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Extrait : "Les vents retiennent leur haleine ; le soir est calme et sombre ; aucun zéphyr n'erre dans le bocage ; et moi, je vais revoir la tombe de ma Marguerite, et répandre des fleurs sur la cendre que j'aime. Dans cette étroite cellule repose sa poussière, cette poussière que tant de vie animait naguère ; le Roi des Épouvantements en a fait sa proie ; ni le mérite, ni la beauté, n'ont pu racheter sa vie."
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 161
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335096958
©Ligaran 2015
Virginibus puerisque canto.
HORACE, liv. III, ode 1.
Μἣτ άρ μάλ’άινεε μητε τι νείκει.
HOMÈRE, Iliade, X, 249.
He whistled as he went for want of thought.
À défaut de pensée, il sifflait en marchant.
DRYDEN.
AU TRÈS HONORABLE FRÉDÉRIC, COMTE DE CARLISTE, CHEVALIER DE LA JARRETIÈRE ETC., ETC.
La seconde édition de ces poèmes est dédiée
Par son obligé pupille et affectionné parent
L’AUTEUR.
En soumettant ce recueil au public, je n’ai pas seulement à combattre les difficultés que rencontrant en général ceux qui écrivent en vers ; j’ai encore à craindre qu’on ne m’accuse de présomption pour me poser ainsi devant le public, lorsque je pourrais sans aucun doute, à mon âge, employer plus utilement mon temps.
Ces productions sont le fruit des heures perdues d’un jeune homme qui a depuis peu complété sa dix-neuvième année. Le cachet d’adolescence qu’il est facile d’y reconnaître rendait peut-être inutile cet avis préalable. Quelques-uns de ces petits poèmes ont été écrits sous l’influence défavorable de la maladie et de rabattement. C’est dans la première catégorie qu’il faut ranger en particulier Les Souvenirs d’Enfance. Cette considération ne suffit pas pour justifier l’éloge ; mais elle peut du moins désarmer la censure. La plus grande partie de ce recueil a été livrée à l’impression à la demande de mes amis, et pour leur usage exclusif. Je sais que l’admiration partiale et souvent peu judicieuse d’un cercle d’amis n’est point un bon critérium pour le génie poétique : néanmoins celui qui veut « beaucoup faire » doit « beaucoup oser. » J’ai donc vaincu mes répugnances personnelles et publié ce volume aux risques et périls de ma réputation. C’en est fait, « j’ai passé le Rubicon ; » et, favorable ou non, j’attends mon arrêt. Dans la dernière de ces deux alternatives, je me soumettrai sans murmure ; car, bien que je ne sois pas sans quelque sollicitude pour le sort de ces productions, je n’y attache pas de grandes espérances. Il est probable que j’aurai beaucoup tenté et peu fait : car, selon l’expression de Cowper, « c’est une chose bien différente d’écrire pour plaire à nos amis, qui par cela même qu’ils sont nos amis, sont prévenus en notre faveur, ou d’écrire pour plaire à tout le monde ; car ceux qui ne connaissent pas l’auteur ne se feront pas faute de le critiquer. » Néanmoins je n’admets pas cette assertion dans toute son étendue : au contraire, j’ai la conviction que ces bagatelles ne seront pas traitées avec injustice. Leur mérite, si toutefois elles en ont, sera libéralement reconnu ; d’autre part, leurs nombreux défauts ne peuvent attendre une faveur qui a été déniée à des écrivains d’un âge plus mûr, d’une réputation mieux établie et d’une habileté beaucoup plus grande.
