe, constructive et instructive dans ses étapes de recherche de résultats en conformité avec les aspirations élémentaires des citoyennes et citoyens de part et d’autre.

Sa complexité réside dans la diversité de ses acteurs politiques, sociaux et financiers intervenant dans la conception et la réalisation de projets/programmes de coopération et de partenariat (États, Collectivités territoriales, ONG nationales et internationales, Bailleurs de fonds…) qui requièrent la fiabilité, la transparence et la sincérité dans la mission internationale d’entités décentralisées représentatives de territoires. Aussi, la droiture et la force de la volonté du politique ainsi que sa compassion humanitaire en vue d’évaluer le succès ou l’insuccès de l’action internationale des collectivités territoriales, sachant bien que le secteur relève de la pleine compétence des professionnels de la politique c’est-à-dire les concepteurs et les praticiens de la décentralisation.

L’évaluation est constructive dans le sens que la coopération décentralisée devrait s’insérer partie intégrante d’une politique publique locale et/ou régionale visant à valoriser les composantes socio-économiques, culturelles et environnementales d’un territoire, espace politique et administratif. De ce fait, les résultats de l’évaluation faisant ressortir à la fois des points forts et faibles de l’action internationale recommandent des axes d’amélioration et les propositions plausibles en termes de possibilités d’action et de changement.

2. Facteurs à l’origine des difficultés d’évaluer

La coopération décentralisée, une scène multi-acteurs et multidimensionnelle, rend les processus de sa réalisation plus complexes et plus combinés au point d’en faire un domaine difficilement saisissable qui requiert de la part de ses acteurs le professionnalisme, la connaissance et l’information, le sens de la négociation et de la communication ainsi que la force décisionnelle. Néanmoins, l’expérience africaine en matière de coopération décentralisée est, de nos jours, porteuse de résultats contradictoires eu égard aux objectifs affichés et déclarés à maintes reprises dans les propos intentionnels et déclaratifs, ainsi que les conventions de coopération. Elle est souvent assujettie dans ses pratiques à la routine et la redondance de ses processus, ses mécanismes et ses thématiques, ainsi que les présences nombreuses en Afrique de collectivités territoriales françaises embrigadées par l’État français, et ce en compatibilité aux soubassements géopolitiques de ses diverses stratégies décidées à travers les espaces africains.

La présente vision rend l’évaluation projetée plus difficile qu’on ne le pense dans la mesure où elle requiert le recours à l’outil, la méthode et l’information les plus fiables au service de la démarche adoptée. L’intérêt de l’étude consiste à déceler les paramètres d’évolution de la relation géopolitique franco-ouest-africaine, dans ses soubassements à la fois étatiques et décentralisés, à des fins politico-stratégiques, économiques et de développement territorial. Lequel l’emporte sur l’autre ? C’est ce qu’on s’efforce de démonter à travers les développements qui suivent. Cependant, il nous paraît utile avant tout de présenter succinctement et à partir de constatations réelles les difficultés auxquelles se sont heurtés les essais d’évaluation, notamment :

– L’absence de « réciprocité » ;
– Multitude d’acteurs ;
– Dispersion du champ géographique décentralisé ;
– Autres difficultés.

2.1. L’absence de « réciprocité » : territoires africains au cœur des enjeux d’une géopolitique à sens unique

L’héritage de la coopération décentralisée, datant depuis l’accès des pays africains à l’indépendance, se trouve largement affecté et dès le départ par les logiques de l’assistanat et de la dépendance vis-à-vis de la France en vue de trouver des solutions à leurs problématiques et difficultés sur les plans institutionnel, politique, économique, social et sécuritaire. Dans cet état d’esprit, le contexte rend la vision de réciprocité en matière de coopération décentralisée difficilement praticable dans les relations franco-ouest-africaines.

S’interroger sur l’opportunité de la réciprocité pour les relations à dimension partenariale entre les collectivités territoriales françaises et africaines, c’est en quelque sorte remettre les édifices du contexte géopolitique actuel, bien déterminé et à des fins plus interétatiques qu’intercollectivités. Quel sens pourrait-on assigner à ce concept de droit international en vue de construire le droit public interne et international des collectivités territoriales africaines ? Sa nature, ses formes, ses champs d’application et ses portées dans les relations partenariales entre collectivités territoriales ? Et enfin dans quelles conditions est-il possible d’évoquer le principe de la réciprocité dans les coulisses de la coopération décentralisée dans un monde géopolitiquement en évolution accélérée ?

Définition de la notion, ses objectifs, difficultés et conditions de mise en œuvre ?

Transposée dans les rouages de la coopération internationale des collectivités territoriales, la réciprocité signifie à notre sens la mobilisation en partenariat d’acteurs appartenant à des territoires différents pour la réalisation de projets et avec des moyens différents. Toutefois, la réciprocité pourrait être vue sous l’angle des moyens et les apports de chacun des partenaires, tout en cherchant pour des raisons géopolitiques des intérêts différents, soit leurs propres intérêts, soit ceux de leurs États ou bien de tierce (ONG, institutions financières, bailleurs de fonds, investisseurs privés…).

Ses objectifs restent multiples dans la mesure où elle évoque ceux ayant trait à la construction de partenariats solides, la recherche de la solidarité internationale, l’action humanitaire, l’échange et la mutualisation des moyens, le brassage culturel, le respect de l’identité et des spécificités… Toutefois, la notion de réciprocité appréhendée par les uns et les autres selon les intérêts recherchés et les retours de l’action entreprise (le gain partagé, l’influence géopolitique, le développement…). Elle s’avère polysémique et difficile à cerner dans les rouages de la coopération décentralisée. S’il ne trouve sa consécration dans les relations interétatiques, comment pourrait-on espérer sa présence dans les relations intercollectivités ?

