Hannibal le chainon manquant - David Mazzoni - E-Book

Hannibal le chainon manquant E-Book

David Mazzoni

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<< Surtout, dans le trajet d’Hannibal, il semble exister un « chaînon manquant » à partir d’une « île » jusqu’aux cols vers l’Italie, qu’on aille en direction des Alpes du Nord comme du Sud. Il y a quelque chose qui interroge quand je regarde les différentes et nombreuses hypothèses de parcours proposées, suite à l’île : aucune ne respecte vraiment les indications de distance (en stades romains) données par Polybe.

On le verra, ce chaînon manquant concerne en définitive l’emplacement mystérieux de l’entrée des Alpes.

Cette île que je viens d’évoquer est constituée par la confluence du Rhône et de l’Isère, c’est ce que dit clairement Polybe. Différentes hypothèses situent cette île ailleurs, à la confluence du Rhône et d’autres rivières (Drôme, Saône…), mais la plupart des historiens s’accordent aujourd’hui pour identifier Skaras (le mot grec employé par Polybe) à la rivière actuelle de l’Isère.

Les deux auteurs antiques, dont les textes se rejoignaient à peu près jusqu’à l’île, divergent complètement par la suite. De l’île, Tite Live fait partir Hannibal dans les Alpes du Sud, et Polybe dans les Alpes du Nord. Comme je l’ai dit, si je fais le choix de me tourner résolument vers Polybe, les événements immédiatement ultérieurs à l’épisode de l’île ont une grande chance de se passer près de chez moi, en Isère, dans le Dauphiné.

La recherche peut commencer. J’ai l’audace de penser que je peux trouver ce chaînon manquant, et contribuer à résoudre une énigme vieille de deux millénaires.

Le point de départ géographique à choisir est tout trouvé. Ce sera cette « île », bien sûr.

Voici l’histoire de ma recherche à partir de ce point, commencée un jour de juin 2021. >>


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David Mazzoni

HANNIBALLE CHAÎNONMANQUANT

« […] nous sommes donc tenus de connaître mieux et de façon plus certaine ce que les générations précédentes ignoraient. C’est cet idéal que je m’efforcerai moi-même de réaliser dans mon histoire, quand j’en trouverai une occasion favorable ; et je prierai alors les lecteurs désireux de s’instruire de m’accorder toute leur attention. »

–Polybe, Histoires, Livre III, IIe siècle av. J.-C.

Préambule

Dans la recherche du véritable itinéraire qu’Hannibal Barca a emprunté avec son armée pour traverser les Alpes en 218 av. J.-C. et envahir l’Italie, j’ai longtemps été trompé par mon envie de croire que cet itinéraire passait tout près de chez moi, après avoir franchi la cluse de Voreppe, juste avant Grenoble.

Seulement, après avoir récemment repris cette « quête » plus rigoureusement qu’auparavant, j’ai dû en conclure qu’Hannibal n’avait selon moi pas pu emprunter cette cluse. Pour en arriver là, j’avais désormais choisi une nouvelle démarche, à l’instar d’autres chercheurs, professionnels ou amateurs : suivre l’historien antique Polybe (1) à la lettre. L’aventure commençait. Tite Live (2) viendrait en second, si besoin, pour d’éventuels détails complémentaires.

Je n’ignore pas la difficulté de cette recherche. D’une part, je ne suis ni historien ni archéologue, juste un amateur profane animé d’une passion. D’autre part, cette démarche se doit d’être pluridisciplinaire afin d’être digne de ce nom. En plus de la protohistoire ou de l’archéologie, divers domaines devront être abordés : art militaire, paléohydrologie, paléoclimatologie, anatomie animale. Il y a enfin le risque permanent d’une surinterprétation du texte de Polybe, à qui on ne peut faire dire ce que l’onveut.

Les historiens Polybe et Tite Live sont les deux sources principales de l’épopée d’Hannibal dans les Alpes. J’ai toujours suivi l’avis des experts considérant que Polybe était la clé, faute de mieux, mais avais-je bien lu l’historien ? Si l’observation du terrain peut, quelque part dans cet immense massif, concorder exactement avec les nombreux détails donnés par Polybe, ceci sur toute la traversée des Alpes, alors l’itinéraire éventuellement trouvé aurait de grandes chances d’être le bon. Seulement, peut-on vraiment le trouver ? Ce parcours est-il à jamais perdu, à jamais impossible à deviner ? Tenter quelque chose en vaut la peine, au moins par jeu, d’autant que si l’on suit Polybe, j’habite au bon endroit, en Isère. Je peux donc à ma guise aller prospecter sur place dans tel ou tel coin, en cherchant systématiquement un rapport avec les détails souvent précis du texte antique.