Je n’ai pas visé à une originalité exclusive, et encore moins me suis-je proposé un modèle spécial. On trouvera ici plusieurs traductions qui pour la plupart ne sont que des paraphrases. Dans les pièces originales il pourra de temps à autre se rencontrer des points de coïncidence avec des auteurs dont la lecture m’est familière ; mais je n’ai point commis de plagiat volontaire. Ne rien produire que d’entièrement neuf est une tâche qui, dans une époque si fertile en poêles, exigerait des forces vraiment herculéennes ; car il n’est point de sujet qui n’ait été traité et épuisé. Toutefois la poésie n’est pas ma vocation spéciale : « c’est un péché » que je me suis permis pour apporter quelque distraction aux heures pesantes de mes journées maladives, et pour rompre la monotonie du désœuvrement. C’est là, il faut l’avouer, une source d’inspiration qui ne promet pas grand-chose. D’ailleurs, un vain laurier, quelque futile qu’il puisse être, sera toute la récompense que ces poèmes me vaudront ; et quand ses feuilles seront fanées, je ne chercherai pas à les remplacer, ni à cueillir une seule branche nouvelle dans ces bosquets poétiques où je ne suis réellement qu’un intrus. Bien que dans mon enfance j’aie plus d’une fois foulé d’un pied insouciant les Higlands de l’Écosse, il y a longtemps que je n’ai respiré cet air pur, que je n’ai habité ce sol élevé : je ne puis donc entrer dans la lice avec des bardes qui ont sur moi cet avantage. Mais leurs productions, à eux, leur valent beaucoup de gloire, et souvent beaucoup d’argent tandis que moi j’expierai mon audace sans avoir pour consolation le dernier de ces avantages, et probablement avec une part fort modique du premier. Je laisse à d’autres rirûm volitare per ora. Je m’adresse à ceux pour qui dulce est desipere in loco. Aux premiers j’abandonne de bon cœur l’espoir de l’immortalité, et me contente de l’humble perspective de prendre place « dans la populace des écrivains gentlemen ; » avec le dédommagement peut-être de figurer après ma mort dans le « catalogue des auteurs de sang royal ou nobiliaire, » ouvrage auquel la pairie a plus d’une obligation, en ce sens que beaucoup de noms fort longs, très sonores et passablement antiques échappent par ce moyen à l’obscurité qui couvre malheureusement les productions volumineuses de ceux qui les portent.
C’est donc avec quelque crainte et bien peu d’espoir que je publie ce livre, le premier sorti de ma plume et qui sera le dernier. Une ambition de jeune homme a fait commettre bien des actes plus criminels et aussi absurdes. Ce recueil pourra amuser quelques lecteurs de mon âge ; j’ai du moins la confiance qu’il ne saurait produire du mal. D’après ma position et mes occupations ultérieures, il n’est pas probable que je fasse un nouvel appel au jugement du public ; et lors même que son premier arrêt me serait favorable, je n’aurais nulle envie de me rendre coupable d’une seconde contravention du même genre. Le docteur Johnson a dit quelque part, à propos des poèmes de l’un de mes nobles parents, que « lorsqu’un homme de qualité se fait auteur, il a droit d’attendre que ce qu’il peut y avoir de mérite dans ses œuvres ne soit pas contesté. » Cette opinion ne saurait être d’un grand poids auprès de la critique verbale, et moins encore auprès de la censure périodique ; mais, dans tous les cas, c’est là un privilège dont je ne me prévaudrai jamais, et je préfère les attaques les plus acharnées des critiques anonymes à des éloges qui ne s’adresseraient qu’à mon titre.
Les vents retiennent leur haleine ; le soir est calme et sombre ; aucun zéphyr n’erre dans le bocage ; et moi, je vais revoir la tombe de ma Marguerite, et répandre des fleurs sur la cendre que j’aime.
Dans cette étroite cellule repose sa poussière, cette poussière que tant de vie animait naguère ; le Roi des Épouvantements en a fait sa proie ; ni le mérite, ni la beauté, n’ont pu racheter sa vie.
Oh ! si ce Roi des Épouvantements avait pu se laisser attendrir ! si le Ciel avait réformé son rigoureux décret, celui qui la pleure n’aurait pas de regrets à faire parler ici ; ce n’est pas ici que la Muse raconterait ses vertus.
Mais pourquoi pleurer ? Son âme incomparable a pris son vol par-delà les régions où brille l’astre du jour ; et des anges en pleurs la conduisent vers ces bosquets sacrés où la Vertu est récompensée par des plaisirs sans fin.