2.2. Multitude d’acteurs impliqués dans la construction géopolitique de la coopération décentralisée

Vu ses agencements, ses dispositifs et mécanismes de mise en œuvre, la coopération décentralisée, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale, offre un champ très vaste et submergé d’interventions et de coordinations entre acteurs publics et privés, notamment les collectivités territoriales, les ONG internationales, les associations, les universités et les entreprises privées… Sans, toutefois, oublier l’interventionnisme voire le dirigisme de l’État dans la construction des scénarios d’un projet ou programme de coopération décentralisée en vue de prévenir toute action de l’une de ses collectivités territoriales à l’international susceptible de porter préjudice à sa souveraineté et ses engagements internationaux. Dans cet ensemble d’acteurs de différents statuts, les bailleurs de fonds jouissent d’une place d’excellence dans le financement ou le co-financement de projets ou programmes inscrits dans les champs de la coopération décentralisée.

2.2.1. L’omniprésence des services de l’État

Depuis leur accès à l’indépendance, les pouvoirs publics africains se sont consacrés selon des idéologies différentes aux constructions des premiers édifices institutionnels, politiques, économiques et sécuritaires de l’État africain. Cet ensemble architectural, des premiers temps de l’État Nation, n’a pu ignorer les vertus de la décentralisation dans ses aspects administratifs et politiques, et la voie qui lui est destinée pour le développement territorial. Néanmoins, l’œuvre décentralisatrice fut intégrée avec prudence, des limites juridiques et institutionnelles lui ont été infligées afin de prévenir d’éventuelles scissions territoriales susceptibles de porter préjudice à l’intégrité de l’État Nation. D’autre part, la décentralisation sert à légitimer et à renforcer les assises du pouvoir centralisé sur les plans national et territorial, surtout dans un contexte fortement perturbé et instable.

De leur côté, les collectivités territoriales africaines, dont le trait commun en est leur dépendance à l’égard de l’État, s’adonnent à la coopération internationale sous consentement délibéré et obligé des autorités de tutelle ou de contrôle étatique, généralement les départements ministériels chargés de l’intérieur, de la décentralisation… peu importe l’appellation ou la désignation. Dans certains cas, leurs actions internationales tirent leurs origines et fondements d’accords ou partenariats interétatiques (Programme d’appui à la Décentralisation PAD Maroc) entre États européens et ceux de l’Afrique (Partenariat Franco-Marocain de Skhira en 2006).

La diversité des options retenues et attitudes adoptées par les États africains semble tout à fait évidente quant à la confection des projets de coopération décentralisée pour leurs collectivités territoriales. Ceci ressort de la mise en place de dispositifs institutionnels qui se chargent de la conception et la mise en œuvre desdits projets, les uns impliquent leur département de l’intérieur, les autres confient la mission aux affaires étrangères. La diversité est également apparente dans le choix des thématiques de coopération, qui devrait pour certains prioriser celles ayant trait à l’agriculture, l’eau et l’assainissement ; d’autres préfèrent l’appui institutionnel et la gestion des services urbains.

Dans tous les cas, les thématiques de coopération devraient être arrêtées en connivence avec les grandes options des politiques publiques africaines à dimensions nationale et territoriale. L’État africain, National et Territorial, devrait être codécideur des appels à projets (AAP) lancés en soutien aux projets de coopération décentralisée par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), par le biais de la Délégation pour l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT). L’intention déclarée étant de coopérer avec les États africains sur des thématiques qui en principe devraient être définies en concertation avec les collectivités territoriales bénéficiaires ou réceptrices de ces projets.

Pratiquement, on estime que l’étatisation, des deux côtés, de la coopération décentralisée comporte le risque de trop géopolitiser les thèmes, de telle sorte qu’ils se décident dans des circonstances particulières en fonction de stratégies dictées par l’État français et/ou les structures compétentes de l’Union Européenne dans le cadre de ses politiques d’assistance et d’aide au développement en Afrique. On cite, en l’occurrence, le cas des appels àprojets portant sur des thématiques intéressant la Jeunesse africaine et qui, en réalité, cachent les motifs réels à l’appui des actions projetées en coopération décentralisée avec les collectivités territoriales africaines. Des thématiques visant, d’une part à atténuer l’ampleur des mouvements migratoires vers le continent européen, et d’autre part à épargner sinon limiter l’adhésion des jeunes africains aux groupements et mouvements terroristes.

2.2.2. Collectivités territoriales : diversité des systèmes de décentralisation

Les Collectivités territoriales africaines et leurs homologues européens, en particulier français, s’autorisent à coopérer sur la base de textes législatifs et réglementaires, notamment les lois et règlements de la décentralisation qui définissent les modalités, les conditions et les domaines éligibles à la coopération c’est-à-dire ceux se rapportant à leurs compétences économiques, sociales, culturelles et environnementales. Toutefois, il importe de signaler que les enjeux de la décentralisation ne sont pas similaires, sachant bien que les systèmes en question s’appliquent dans des contextes différents, et subissent des influences politiques et socioculturelles divergentes ou ne s’accordent pas sur le plan des pratiques de la décentralisation et ses transpositions en fonction des spécificités et particularités de la société en question. S’inspirant de modèles de l’ex-colonisateur, les États africains s’avèrent incapables de réussir la mise en œuvre de leurs systèmes de décentralisation pour raisons d’incompatibilité et d’inadaptation de ses composantes et contenus aux contextes africains politico-juridiques et institutionnels, voire socioculturels. D’où la difficulté pour la coopération décentralisée africaine d’évoluer pour s’adapter aux changements que subisse la conjoncture internationale, en particulier européenne ; elle demeure statique et inchangée dans ses pratiques classiques. En d’autres termes, elle continue à se confiner dans les atmosphères et les usages du passé, celui de la dépendance et l’assistanat. Souvent, le modèle français s’impose en référentiel le moment de réformer les systèmes de décentralisation en Afrique.

2.2.3. ONG internationales – Des implications imprécises

Les évolutions historiques et marquantes de la coopération entre les collectivités territoriales européennes et africaines ont démontré que celles-ci ont été, en grande partie, le résultat et l’aboutissement de contributions et initiatives émanant d’organismes internationaux œuvrant en principe pour le bien-être des citoyens des pays dits du Sud, notamment les ONG internationales sinon européennes (Françaises, Espagnoles, Italiennes, Belges…) et les Fondations allemandes (Adenauer, GTZ, Hans Seidel…). Souvent, lesdites ONG internationales font appel aux Élu(e)s et aux associations locales en vue de s’enquérir de données fiables de la réalité sociale et les doléances des populations en services sociaux, générateurs de revenus et d’emplois, à travers la réalisation de projets de développement social et solidaire.