Surtout, dans le trajet d’Hannibal, il semble exister un « chaînon manquant » à partir d’une « île » jusqu’aux cols vers l’Italie, qu’on aille en direction des Alpes du Nord comme du Sud. Il y a quelque chose qui interroge quand je regarde les différentes et nombreuses hypothèses de parcours proposées, suite à l’île : aucune ne respecte vraiment les indications de distance (en stades romains) données par Polybe.

On le verra, ce chaînon manquant concerne en définitive l’emplacement mystérieux de l’entrée des Alpes.

Cette île que je viens d’évoquer est constituée par la confluence du Rhône et de l’Isère, c’est ce que dit clairement Polybe. Différentes hypothèses situent cette île ailleurs, à la confluence du Rhône et d’autres rivières (Drôme, Saône…), mais la plupart des historiens s’accordent aujourd’hui pour identifier Skaras (le mot grec employé par Polybe) à la rivière actuelle de l’Isère.

Les deux auteurs antiques, dont les textes se rejoignaient à peu près jusqu’à l’île, divergent complètement par la suite. De l’île, Tite Live fait partir Hannibal dans les Alpes du Sud, et Polybe dans les Alpes du Nord. Comme je l’ai dit, si je fais le choix de me tourner résolument vers Polybe, les événements immédiatement ultérieurs à l’épisode de l’île ont une grande chance de se passer près de chez moi, en Isère, dans le Dauphiné.

La recherche peut commencer. J’ai l’audace de penser que je peux trouver ce chaînon manquant, et contribuer à résoudre une énigme vieille de deux millénaires.

Le point de départ géographique à choisir est tout trouvé. Ce sera cette « île », biensûr.

Voici l’histoire de ma recherche à partir de ce point, commencée un jour de juin2021.

1— Les distances de Polybe

a) Lettre à Polybe

Cher Polybe,

2200 ans après les faits, je décide de chercher l’itinéraire exact d’Hannibal dans les Alpes. Je me pose en tout premier lieu la question de savoir comment appréhender vos distances en stades romains, que vous donnez dans le Livre III de vos Histoires. Ces distances sont fondamentales, rien n’est possible sans elles. Sont-elles précises, ou simplement des arrondis grossiers ? Vous avez l’air, avec ces chiffres ronds à 200 stades près, d’avoir beaucoup arrondi ces fameuses distances, qui sont ainsi des multiples de 200 stades : 600, 800, 1200, 1400,1600…

Cependant, si on suppose que ces distances sont assez proches de la réalité, c’est d’emblée un vrai casse-tête, pour nous autres des temps modernes, que de donner une valeur précise au stade romain, qui semble avoir varié selon les époques. Je note les travaux d’un certain abbé Barthélémy (3) , pour qui le stade est égal à 184,17 mètres, soit le huitième d’un mille romain, qu’il estime à 1473,38 mètres exactement. Il apparaît que le mille romain a une valeur comprise entre 1473 et 1482 mètres. Qu’en pensez-vous ? Je dois donc considérer une fourchette pour le calcul de vos distances, en prenant ces deux valeurs minimum et maximum.

Bien àvous.

b) 600, 800, 1200, 1400,1600…

Il est tout d’abord étonnant que certains auteurs s’intéressant à l’épopée d’Hannibal considèrent le stade grec de 177,7 mètres et non le stade romain, d’environ 185 mètres. Sur ce point, Polybe est pourtant limpide, en écrivant (III,39) :

« Les Romains ont maintenant mesuré cette route par pieds et soigneusement élevé des bornes de huit en huit stades. »

Il s’agit manifestement bien de stades romains.

Pour la partie située en vallée du Rhône puis dans les Alpes, Polybe fournit trois distances. D’abord, nous avons 600 stades entre le point de franchissement du Rhône et « l’île ». Ce point n’est aujourd’hui plus vraiment contesté. Il s’agit en rive droite de L’Ardoise dans le Gard, et sur la rive gauche en face, du lieu-dit Les Cabanes (commune de Caderousse) dans le Vaucluse (4).

Ensuite, nous avons 800 stades entre l’île et cette mystérieuse « entrée des Alpes », comme écrit l’auteur antique. Nous avons enfin 1200 stades pour la traversée des Alpes proprement dite, entre l’entrée et la sortie du massif. Le point exact de cette sortie reste aussi à déterminer.

200 stades correspondaient à une journée de marche pleno gradu (pas accéléré) d’une armée romaine ou d’un voyageur sur terrain favorable, soit 25 milles romains, ou environ 37 kilomètres (5). Les distances en stades ne mesuraient donc pas que l’espace, elles étaient aussi une indication de temps. Par exemple, parcourir 800 stades correspondait pour les Romains à quatre jours de marche pleno gradu des légions ou des voyageurs, sans difficulté particulière sur le parcours.