Et nous, mortels présomptueux, irons-nous accuser le Ciel et nous élever follement contre la divine Providence ? Ah ! loin de moi des pensées aussi vaines ! – Je ne refuserai point à mon Dieu l’hommage de ma résignation.
Et pourtant il est doux le souvenir de ses vertus ; elle est fraîche et vivante la mémoire de sa beauté. Mes pleurs n’ont point cessé de couler pour elle ; et son image a gardé dans mon cœur sa place accoutumée.
1802.
Que des insensés rient de voir l’amitié entrelacer nos deux noms ; la Vertu a de plus justes droits à l’affection que le Vice opulent et titré.
Bien que la destinée soit inférieure, puisqu’un titre a décoré ma naissance, ne m’envie pas ce brillant avantage ; à toi l’orgueil d’un mérite modeste.
Nos âmes du moins sont de niveau ; ton sort n’a rien dont le mien ait à rougir : le sentiment qui nous lie n’en sera pas moins doux, car le mérite doit tenir lieu de naissance.
Novembre 1802.
En toi j’espérais presser sur mon cœur une amie dont la mort seule pourrait me séparer ; pourquoi faut-il que les efforts malveillants de l’envie t’aient détachée de moi pour toujours ?
Mais, bien qu’elle t’ait arrachée de mon cœur, tu y conserves toujours la place. La vivra ton image jusqu’à ce que ce cœur ait cessé de battre.
Et quand les morts briseront leurs tombeaux, quand la poussière mortelle reprendra une nouvelle vie, c’est sur ton sein que s’appuiera ma tête. Il n’y aurait pas pour moi de ciel où tu ne serais pas.
Février 1805.
Α’στηρ πρίν μέν έλαμπες ἑνι ζωοίσιν ἑώος.
LAERTE.
Ô toi que j’ai tant aimé, toi qui me seras éternellement cher, de combien d’inutiles pleurs j’ai arrosé ta tombe révérée ? Que de gémissements j’ai poussés à ton lit de mort, pendant que tu le déballais dans ta dernière agonie ! Si des larmes avaient pu retarder le tyran dans sa marche, si des gémissements avaient pu détourner sa faux impitoyable, si la jeunesse et la vertu avaient pu obtenir de lui un court délai, et la beauté lui faire oublier sa proie, à ce spectre, tu vivrais encore, charme de mes yeux, aujourd’hui gonflés de pleurs ; tu ferais encore la gloire de ton camarade, les délices de ton ami. Si ton âme plane encore quelquefois sur le lieu où repose ta cendre, tu peux voir gravée dans mon cœur une douleur trop intense pour être exprimée par le ciseau du sculpteur : le marbre ne marque point la place où tu dors de ton dernier sommeil, mais on y voit pleurer des statues vivantes. L’image de la Douleur ne s’incline pas sur ta tombe, mais la Douleur elle-même déplore ta perte prématurée. Ton père pleure en toi le premier ne de sa race ; mais l’affliction d’un père ne saurait égaler la mienne. Nul sans doute n’adoucira ses derniers moments comme l’eût fait la présence ; pourtant d’autres enfants lui restent pour charmer ici-bas ses ennuis. Mais qui te remplacera auprès de moi ? quelle amitié nouvelle effacera ton image ? Aucune ! – Les pleurs d’un père cesseront de couler ; le temps apaisera la douleur d’un frère jeune encore. Tous, hormis un seul, seront consolés ; mais l’amitié gémira solitaire.
1803.
Le jour où la voix d’un père me rappellera au céleste séjour, et où mon âme partira joyeuse ; quand mon ombre voyagera sur l’aile des vents, ou, couverte d’un nuage sombre, descendra sur le flanc de la montagne, oh ! qu’une urne magnifique n’enferme point ma cendre et ne marque point le lieu où la terre retourne à la terre ! Point de longue inscription, point de marbre chargé de mon éloge : que, pour toute épitaphe, on écrive mon nom. S’il faut autre chose pour honorer ma cendre, eh bien ! je ne veux pas d’autre gloire ! Que ce soit là le seul indice du lieu de ma sépulture ! Si cela ne suffit pas pour me rappeler au souvenir des hommes, je consens qu’on m’oublie.