Les ONG en question jouent pratiquement un rôle dynamique dans la mobilisation des bailleurs de fonds pour financer ou cofinancer des projets de coopération décentralisée, notamment l’Union Européenne, les collectivités territoriales européennes, les Agences de coopération internationale… Ne traduisent-ils pas, à travers leurs actions de solidarité internationale, les positions dissimulées de leurs bailleurs de fonds ou États pour en faire leurs chevaux de Troie ? ou servent-elles de tremplin pour faire passer des intérêts autres que ceux déclarés et consignés dans les accords de coopération ?

2.2.4. Bailleurs de fonds – Complexité des conditions de financement

Les collectivités territoriales africaines à la recherche de financements pour des projets de coopération décentralisée se rapportant à des domaines ayant trait au développement de leurs territoires respectifs éprouvent des difficultés pour identifier les sources de financement de leurs projets. Les voies de financement sont difficiles à explorer. À ce titre, il importe, dans un premier temps, d’identifier les bailleurs de fonds potentiels, leurs instruments de financement et les modalités d’attribution de ces financements, et par la suite, il appartient à la collectivité territoriale concernée de se faire connaître ainsi que le projet pour lequel elle sollicite le financement.

La complexité du financement de l’action internationale décentralisée réside dans le fait qu’il provient de la contribution de plusieurs acteurs dans le cadre de scénarios de co-financement ou financements croisés. Il met souvent en relation plusieurs partenaires : collectivités territoriales européennes (fonds propres), départements des affaires étrangères (cofinancement), la Commission Européenne, la Banque Mondiale, Agences (AFD)…

Dans cette perspective, les collectivités territoriales européennes, en l’occurrence françaises et espagnoles, financent souvent une partie de leurs actions de coopération sur leurs fonds propres ; et procèdent à la mobilisation de ressources extérieures, afin de démultiplier leurs moyens et ainsi donner une impulsion décisive aux projets de coopération. Les autres sources de financement sont recherchées principalement auprès de bailleurs de fonds multilatéraux : ONG internationales, ONG des collectivités territoriales (CGLU, AIMF…) l’Union Européenne, PNUD, ART GOLD…

Il en résulte que la complexité des scénarios de financement de la coopération décentralisée nécessite l’adoption des mesures suivantes :

– Mettre en place des réseaux d’information et de communication entre les différents acteurs et partenaires nationaux, régionaux et internationaux.
– Veiller à l’instauration d’un observatoire afin de faciliter la connaissance de ses rouages et les conditions d’accès aux différentes sources de financement des projets en coopération.
– Orienter les collectivités territoriales africaines vers les voies de co-financement et/ou de financements croisés puisqu’on est dans une logique de coopération décentralisée reposant sur des bases partenariales.

2.2.5. Multitude ONG de coopération décentralisée – Stratégies fluctuantes

Le contexte international est fortement marqué par la grande ouverture des organisations internationales non gouvernementales de la coopération décentralisée aux collectivités territoriales africaines. En effet, l’intégration de ces collectivités dans les organisations multilatérales constitue un cadre propice permettant à l’État de se doter de nouveaux instruments pour mieux connaître les actions menées par ses entités décentralisées à l’international, sans pour autant remettre en cause le statut libéral issu des lois et règlements régissant la coopération décentralisée.

En principe, l’action internationale des collectivités territoriales, sur les plans politique et financier, reste marquée par le volontarisme de ses élu(e)s, soucieux d’inscrire leurs actions dans une logique à la fois nationale et internationale et dans le respect de leur liberté d’initiative sans que cela puisse porter atteinte à la souveraineté de l’État et à ses engagements internationaux.

Afin de renforcer leur adhésion stratégique dans les organisations régionales et internationales de coopération décentralisée, les collectivités territoriales africaines sont massivement présentes au sein de ces organisations, considérées comme des lieux privilégiés favorisant leur ouverture sur l’extérieur, et l’espace incontournable de l’offre et de la demande en coopération décentralisée. On cite, sans être exhaustif, comme organisations à caractère international et régional, les suivantes :

Les organisations internationales :

– Organisation Mondiale des Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU, Barcelone, Espagne) ;
– Association Internationale des Maires Francophones (AIMF, Paris, France) ;
– Association Internationale des Régions Francophones (AIRF- France) ;
– Organisation des Villes du Patrimoine Mondial (OVPM-Tunis, Tunisie) ;
– Association des Villes Messagères de la Paix (AVMP-Japon) ;
– Réseau international des villes de Lumière Light-Cities (LC – Budapest Hongrie) ;
– L’Association Internationale des Villes Nouvelles (AIVN) ;
– La « World Conference of Mayors ».

Les organisations régionales :

– Comité Permanent Pour le Partenariat Euro-Méditerranéen des Pouvoirs Locaux et Régionaux (COPPEM, Palerme, Italie) ;
– Organisation des Villes Arabes (OVA, Koweit) ;
– Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA, Rabat, Maroc) ;
– Organisation des Villes et Capitales Islamiques (OVCI- jeddah Arabie Saoudite) ;
– L’Association des Communes d’Europe.

En effet, la scène internationale est témoin, dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, de l’émergence active d’un nombre important d’organisations non gouvernementales dont la mission consiste, d’une part, à développer le rapprochement des collectivités territoriales, et, d’autre part, à orienter leurs volontés de coopérer au service des intérêts élémentaires et vitaux de leurs populations. Toutefois, on pense que ces organisations, soucieuses de faire entendre la voix des collectivités territoriales membres, tendent à développer par leurs activités une coopération étroite dans les domaines relevant de la gestion publique territoriale. Elles s’appuient sur le tissage de relations bilatérales et/ou multilatérales entre les Élu(e)s en vue de faire émerger les revendications et diffuser les informations. À cette fin, elles s’assignent théoriquement les objectifs suivants :

– Veiller à la coordination des relations entre les collectivités territoriales membres, et à diffuser entre elles les réalisations et les expériences positives constatées dans les pratiques de la décentralisation ;
– Consolider les liens de partenariat entre les collectivités territoriales en matière de coopération internationale, et développer leurs échanges d’informations et de savoir-faire ;
– Assurer la concrétisation et la diffusion des principes de la démocratie locale, et contribuer à la consolidation de la décentralisation ;
– Harmoniser et consolider la position et la participation des collectivités territoriales dans les manifestations internationales et congrès ou colloques internationaux ou régionaux ;
– Rechercher des aides financières et logistiques aux niveaux national et international au profit des collectivités territoriales membres ;
– Renforcer le rôle des collectivités territoriales dans le développement économique, social, culturel et environnemental ;
– Coopérer avec l’ensemble des autorités gouvernementales et des organisations, institutions ou associations internationales poursuivant les mêmes objectifs ;
– Promouvoir la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques locales et régionales.

