Éthologie bas-bretonne - Ligaran - E-Book

Éthologie bas-bretonne E-Book

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Extrait : "Il a paru tout récemment dans le journal de Maine-et-Loire, un morceau de littérature ayant pour titre : Essai des mœurs bretonnes. Mais, soit que l'auteur de cet écrit n'ait fait que passer dans quelques localités de la Bretagne, soit qu'il ait vu le jour dans une autre province du royaume, toujours est-il qu'il a été induit en erreur sur certaines coutumes des Bas-Bretons."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Avis aux Bas-Bretons

Si quelqu’un de mes compatriotes, en parcourant ce recueil de mes souvenirs de pays, était tenté de révoquer en doute la vérité de certains faits que j’y signale ; je crois devoir lui faire observer à cet égard que, bien qu’une coutume n’existe point dans le canton qu’on habite, on ne doit pas inférer de là qu’elle n’a pas lieu dans une autre commune du même arrondissement ; ni, à plus forte raison, dans un département limitrophe de celui où l’on réside.

Au reste, ce sera à ceux qui font de fréquents voyages en Basse-Bretagne, de faire connaître si j’ai dit vrai ou non.

Et, après tout, que mes compatriotes ne croient pas que je publie ce petit ouvrage avec intention de les dénigrer. Dieu m’en préserve !

Bas-Bretonne

Il a paru tout récemment dans le journal de Maine-et-Loire, un morceau de littérature ayant pour titre : ESSAI DES MOEURS BRETONNES.

Mais, soit que l’auteur de cet écrit n’ait fait que passer dans quelques localités de la Bretagne, soit qu’il ait vu le jour dans une autre province du royaume, toujours est-il qu’il a été induit en erreur sur certaines coutumes des Bas-Bretons.

Je viens donc, à mon tour, entretenir le lecteur des mœurs de mes compatriotes, et notamment des préjugés et des superstitions dont ils sont encroûtés depuis des siècles, et qu’il serait si facile aux hommes éclairés de mon pays de faire disparaître, avec un peu de bonne volonté.

Pour peindre avec vérité, il faut de l’impartialité et de la franchise. Pour caractériser fidèlement un peuple, il faut être né parmi ce peuple… il faut avoir marché constamment avec lui ; et de plus, il faut parler la langue des habitants de la contrée. Or, je crois réunir chez moi toutes ces qualités.

Né en Bretagne, j’ai vécu 30 ans au milieu des Bretons, j’ai eu leurs préjugés, leurs mœurs, et même leurs superstitions. Narrateur indigène, je puis donc, sans vanité, en parler savamment et en homme bien informé.

J’entre donc en matière et commence par le côté le moins flatteur.

Le Breton, au milieu de ses bois (car la Bretagne est une forêt perpétuelle), le Breton, dis-je, au milieu de ses bocages, et sur l’orée de ses landes étendues et désertes, vit à peu près comme un sauvage, à part son humanité.

Il vit plus près de la nature que les peuples des autres contrées de la France. Il est d’une saleté dégoûtante dans laquelle il semble se complaire. Lorsqu’il a revêtu un habit, il ne le quitte ordinairement qu’au bout de l’an, pour le mettre au blanchissage, ou le nettoyer des vermines qui y ont pullulé et passé plusieurs saisons de l’année.

Sa culotte de toile qu’il appelle lavreck ou bragow se trouve, à force de s’y être essuyé les doigts, enduite d’une glaire nasale, et reluisante comme une giberne d’infanterie.

Il en est de même de son gilet sur lequel il bave continuellement, en fumant sa pipe. Son chapeau de feutre, à fond hémisphérique et à très larges bords, lui dure une dizaine d’années, et le ferait un siècle, s’il pouvait atteindre à cet âge. Les boutons de sa culotte, grands comme des patères, sont d’un métal argenté ou doré. Son chapeau, à force d’avoir été noir a mué et est devenu d’un blanc gris. Il s’en sert souvent, comme d’un vase, pour puiser et Loire aux fontaines. Jamais il ne fit usage de mouchoir de poche : ce serait pour lui un objet de luxe tout à fait superflu. L’index et le pouce en font constamment l’office.

La manière dont il arrange ses cheveux, écœure. Il passe son peigne dans sa bouche, pour l’humecter de salive, et pour mieux les lisser. Son surtout porte habituellement le millésime de l’année où il a été confectionné, et quelquefois le nom du tailleur de village qui l’a bâti. Il ferait facilement une campagne de Moscou, en gros sabots de hêtre, ou de bouleau.

Une paire de souliers qu’il ne porte que les fêtes carillonnées, lui dure un demi-siècle. Il est tel octogénaire en Basse-Bretagne qui ne chaussa jamais de souliers, pas même le jour de ses noces, et qui est allé dans l’autre monde en sabots cloutés ou ferrés.

Chevelure du Bas-Breton

Les hommes attachent un grand prix à leur chevelure dont ils font parade en tout temps, et dont ils prennent le plus grand soin. J’ai vu des paysans bretons porter des cheveux flottants, sur leur large carrure, longs de 2 pieds 1/2. Les femmes ne sont pas aussi idolâtres des leurs. La plus belle chevelure d’une jeune bretonne est souvent sacrifiée pour un fichu de coton, de la plus mince valeur, ou pour quelques quarterons d’épingles, spilieuve.