De nos jours, lorsqu’on calcule une longue distance à faire à pied, on utilise spontanément, concernant la durée de la marche, des expressions du type « un jour et demi », « presque deux jours », ou « un peu plus de deux jours ». On peut ainsi dire qu’on est à un quart de jour près. Même dans l’éventualité où les distances données par notre historien seraient assez précises, je considère qu’elles semblent être des arrondis. Je fais une extrapolation personnelle et un choix, forcément discutable. Ce choix est de considérer que les distances annoncées par Polybe peuvent avoir une fourchette de plus ou moins cinquante stades (soit 9,2 kilomètres), ce qui équivaut à un quart de jour de marche. Je traiterai donc arbitrairement les distances de Polybe à plus ou moins neuf kilomètres. Je ne peux imaginer que Polybe donne des distances plus précises.

Ainsi, il sera beaucoup question de chiffres. Ma démarche est claire : je veux être au plus près du texte de Polybe, donc au plus près des distances qu’il annonce. En reprenant une valeur moyenne de 1476 mètres pour le mille romain, soit 184,5 mètres pour le stade, on aboutit aux fourchettes suivantes :

600 stades

du point de franchissement du Rhône

(Les Cabanes, Vaucluse) àl’île

entre 101,7 et 119,7 km

800 stades

de l’île à l’entrée desAlpes

entre 138,6 et 156,6 km

1200 stades

de l’entrée à la sortie des Alpes

entre 212,4 et 230,4 km

2— De l’île à l’entrée des Alpes

a) Quel(s) cours d’eau suivre ?

À partir de l’île, Polybe précise selon les différentes traductions que l’armée punique suit le cours de « la rivière », ou du « fleuve », ou du « cours d’eau ». On est au plus près du texte lorsqu’on considère qu’il n’y a pas de pluriel. Je retiens l’hypothèse qu’il s’agit bien, selon toutes les traductions, du même cours d’eau.

Quant à déterminer quel cours d’eau, si Polybe (III, 50) écrit qu’Hannibal, à partir de l’île, « […] avait remonté la rivière pendant dix jours, il avait parcouru environ huit cents stades […] », l’historien nous fournit une indication cruciale bien avant dans son Livre III. En effet, il écrit (III, 39) :

« […] si l’on remonte le fleuve depuis ce point (le point de franchissement du Rhône) jusqu’à l’endroit où l’on commence à gravir les Alpes pour passer en Italie, on en compte quatorze cents (stades). »

L’abbé Claude-Antoine Ducis (6)  écrit en 1868 :

« […] l’armée, après le passage du Rhône, a longé quatre jours le même fleuve, para ton potamon, dont il (Polybe) décrit ensuite les sources et le parallélisme avec les Alpes. Après son intervention chez les Allobroges, Annibal remonta encore pendant dix jours le même fleuve, para ton potamon, comme pour aller vers sa source[…] »

Je me trompais depuis longtemps, à vouloir faire passer Hannibal près de chez moi, à la cluse de Voreppe et le long de l’Isère. Pour être au plus près des écrits de Polybe, je dois considérer ceci : depuis le franchissement du Rhône, Hannibal remonte ce fleuve sur 1400 stades.

Cette remontée le long du Rhône est notamment l’hypothèse d’un certain T. Mommsen(7).

b) 800 stades

Ma démarche est la plus simple possible. Je calcule environ 800 stades, la valeur donnée par Polybe, en longeant au plus près le Rhône. Je prends comme point de départ celui repéré par l’archéologue et historien Guy Barruol (8), et précisé par son confrère Aimé Bocquet (9), à savoir le quartier de Chambons, sur la commune de Châteauneuf-sur-Isère. Nous sommes là près de la ville de Valence.

Face à Chambons, sur l’autre rive de l’Isère (sur l’île) se trouve Beaumont-Monteux. La voie romaine qui longeait la rive gauche du Rhône, la Via Agrippa, passait elle-même par Beaumont-Monteux en s’éloignant quelque peu du cours du grand fleuve. Les confluences de cours d’eau, notamment lorsque ces derniers étaient aussi imposants que l’Isère ou le Rhône, induisaient des zones marécageuses nécessitant un franchissement en amont.

À Beaumont-Monteux, nous sommes dans la Drôme, et c’est manifestement surtout à cet endroit que passaient nos ancêtres pour franchir l’Isère. La rivière se partageait en plusieurs bras dans des méandres, ce qui favorisait la traversée.

Pour ce calcul de 800 stades, je considère arbitrairement que les variations du lit du Rhône, ainsi que les chemins longeant le fleuve, n’ont pas dû beaucoup changer au cours du temps, du moins jusqu’à l’entrée des Alpes. Je suis aidé par l’ancien tracé de la voie romaine Via Agrippa