Néanmoins, les ONG de coopération décentralisée sont amenées, dans la poursuite de leurs objectifs, à s’initier inlassablement dans une approche basée sur la mobilisation de la coordination et la communication entre les collectivités territoriales membres à l’occasion de rencontres bilatérales ou multilatérales. L’objectif étant d’amener ces collectivités vers la construction de relations partenariales et de coopération portant sur la réalisation de projets de développement reflétant les aspirations effectives de leurs populations.

Hormis ces objectifs, les actions desdites ONG demeurent limitées du fait que les relations de coopération résultent pratiquement de considérations et motivations bilatérales que multilatérales. Les collectivités territoriales, membres des organismes précités, édifient leurs relations de coopération sur des bases plus géopolitiques dictées par les positions respectives de leurs États. Les ONG en question sont-elles en réalité porteuses de visions géopolitiques en coopération décentralisée ?

En effet, Cités unis France (CUF), acteur d’excellence et d’accompagnement du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), est fortement distinguée par ses démarches diplomatiques tendant à installer le dispositif de coopération à mettre en œuvre (appels à projets, rencontres diplomatiques, négociations…). Est-elle porteuse d’une vision géopolitique qui lui est dictée en matière de coopération décentralisée par l’État français ? ou bien incarne-t-elle celle de ses membres respectifs ? Autant de questions qui interpellent de notre part l’effort d’évaluer la portée de ses choix, ses pratiques et ses actions en matière de coopération décentralisée aussi bien pour les collectivités territoriales africaines que françaises. En réalité, l’enjeu ne repose pas sur le gagnant et le perdant, mais le devoir moral et matériel de servir une cause humanitaire selon une logique de solidarité internationale.

3. Dispersion du champ géographique décentralisé

La coopération décentralisée franco-ouest-africaine, depuis ses premières pratiques et surtout aux débuts des années 80, est porteuse d’une stratégie géopolitiquement conjoncturelle et liée à des circonstances tout à fait particulières dictées pour des raisons autres que celles énoncées. Ses actions se réalisent à des intervalles irréguliers, c’est dire la décision de coopérer résulte souvent d’affinités conjoncturelles et ponctuelles déterminées. De telles considérations demeurent révélatrices de l’état de santé de la coopération qui tantôt elle s’épanouit dans les moments de frustrations politiques, tantôt elle se paralyse dans les ténèbres de la crise et le gèle plongeant les collectivités territoriales africaines dans le désarroi, l’amertume et la défiance. D’innombrables projets de coopération décentralisée en question sont soit abandonnés, soit retardés, ou s’exécutent lentement pour diverses raisons non déclarées. Le partenaire français devrait inscrire sa politique de coopération décentralisée selon une vision géographique plus claire, maîtrisable et facilement évaluable par rapport à des objectifs affichés et en conformité à une stratégie géopolitique égalitaire et humanitaire par rapport aux pays du continent africain. Les appels à projet de coopération décentralisée lancés pour des collectivités territoriales africaines ne peuvent être assimilés, au point de vue du contenu en thématiques, à ceux destinés à leurs homologues en Amérique Latine. Les spécificités des uns et des autres et le respect de l’identité culturelle du partenaire justifient l’usage du traitement différencié, et la nécessité d’éviter la standardisation des recettes en coopération. Les recettes stéréotypes ne devraient plus faire figure dans les champs de coopération décentralisée.

4. Autre difficulté – Non appropriation de la dimension géopolitique

La grande difficulté, qu’on considère positive, provient du choix de la thématique de la géopolitique dans ses applications à la coopération décentralisée partenariale, et qui requière de notre part le recours à une démarche d’analyse pluridisciplinaire. Celle consistant à dévoiler et à analyser la vision française en géopolitique pour l’Afrique, dont les dimensions demeurent complexes, imprécises et contradictoires. Le concept « géopolitique » cache en lui-même une signification relative et des portées évolutives et liées aux changements affectant au fil du temps les relations franco-ouest-africaines. De ce fait, le concept « géopolitique » s’assigne une méthode d’analyse plus pragmatique et plus réaliste qu’on ne le pense. C’est pourquoi les investigations et les analyses ont abouti à l’émission de déductions et résultats plus francs. D’un autre point de vue, la démarche adoptée en vue de diagnostiquer et d’évaluer les efforts employés de part et d’autre pour coopérer sur des bases partenariales se rapportant à des thématiques de développement, s’est heurtée à un certain nombre de difficultés de différents ordres, notamment :

– Les imprécisions de la stratégie de coopération décentralisée chez les deux partenaires rendent difficile la lecture des tendances que l’on doit dégager des projets de coopérations décentralisées à partir de la diversité des thématiques et la variété des acteurs ;
– L’absence d’éléments et de données sur les choix des partenaires français et africains est à l’origine de la difficulté d’évaluer les partenariats de coopération décentralisée franco-ouest-africaine ;
– La non-intégration de la composante coopération décentralisée dans les politiques publiques de plusieurs collectivités territoriales africaines donne l’impression que les élu(e)s sous-estiment ses valeurs ajoutées à la décentralisation sur les plans diplomatique, politique, économique, social, culturel et environnemental ;
– La gestion confuse du dossier de coopération décentralisée dans la majorité des collectivités territoriales africaines complique la mission de suivi et d’évaluation du projet partenarial de coopération décentralisée ;
– L’absence de structures « Observatoires de Coopération Décentralisée » dans la majorité des pays ouest-africains, ou du moins une base de données aux Portails web des Collectivités territoriales s’il y en a, constitue la grande carence entravant toute(s) initiative(s) de suivi et d’évaluation ;
– La non-médiatisation des pratiques de coopération décentralisée amène les élu(e)s à œuvrer diplomatiquement dans la discrétion et le silence dans un domaine qui devrait normalement être partagé afin de stimuler la compétitivité chez les élu(e)s victimes de leur inertie et immobilisme.