Tonte des Bas-Bretonnes

Les tondeurs de femmes, en Bretagne, emploient auprès d’elles toutes les ressources de leur charlatanisme pour en obtenir leur blonde ou noire chevelure, et ils ne réussissent que trop à la leur ravir. Ce commerce, indigne d’une fille bien née, est communément réprouvé par son amant, qui l’abandonne dès qu’il a su qu’elle s’est laissé raser la tête ; car alors elle est censée avoir vendu son âme, avec ses cheveux, dène diole ac ène ihuerne, au prince des enfers.

Costume des paysans Bretons

Une sorte d’étoffe appelée bure constitue leur vêtement gothique. Les femmes riches s’habillent de fine écarlate ; mais celles qui ont peu de moyens pécuniaires, se vêtent de beslinge couleur vert-pré ou vert-de-meûnier.

Dans certains cantons, les campagnardes sont accoutrées de la manière la plus bizarre et en même temps de la façon la plus repoussante.

Leur coiffure consiste seulement en une large bande de toile écrue qu’elles ajustent sur leur tête, sans beaucoup de cérémonie, et, qu’on me passe l’expression triviale, comme en revenant de Pontoise.

De loin, et dans leur état d’immobilité, on les prendrait pour de véritables épouvantails. Les femmes, en général, fument leur pipe de terre couleur d’ardoise, qu’elles appellent bonhomme, comme le font de vrais matelots ; et ce, en public comme en particulier.

Elles vont au cabaret (tavarne), tantôt seules, tantôt avec leurs maris, et tantôt avec le premier homme venu, sans que, pour cela, il en résulte rien de désagréable, et que personne s’en formalise.

Cependant de temps à autre on voit des femmes ivres dans les rues, et l’on en rencontre quelquefois de couchées, d’une manière tout à fait indécente, dans les bois ou sur les bords des grands chemins.

La culotte ou lavreck des finistériens, qui leur descend jusqu’au genou, est terminée en bourrelet froncé à grands plis.

Chaque fourreau de la culotte est si ample qu’il pourrait contenir (abstraction faite de la cuisse qui s’y trouve comme perdue), sans exagération, au moins 30 litres de blé. Ses grandes guêtres de toile s’attachent au jarret et au-dessous du genou, avec deux cordons terminés chacun par un gland. Ces guêtres se boutonnent, dans toute leur longueur, d’une vingtaine de petits boutons en plomb, arrondis à la hussarde.

Ainsi équipés les Bas-Bretons ont l’air de tout ce que l’on veut, excepté de français, quoiqu’ils le soient dans toute l’acception du terme. Les vieillards se ceignent les reins d’une ceinture de cuir de bœuf, laquelle a pour ornement une grosse boucle de cuivre ramenée sur le beau milieu du ventre.

Comme ils ne connaissent pas encore l’usage des bretelles ils se servent de cette ceinture, qui ressemble fort à une sangle, pour maintenir leurs hauts-de-chausses : Ceux qui n’ont pas la faculté de se procurer une ceinture, verraient souvent leur culotte à l’envers, ou plutôt tombaient sur leurs mollets, s’ils n’avaient soin de la soutenir continuellement d’une main, ou de la serrer avec une bille ou petit morceau de bois arrondi.

Dans leurs batteries, qui sont assez fréquentes, ils s’en trouvent quelquefois de déculottés, faute de ces précautions. Comme tout le monde le sait, ils se battent à coups de tête jusqu’à ce qu’ils parviennent à s’entre-saisir à bras-le-corps ; car alors commence une lutte pénible et opiniâtre et dont les exercices sont assez compliqués. À forces égales, les deux champions lutteraient une heure sans aucun résultat décisif si, par pitié, quelqu’un des spectateurs ne les séparait de vive force.

Lorsqu’ils se prennent par leurs longs cheveux, il est impossible de leur faire lâcher prise, si on ne les coupe avec des ciseaux.

J’ai vu, une fois, un juge-de-paix de mon pays décharger force coups de canne sur deux combattants, et malgré cette rude correction, ils ne cessaient de se battre. Le battu, s’il n’a un œil ou un membre de moins, va rarement porter plainte devant les tribunaux. Une bouteille de cidre, ou un verre de güine ardente (d’eau-de-vie) les a bientôt réconciliés, sauf, si le cas le requiert, à recommencer le combat au sortir de la taverne.

La couleur favorite de leurs bas est le bleu-foncé, je ne sais à quoi se rapporte cette singulière prédilection.

Les cols de chemise des Bas-Bretons se boutonnent de 3 ou 4 boutons de fil blanc. Les élégants les portent quelquefois brodés. La robe des paysannes s’ouvre sur le sein comme nos gilets à schall. Un beau lacet de couleur la serre tant soit peu, par-dessus une jolie gorgerette de toile fine, unie ou brodée.

Voilà pour les coups de tête, et la toilette.

Mais il n’est pas hors de propos de dire qu’il en est autrement dans les bourgades tant soit peu considérables, où les mœurs s’améliorent sensiblement chaque jour. Il est bon aussi de faire observer que les mœurs et les costumes des villes bretonnes, diffèrent essentiellement de ceux des bourgs et des villages ; et, qu’à quelque chose près, c’est comme dans les grandes cités du royaume.