1805.
Pourquoi construis-tu ce manoir, fils des jours à l’aile rapide ? Aujourd’hui tu regardes du faîte de la tour : encore quelques années, et le souffle du désert viendra mugir dans la tour solitaire.
OSSIAN.
Newstead, à travers tes créneaux, les vents mugissent sourdement. Manoir de mes pères, te voilà qui dépéris ; dans tes jardins, que la joie animait naguère, la ciguë et le chardon croissent où fleurissait la rose.
De ces barons couverts de cottes de mailles, qui, fiers de leur vaillance, conduisaient leurs vassaux d’Europe aux plaines de Palestine, il ne reste d’autres vestiges que les écussons et les boucliers que fait résonner le souffle des vents.
La harpe du vieux Robert n’excite plus les cœurs généreux à cueillir la palme des batailles. Jean d’Horistan repose près des tours d’Ascalon ; la mort a fait taire la voix de son ménestrel.
Paul et Hubert dorment aussi dans la vallée de Crécy. Ils tombèrent victimes de leur dévouement à Édouard et à l’Angleterre. Ô mes pères ! vous revivez dans les pleurs de votre patrie ! Ses annales racontent vos combats et votre mort.
À Marston, luttant avec Rupert contre les rebelles, quatre frères arrosèrent de leur sang le champ de bataille. Défenseurs des droits du monarque, ils scellèrent de leur vie leur dévouement à ta royauté.
Adieu, ombres héroïques ! En s’éloignant de la demeure de ses ancêtres, votre descendant vous salue. Sur la rive étrangère ou sur la terre natale, il pensera à votre gloire, et ce souvenir ranimera son courage.
Bien qu’il verse des larmes à cette séparation douloureuse, c’est la nature, et non la crainte, qui les lui fait répandre. Une noble émulation l’accompagnera aux terres lointaines : il ne saurait oublier la gloire de ses pères.
Il chérira le souvenir de cette gloire ; il jure de ne jamais ternir votre renom : comme vous il vivra, ou mourra comme vous. Quand il ne sera plus, puisse-t-il mêler sa cendre à la vôtre !
1805.
« Loin de moi vos artifices séducteurs ! Qu’ils s’adressent à des cœurs simples et les égarent ! Vous sourirez de leur crédulité ; ils pleureront de votre perfidie. »
Aimable et simple fille, ces artifices séducteurs dont tu voudrais garantir ton sexe fragile, n’existent que dans ton imagination : ce sont des fantômes que tu le crées. Va, crois-moi, il n’a nul dessein de te tromper, celui qui ne peut voir sans admiration ta grâce enchanteresse, tes belles formes, tes traits charmants. Jette les yeux sur ton miroir : tu y verras cette élégance que notre sexe loue avec transport, et qui excite l’envie du tien. Celui qui te parle de ta beauté, celui-là ne fait que ce qu’il doit. Ne fuis pas la jeunesse au langage sincère : ce n’est pas de la flatterie, – c’est de la vérité.
Juillet 1804.
Puisque l’heure est à la fin venue où tu dois te séparer de ton amant désolé, puisque notre rêve de félicité a pris fin, encore une douleur, ô mon amie ! et tout sera terminé.
Ah ! moment plein d’amertume que celui où nous nous quittons pour ne plus nous revoir, où celle qui me fut si chère s’arrache à moi, et part pour de lointains rivages !
N’importe ! nous avons passé quelques moments heureux, et il y aura de la joie mêlée à nos larmes quand notre pensée se reportera vers ces tours antiques qui abritèrent notre enfance.
Montés sur leur gothique sommet, nous contemplions le lac, le parc, la vallée ; et maintenant encore, à travers le voile de nos pleurs, nos regards leur adressent un dernier adieu.
À ces campagnes que nous avons tant de fois parcourues, théâtre de nos jeux enfantins ; à ces ombrages où, fatigués de nos excursions, nous nous reposions, ta tête appuyée sur mon sein ;
Pendant que moi je te contemplais d’un œil d’admiration, et j’oubliais d’écarter de ton beau visage l’insecte ailé à qui j’enviais le baiser qu’il posait sur tes yeux endormis.