Certes, les difficultés signalées ci-dessus rendent difficile la lecture des nouvelles tendances de la coopération décentralisée pour le partenaire africain, voire même le suivi et l’évaluation de ses résultats. Il n’en demeure pas moins que les pouvoirs publics africains ont la mission de palier à ces entraves au moyen de mesures correctives susceptibles de promouvoir la coopération décentralisée au rang tant souhaité et recherché par l’État Nation, Territorial et décentralisateur de la chose publique locale et régionale.

5. Évaluation des politiques de coopération décentralisée et propositions susceptibles d’en améliorer l’efficacité

Défenseur infatigable de la décentralisation africaine et de la coopération décentralisée dans sa version partenariale, on estime que l’action publique à l’international n’est plus une exclusivité des États. De nouveaux acteurs tels que les ONG, les associations professionnelles et surtout les collectivités territoriales, jouent un rôle de plus en plus important dans la coopération au développement. La notion de coopération décentralisée désigne ces nouveaux processus. Parce qu’elle prend appui sur les collectivités territoriales, la coopération décentralisée est souvent présentée comme l’un des instruments les plus appropriés pour dynamiser les initiatives locales de développement. [1]

Dans cette optique, il convient d’interroger les deux partenaires, français et ouest-africains, sur la vision et les options qu’ils consacrent à la décentralisation en général, et la coopération décentralisée en particulier :

– Quelle(s) vision(s) les pouvoirs publics français et africains réservent-ils au rôle de leurs collectivités territoriales dans l’évolution de la décentralisation en Afrique et le développement de leurs territoires ? Dans quels domaines ? Quels en sont les acteurs ?
– Quelles sont leurs attentes à l’égard de la coopération décentralisée Franco-ouest-africaine ? Quelles(s) stratégie(s) géopolitique(s) faudrait-il adopter pour faire intégrer la coopération décentralisée dans les enjeux internationaux et selon quels dispositifs de soutien ?
– Quel(s) appui(s) consacrer aux États à la coopération décentralisée Franco-ouest-africaine ? Comment permettre au Fonds de Soutien et d’Appui à la coopération décentralisée de développer sa mission dans l’avenir ?
– Quelle est la place consacrée à la société civile dans les circuits et rouages de la décentralisation en général, et la coopération décentralisée, en particulier ?

Des questionnements qui interpellent certainement le recours à une méthodologie plus compliquée faisant usage d’instruments pluridisciplinaires. Elle consiste successivement à :

– Délimiter et à cerner le sujet, ses problématiques et ses espaces géographiques portant principalement sur une thématique dichotomique : la coopération décentralisée et ses enjeux géopolitiques dans les relations France-Afrique Ouest ;
– Disposer de données et statistiques plus appropriées pour la thématique en vue de les analyser et les interpréter, dans la perspective de dégager les éléments de réponse aux questions soulevées ;
– Évaluer les constats de réussites et d’échecs, en insistant sur les raisons qui expliquent le diagnostic dégagé en points forts et points faibles (analyse Swot) ;
– Proposer, enfin, les améliorations futures susceptibles de contribuer à la construction d’une géopolitique de coopération décentralisée effectivement partenariale, humanitaire et de solidarité internationale.

Les difficultés d’évaluation de la coopération décentralisée s’avèrent principalement dues à l’insuffisance, voire dans certains cas l’absence de base de données fiables et actualisées chez le partenaire africain en la matière. L’essentiel des informations a été communiqué par l’application Web du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, France Diplomatie, Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD), L’Atlas français de la coopération décentralisée et des autres actions extérieures, ainsi que celles de la BIRD, et les Nations Unies. D’où la nécessité pour les pouvoirs publics africains de penser à la mise en place d’observatoires ou structures d’information, de suivi et d’évaluation dont la mission consiste, au moyen de ses procédés, à dresser l’état des lieux des actions de coopération décentralisée ainsi qu’un diagnostic permettant de dégager les échecs et les réussites, et éventuellement les propositions d’amélioration. L’étude Diagnostic en coopération décentralisée) aurait le mérite de mettre en œuvre une démarche d’investigation en mesure de dégager des éléments d’observation et d’analyse de données, notamment les indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant de faire ressortir :

– L’évaluation finale des résultats et de l’impact des projets de coopération décentralisée Franco-ouest-africaine ;
– Les causes de réussites ou d’échecs relevés suite aux résultats obtenus ;
– Les propositions pour améliorer les conditions de réussite des projets ;
– La stratégie prospective définissant, à partir du diagnostic actuel, les actions futures à entreprendre.

L’ambition de faire connaître le réel conduit à s’interroger sur les caractéristiques dont la coopération décentralisée Franco-ouest-africaine s’attribue, en vue de compléter les essais de définition et d’identification des acteurs impliqués durant ses processus et en vertu de quelles thématiques ? Correspondent-elles aux attentes des populations africaines en bien-être ?

Partant de constats et analyses des nouvelles initiatives, d’exemples performants, d’études de cas et de bonnes pratiques en coopération décentralisée internationale, les évaluations demeurent modestement porteuses d’un certain nombre de pistes à explorer pour renouveler les stratégies de la géopolitique France-Ouest Afrique. Celle tendant à faire coopérer pour le développement durable en faveur de l’éradication de la pauvreté et de l’action de préservation environnementale en Afrique, et aussi une gouvernance centrée sur l’humain. Aux termes des parcours de cette étude, il nous a été donné de dégager des anomalies et les remèdes susceptibles d’améliorer la situation en question.

En somme, la présente étude d’une nature pédagogique tout à fait globalisée à l’échelon des pays ouest-africains se propose de restituer et d’analyser modestement les principaux éléments actuels structurant la coopération décentralisée franco-ouest-africaine dans sa portée partenariale, à savoir son régime de droit commun, son organisation, ses acteurs, ses financements et ses pratiques. De manière constructive, ils identifient les progrès accomplis, mais aussi les défis rencontrés dans une vision géopolitique France-Afrique de l’Ouest.

Chapitre 2

Coopération décentralisée et géopolitique –

Délimiter sens et portée de la terminologie pour mieux comprendre et savoir de quoi on parle

1. En bref le sens géopolitique des concepts utilisés en matière de coopération

Comme évoqué ci-dessus, le jumelage, une œuvre des premiers artisans de la coopération décentralisée, tirant ses consécrations de la nature des relations internationales de la décentralisation, n’est pas intégré dans l’étude. La démarche de base porte sur la coopération décentralisée dans sa dimension partenariale, et l’évaluation de ses impacts sur le développement durable des pays africains, et ce dans une vision de géopolitique franco-africaine. Les deux partenaires se mutualisent des intérêts divergents en déphasage avec l’intérêt public local, celui des citoyens français et africains ; en principe les véritables acteurs et le « pas de côté » à ne pas perdre de vue dans le montage des scénarios de coopération. Or, il paraît, sans nul doute, que ses montages jettent dans l’oubliette le citoyen pour enfin de compte mettre en omniprésence des collectivités territoriales – françaises et ouest-africaines – et les services compétents des États en vue de soumettre les coopérations en guise de leurs intérêts respectifs géostratégiques. D’où l’utilisation fréquente dans nos développements de l’expression « Coopération décentralisée partenariale » ou bien « le Partenariat décentralisé ». Aussi, les termes coopération « Nord-Sud » ou « Sud-Sud » seront épargnés et remplacés par des désignations selon les espaces géographiques d’investigation et d’investissement de la coopération décentralisée partenariale, notamment « Coopération décentralisée Franco-ouest-africaine » « Coopération décentralisée euro-africaine » et « Coopération décentralisée Interafricaine ».Sans être prisonnier d’autres expressions souvent utilisées à des fins tout à fait idéologiques, destinées à servir des visions géopolitiques ségrégatives. Semble-t-il incompatible et en rupture avec la vision géopolitique égalitaire de la coopération décentralisée dans ses dimensions partenariales en France, en Afrique et ailleurs.

Afin de rendre la lecture de cet essai d’évaluation sans ambiguïtés et équivoques, il importe à l’avance de clarifier les approches, les concepts et les notions utilisés pour élucider les contours de la décentralisation, en particulier la coopération décentralisée, dans ses interactions à la discipline géopolitique. Rien ne vaut mieux que de compter sur ses propres réflexions en vue de les définir et leur donner des significations dégagées en toute fidélité à compter d’enseignements tirés de parcours et expériences éprouvées dans l’administration publique, secteur des collectivités territoriales, et l’enseignement supérieur duquel on tire le grand profit de les expliciter à leurs justes significations académiques et praticiennes. C’est tenter de dévoiler les écarts nés des contradictions que connaissent les relations internationales interétatiques et décentralisées dans un monde perturbé et déchiré par les guerres meurtrières et commerciales (Russie-Ukraine, Israël-Gaza, Barrières douanières trumpistes…), les conflits et les discordances d’intérêts économiques, et les enjeux géostratégiques et militaires.

Pour des raisons économiques, géopolitiques, voire géostratégiques, servant les intérêts des États du « Nord », disons aux mieux développés au détriment des richesses et potentialités des pays du « Sud », on construit des modèles de coopération basés sur les visions différenciées ou les appellations/désignations Nord-Sud et/ou Sud/Sud.

1.1. La coopération Nord-Sud – Expression de la dépendance et l’assistanat

C’est dire des coopérations dont la logique propagée repose sur l’assistanat et la dépendance sous forme de prêts et d’aides liées octroyées par les États et les institutions financières internationales qui grèvent leurs économies, et aggravent leurs taux d’endettement.

Est-il légitime de se baser, en vue de coopérer, sur des critères de moindre résultat en oubliant les situations historiques et présentes passées à l’origine, notamment les siècles de spoliation des richesses non seulement sol et sous-sol, mais également botaniques et animales. De nos jours, l’occident regorge de richesses animales et botaniques datant des périodes coloniales et développées à des fins zoologiques ou réserves de parcs naturels (États-Unis, Allemagne, France…). L’histoire ne s’efface pas, témoin non seulement de la traite des êtres humains de l’Afrique vers les pays occidentaux (Commerce Triangulaire), mais aussi la maltraitance des êtres animaux (la tragique histoire de Fritz l’éléphant) déplacés de leurs milieux naturels et mis en cage dans des espaces artificiels dans des conditions climatiques incompatibles avec celles du continent africain. Rien qu’à des fins morales, les pouvoirs publics occidentaux sont enclins à reconnaître les torts et les errements du passé en vue de cesser de culpabiliser les générations actuelles et futures (sociétés civiles) pour les préjudices d’antan. La montée du racisme est en réalité le résultat d’un héritage historique tendant depuis les périodes de décolonisation à mystifier la réalité des faits commis vis-à-vis des pays qu’on qualifie de sud. La tendance s’est aggravée aveuglément au fil du temps au point d’acculer les pays africains dans la servitude, la subordination et la soumission et cultiver chez l’occidental le pressentiment de supériorité hérité de l’histoire coloniale.

Dans la perspective de perdurer les tendances de la puissance géopolitique, déguisée sous des formes de coopération bilatérale et multilatérale, les artisans de la coopération occidentale évoquent solennellement la volonté d’humaniser les liens avec les pays du continent africain dans des domaines tels que la santé, l’éducation, l’agriculture, la gestion de l’eau, la formation, les échanges commerciaux… Lesdites coopérations humanitaires et de solidarité menées par les acteurs les plus connus (États, institutions régionales et internationales, ONG internationales…) interviennent sur la scène internationale au nom de la mondialisation actuellement en panne en vue de contribuer à la « lutte contre la pauvreté » en Afrique. Des actions humanitaires et de solidarité internationale qu’ils mènent en étroite collaboration avec les élites dirigeantes africaines, qui à leur tour continuent, sans généraliser, à mener leurs pays dans des situations chaotiques et de pauvreté chronique, en contradiction avec le droit sacré des populations africaines au développement humanitaire.