Vois la petite nacelle peinte dans laquelle, la rame en main, je te promenais sur le lac ; vois aussi l’ormeau qui balance sur le parc son vaste ombrage, et que j’escaladais à ta voix.
Ces temps sont passés. – Plus de joie : tu me quittes, tu quittes cette vallée heureuse ! Ces beaux lieux, je vais désormais être seul à les parcourir. Sans toi, quel charme auront-ils pour moi ?
Ah ! nul, sans l’avoir éprouvé, ne pourra concevoir tout ce qu’il y a d’amertume dans un dernier embrassement, alors que, séparé de tout ce qu’on aimait, on dit au bonheur un long adieu.
Oh ! c’est là le plus douloureux des maux ; c’est là ce qui maintenant humecte nos joues de larmes brûlantes ; c’est le terme final de l’amour, c’est le dernier, le plus tendre adieu.
Chaque fois que je vois les lèvres charmantes, je suis tenté d’y déposer un baiser de flamme ; mais ce bonheur céleste, je rue l’interdis ; ce serait une félicité coupable.
Quand je pense à ce sein éclatant de blancheur, je brûle d’en toucher la neige ; mais ce désir audacieux, je le réprime, de peur de troubler ton repos.
Un regard de ton œil pénétrant me fait palpiter ou d’espoir ou de crainte ; pourtant je cache mon amour, et pourquoi ? – C’est que je veux t’épargner des larmes de douleur.
Jamais je ne t’ai dit mon amour, mais tu n’as que trop vu ma flamme ardente ! Est-ce maintenant que je dois t’entretenir de ma passion, afin de changer en enfer le ciel de ton âme ?
Non, car tu ne peux jamais être à moi ! Jamais l’église ne pourrait sanctionner notre union. Ô mon amie ! tu ne m’appartiendras jamais que par des liens purs et célestes !
Que mon feu se consume donc en secret ! Qu’il se consume ! je te le laisserai ignorer. J’aime mieux mourir que de laisser briller sa lueur criminelle.
Je ne veux point soulager mon cœur torturé en détruisant la paix du tien. Plutôt que de t’infliger un coup aussi cruel, je préfère étouffer en moi toute pensée présomptueuse.
Oui, tes lèvres adorées, pour lesquelles je braverais plus que je n’ose dire, j’en fais le sacrifice. Pour sauver ton honneur et le mien, je le dis maintenant un dernier adieu.
Je renonce à presser sur mon cœur ton sein charmant ; je resterai seul avec mon désespoir : je renonce à les doux embrassements. Ah ! pour les conquérir, je puis m’exposer à tout, hormis à ton déshonneur.
Du moins, tu resteras pure : nulle matrone n’aura le droit de parler de ta honte. Je serai en proie à d’incurables douleurs, mais je ne t’aurai point immolée à l’amour.
Crois-tu donc que j’aie vu sans m’émouvoir les beaux yeux baignés de larmes me supplier de rester ; que j’aie été sourd à les soupirs qui en disaient plus que des paroles n’auraient pu en dire ?
Quelque vive que fût l’affliction qui faisait couler tes larmes, en voyant ainsi se briser nos espérances et notre amour, crois-moi, fille adorée, ce cœur saignait d’une blessure non moins profonde que la tienne.
Mais quand la douleur enflammait nos joues, quand tes lèvres charmantes pressaient les miennes, les pleurs qui coulaient de mes yeux étaient absorbés dans ceux que répandaient les tiens.
Tu ne pouvais sentir ma joue brûlante. Le torrent de tes larmes en avait éteint la flamme ; et lorsque ta langue essayait de parler, ce n’était que par des soupirs qu’elle articulait mon nom.
Et cependant, jeune fille, c’est en vain que nous pleurons, en vain que nous exhalons nos plaintes par des soupirs ; les souvenirs seuls doivent nous rester, et ils ne feront que redoubler nos pleurs.