1.2. La coopération « Sud-Sud » – Expression de désunion et de misère ?

Le contexte des pays classés « Sud » souffrant d’insatisfactions et de handicaps en matière de développement, compte des pays-acteurs majoritaires sur la scène internationale dont l’espoir est que la coopération « Sud-Sud » soit une alternative susceptible d’apporter les solutions pragmatiques à leurs crises. Ladite forme de coopération se substitue à celle « Nord-Sud » comme la voie incontournable pour leur développement. La nouvelle coalition tant soutenue par l’ONU et les institutions financières internationales (BIRD, FMI, OMC.) s’est investie sur la scène internationale à la recherche de solutions pragmatiques en mesure, pour des raisons inhérentes à leur politique internationale, d’améliorer leurs capacités économiques, et dans certains cas l’héritage historique et les similitudes culturelles, et de les éclairer sur les voies les plus fiables pour coopérer à des fins de développement. De vains efforts déployés sans succès dans la mesure où le destin voulu au groupe de pays dits Sud n’a fait qu’amplifier la crise persistante et pathologique de leur environnement. Sont-ils victimes de leur passé colonial ayant cédé le relais à l’ère du néo-colonialisme dans ses formes géopolitiques et stratégiques les plus répandues dans les relations internationales ? Ou bien les gouvernances maladroites de leurs dirigeants les conduisant à la panique et l’instabilité, la crise économique, le mépris du social, la pauvreté, l’absence des valeurs démocratiques et la dégradation environnementale ?

Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que les pays de l’hémisphère qu’on désigne « Sud » doublement lésés dans les deux approches « Nord-Sud » et « Sud-Sud » devraient s’unir solidairement au-delà des discours, des déclarations et des intentions, afin d’exaucer les objectifs assignés à leurs politiques publiques de développement. Ils en ont les moyens naturels et humains ainsi que les opportunités offertes pour voler avec leurs propres ailes. Pour ce faire, la vision partenariale et de solidarité basée sur une approche géopolitique interafricaine doit être capable de faire sortir ces pays de la crise confuse qu’ils connaissent ou du moins atténuer ses effets. Elle consisterait à mettre en exergue des pratiques de coopération interétatique et décentralisée selon une approche géographique et spatiale bi-continentale (Afrique-Europe, Afrique-Asie, Afrique-Amérique) se substituant à l’inter-continentalité où s’entremêlent plusieurs acteurs avec des visions reposant sur des intérêts manquant d’homogénéité et de cohérence. L’argument basique de l’approche adoptée repose essentiellement sur la combinaison de plusieurs facteurs homogènes favorisant l’émergence de volontés de coopérer à l’international, à savoir l’histoire, la proximité géographique, la vision économique et environnementale, les soucis et les options similaires pour se développer.

Dans cet ordre d’idées, on recommande une classification des pays basée sur des considérations géopolitiques, des espaces regroupant des pays présentant des traits communs (organisation politico-administrative, économie, culture, richesses naturelles, environnement…) C’est le cas d’espaces connus couramment sous le nom de l’Europe, l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Asie, les Pays scandinaves… On pense que cette approche est plus juste que celle reposant sur des indices économiques – instables – dans le cadre d’espaces géographiques plus étendus et incohérents sur tous les plans (Nord-Sud, Sud-Sud) qui n’ont que la signification de supériorité économique et de puissance géopolitique. D’autant plus lesdits critères servant de base pour recaser telles catégories de pays dans telle classification, sont le résultat de rapports internationaux inégaux ou de plans d’ajustements structurels dictés par des institutions internationales servant les intérêts particuliers de pays en situation de prédominance au sein de l’ordre économique international.

De ce qui précède, l’approche adoptée à l’appui de cette étude retient délibérément les expressions suivantes :

– Coopération Franco-ouest-africaine au lieu de Coopération Nord-Sud ;
– Coopération Interafricaine au lieu de Coopération Sud-Sud ;
– Coopération Décentralisée Partenariale (CDP) entendue dans le sens de coopération décentralisée réfutant tout recours dépassé à l’expression « Jumelage » qui porte en elle-même sa mort.

À vrai dire, les héritages étymologiques servent, tel que dit dans les récits et les vécus, et les mémoires de l’histoire collective des relations internationales, des idéologies géopolitiques et stratégiques déguisées dans les formes les plus diverses et diversifiées de la coopération internationale, qu’elle soit interétatique et/ou laissant propager dans les mêmes vérités des pratiques décentralisées télécommandées et guidées par les États eux-mêmes au nom de la nécessité de préserver leur souveraineté nationale.

L’approche géopolitiquement bi-continentale en matière de coopération aurait le mérite de faciliter et de fidéliser la vision en coopération décentralisée aussi bien pour les Collectivités territoriales, les acteurs étatiques que les ONG internationales et les bailleurs de fonds. Elle aurait aussi l’avantage de véhiculer en parallèle des approches transversales et thématiques plus réalistes et plus négociées permettant de coopérer dans des domaines correspondant aux besoins réels des populations concernées dans l’égalité et la solidarité interrégionale.

2. Définition de la « Coopération Décentralisée » – Facteurs impactant ses significations et portées géopolitiques

2.1. Principaux paramètres d’évolution de la définition : une approche extensive

Historiquement, les relations internationales des collectivités territoriales se sont intensifiées depuis la Seconde Guerre mondiale dans la perspective de prendre des formes développées en fonction de deux facteurs essentiels, d’une part, la nature des relations interétatiques et, d’autre part, les réformes et les évolutions qu’ont connues les systèmes de décentralisation. Ces derniers ont connu momentanément des révisions dictées souvent par la nécessité impérieuse d’adapter les contenus de la décentralisation aux changements politiques, économiques, socioculturels et environnementaux, voire même sécuritaires, des sociétés en question. De ce fait, les législations sans indifférences eu égard aux changements précités ont fait l’objet de mesures de réforme tendant à remodeler et à réadapter la coopération entre collectivités territoriales tenant compte de deux facteurs essentiels, à savoir :

– Le repositionnement de l’État par rapport à la gestion internationale de la chose publique territoriale, notamment les États des pays africains qui demeurent soucieux de l’intérêt à protéger et à sauvegarder leur souveraineté. De ce fait, ils consacrent, à travers les dispositions des lois de la décentralisation régissant la coopération décentralisée, le droit de regard et de contrôle sur les activités de leurs collectivités territoriales à entreprendre, pour raisons de souveraineté, au-delà des frontières nationales ;
– La mobilisation des collectivités territoriales dans les ONG régionales et internationales de coopération décentralisée (CGLU, AIMF, CUF, OVA, CGLUA…) et les associations des Élu(e)s, en vue de débattre les grandes questions de la décentralisation, les ancrages de la démocratie locale, et la coopération-partenariat, comme la voie la plus appropriée pour le transfert du savoir et savoir-faire au bénéfice des collectivités territoriales africaines. Dans cet ordre d’idées, les organismes précités tiennent des rencontres régionales et/ou internationales sous forme de séminaires et forums des autorités régionales et/ou internationales ; donnant ainsi lieu à des déclarations finales comportant des dispositions recommandant à l’ensemble des collectivités territoriales de coopérer au nom de la solidarité internationale et le partage équitable des fruits du développement.

Définie comme étant une plateforme de coopération entre États, Élu(e)s et citoyens, la relation internationale entre collectivités territoriales s’érige en coopération décentralisée citoyenne vue sous l’angle de l’entraide et la solidarité humanitaire internationale. De cette approche, on déduit que la définition de la coopération décentralisée est plus extensive qu’on ne le pense dans la mesure où elle devrait faire allusion à un interventionnisme triptyque, celui de l’État, des collectivités territoriales et de la société civile dans la construction de toute(s) initiative(s) de coopération décentralisée partenariale. C’est pourquoi les législations énoncent des définitions plus ou moins extensives en fonction de la conception qu’ils accordent à ce nouveau fait d’ordre international, et aussi le niveau de maturité et d’évolution du système de décentralisation propre à chaque pays.

Le terme « coopération décentralisée » a fait l’objet d’interprétations de part et d’autre, desquelles émergent des définitions dont le contenu diffère, tenant compte de la vision géopolitique qu’on lui consacre dans les relations internationales. De cette position sont généralement nées des approches qui ne sont pas en fait antinomiques, mais elles se complètent quant à l’identification des acteurs impliqués et les objectifs affichés.

2.2. Significations et portées – Trois approches en complémentarité (Europe, France, Afrique)

2.2.1. Approche Union européenne

En matière de coopération décentralisée, la définition de l’Union Européenne plus extensive est sensiblement différente de celle adoptée par d’autres pays européens. Aux termes de laquelle, la « Coopération décentralisée » désigne tout projet et/ou programme dont la conception et la mise en œuvre impliquent un acteur de la société civile : ONG, pouvoirs publics locaux, coopérative agricole, groupement féminin, syndicat, universités…. etc. De ce fait, la nouvelle politique générale de l’Union Européenne se rapportant à la coopération décentralisée souligne que tout projet ou programme de coopération décentralisée n’implique pas nécessairement la participation d’une collectivité territoriale, le plus important étant le partenaire représentant de la société civile (cf. Commission des Communautés européennes, le règlement [CE] n° 1659/1998 du 17 juillet 1998 relatif à la coopération décentralisée avec le et le dernier règlement 625/2004).

La nécessité d’internationaliser le fait territorial, peu ou assez perceptible par les États et leurs acteurs publics et privés territoriaux, incite à la réflexion profonde en vue de définir la coopération décentralisée et de délimiter ses contours théoriques et pratiques. Dans ses multiples usages de notion et de concept, la coopération décentralisée est-elle une approche ou une démarche ? Quelle soit l’une ou l’autre. Cette forme de coopération décentralisée a pris de l’ampleur depuis sa naissance dans l’espace européen, et ce dans tous les domaines et à tous les niveaux qui s’apparentent aux différentes expériences décentralisatrices. Elle demeure à présent plus européanisée, et plus ancrée dans les rouages de la culture de coopération européenne à travers des programmes lancés par l’Union Européenne impliquant davantage les collectivités territoriales européennes soit entre elles, soit avec d’autres collectivités méditerranéennes, africaines et asiatiques… La coopération décentralisée se développe géopolitiquement beaucoup plus dans les enceintes européennes qu’ailleurs, pour des raisons historiques, géostratégiques et de visions européennes sur les plans, politique, diplomatique, économique, culturel, environnemental et sécuritaire.

2.2.2. Approche française

La définition française plus restrictive par rapport à celle de l’Union européenne, aux termes de laquelle les collectivités territoriales françaises plus actives en coopération décentralisée ont amené les législations françaises à redéfinir ce concept ou notion en vertu d’une double acception à la fois juridique et politique pour le développement.

Sa définition juridique s’apparente stricto sensu à la relation bilatérale de coopération entre des collectivités territoriales appartenant à des territoires plus ou moins éloignés sinon au-delà des frontières de leurs États. La consécration juridique de « l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales » (AECT) par la loi depuis plus de 30 ans, est en réalité l’expression pure et simple de la volonté du législateur français de renforcer et de légitimer l’intervention des collectivités territoriales françaises sur la scène internationale par la voie conventionnelle, en vue de réaliser des projets au bénéfice de leurs homologues africains et étrangers. Ces derniers, confrontés à des situations d’indigence des moyens et de déficit en connaissances, savoir et savoir-faire en gestion de la chose publique locale et régionale, se sont tournés vers leurs homologues français en vue de trouver les solutions les plus adaptées à leurs problématiques de développement, et saisir les opportunités en vue d’épanouir leur diplomatie avec leur partenaire étranger.

Quant à elle la définition politique, elle se réfère à la relation de coopération de territoire à territoire impliquant élus-élus et citoyens-citoyens c’est-à-dire un partenariat tirant ses fondements des principes et valeurs de la citoyenneté mondiale et celles de la démocratie internationale. Elle trouve également ses présences et portées dans la vision géopolitique que la France consacre au continent africain pour en faire l’un des volets de sa politique publique étrangère de coopération interétatique.

2.2.3. L’adhésion africaine à l’héritage euro-français